François Bayrou, invité du Forum Radio J de Frédéric Haziza

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité dans Forum Radio J de Frédéric Haziza ce dimanche 9 octobre à 14h10.

Guerre en Ukraine, réforme des retraites, 49.3,  situation des femmes iraniennes  : François Bayrou répondait aux questions de Frédéric Haziza.

Ukraine : « Un basculement »

« Ce que l'on est en train de vivre, personne ne l'aurait prévu il y a encore 6 mois » : François Bayrou décrit le renversement de rapport de force et les faiblesses de l’armée russe.

Il ajoute néanmoins que  « les menaces de Poutine doivent être prises au sérieux. On a vu l'effet de ces menaces contre l'Ukraine alors que beaucoup, de Mélenchon à Zemmour, annoncaient qu'il n'y aurait pas d'attaque et que c'était de la propagande américaine. » 

Retraites : « Garantir que des situations différentes obtiendront un traitement différent »

Le Président du Mouvement Démocrate a affirmé dimanche  : « Je pense que la question des retraites n'est pas une question uniquement budgétaire : la question des retraites, c'est un projet de société ».

François Bayrou a précisé qu’il fallait prendre compte la pénibilité de certaines professions : « Des femmes et des hommes sont usés, tout le monde ne peut pas partir au même âge », tandis que d’autres personnes qui sont en pleine forme ont l’envie de continuer à travailler. Il faut donc pour celles-ci « une incitation à travailler plus longtemps, et des incitations favorables, positives, ressenties comme telles. »

Il a insisté également sur l'importance d'expliquer le projet de réforme à l'opinion publique :

Je crois beaucoup à la nécessité de prendre le temps de préciser les raisons qui rendent indispensable la réforme des retraites, notamment aux yeux de l'opinion publique

49.3 : « Le 49.3, c'est une arme institutionnelle classique » 

« Tous ceux qui disent que le 49.3 est un abus sont à côté de la plaque institutionnelle » : François Bayrou rappelle que le 49.3 est une arme institutionnelle que « les gouvernements ont à leur disposition lorsqu'ils n'ont pas de majorité ».

Maintenant au delà de l'utilisation potentielle du 49.3, le Président du Mouvement Démocrate affirme que la majorité cherchera avant tout à faire avancer les débats parlementaires :

Le gouvernement et la majorité vont faire tout ce qu'ils peuvent pour trouver le plus d'accords possibles pour démontrer leur bonne foi aux Français, qui sont les vrais juges de ce qui se passe. 

Iran : « Les femmes iraniennes nous donnent une leçon de courage incroyable » 

« Les femmes iraniennes nous donnent une leçon de courage incroyable en se battant alors qu'elles savent que le régime peut les tuer. Mais elle disent : « si on sort assez nombreuses, le régime ne sera pas assez fort pour nous tuer toutes. » : c’est en ces termes que François Bayrou décrit le courage des femmes en Iran, tout en rappelant la situation dramatique que vivent les femmes en Afghanistan.

Les femmes, les jeunes femmes, les jeunes filles et les petites-filles qui sont empêchées de sortir, de faire des études par des régimes fanatiques et dont le fanatisme est barbare.

Retranscription de l'entretien

Bonjour François Bayrou

Bonjour.

Guerre en Ukraine, crise de l'énergie, enjeu climatique, inflation record, incertitude économique. Comment, dans un contexte aussi incertain, rassurer les Français, répondre à leurs inquiétudes en matière de pouvoir d'achat et aussi préserver le modèle français ?

La droite réclame des économies, la gauche veut taxer les riches et les superprofits. Comment faire adopter le budget 2023 sans passer par le 49.3 et, au-delà, quid des réformes à venir, notamment celles des retraites ?

Mais pour commencer, François Bayrou, l’Ukraine. L'actualité en Ukraine, cette guerre de Poutine en Ukraine. Est-ce que l'explosion sur le pont de Crimée, symbole du rattachement de la Russie à la Crimée change la donne ? Est-ce que cela peut avoir une influence sur la suite du conflit ?

Ce que l'on est en train de vivre, d'abord personne ne l'aurait prévu il y a encore 6 mois. Cette espèce de basculement de l'idée d'une armée surpuissante, une des plus puissantes armées de terre de la planète s'attaquant à un pays de taille moyenne pour l'annexer, et voir la résistance se constituer autour de l'idée nationale, la première fois depuis longtemps en Ukraine, et voir que cette résistance finit par avancer, finit par renverser le rapport de force, découvrir les faiblesses de l'armée russe, tout cela est un basculement.

Un basculement, est-ce un avantage qui va se révéler tout à fait important pour l'Ukraine ? Est-ce que l'Ukraine peut gagner la guerre, est-ce que Poutine peut perdre sa guerre ?

Je répète, poser la question aujourd'hui en octobre 2022 en ces termes, si on avait entendu cela il y a encore 6 ou 7 mois, cela aurait été considéré comme rêverie.

Oui, quelque chose se passe qui est très important, qui sera étudié, je n'en doute pas, dans toutes les académies militaires stratégiques, quelque chose a profondément changé et les images que l'on découvre et les décisions que Poutine prend. Vous avez vu qu'il a changé le chef d'État-major ou en tout cas le responsable militaire de cette attaque de cette opération, comme ils disent, quelque chose est en train de changer.

Et ce qui apparaît aujourd'hui, sur chaque page que l'on tourne et que l'on lit, ce sont les faiblesses russes et les faiblesses d'images que l'on ne pensait pas revoir qui ont 50, 60, 70, 80 ans avec les soldats russes dont on s'aperçoit qu'ils n'ont pas les équipements minimaux, les chaussures, les chaussettes, enfin tout ce qui fait qu'une armée peut agir, peut se montrer forte.

Il n'y a pas cette guerre de légitimité, y compris j'en suis sûr aux yeux des soldats russes et aux yeux des officiers russes, il n'y a pas de légitimité.

Et aux yeux des parents qui perdent leurs enfants.

Bien sûr et, en revanche, se sont constituées cette armée le patriotisme ukrainien et la volonté ukrainienne de retrouver la souveraineté.

Faut-il prendre au sérieux la menace nucléaire de Poutine ? Est-ce que pour vous c'est un barbare, un dictateur, quelqu'un avec qui il faut négocier ou quelqu’un qu’il faut mettre au ban des nations ? Est-ce un régime qu'il faut contribuer à faire tomber ?

Est-ce qu’il faut prendre au sérieux les menaces de Poutine ? Oui, il faut prendre au sérieux les menaces.

On a vu à quel point Poutine, en articulant des menaces contre la souveraineté ukrainienne, alors que des esprits nombreux disaient : « jamais il n'attaquera, vous n'y pensez pas, ce n'est même pas envisageable » et vous voyez les visages en France…

Y compris Emmanuel Macron.

Non, jamais je puis attester que jamais le Président de la République n'a pensé qu'il n'attaquerait pas.

Il a toujours pensé que c'était un risque, mais vous connaissez les leaders nombreux, de Mélenchon à Zemmour qui ont annoncé urbi et orbi qu'il n'y aurait aucune attaque, que ce n'était même pas envisageable, que c'était de la propagande américaine.

Faut-il contribuer à faire tomber le régime de Poutine ?

L'Europe et la France ne vont pas s'immiscer dans les affaires intérieures de la Russie, mais vous voyez bien qu’un tyran qui déclenche une guerre pour conquérir le pays voisin et qui se fait repousser, non seulement repousser, mais à bien des égards humilier dans cette confrontation, celui-là se retrouve extrêmement fragile aux yeux de ses propres partisans. Et c'est toujours de l'intérieur que viennent les déstabilisations. Ce n'est pas de l'extérieur.

Je pense qu'affirmer que l'on devrait envisager des opérations extérieures serait une très grave imprudence contreproductive, y compris pour tous ceux en Russie qui se disent que Poutine, ce n'est pas l'avenir de la Russie et qu'il les a entraînés dans une aventure qu'ils vont payer très cher.

Le prix Nobel de la paix pour ces trois organisations pour la paix contre Poutine, pour les droits de l'homme ?

C'est un signe, bien sûr.

Vous parlez de la France. En France, le camp pro Poutine ne faiblit pas, à l'extrême-droite, mais aussi à LFI à travers une position à géométrie variable de Jean-Luc Mélenchon, un jour qui accuse l'OTAN, un jour Poutine et le suivant Zelenski et il y a aussi Ségolène Royal que vous connaissez bien qui met en doute certains crimes de guerre de la Russie en Ukraine.

Qu'est-ce que cela vous inspire ? Est-ce qu’il y a une cinquième colonne pro Poutine en France ?

Je ne dirai pas les choses comme cela.

Il y a traditionnellement en France une vision historiquement fondée, et que je ne rejette pas, qui est de dire que la Russie est un partenaire de l'Union européenne. Et la Russie est, pour la France, un partenaire historique. Nous avons, avec la Russie, partagé bien des enjeux historiques au travers du millénaire qui vient de s'écouler.

Bien sûr que la Russie est, à bien des égards, européenne et bien sûr qu'un jour on peut espérer que de nouvelles autorités russes seront pour les autorités européennes, et singulièrement pour les autorités françaises, des partenaires avec qui on pourra faire quelque chose.

Mais confondre ce destin historique et cette obligation de respect des liens historiques avec Poutine, alors, c'est ne pas comprendre et ne pas voir que Poutine est un dévoiement, que Poutine est et aura été pour la Russie ces dernières années un malheur épouvantable car tout d'un coup, à la fois, il a révélé les faiblesses et il a mis son pays dans une situation d'extrême fragilité, ce qui est le lot des tyrans assez souvent ou le plus souvent ou même toujours lorsqu'ils sont entraînés par ce que les Grecs appelaient Hubris, c'est-à-dire ne plus voir la réalité et ne plus imaginer le monde qu'au travers de sa propre gloire.

Quel regard portez sur la situation en Iran, sur ces femmes qui, au péril de leur vie, se révoltent contre le port du voile et contre le régime Islamiste ?

Je trouve qu'il y a peu d'images aussi émouvantes et aussi significatives que celles que nous découvrons avec cette révolte des jeunes femmes qui brandissent leur voile enlevé comme un étendard de liberté.

Je trouve que nous sommes profondément impliqués avec elles et, s'agissant des femmes iraniennes, je n'oublie pas non plus les femmes Afghanes qui, elles, sont encore dans leur prison, les femmes, les jeunes femmes, les jeunes filles et les petites-filles qui sont empêchées de sortir, de faire des études par des régimes fanatiques et dont le fanatisme est barbare.

Vous parlez aussi bien de l'Iran que de l'Afghanistan et que d'autres pays, d'ailleurs.

Oui, mais ces deux pays-là sont aujourd'hui en première ligne et les femmes iraniennes nous donnent une leçon de courage incroyable car elles sortent en sachant que l'on peut les tuer, en sachant que le régime peut les tuer, mais elles disent : « si on sort assez nombreuses, le régime ne sera pas assez fort pour nous tuer toutes. »

Quand vous constatez qu'en Iran ces femmes se battent jusqu'à en payer de leur vie pour avoir le droit de ne pas porter le voile et qu'en France le port du voile est devenu une revendication des Islamistes, mais aussi d’un certain nombre de militantes féministes, voire de partis de gauche, qu'est-ce que cela vous inspire ?

Vous savez, c'est moi qui ai interdit le voile à l'école.

Quand vous étiez ministre de l'Éducation nationale.

J'ai absolument le souvenir des polémiques qu'il y a eues sur ce sujet.

Cela remonte à une trentaine d’années.

C'est 1994. Vous voyez bien de quoi il s'agissait, c'était un étendard pour affirmer que la loi de la religion était plus importante que la loi du pays.

C'est drôle d'ailleurs car une des jeunes femmes qui m'a aidé à être médiatrice sur ces histoires de voile, c'est Rachida Dati. C'était la première responsabilité qu'elle assumait. Elle le rappelle toujours d'ailleurs avec émotion. Et donc, ce combat-là, entre ceux qui veulent que la loi de la religion soit plus importante que toutes les autres lois et ceux qui au contraire défendent, notamment à l'école, la loi des institutions et les valeurs de la République supérieures à tout autre valeur que l'on peut personnellement adopter, évidemment c'est aujourd'hui d'actualité aussi.

Et voir le combat des femmes en Iran, je suis persuadé que cela trouble profondément un certain nombre de celles qui sont engagées dans ce dilemme-là.

Puisque vous parlez de ce qui se passe à l'école, on va préciser les choses, il y a une énième offensive des mouvements fréristes et salafistes pour déstabiliser les écoles publiques en incitant les élèves via les réseaux sociaux notamment à porter des vêtements religieux, à imposer un certain nombre de pratiques cultuelles au sein des établissements scolaires : prières, jeun, collectif, chantage envers les élèves considérés comme non-conformes.

Vous avez été ministres de l'Éducation nationale, vous avez aussi été professeur.

Faut-il prendre cette offensive au sérieux et comment faut-il y répondre ?

Il faut faire très attention à ne pas créer des problèmes en affirmant qu’on va les résoudre.

Il faut les constater en tout cas.

L'ouverture de fronts successifs, c'est aussi une manière de constamment crisper les rapports à l'intérieur du pays et donc je pense qu'en tout cas ces offensives dont vous parlez pour l'instant n’ont pas la portée qui devrait en faire un débat national.

Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, l’école est en danger, la laïcité est en danger ou pas ?

La laïcité est en danger tous les jours et le drame que l'on a vécu avec l'assassinat de Samuel Paty et ce qu'a été l'émotion intense, la vague d'émotion de la nation, y compris avec le très beau discours du Président de la République, tout cela a contribué à faire un barrage de plus aux attaques contre la laïcité.

Pour nous, qui sommes citoyens, démocrates et républicains, c'est une ligne de partage.

Nous avons vécu ce jour-là jusqu’où pouvait mener le drame, le fanatisme et l'absurdité….

Et la haine.

Oui, tout cela conduit à la haine.

Vous voyez bien nous sommes dans une société qui, à tous les tournants de la route, se trouve menacée d'être jetée dans le fossé des détestations et des haines.

Et c'est un but en soi, qu'il y ait des courants philosophiques et politiques qui disent : nous ne nous laisserons pas entraîner dans ce chemin-là. Il se trouve cependant que, dans la nature humaine, il y a cela et donc la vigilance armée, moralement armée, le réarmement moral en face de ce genre de risque et de pente est quelque chose dont nous avons, vous et nous, comme citoyens, la responsabilité.

Je voulais que l'on parle aussi de l'Arménie.

Le 13 septembre dernier, l'Azerbaïdjan lancé une nouvelle offensive armée contre la République d'Arménie, envahissant son territoire et bombardant des populations civiles. Face à cette agression puisqu’il s’agit d’une agression, comment la France peut-elle et comment la France doit-elle s'engager aux côtés de l'Arménie ?

Est-ce qu’elle devrait s'engager plus ?

D'abord en étant lucide, car vous dites Azerbaïdjanla Turquie qui est derrière cette offensive.

Et la Turquie qui à 107 ans a été à l’origine du premier génocide du XXe siècle….

Génocide reconnu par la loi en France.

La France a, avec l'Arménie, des liens indéfectibles. C'est l'histoire, et ce n'est pas seulement l'histoire c'est la présence de la sensibilité arménienne dans la société française. C'est leur présence, leurs vibrations, si je puis employer des mots comme cela, qui sont infiniment précieuses, pas seulement pour l'Arménie, le souvenir arménien, mais pour notre réalité nationale.

Leur engagement pour la France pour les valeurs de la République.

Leur engagement pour la France et notre engagement pour l'amitié avec l'Arménie, pas seulement l'amitié, l'irréductible engagement pour que l'on n'efface pas ce que leur histoire tragique a été.

Donc, pour l’Arménie, est-ce que la France devrait faire plus ?

Je pense qu'elle fait absolument tout ce qu’elle peut.

Retour en France, aux questions franco-françaises au débat franco-français avec le début du débat budgétaire demain au parlement. La droite réclame des économies, la gauche veut taxer les riches et les superprofits.

Est-ce que la majorité doit céder ? Est-ce que le 49.3 est inévitable pour faire adopter le budget ?

Le 49.3, c'est une arme institutionnelle classique.

Tous ceux qui disent que le 49.3 est un abus sont à côté de la plaque institutionnelle.

Un abus pour tout ? Y compris pour les retraites ?

Y compris pour les retraites. Le 49.3 est une arme institutionnelle que les gouvernements ont à leur disposition lorsqu'ils n'ont pas de majorité et qu'ils savent cependant que, dans les oppositions, il n'y aura pas d'accord pour renverser le gouvernement, et donc pour aller à de nouvelles élections car le lien entre les deux en Vème République est automatique.

Donc c'est une arme institutionnelle et je sais qu'ici ou là on dit que ce n'est pas possible, que c'est un abus, que c'est trop.

On le dit depuis des dizaines d’années, depuis le début de la Vème République.

Je ne partage pas ce sentiment. J’ai le souvenir que Michel Rocard avait utilisé des dizaines de fois le 49.3. Maintenant, on ne peut plus.

Enfin, une fois par an quand c'est un texte hors budget.

Oui, sauf pour les textes budgétaires.

C'est une arme. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi on l'avait limitée. Je n'ai pas voté cette réforme constitutionnelle pour deux ou trois raisons, mais celle-là en était une. Et donc le 49.3, oui, bien sûr, on peut l'utiliser.

On nous dit qu'il peut l'utiliser la semaine prochaine. Vous confirmez ?

Non, je pense que le gouvernement et la majorité vont faire tout ce qu'ils peuvent pour trouver le plus d'accords possibles pour démontrer aux Français parce que ce qui compte dans cette affaire, ce n'est pas les partis politiques, ce n'est pas les oppositions, ce n'est pas les groupes politiques à l'Assemblée, ce sont les Français qui sont de l'autre côté de l'écran de télévision, qui sont les vrais juges de ce qui se passe, et notamment les vrais juges d’une question qui est essentielle et que l’on va retrouver, je suis sûr dans la suite de cet entretien, c'est la bonne foi.

Est-ce que les Français entendent et sentent que, de la part des gouvernants, il y a une démarche de bonne foi ?

Bonne foi, cela veut dire débattre avec les oppositions autour du budget.

Oui, absolument, et pas seulement autour du budget.

Oui, mais là on parle du budget et ne pas stopper le débat budgétaire tout de suite, c’est-à-dire la semaine prochaine.

Je pense qu'il y a du bon à trouver dans la recherche d'un certain nombre de constats qui peuvent réunir ceux qui sont aux prises dans l'hémicycle, et au de-là.

Bonne foi. Édouard Philippe qui s'exprime aujourd'hui dans le Parisien considère qu'il faut faire davantage pour réduire la dette publique.

Êtes-vous comme lui inquiet concernant la maîtrise de la dette ?

Comment ne le serai-je pas ?

Cela fait des années que vous le dites.

Je me suis battu toute la vie sur ce sujet-là. Simplement, on a été dans une situation qui était plus accommodante, car on a vécu pendant une grande période avec de l'argent à 0 % et avec l'injonction de sauver les familles, les entreprises, notre économie et notre vie sociale parce que le Covid pouvait tout d'un coup nous plonger dans une crise énorme.

Et, là, les taux d'intérêt augmentent.

Hélas, nous sommes entrés dans une période d'inflation.

On a oublié en France depuis très longtemps ce que l'inflation pouvait être, on l'a oublié depuis le milieu des années 70 et on découvre aujourd’hui à quel point l'inflation…

Depuis les années Giscard.

… est une course en avant qui fait une surenchère perpétuelle.

Un poison ?

Un poison pour un certain nombre de Français, un poison, tout le monde le sait, pour les épargnants, mais ce n'est pas l'essentiel. Un poison parce que c'est un orage qui crée une instabilité concrète.

Une bombe à fragmentation.

Une instabilité complète pour tous les décideurs économiques.

Est-ce que se pose après le problème l'augmentation des salaires ou pas ?

Quand vous êtes un décideur économique, qu’est-ce qui vous fait prendre une décision d'investissement par exemple, ou d'augmentation, ou de créer un nouveau produit ?

Qu'est-ce qui vous fait prendre cette décision ? C'est ce que les économistes appellent les anticipations. Vous vous dites : est-ce que demain cela va aller mieux qu'aujourd'hui ? Donc si l'activité augmente, si j'investis, je vais gagner de l'argent.

Et, là, on ne sait plus.

Et, là, on ne sait plus et l'incertitude est le pire ennemi des décisions économiques et d'une économie puissante.

Incertitude peut-être aussi au niveau des retraites.

Édouard Philippe, toujours lui, exhorte Le Parisien : le gouvernement a bougé beaucoup sur les retraites, et il affirme aussi qu'il est favorable au report de l'âge légal entre 65 et 67 ans, comme c'est le cas en Allemagne et en Italie.

Est-ce un ballon d'essai pour le compte d’Emmanuel Macron ?

Non, pas que je sache. Comme vous voyez bien il y a des attitudes différentes dans la majorité.

J'ai, depuis le début, indiqué les différences, les divergences ou les nuances que j'avais sur ce sujet-là.

Je pense que la question des retraites n'est pas une question uniquement budgétaire.

La question des, retraites c'est un projet de société. Tous ceux qui sont au travail ont une idée de la retraite. Elle peut être différente. Par exemple, il y a des gens qui sont en pleine forme, il y a des familles recomposées, il y a des jeunes enfants et il y a beaucoup de gens, femmes et hommes, qui, se sentant en pleine forme et ayant ces charges-là, ont l’envie de continuer à travailler.

Ils rencontrent assez souvent un problème, c'est que les entreprises ne gardent pas ceux qui sont le plus avancés en âge parce qu'ils coûtent plus cher que des plus jeunes, et c'est une question qu'Olivier Dussopt pose dans une interview ce matin, il est très juste de poser cette question.

Il y a des gens qui sont usés, il y a des femmes et des hommes qui sont usés.

Donc, c’est le problème notamment de la pénibilité.

Je ne quitte jamais de la pensée… Je suis, comme vous savez, maire de Pau et, à Pau, comme dans toutes les villes importantes, il y a ce que l'on appelle un CCAS qui s'occupe de la prise en charge de tous les gens qui ont de graves difficultés.

Je sais ce qu'est la vie de ces - j'allais dire de ces femmes et de ces hommes - c'est plus souvent des femmes, qui ont la charge du soin, à ceux qui sont dépendants, grabataires, qu'il faut lever, ce sont des personnes assez souvent lourdes pour des constitutions frêles de la part de celles qui les aident.

Moi, je ne crois pas que l'on puisse mettre une norme unique sur des situations différentes.

Je pense qu'il est très important de mettre sur la question des retraites naturellement une incitation à travailler plus longtemps, et des incitations favorables, positives, ressenties comme telles.

Des bonus par exemple ?

Oui, j'ai avancé l'idée, vous le savez, que l'on pourrait encourager les gens à travailler plus longtemps si on leur donnait, pendant qu’ils travaillent, les années qu'ils décident de prolonger, ou si on leur versait une partie de leur retraite, 10 % par exemple de la retraite ou 15 %.

Cela pourrait changer beaucoup de choses, car le travail serait récompensé. Mais il faut changer la psychologie des entreprises il faut considérer que ce n'est pas parce que quelqu'un a plus de 60 ans, mettons, qu'il est une charge, car ce n’est pas vrai.

Cela peut être un atout.

Cela devrait être un atout et en particulier pour cette question de la transmission du savoir-faire, de la transmission de l'état d'esprit et un lien entre les générations.

Je reviens à ma question sur Édouard Philippe. En parlant de départ à la retraite de 65 à 67 ans, est-ce qu’Édouard Philippe met de l’huile sur le feu ? Est-ce qu’il met la réforme en danger comme cela avait été le cas en 2020 quand il était Premier ministre ?

C'est sa conviction.

Est-ce qu’il met de l'huile sur le feu ?

Je ne partage pas cette idée que le seul avenir des retraites, ce soit de porter l'âge légal de la retraite à 67 ans. Je ne le crois pas, même si Édouard Philippe dit : mais les Allemands l'ont fait et les Italiens l'ont fait.

Encore faudrait-il vérifier ce qu'est la réalité sociale que ces décisions ont fait prendre.

Mais, moi, je pense au contraire que, plus on met de souplesse, à condition d'obtenir l'objectif d’un plus grand nombre de seniors au travail, c'est-à-dire d'un allongement réel du temps de travail moyen, plus on met de souplesse et mieux c'est et moins c'est rejeté car chacun, tout d'un coup, se sent libre par rapport à ce qu'autrement il pourrait ressentir comme une contrainte excessive.

Vous disiez il y a un instant : ce n'est pas un ballon d'essai pour le compte d’Emmanuel Macron.

Non, j'en ai la conviction.

Il vous a peut-être dit comment il conçoit la réforme des retraites, je suppose.

Est-ce qu’Emmanuel Macron peut aller dans le sens d'un départ à la retraite à 67 ans ou est-ce que le fait que son ancien Premier Ministre le dise cela l'embarrasse quelque part ?

Je suis persuadé que ce n'est pas son idée.

Il a dit pendant la campagne électorale qu'il était souple pour cette affaire de l'âge.

Il a parlé de 65 ans.

Non, il a parlé d’abord de 65 et, après, de 64.

Et il reparle de 65 ans maintenant, 2031.

Je suis persuadé que ce n'est pas son idée, en tout cas ce n'est pas la mienne. Je me suis battu pour la réforme par points dès les élections présidentielles de 2002, car je pense que c'est cela l'avenir.

Et alors, il faut revenir vers la retraite par points ? Cela a été abandonné a priori.

Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Le sujet est assez délicat en ce moment et je n'ai pas l'intention, moi, de mettre de l'huile sur le feu.

Cela veut dire qu'Édouard Philippe en met ?

Non. Je pense ceci qui est très précis, je pense qu'il faut une part ou une garantie que des situations différentes obtiendront un traitement différent et que c'est une décision si importante pour la vie qu'il faut que l'on garantisse que le choix de ceux qui vont partir à la retraite, d'une certaine manière, aura sa place dans la décision de départ.

Cela, c'est quelque part un message que lance le Haut-commissaire au Plan, le secrétaire du CNR…

Non.

… à Laurent Berger ?….

Il ne s'agit pas de connivence.

Il faut le remettre au sein du dispositif ?

Je vais vous dire une chose simple.

Quels sont les atouts du pays dans la situation si difficile où nous nous trouvons et dans la crise si menaçante qui est devant nous ?

Vous savez que j'ai dit il y a déjà plusieurs mois que c'était, pour moi, la crise la plus grave depuis la guerre.

Et nous y sommes toujours.

Nous n'y sommes pas entrés. Dans laquelle nous allons entrer, vraiment. Donc je suis très prudent sur cette affaire.

Quels sont les atouts que la société française a en son sein ? Pour moi, l'atout principal, c'est le grand courant réformiste du pays.

Notamment la CFDT.

C'est-à-dire ceux qui, dans le monde politique, dans le monde syndical, dans le monde associatif, considèrent que ce n'est pas la violence, que ce n'est pas le renversement de nos cadres de vie qui sont la solution pour l'avenir.

Tous ceux qui pensent qu'il faut faire évoluer les choses dans le sens de plus d'attention aux difficultés et dans le sens de plus d'ambition pour produire, pour imaginer, pour former, pour éduquer, c'est ceux-là qui sont les vrais alliés de la société française et des plus fragiles dans la société française. Et, dans ces courants-là, il y a évidemment le syndicalisme réformiste, il y a les courants politiques réformistes, il y a les courants associatifs réformistes.

Laurent berger peut être raccroché à cette réforme ou pas ?

Vous lui poserez la question. Vous voyez bien, l'idée que l'on s'exprime toujours à la place des autres n'est pas mon idée, mais j'ai beaucoup de respect pour Laurent berger et j'ai beaucoup d'espoir dans la prise de conscience de ce courant qui est, pour moi, un courant central pour l'avenir du pays.

Un référendum sur les réformes des retraites, c'est envisageable ?

J'ai toujours défendu ce principe. Aujourd'hui, je ne me prononce pas sur ce point.

Je trouve qu'Olivier Dussopt fait du bon travail et je voudrais simplement dire une chose si vous permettez.

Comme vous savez, je me suis beaucoup battu pour que l'on ait cette période de concertation, de discussion…

Cela vous suffit 2 mois de concertation ?

Non, trois ! Octobre, novembre, décembre et donc je crois beaucoup à la nécessité de prendre le temps de préciser, et notamment aux yeux de l'opinion publique, les raisons qui rendent indispensable la réforme des retraites.

Je pense qu'une grande partie des Français a à l'esprit qu'il faut une réforme des retraites.

Ils ne savent pas très bien pourquoi, sauf qu’ils voient bien autour d'eux qu'il y a un vieillissement, un allongement de la durée de la vie et de la durée de la vie en bonne santé, et que cet allongement entraîne une chose, c'est que la charge des pensions de retraite pèse sur ceux qui travaillent. C'est cela la retraite par répartition, c'est-à-dire que tous ceux qui sont au travail payent la pension de ceux qui sont en retraite.

Or, comme il y a de plus en plus de gens à la retraite et de moins en moins de gens au travail…

Comme l’espérance de vie augmente.

… proportionnellement, évidemment les Français pensent que, oui, c'est raisonnable mais personne ne donne jamais les chiffres. Personne ne donne jamais des faits établis, que l'on pose sur la table et que l'on soumette à la discussion.

Y compris le COR ?

Le COR, c'est une instance sûrement de bonne foi !, ils sont assez évolutifs, c'est le moins que l'on en puisse dire, dans leur jugement.

Tous les ans, ils disent : il faut que l'on avance.

Il faut que l’on avance et je vous encourage à réfléchir à cela.

Il faut avancer, non pas seulement dans les négociations entre organisations et gouvernement, mais il faut avancer dans la prise de conscience de l'opinion publique. Et c'est pour moi probablement l'enjeu le plus important de ces trois mois de concertation.

On vous a senti isolé au sein de la majorité quand vous avez mis en garde contre un passage en force de la réforme des retraites, notamment via le PLFSS et le 49.3. Un projet en bonne et due forme sera finalement présenté débuts 2023 afin de laisser du temps à la concertation…

Est-ce qu’on peut corriger votre affirmation ? Vous dites : on vous a senti isolé, mais c'est ma thèse qui a été retenue.

Vous n’avez pas entendu la fin de la question. Est-ce que vous considérez que vous avez gagné la partie ?

Non. Je ne place jamais les choses dans des questions de rapport de force et de bras de fer.

Lorsque je considère qu'un problème est essentiel, je m'exprime publiquement pour que puisse se constituer une réflexion commune.

Je suis radicalement, je ne sais pas comment on peut dire, attaché à une idée simple, c'est que nous sommes coresponsables de l'avenir.

Je n’ai jamais pensé, ou jamais accepté l'idée qu'il y avait des gens qui étaient au pouvoir, que c'était eux qui étaient les patrons et les responsables et que, d’un autre côté, il y avait des Français qui seraient en fait des sujets.

Je n'ai jamais accepté cette idée.

L'idée qui est la mienne, c'est que nous sommes tous citoyens, c'est-à-dire tous responsables de l'avenir, que nous soyons dans la majorité, dans l'opposition ou ne sachant pas très bien où on se trouve dans ces affrontements-là.

Nous sommes coresponsables et cette coresponsabilité-là, je suis pour qu’on l’exerce.

Je l'exerce comme un citoyen qui a des responsabilités politiques. Je l'exerce comme un citoyen qui s'exprime, je l'exerce comme responsable des institutions que me confie par exemple le Commissariat au Plan. Je l'exerce quand on me demande d'être de ceux qui animent le Conseil de la Refondation.

Je les exerce sous toutes les manières, et comme élu local.

Il nous reste peu de temps.

On a parlé de Laurent berger à l'instant, le leader de la CFDT, désapprouve la grève, dit-il, préventive lancée par la CGT dans les raffineries.

Si les grèves se poursuivaient dans les raffineries, notamment chez Total et ExxonMobil, est-ce qu’il faudrait envisager le retour à la force publique et envisager le recours à des réquisitions pour éviter une pénurie de carburant ?

Je crois qu'il y a une très grande émotion chez les Français, et que c'est une émotion qui grandit, à voir des salariés d'entreprise qui par ailleurs sont en très bonne santé financière user de cette épreuve de la grève comme vous dites préventive pour obtenir des avantages sociaux.

Le pays est en suffisamment grande difficulté pour que chacun fasse face à ses responsabilités et que chacun réfléchisse en conscience et, si ce n’est pas le cas, si l’on était devant des situations d'irresponsabilité, alors le gouvernement serait fondé à prendre les mesures plus drastiques que vous avez  évoquées.

Recours à la force publique, réquisition, par exemple.

Réquisition, par exemple.

D’ici combien de temps ? Le gouvernement a combien de temps pour se décider ?

Ce qui est bien, c'est que, quand on est journaliste, on peut poser des questions, même quand il serait absurde d’y répondre.

C'est une question de jours ?

Oui.

Jean-Luc Mélenchon appelle à une grande marche contre la vie chère dimanche prochain, 16 octobre et il a comparé sa marche avec la Révolution française. Je cite son tweet de jeudi dernier : « Les 5 et 6 octobre 1789, les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère, elles ramènent le roi, la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire, faites mieux le 16 octobre. »

En gros, c'est un appel à la violence, à couper des têtes. C'est dangereux, c'est séditieux, c’est factieux ?

Tout ce qui pousse dans le pays aujourd’hui à la radicalisation, à la violence, à la mise en accusation, à l'injure, y compris à des violences physiques, tout cela, pour moi, est contraire à l'intérêt national.

Mélenchon, il devient factieux, séditieux ?

Non, je ne veux pas utiliser des mots de cet ordre.

C'est un appel à la violence qu’il fait ou pas ?

Vous voyez bien de quoi il s'agit. On a une société qui est en très grande tension, la France est en très grande tension.

Vous avez deux sortes d'attitudes : il y a ceux qui passent leur temps à mettre de l'huile sur le feu, à verser de l'essence sur les braises car ils pensent que c'est dans ces affrontements et dans ces violences et dans la dureté de ces luttes que se trouve un avenir quelconque. Et il y a ceux dont je suis, qui pensent qu'une société ne peut pas se conduire dans l'explosion permanente, dans les affrontements de tous les instants, dans les injures. Regardez ce qui se passe à l'Assemblée Nationale, franchement, vous avez été responsable de la chaîne de l'Assemblée Nationale. Moi, je voudrais que les médias retransmettent la réalité des débats. Aujourd'hui, il faut que tous ceux qui écoutent sachent ce qui s’y passe.

En commission notamment.

Non, dans l'hémicycle. Qu'est-ce qui se passe ? Les médias coupent les micros de l'hémicycle de manière que l'on n'entende pas les injures, les hurlements et les accusations.

Si on les entendait, les Français seraient indignés de la manière dont on profite de leur vote pour dévoyer leur sentiment politique et je trouve que c'est vraiment aller à l'encontre de l'idée de la démocratie représentative.

Vous dites : il ne faut pas mettre de l’huile sur le feu, mais un débat va avoir lieu à l'Assemblée sur l'immigration. Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi sur l'immigration et sur le droit l'asile début 2023. Est-ce que c’est mettre de l'huile sur le feu de proposer, comme il l'a dit, d'installer des migrants à la campagne ?

Je pense que cette expression peut être utilisée dans un mauvais sens.

C'est l'expression du Président de la République.

Ce que je pense sur l'immigration : la première chose, pourquoi est-ce que les lois successives que nous votons ne fonctionnent pas, ne sont pas mises en application ?

Avant de voter de nouvelles lois, je rêve d'une République qui se dirait qu'elle doit d'abord faire fonctionner les lois qu'elle a déjà votées qui, en effet, ne sont pas appliquées.

Et pourquoi en particulier y a-t-il un certain nombre de pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants lorsqu'ils sont en situation irrégulière ?

On a fait déjà des progrès sur la rapidité de traitement des dossiers, mais cela ne suffit pas.

Donc cela, c'est la première chose.

Deuxièmement, la question qui, au fond, est derrière ces affirmations c'est la question de l'intégration. Pour moi, la question de l'intégration, elle se pose très précisément sur deux sujets.

Le premier sujet, c'est la langue française, c'est-à-dire aussi l'apprentissage des mœurs, des coutumes, de la manière de vivre en France et, le deuxième sujet, c'est le travail.

Alors, il est tout à fait exact qu'à la campagne il y a énormément d'entreprises, par exemple agricoles, qui cherchent de la main-d’œuvre, qui parfois la trouvent chez des personnes qui viennent de l'étranger et qui ne réussissent pas à avoir les papiers et qui ne réussissent pas à avoir les modes de transport qui leur permettent de se déplacer pour venir travailler à la campagne, comme ils disent.

Cela, c'est vrai, mais je ne crois pas que l'on puisse faire d'affectation autoritaire ici ou là.

Cinq ans, après la vague mee too a pollué la rentrée politique de la NUPES avec les affaires Quatennens et Julien Bayou. Est-ce que, désormais, l'ex-secrétaire national des Verts, Julien Bayou a raison de dire à Sandrine Rousseau, à l'origine de la médiatisation de son affaire, qu'il ne faut pas confondre féminisme et maccarthysme.

C'est au front le même problème que j'évoquais à l'instant.

Tous ceux qui veulent que le débat se résume à des luttes pour abattre l'adversaire ou le concurrent, y compris à l'intérieur du même parti si j’ai bien compris. Les affirmations de Mme Rousseau, c’était…

Mee Too. C’est dévoyé ces dérives de mee too ?

J'aime bien, car vous essayez de faire les réponses à ma place, mais je résisterai autant que je pourrai. Oui, je pense que c'est un dévoiement de tout transformer en affrontements irréductibles, de vouloir la peau de celui qui n'est pas d'accord avec vous, même lorsqu'il est dans le même parti que vous.

Vouloir la peau de celui qui n’est pas d’accord avec vous, cela se voit aussi au niveau de la justice. Le ministre de la justice Éric Dupont Moretti, renvoyé devant la Cour de Justice de la République, le Secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler mis en examen. L'un et l'autre restent en place.

Est-ce tenable ? Et je veux faire le parallèle avec ce qui vous est arrivé il y a cinq ans. Vous étiez ministre de la Justice, vous avez été contraint à la démission suite à votre mise en cause et pas mise en examen dans l'enquête sur les soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires et d'eurodéputés du Modem.

Est-ce que vous voyez, dans la manière dont se sont déroulées ces deux histoires entre guillemets une injustice qui vous a été faite ?

Non. D'abord, je n'ai pas été contraint à la démission jamais.

Vous avez démissionné.

Je n'ai même pas démissionné, j'ai refusé de participer au deuxième gouvernement, et mon amie Marielle de Sarnez avait fait la même chose.

À laquelle on rend hommage aujourd'hui.

Pourquoi ? Parce que j’ai jugé, en mon âme et conscience, personnellement, car tout cela, ce sont des affaires personnelles, que je ne pouvais pas exercer mes fonctions dans la sérénité nécessaire s'il y avait contre nous des accusations aussi scandaleuses et fausses, car il apparaîtra qu'elles sont fausses.

Est-ce qu’Éric Dupont Moretti doit faire comme vous ?

La situation n'est pas du tout la même.

J'avais fait une grande partie de mon engagement politique sur le thème de la moralisation de la vie publique, et il y avait besoin. J'en étais chargé. Et vous voyez à quel point c'était invivable que vous soyez chargé de la moralisation et que l'on vous attaque précisément en vous imputant des attitudes et des réalités qui étaient le contraire.

Au-delà de cela, la justice est une autorité, pas un pouvoir. « Je ne laisserai pas la justice devenir un pouvoir » c'est Emmanuel Macron qui a déclaré cela le 13 juillet 2021 en Conseil des Ministres après la mise en examen d’Éric Dupont Moretti.

Est-ce que vous faites partie de ceux qui considèrent que les magistrats oublient un peu trop que leur rôle n’est pas d’être un pouvoir, voir un contrepouvoir et est-ce que vous faites partie de ceux qui considèrent que les magistrats règlent un peu trop leurs comptes avec les politiques ?

Qu'il y ait des affrontements entre la Magistrature et le pouvoir, cela dure en France depuis des siècles et cela a été la cause, ou une des causes de l’effondrement de la monarchie, de l'ancien régime, donc ce n'est pas tout à fait neuf.

M. Mitterrand disait : « faite attention parce que ce type d'affrontement a causé la mort de la monarchie, cela causera la mort de la République ». Je l'ai entendu de mes propres oreilles dire cela.

Ma vision n'est pas exactement la même. Je vais vous dire la mienne.

Pourquoi est-ce que je pense que c'est une autorité et pas un pouvoir ? Parce qu’un pouvoir, cela doit être élu. La légitimité d'un pouvoir, c'est ce que vous confient les citoyens.

Il se trouve que les magistrats ne sont pas élus, qu'ils ont un fonctionnement interne et que, donc, ils ne peuvent pas être un pouvoir ou alors on décide par exemple de faire élire le Procureur général de la nation.

Comme aux États-Unis.

Mais ce n'est pas la situation et cette différence, entre élus d'un côté et chargé d'une autorité de l'autre, elle est fondamentale.

Où en est votre parcours judiciaire dans l'affaire dans laquelle vous avez été mis en cause ?

Comme vous l'avez dit, cela fait plus de cinq ans et je répète que tout ceci est faux.

Beaucoup pensent déjà à 2027 au sein même de la majorité, comme Édouard Philippe, Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin. On dit que, vous aussi, vous y pensez.

Vous aurez 76 ans en 2027. Est-ce que c'est un bon âge pour être candidat et pour être Président ?

Vous êtes drôle parce que ce genre de rumeur là émaille constamment le débat.

C'est très simple. Je suis, et vous aussi, un citoyen de plein exercice. Est-ce que j'ai jamais renoncé à exercer cette citoyenneté ? Non.

Donc vous êtes candidat ?

Et j'exercerai autant que je le pourrai cette citoyenneté dans tous les rôles et tous les engagements qui font que la France, la société française, peut choisir un destin qui ressemblerait à ce que je crois, comme idéaliste si vous voulez. Je veux bien être taxé d'idéalisme.

Comme idéaliste, je crois que la France va mal, je crois qu'elle pourrait aller très bien et donc je ferai tout ce que je peux dans toutes les échéances et toutes les fonctions nécessaires.

Donc y compris être candidat à la présidentielle de 2027 ?

Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? ! Vous pensez, vous, que les élections présidentielles auront lieu en 2027 ? On n'en sait rien.

Vous croyez à la dissolution éventuellement ?

On ne sait pas ce qui peut se passer. Si vous voyez aujourd'hui l'incroyable difficulté des temps et si vous pensez qu'un zozo quelconque peut dire cinq ans à l'avance ce qui va se passer, alors ne vous trompez pas, tout cela ce sont des charlatans.

Vous êtes prêt, quoi ?

J'ai toujours été prêt, j'ai déjà été candidat trois fois, qu'est-ce que vous me racontez ? !

Bayrou, candidat et Président, pourquoi pas ?

Vous voyez bien ce que vous cherchez.

M. Mitterrand a succédé à un jeune Président, vous pouvez succéder à un jeune Président.

Cela peut tout à fait arriver, mais ce n'est pas cela la question. Vous traitez de ces sujets, pardon ne prenez pas mal ce que je vais dire, d'un ton léger.

Pas du tout.

Et moi pas, car, peut-être, je suis trop inquiet, mais ce que je vois venir est, par sa gravité telle, que cela devrait mobiliser toutes les forces disponibles, toutes les intelligences disponibles et toutes les volontés disponibles.

C’est de ce côté-là que je suis, de cette mobilisation, de ce réarmement moral, j'ai déjà utilisé l'expression dans l'émission, dont la France a le plus grand besoin.

Merci.

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