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Jean-Noël Barrot : « Vladimir Poutine est en échec, militairement, économiquement et politiquement »

Alors que se tient le Forum de Paris sur la paix « où le monde entier se retrouve pour élaborer des solutions » au même moment où les « espaces traditionnels de la diplomatie sont mal en point », notre ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a répondu aux question du journaliste Darius Rochebin pour LCI. Il a défendu une diplomatie de lucidité et de fermeté : une France qui agit, une Europe qui se réveille, et un engagement constant pour la paix et le droit international.

Russie : « Le niveau de la menace augmente »

Face à Vladimir Poutine, Jean-Noël Barrot a appelé à regarder la réalité en face : le chef du Kremlin « réarme la Russie » et consacre « une part très importante de sa richesse nationale à l’effort militaire » pour élargir ses frontières. 

La Russie de Vladimir Poutine ces dernières années a failli à tous ses devoirs parce qu'elle a détourné la responsabilité que lui ont confiée les nations du monde il y a 80 ans au profit d'une aventure coloniale et impérialiste. 

Mais cette course à la puissance ne masque pas l’enlisement du régime : selon lui, « depuis mille jours, la Russie n’a réussi à conquérir qu’1 % du territoire ukrainien », tandis que son économie « s’effondre sous le triple coup de l’effort de guerre, des sanctions et des frappes ukrainiennes ».

Il faut être lucide. Vladimir Poutine est en échec, militairement, économiquement et politiquement. 

Pour le ministre, cette situation appelle un sursaut collectif plutôt qu’une fébrilité. « Aucune fébrilité, un réveil », insiste-t-il, en soulignant que « les Européens ont décidé, dans le cadre de l’OTAN, de relever leur niveau de dépense militaire » et que « l’Union européenne consacre désormais 125 milliards d’euros à la défense ». Un réveil européen, survenu après le réveil français puisque notre pays réalisait déjà un « effort de relèvement de leurs dépenses militaires » depuis plusieurs années, qui permettra notre sécurité collective, assure Jean-Noël Barrot.

L'objectif pour les Européens aujourd'hui, c'est de rétablir la dissuasion, c'est-à-dire rétablir le bon niveau de défense pour écarter les menaces. 

Un mouvement qui s’inscrit dans la continuité de l’histoire européenne : « C’est au Quai d’Orsay qu’a été initiée la construction européenne. Unis, nous étions plus forts, et cela nous a garanti huit décennies de paix. Nous ne nous laisserons pas intimider. »

Plus précisément sur la guerre en Ukraine, notre ministre a salué les sanctions prises par l'Union européenne et les États-Unis contre Vladimir Poutine. Il continue d'appeler à un cessez-le-feu le plus rapidement possible, déjà consenti depuis mars par les ukrainiens, avant « que des discussions puissent s'engager ». 

Algérie : « La relation était gelée »

Sur le dossier algérien, Jean-Noël Barrot n’a pas cherché à masquer les difficultés. Il a rappelé que la période récente avait été « marquée par des tensions graves » liées à la « détention sans fondement de deux compatriotes », Boualem Sansal et Christophe Gleizes, mais aussi par « les expulsions brutales de nos agents et l’arrêt de la coopération migratoire et sécuritaire ».

Dans ce contexte, Paris reste ouverte au dialogue, mais à ses conditions. « Nous avons marqué à de nombreuses reprises notre disposition à un dialogue exigeant sur les sujets qui touchent à l’intérêt de la France et des Français », a expliqué le ministre, tout en regrettant que « pour un dialogue, il faut être deux, et pour l’instant, nous n’avons pas eu de répondant ».

Nos intérêts restent les mêmes : la libération de nos compatriotes, la reprise d'une coopération exigeante sur le plan migratoire, la coopération en matière sécuritaire, et puis sans doute les questions diplomatiques et consulaires.

Derrière cette prudence diplomatique, la position est claire : la France défend la coopération régionale, la lutte contre le terrorisme et la protection de ses ressortissants, sans céder sur ses principes.

Donald Trump : « Les Etats-Unis se sont affranchis des règles du droit international »

Interrogé sur les frappes américaines visant des narcotrafiquants dans le Pacifique qui ont fait plusieurs dizaines de morts, Jean-Noël Barrot a fait part de sa vive préoccupation face à une puissance qui « s’affranchit des règles du droit international, du droit de la mer, » dans une zone « où la France est présente ». Cependant, il reste conscient du « développement considérable du narcotrafic et de la criminalité organisée » sur les territoires d'outre-mer.

À ses yeux, ce type d’initiative unilatérale illustre les dangers d’une diplomatie de la force : 

Le droit international, ce n’est pas du procéduralisme, c’est ce qui évite que s’engagent des escalades dont on ne sait pas jusqu’où elles peuvent aller.

Le ministre a tenu à rappeler la méthode française, à la fois ferme et respectueuse du droit : « Regardez ce qui s’est passé au large de Madère : c’est un bâtiment français qui a arraisonné un navire transportant des stupéfiants. Nous savons employer des moyens lorsqu’ils sont nécessaires. »

Proche-Orient : « La France veut que le plan de paix soit une réussite »

Au Proche-Orient, Jean-Noël Barrot a rappelé le rôle moteur de la France dans les initiatives diplomatiques récentes comme la reconnaissance de l’État de Palestine qui « a ouvert la voie au plan de paix présenté par les États-Unis » entre Israël et Gaza. Ce plan, la France veut désormais « qu’il soit une réussite », notamment à travers l’organisation d’une conférence internationale sur la reconstruction de Gaza avec l’Égypte et les États-Unis « dans quelques semaines ».

Nous travaillons en ce moment même, aux Nations Unies, avec les équipes américaines, pour que le mandat soit donné à une force internationale de stabilisation qui va permettre de sécuriser Gaza. 

En conclusion de l'entretien, notre ministre est interrogé sur l'actuel examen par les parlementaires du budget de la France. Il annonce que son ministère contribuera à l'effort demandé pour assainir nos finances publiques dont dépend « notre poids à l'extérieur » : 

Le budget du Quai d’Orsay était de 6 milliards d’euros l’an dernier ; je défendrai une réduction de 400 millions cette année.

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