François Bayrou: "Si vous vous résignez au vieillissement de la population alors vous acceptez le déclin du dynamisme."

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Gilles Bornstein et Adrien Rohard sur France Info TV ce mercredi 19 mai à 19h00, dans l'émission "Votre instant politique".

Bonsoir, François Bayrou.

Bonsoir.

On n'a jamais vu autant d'images à la télé et sur les réseaux sociaux de personnes qui prenaient leur café le matin, y compris le Président de la République très spontanément avec son Premier ministre. 

Avez-vous également pris votre premier petit café dehors ?

Pas encore, mais je compte bien me rattraper demain.

Je vous le souhaite ! 

Je rappelle que vous êtes Haut-Commissaire au Plan, Maire de Pau, Président du Modem et, à ce titre, un interlocuteur privilégié du Président de la République mais, si vous êtes ici ce soir, c'est aussi car vous avez remis un rapport sur la démographie en France dont nous allons parler.

Les Français qui sont avec nous aujourd'hui étaient très impatients de vous parler. Avant de les entendre, je vous les présente. C'est la moindre des choses.

Ils sont cinq. Il y a d'abord Malik, il est étudiant en droit à Paris. Il est élève avocat, originaire de Lyon et fan de Karim Benzema.

Christine est avec nous. Elle fait son entrée dans notre panel, bienvenue à elle. Elle est enseignant-chercheur en thermo-pharmacologie à l'université de Paris Saclay.

Olivier est agent de voyage et vous parlera de vous, François Bayrou, et de votre carrière.

Amélie est également là. Elle est architecte à Vernon. Habituée de l'émission, elle nous a montré tout à l'heure son sublime jardin avec un peu de pluie et surtout son petit Alfred, car elle vient d'accoucher. Il a à peine quelques semaines. C'est donc une jeune maman qui vous parlera de démographie dans un instant.

En direct avec nous à Saint-Malo, nous irons dans la cité corsaire retrouver Norman. Il est restaurateur et il n'a pas rouvert aujourd'hui. Il nous, et vous, dira pourquoi et vous pourrez échanger tous les deux dans un instant sur cette non-réouverture.

En attendant, nous allons parler de la mobilisation des policiers, très importante, 35 000 selon les organisateurs qui étaient les policiers eux-mêmes.

Pour une fois, il n'y a pas de différence entre la police et les syndicats, puisque c'étaient les mêmes !…

Exactement. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il y avait 35 000 personnes. Quoi qu'il en soit, nous avons vu les images et il y avait du monde.

Y étiez-vous ?

Non.

Pourquoi ? 

Car j'avais des réunions et, en outre, comme tout le monde y était, je n'avais pas très envie de participer à quelque chose qui pouvait être interprété, alors que ceux qui étaient là avaient des avis directement contraires les uns aux autres.

Je n'aime pas ces ambiguïtés.

Même sans réunion, vous n'y seriez pas allé ?

S'il y avait eu très peu de responsables politiques, j'aurais pu y aller, car je trouve que le sentiment que les policiers expriment, ce qu'ils vivent, il faut que nous y fassions attention et pas seulement y faire attention, il faut que nous trouvions des réponses qui leur donnent la certitude d'être respectés d'un côté et écoutés de l'autre.

Franchement, les policiers dont nous parlons, que nous avons vus tout à l'heure sur votre écran, ce sont des Français qui ne viennent pas de situation privilégiée, ni de quartiers privilégiés. Ce ne sont pas des personnes qui ont été choisies, car elles avaient des privilèges, ni car elles étaient méchantes, comme quelquefois on le dit.

Ce sont des femmes et des hommes qui viennent précisément du tissu profond de la société française et la manière dont on les cible, je trouve cela extrêmement choquant et même attristant.

Lorsque l'on a besoin d'eux - on a vu avec les attentats, on le voit à n'importe quelle occasion où chacun d'entre nous a à vivre un cambriolage, une agression -, heureusement qu'ils sont là.

Cependant, qui dit : "Heureusement qu'ils sont là". Qui, en les croisant dans la rue, dit : "Heureusement qu'ils sont là".

Les regards qu'ils essuient, ce sont des regards assez souvent hostiles. Ils font leur travail autant qu'ils peuvent et, comme ils le disent souvent - c'est la vérité -, ils arrêtent un type qui deale. Or, le lendemain matin, il le retrouve dans la cité.

Je comprends donc très bien le sentiment d'incompréhension qu'ils subissent et je trouve que, si nous pouvions être plus solidaires, ce serait bien.

Ce sentiment d'incompréhension, ils l'ont justement exprimé de façon assez virulente. Ils s'en sont pris à la justice. On écoute un extrait d'une des prises de parole de cet après-midi : "Il y en a assez des réformes pour le droit des auteurs, le droit des délinquants et le droit des voyous, Monsieur le Garde des Sceaux, réveillez-vous !".

"Tout cela est tellement insupportable. Aujourd'hui, il faut être clair, alors soyons clairs : le problème de la police c'est la justice !!!".

Le problème de la police, c'est la justice. On a vu une scène assez surréaliste aujourd'hui, ces manifestants qui protestaient contre la justice, le Garde des Sceaux à l'Assemblée nationale qui défendait la justice. Où était le Ministre de l'Intérieur ? Au lieu d'être à côté de son collègue Ministre, il était dans la manifestation.

Qu'est-ce vous en avez pensé ?

C'était une scène en réalité inédite ! On n'avait, je crois, jamais vu cela.

Était-ce sa place ?

Je n'aime pas me mêler des affaires des responsables. Chacun choisit son chemin.

À sa place, si j'interprète votre propos, vous n'y seriez pas allé ?

Si je réponds à cette question, vous allez en tirer des conclusions qui seront dans les dépêches ! 

Ce n'est pas du tout mon genre !

Comme je ne suis pas tout à fait tombé de la dernière pluie, je ne vais pas répondre.

Vous voyez bien ce que le Ministre de l'Intérieur a voulu exprimer, à savoir, auprès des hommes dont il a la charge, qu'il était de leur côté.

Il est plus "cash".

Oui, c'est ce qu'il a voulu exprimer. Ceci est "cash".

Est-ce ma manière d'exprimer les choses ? Probablement pas, mais je ne veux pas avoir l'air de donner des leçons de cet ordre.

Tous les Ministre de l'Intérieur, tous, ont à faire face à ce malaise profond que les policiers portent en eux, avec, pendant très longtemps, un peu moins maintenant, des conditions de travail qui n'étaient pas normales, qui n'étaient pas dignes et avec cette hostilité…

De la population.

… D'une partie de la population et cette frustration, lorsque l'on mène à terme une enquête ou une interpellation, de se voir désavouer.

J'entends bien que la justice fait son travail et que l'incompréhension entre justice et police ne date pas d'aujourd'hui, mais tous les responsables publics devraient travailler à lever cette incompréhension.

Je trouve nécessaire de le rappeler.

Finalement, lorsque les policiers disent arrêter des personnes le matin et les revoir en liberté le soir, vous dites qu'ils n'ont pas tort ?

Ils ont raison. C'est la vérité.

Il y a un code, il y a des lois, il y a plein de choses. Comme vous le savez, j'ai été fugacement Garde des Sceaux. Je trouve que l'on devrait pouvoir prononcer plus souvent des interdictions de se retrouver dans le quartier, des éloignements du quartier et les vérifier, y compris avec des bracelets, comme on le fait pour les violences conjugales.

Comme pour les hooligans au stade ?

Oui. En quoi ces délinquants méritent-ils plus d'égard qu'un hooligan au stade ?

Cela, c'est une chose. Par ailleurs, je trouve que l'on ne fait pas assez appel à des sanctions immédiates, des travaux d'intérêt général.

À Pau, nous avons proposé 200 travaux d'intérêt général pour que, si vous êtes sanctionnés, ce soit immédiat et que vous ayez autre chose que la prison qui est très souvent une école de réseau.

Qui aggrave votre cas, plutôt qu'elle le règle ?

Oui, qui vous entraîne dans des engrenages qui sont, à mon sens, nocifs.

L'autre actualité du jour, c'était évidemment la réouverture et on va tout de suite aller voir Norman, restaurateur, qui n'a, lui, pas rouvert.

Je perle de la réouverture dont vous n'avez encore pas pu profiter, mais cela ne saurait tarder.

Norman, à Saint-Malo, n'a pas rouvert. J'imagine que la vie du centre-ville de cette belle cité corsaire a repris, mais vous manquiez à l'appel, Norman. Expliquez-nous pourquoi vous n'avez pas rouvert votre terrasse aujourd'hui ?

Bonsoir à vous…

Norman : Bonsoir.

C'est une raison assez simple. C'est une très vieille ville, il y a de toutes petites rues et certains restaurateurs ont de toutes petites terrasses. Or, j'en fais partie.

Cela veut dire quoi concrètement ? Comme vous avez une toute petite terrasse, rouvrir aujourd'hui ne permettait pas d'être rentable ?

Norman : Je pouvais accueillir huit clients de façon simultanée et cela ne permet effectivement pas d'avoir une activité rentable.

Concrètement, cela vous aurait fait perdre combien d'argent ? L'avez-vous évalué ? J'imagine que vous avez fait vos calculs. Si nous devions un peu rentrer dans les détails, cela donne quoi ?

Norman : C'est une journée de travail à perte pour le salarié, car la main-d'œuvre ne peut pas être prise en charge dans un tel contexte.

De votre point de vue de restaurateur, vous dites qu'il n'aurait pas fallu faire des jauges aussi strictes et vous permettre de rouvrir l'intégralité des terrasses ou même d'accueillir des gens à l'intérieur.

Qu'auriez-vous aimé ?

Norman : On ne peut pas se positionner comme cela. Certains établissements ont de belles et grandes terrasses avec des espaces ouverts, alors que d'autres sont exclusivement fermés. L'hiver, on va accueillir plus de clients que nos collègues en terrasse l'été.

Je n'ai pas envie de raisonner comme cela ce soir. Une fois de plus, il y a des décisions prises pour endiguer cette épidémie. Cela fait en partie

J'imagine que vous êtes déçu et que vous n'avez pas rouvert à contrecœur. C'est un presque un euphémisme.

Norman : Nous ouvrirons le 9 juin en nous disant que notre activité sera plus rentable dans ces conditions.

Que pensez-vous de ce témoignage, François Bayrou, un restaurateur qui voit tous ses collègues autour de lui qui rouvrent leurs terrasses et, lui, qu'il ne peut pas le faire, faute de rentabilité ?

Je pense que c'est la réalité. C'est exactement cela que vivent un très grand nombre de restaurateurs et de bars dans le pays. Certains ont de grandes terrasses.

À Pau, nous avons doublé la surface des terrasses, mais tous n'ont pas de terrasses.

Il n'y a donc qu'une issue à tout cela, c'est la vaccination. J'ai plaidé depuis le début pour cette affaire-là. Pour moi, c'est très clair que ce qui va libérer le pays, son activité, les activités conviviales comme celle que nous voyons là, les activités de travail et les activités culturelles, c'est évidemment la vaccination.

Nous avons vraiment atteint - il faut le dire au passage, même si je ne fais pas de la publicité - le jour dit les 20 millions de vaccinés.

Souvenez-vous le nombre de sarcasmes qu'il y avait sur ce sujet, disant que jamais cela n'arriverait, que l'on se fichait du monde. J'espère que nous allons arriver aux 30 millions en juin.

C'est prévu le 15 juin.

C'est prévu le 15 juin, mais…

Vous en doutez ?

Non, pas du tout, mais je pense très difficile de faire 10 millions de plus en 30 jours, car cela veut dire que vous faites environ 350 000 vaccinations par jour ouvré.

Hors week-end, on y est.

Oui, mais on a des week-ends et, entre mai et juin, il y en a beaucoup.

Même si l'essentiel des jours fériés est passé !

Vous parliez d'activité récréative. Il y en a qui proteste encore, ce sont les boîtes de nuit qui n'arrivent pas à rouvrir. Un patron de boîte de nuit nous disait ceci hier : "Le pompon final, ce sont les lieux échangistes. Ils vont rouvrir le 9 juin avec 50 % à l'intérieur et 100 % à l'extérieur et le 30 juin, c'est reparti de plus belle, avec comme seul geste barrière le préservatif !

Il faut juste m'expliquer quelque chose de concret : au 30 juin, évidemment si les chiffres sont bons et que cela fonctionne pour tout le monde, tout cela va rouvrir et, nous, on nous laisse fermés ?"

Il y a un député Modem est très actif là-dessus.

Qu'en pensez-vous ? Aurait-il fallu autoriser les boîtes de nuit à rouvrir tout de suite ?

Avec un passeport vaccinal, oui.

Très bien.

D'ailleurs, pour toutes ces activités, vous voyez bien que retarder le plus longtemps possible, cela ne fonctionne pas, mais, si on a la possibilité d'obtenir un vaccin, quand on le souhaite, et de recevoir après un passeport vaccinal, en tout cas un certificat de vaccination sur son portable…

De vaccination ou de non-contagion.

De vaccination.

Cela rend la vaccination obligatoire, puisque vous n'entrez en boîte de nuit que si vous êtes vacciné ?

Je pense depuis le début que cela finira comme cela et cela sera vrai pour les voyages, etc.

On va finir avec une vaccination obligatoire ?

La non-contagion, cela se mesure alors que vous êtes déjà peut-être contaminé, puisque le test PCR ne rend son verdict qu'à l'heure H, mais, si vous avez été contaminé dans les 48 heures avant - j'en parle savamment car j'ai une fille médecin à qui c'est arrivé -, vous vous trouvez dans une situation qui n'est pas rassurante.

Souhaitez-vous que la vaccination soit obligatoire ou non ?

Écoutez, si nous évitons les grands mots qui font peur à tout le monde, je préfère. Je préfère donc personnellement qu'il y ait un passeport vaccinal, comme l'on dit, un pass vaccinal permettant de montrer à tout le monde, quand on le souhaite - pour l'instant, il n'y a pas d'obligation - ce qu'il en est.

Il y a beaucoup de vaccinations obligatoires en France. Vos enfants reçoivent onze vaccinations obligatoires. Quand vous voulez aller en Guyane, vous êtes obligés de vous fournir le certificat de la fièvre jaune.

Cette manière de faire peur aux gens ou en tout cas de les exciter négativement en faisant croire que c'est une atteinte à la liberté, j'ai absolument du mal à le comprendre.

La vaccination contre la poliomyélite est obligatoire en France, onze vaccinations.

À terme, je pense donc que tout le monde constatera que la vaccination n'est pas nocive, qu'elle permet de se débarrasser de cette épidémie et qu'elle permet de rouvrir comme cela pourrait être le cas des boîtes de nuit. Sur les boîtes échangistes je ne me prononce pas !, mais je comprends l'indignation de ce responsable de boîte de nuit.

Vous n'êtes pas pour les grands mots, mais on comprend que vous êtes tout de même pour une vaccination obligatoire.

Je ne l'ai pas dit.

C'est vrai, vous ne l’avez pas dit.

Il ne faut pas essayer de déformer mes propos, je n'ai jamais dit cela.

Simplement, je ne suis pas pour une vaccination obligatoire, mais je suis pour que l'on puisse prouver que l'on est vacciné lorsque l’on veut accéder à des manifestations et à des lieux qui en effet ne veulent pas s'exposer à l'épidémie.

C'est simple, c'est bien de la voir repréciser.

Un petit mot tout de même de Norman. Mon cher Norman : trouvez-vous que le pass vaccinal soit une bonne idée ?

Norman : Je me suis vacciné cet après-midi.

Donc pour vous, le pass vaccinal ne vous fait pas peur, même dans votre établissement, vous seriez prêts à demander aux personnes si oui ou non….

Norman : Non, cela n'est pas envisageable. Après, c'est à chacun de prendre sa décision en son âme et conscience.

Je vais brasser des centaines de personnes cet été. Cela fait un an que l'on me dit qu'il faut que je reste chez moi et maintenant, je vais me mettre au travail en sécurité.

Vous avez parlé de pass sanitaires. Il est étonnant que les députés MoDem cette semaine, tous sans exception, aient voté contre l’article de loi instaurant le passeport sanitaire.

Vous n’êtes pas député ; étiez-vous d'accord avec ce geste d'opposition ?

Ils n'ont pas besoin de mon accord, c’est leur vote négatif qui a duré 3 heures.

Au bout de 3 heures, nous avons représenté le texte ; cela arrive dans les assemblées, dans des moments de mauvaises humeurs où vous avez l'impression d’être maltraité par vos interlocuteurs gouvernementaux qui ne font pas attention à ce que vous dites. C'est fréquent et si l’on peut en écarter le risque c'est mieux.

Je constate que cette semaine, le gouvernement a davantage fait attention à ces interlocuteurs et parlementaires. Vous savez, depuis très longtemps, je suis pour que l’équilibre soit rétabli entre l'Exécutif, le Président, le Gouvernement, le législatif et les députés qui représentent la nation et devraient mieux la représenter.

Je trouve que parfois de petits rappels à l'ordre sont utiles.

C'était clairement un moyen de montrer qu'il fallait davantage écouter le MoDem.

De la part du Groupe MoDem, oui.

Sur le fond, en ce qui concerne ce pass sanitaire, vous ne criez pas au danger liberticide ?

Non.

Rien ne vous inquiète ?

Non.

Le Groupe souhaitait qu'il y ait des précisions…

Non, non, le Groupe souhaitait que l'état d'urgence sanitaire s'arrête le 
30 septembre.

Vous gagnez un mois, au lieu du 30 octobre.

Ils nous disent : « on rouvre tout mais on va prolonger l'état d'urgence ». Il n'était pas absurde qu'on le prolonge jusqu'au 30 septembre. Ils ont rappelé que dans un pays normal, il est préférable d’avoir des règles d'usage classiques et normales.

À ma connaissance, le Gouvernement dit que le pass sanitaire sera nécessaire pour les grandes manifestations et a dit au-dessus de 1500 personnes, cela ne figure pas dans le texte et à ma connaissance, le Groupe souhaitait que cela figure dans le texte, ce que l'on peut comprendre.

Je trouve formidable que vous suiviez avec autant d'acuité les travaux du Groupe MoDem !

Eh bien, c'est mon métier.

Oui, et c’est une vocation peut-être.

Et donc, vous ne me contredisez pas, ce dont je me réjouis !

Nous allons maintenant parler de vous, ce qui généralement ne vous dérange pas.

Je ne sais pas quel rapport vous entretenez avec vous-même et votre ego, mais cet ego, vous allez le confronter à l'avis de nos Français. Que pensent-ils de vous ? Que leur inspire François Bayrou ?

C'est la question que je leur ai posée tout à l'heure et voici ce qu’ils m’ont répondu.

Malik : Plus grand-chose, en toute honnêteté, cela fait un petit moment que je n’ai pas suivi l’actualité liée à François Bayrou.

Christine : ma belle-famille est originaire de Pau ; je vois le Maire de Pau en premier, c'est comme cela. 

Olivier : C'est un animal politique pour moi. Traditions de la Vème République, il a été dans beaucoup de ministères. Il arrive à rebondir chaque fois.

Amélie : François Bayrou m’inspire l’oncle dans la famille qui met tout le monde d’accord, celui qui fait en sorte qu’il n'y ait pas de conflit.

Malik : De ce que je me souviens, François Bayrou est une personne extrêmement combative.

Christine : Je trouve qu’il a de très bonnes idées, mais qu'il s’engage peu. On a peu de retours en se disant « ah, ça c’est une idée de François Bayrou et cela permet de faire avancer les choses ».

Olivier : Il a initié, un peu, ce qu’est devenu Emmanuel Macron, en liant un peu les différentes influences, les Centres Droit et Gauche.

Amélie : En fait, j’ai souvent voté François Bayrou tout de même dans ma vie. Dans ma vie, il a un peu été mon idole.

Olivier : Il a raté ce qu’Emmanuel Macron a réussi.

Alors, vous êtes à la fois un oncle bienveillant…

Ce n'est pas si mal, tout cela est sympathique.

D'abord, j'ai aidé à ce qu’Emmanuel Macron réussisse.

Avez-vous raté ?

Non. Cela n'est pas une réussite personnelle.

La sienne ?

C'est un grand courant politique central du pays qui pendant des décennies a été ignoré, car les journalistes brillants disaient : « il y a la Droite et la Gauche et c'est tout ! Tout le reste n'existe pas ».

Quelle mauvaise foi !

Non pas du tout, c'est un sourire.

Lorsqu'en 2007, l'élection présidentielle paraissait s'ouvrir et que nous avons failli être qualifiables pour le deuxième tour, tout le monde disait : « mais vous n'aurez jamais de majorité, puisque vous n'avez pas de député sortant ».

Et je répondais invariablement deux choses : premièrement, les Français ne sont pas assez bêtes pour refuser une majorité au Président qu'ils viennent d'élire et deuxièmement, c'est là qu'est la majorité du pays. Ce que votre invité a dit « centre-droit, centre-gauche ».

De Jacques Delors à Raymond Barre, je disais autrefois, de Michel Rocard à….

Alain Juppé disait « couper les deux bouts de l’omelette »

Là est la majorité du pays ! Et elle est encore là aujourd'hui !

Cependant, Emmanuel Macron est toujours là aujourd'hui ? Est-ce qu’Emmanuel Macron n’est ni de Droite ni de Gauche.

Je ne sais pas ce que veut dire « ni de Droite ni de Gauche ».

Parce que « ni de Droite ni de Gauche », cela signifie qu'il n'y a que deux identités, Droite et Gauche et qu'il faut nécessairement se référer à l'une de ces deux identités et que sinon on est « ni ni » ce n'est pas cela. C'est un courant politique…

Autonome ?

Autonome, indépendant, original, avec des valeurs et qui sont extrêmement simples.

On fait le pays le plus juste possible en faisant, en reconstruisant - hélas il en a beaucoup besoin - sa force, sa capacité de production, d'économie tout en respectant des valeurs qui sont des valeurs d'éducation, des valeurs qui tirent un peu vers le haut et qui ne sont pas seulement les valeurs du verbe « avoir », mais un peu aussi les valeurs du verbe « être ».

D’ailleurs, lorsqu’Emmanuel Macron a plaidé la bienveillance dans une société aussi déchirée que la nôtre, il avait absolument raison.

Lorsqu’il plaidait pour qu’il y ait beaucoup de millionnaires, il était plutôt sur le verbe « avoir » que sur le verbe « être ».

Ce n'est pas ce que je ressens, j’essaye de parler assez souvent avec lui et crois que ces questions de millionnaires et d'argent ne sont pas celles qui l'intéressent.

Ah bon ?

J’ai une dernière question plus politique avant que l'on parle de démographie, votre rapport.

Vous avez longtemps fréquenté les Républicains, c'étaient vos partenaires. Est-ce qu’il y a désormais deux Droites irréconciliables ?

Je prends par exemple Michel Barnier et François Baroin par exemple : ont-ils encore suffisamment en commun avec Eric Ciotti ou Nadine Morano pour être dans le même parti ?

Vous voyez bien que c'est une implosion sous nos yeux.

Il y a 15 ans j'ai senti venir cette implosion et elle était à mes yeux, absolument évidente pour la Gauche et absolument évidente pour la Droite.

À Gauche, je ne veux pas dire cela méchamment, c’est accompli : l'explosion est là. Tandis que chez LR, ce que l'on appelait la Droite Républicaine, l’implosion est en cours, puisqu'ils appellent à voter, y compris contre leurs propres candidats, lorsqu'ils prennent des membres de la majorité sur leur liste.

Vous parlez de Renaud Muselier ?

Oui, mais les adversaires à l'intérieur de LR, la Fédération LR des Alpes-Maritimes a demandé à voter contre Renaud Muselier, donc son candidat.

Cela m’appelle deux jugements : le premier c'est que l'on devient fou, la France marche sur la tête. Pourquoi ? Parce que c'est une élection locale. Je suis maire d'une ville, président d'une intercommunalité et chez moi, mon principe est simple : je fais la majorité la plus large possible, je rassemble la majorité la plus large possible et il y a des personnes de différentes sensibilités.

Je suis de la majorité, mais j’ai parfaitement conscience que j'ai des conseillers municipaux qui sont d'opposition et même des adjointes qui sont d’opposition.

Si j'avais été Président de région, j'aurais dit : « Mesdames et Messieurs des appareils politiques, mes chers appareils politiques, ce que vous me dites est très sympathique, mais je vais essayer d’avoir des personnes de l'opposition comme vous me le recommandez et des personnes de la majorité, car dans ma région, j'ai besoin d'interlocuteurs avec le Gouvernement ». Et cela, tout le monde l'aurait compris.

C'est donc devenu une espèce de dérive intellectuelle française.

À Gauche, vous l'avez dit, on a senti que lorsque Manuel Valls a parlé de Gauche irréconciliable, à un moment donné, on a senti qu'entre Manuel Valls et Jean-Luc Mélenchon, plus rien n'était possible et qu'il y avait vraiment une fracture profonde, idéologique.

Est-ce que vous ressentez chez les Républicains - je ne parle pas d’appareils, de cuisine, je parle de valeurs - cette même faille idéologique entre deux parties des Républicains qui sont désormais irréconciliables ?

Irréconciliables, je ne sais pas. Cependant, oui, je crois que l'implosion est en cours ; elle est en cours pour une fois sur le fond, pas seulement sur des problèmes de leader. Je ne me moque pas de cela, car je sais ce que sont des mouvements politiques qui implosent.

J'en ai vécu, j'en ai sauvé pour dépasser l'implosion et je sais ce que cela a de douloureux. Lorsque des mouvements politiques ne vont simplement plus dans la même direction, que des personnes sont déterminées à aller vers ce qu'ils condamnaient la veille, oui je pense que c'est une espèce de tragédie démocratique, mais elle est inéluctable à partir du moment où l'on ne croit plus la même chose. Et ils ne croient plus la même chose me semble-t-il.

Nous allons parler de démographie, puisque vous êtes l’auteur de ce rapport, en tant que Haut-commissaire au Plan que vous avez rendu cette semaine.

Il y a dix millions de choses à dire !

Vous dites dès la première page que « l'histoire nationale est dépendante des évolutions démographiques », ce qui n'est pas intuitivement évident. Pourquoi dites-vous cela ?

D'abord parce que l'histoire l'a montré 100 fois, y compris l'histoire de la France. Nous avons été le premier pays au 19ème siècle avec une démographie qui déclinait et nous avons perdu la guerre de 1970 derrière. Puis nous avons vécu la tragédie de la guerre de 1914 qui en était la conséquence ; entre la guerre de 1914 et la guerre de 1939, cela a été pareil nous avons décliné et ce que Marc Bloch a appelé « l'étrange défaite » était en germe là-dedans. Ensuite, après la guerre nous nous sommes redressés avec le Général de Gaulle et avons construit le pays le plus dynamique de l'Europe de ce point de vue.

Cela est étroitement lié. Lorsque vous acceptez que dans votre pays, il y ait une population vieillissante alors, vous acceptez que son dynamisme disparaisse. La recherche, l'esprit d'entreprise, la volonté de vaincre des obstacles sont étroitement dépendants de ce dynamisme de votre communauté nationale.

Vous dites aussi que « la question démographique est plus importante en France que dans n'importe quelle autre démocratie du même ordre ». Pourquoi cette démographie est-elle la clef de la cohésion sociale de la nation ?

Vous avez bien raison d'insister sur ce point, car c'est un point qui n'est généralement pas aperçu. La France n'est pas un pays comme les autres du point de vue de son projet national, car la France n'est pas un pays comme les autres du point de vue du modèle social, cela est très visible dans les retraites.

Dans d'où les autres pays, chacun cotise pour sa retraite et va auprès des fonds de pension…

Ce que l'on appelle la capitalisation.

Pour ouvrir des comptes pour retrouver au moment de la retraite, ses économies, si j’ose dire ainsi.

Ce n'est pas du tout comme cela en France. En France, ce sont les actifs qui, au jour le jour ou chaque mois, on prélève sur les actifs de quoi payer les pensions.

Ce que vous dites, c’est que cela est vrai aussi pour tous les autres domaines ?

Absolument, vous avez très justement lu, cela est vrai pour tous les autres domaines.

Ailleurs, on paie pour l'inscription de ses enfants dans les écoles.

Chez nous on paye des impôts.

Ailleurs on paye pour l’Université. Il y a de grands pays dans lesquels il faut montrer la Carte Bleue avant d'entrer à l'hôpital ; si l’on est malade, on ne vous prend que si vous avez la Carte Bleue.

Vous citez les États-Unis.

Oui, et il en va de même pour le chômage, on s'assure soi-même contre le chômage.

En France : tout cela est pris par la solidarité nationale.

L'école est gratuite.

L’impôt…

… l'impôt et les cotisations sociales.

Autrement dit cela repose sur le nombre d’actifs, le nombre des cotisants, le nombre de foyers imposables et cela est étroitement dépendant du dynamisme de la population.

Et donc il faut faire des enfants ?

Et oui, nous allons en parler avec Amélie de cette démographie. Amélie est notre jeune architecte à Vernon que je vous ai présentée tout à l’heure.

Une maman pense-t-elle aussi que l'avenir démographique de la France n'est plus assuré. A-t-elle un début d'explication ? J'en ai parlé avec elle qui s'interroge son bébé dans les bras.

Amélie : Pourquoi on fait moins d'enfants en France ? Je ne suis pas un bon exemple.

Je pense que l'on a des inquiétudes, on a une inquiétude sur l'avenir, on ne sait pas où l'on va, que l'on aime son petit confort et qu'un ou deux enfants par famille est devenu la norme sociale. L'éducation, c'est l'enfant roi qui fait que l'on a besoin et on pense qu'il faut avoir une attention totale pour cet enfant et qu'au-dessus de deux cela paraît impensable, on ne peut pas garder son travail et avoir plus de deux enfants, ce qui n'est pas vrai évidemment et, pour moi, c'est une dérive de cette pensée trop centrée sur l'enfant.

Est-ce que vous êtes d'accord avec elle ?

Je trouve que c'est très intelligent.

Tout cela parce qu’elle a dit qu'elle avait voté pour vous ? !

Non, c'est parce qu'elle est intelligente que je dis qu'elle est intelligente et c'est parce qu'elle est intelligente qu'elle a voté pour moi ! Ne déformez pas les choses. C'est la même cause qui provoque deux effets complémentaires !

Je trouve que c'est absolument juste.

Elle dit deux choses. Elle dit : on ne fait pas d'enfants si on ne partage pas un optimisme pour l'avenir et on ne fait pas d'enfants si on a le sentiment qu'il faut se refermer sur les enfants que l'on a déjà.

J'ai trouvé, pardon de le dire, très subtil, sans rire, ce qu'elle a dit là. Mais il y a un élément d'optimisme qui est très important.

D'abord, on ne peut pas forcer les gens à faire des enfants. Il y a des pays qui ont forcé les gens à ne pas en faire.

La Chine.

Et ils s’en mordent les doigts aujourd'hui. Il y a des études internationales qui disent que la Chine pourrait perdre la moitié de sa population, l'Italie aussi.

L'Inde va passer devant la Chine.

Oui et vous voyez bien que cela change les équilibres internationaux et c'est une réalité à ne pas perdre de vue.

Il y a un élément d'optimisme. Quand on fait des enquêtes, auprès des foyers ou des femmes qui ont des enfants, la réponse des enquêtes c'est qu'ils en voudraient un de plus.

Ceux qui en ont un en voudraient deux et ceux qui en ont deux en voudraient trois.

Parfois on dit en vouloir et on n'en fait pas.

Oui, parce qu'on n'est pas aidé.

Il y a un décalage entre le désir d'enfants et la réalité.

Vous dites : il faut remettre en vigueur des politiques natalistes.

Je n'ai jamais employé le mot de politique nataliste.

Ce sont des politiques familiales.

Ce sont des politiques de soutien à la famille.

Lesquelles ?

Les gouvernements précédents, sous François Hollande…

2012-2017.

… ont coupé les allocations familiales pour une partie des Français. Cela s’est senti aussitôt.

On fait moins d'enfants réellement quand les allocations familiales sont moins fortes ?

C'est curieux sans doute pour un observateur sentimental, mais cela joue de la même manière que jouent l'accueil de l'enfant, les crèches, les assistantes maternelles, le soutien aux gardes.

Pourquoi ? Parce qu’il y a une chose que l'on sait, c'est que les femmes font d'autant plus d’enfants qu'elles sont bien dans le rapport maternité-travail.

Si vous deviez ne préconiser qu'une seule mesure pour améliorer cela, laquelle serait-elle ?

Jamais je ne préconise une seule mesure. Je ne manque pas d'imagination à ce point !

Je pense qu'il faut reprendre la question des aides aux familles, des allocations familiales et la question de la généralisation et de la garantie de l'accueil de l'enfant et du fait qu'une femme n'aura pas à souffrir dans sa carrière professionnelle d'avoir des enfants.

Ça, cela devrait être une loi intangible.

Ça, ce sera assez consensuel, mais sur les politiques familiales, en fait c’est une bombe politique, vous avez raison, François Hollande a supprimé un certain nombre d'avantages qu'avaient les classes moyennes parce qu'il disait qu'avec l'argent public la priorité était que cela aille au plus défavorisés.

Est-ce que vous pensez qu'il faut faire le chemin inverse ?

Cela, vous savez que, politiquement, c'est très compliqué.

Lorsqu'il y a eu la Libération, il y a eu le programme du Conseil national de la résistance et c'est à partir de ce programme que l'on a construit les politiques familiales, d'après la libération.

Et sur quel principe ? Sur le principe qu'avoir un enfant ne devrait pénaliser personne.

Donc on regarde votre situation et vous avez droit à des allocations familiales même si vous êtes comme on dit « classe moyenne ».

Universalité.

C'était l'universalité, oui, et on croyait que cela n'aurait pas d'effet. Cela a eu des effets immédiats.

Donc, moi, je suis pour que l'on réfléchisse au fait que toutes les familles ont leur place dans ce dynamisme dont on a besoin.

On va parler des retraites maintenant. Vous les avez évoquées tout à l'heure.

Forcément, la baisse des naissances s'accompagne assez inéluctablement du vieillissement de la population et, forcément, l'équation dans notre pays est compliquée avec le système de retraite où ce sont les actifs qui assurent le paiement des pensions.

Amélie a une solution : et si on réformait ?

Amélie : Je pense qu'il faut réformer, absolument et tenir bon et le faire avant la fin du quinquennat. C’est hyper difficile de réformer en France pour plein de raisons ; on a envie que ce soit un peu plus agile pour les entreprises et pour les futurs retraités aussi pour que l’on puisse avoir un peu plus de choix.

En effet, l'espérance de vie, la natalité, fait que cela me paraît un peu incontournable et assez dingue quand certains partent à la retraite à 50-55 ans. Cela paraît même absurde.

Cette réforme des retraites, c'est une promesse d’Emmanuel Macron qui n'est pas encore tenue.

Qui a été bloquée.

Est-ce qu’il a eu tort d'attendre aussi longtemps ?

Il ne pouvait pas faire autrement. On était en pleine période gilets jaunes d’abord et épidémie ensuite. Et donc, la rencontre de ces deux événements - qui ont été, il faut bien dire, cataclysmiques pour notre pays, sans précédent, inédits - empêchait que le texte aille à son terme.

La question de savoir, c’est : est-ce que le texte était bien équilibré ? Est-ce que c’est ce texte qu’il faut reprendre ?

Je pense que l’on va être obligé de le réécrire.

Donc ce ne sera pas pour ce quinquennat.

Très difficile de faire une réforme des retraites en pleine campagne électorale. Je ne dis pas que c'est impossible, mais je ne sais pas si vous voyez la dimension de l'Himalaya que vous faites pousser devant les responsables gouvernementaux.

En moins d'un an.

En moins de 6 mois.

En moins de 6 mois de temps parlementaire.

On va continuer à parler de démographie.

Je voudrais vous parler de Karim Benzema car il a été rappelé en équipe de France hier comme désormais tout le monde le sait. Cela a fait beaucoup parler. Il est mis en examen, je cite, pour « complicité de tentative de chantage et participation à une association de malfaiteurs. »

À ce titre, il est renvoyé devant le tribunal correctionnel.

Y a-t-il un devoir d'exemplarité quand on porte le maillot de l’équipe de France de football ?

Sur le fond, oui. Mais il y a un devoir d'exemplarité même quand on est un des plus grands joueurs du Real de Madrid.

Je ne crois pas que Zinedine Zidane soit quelqu'un qui manque au devoir d'exemplarité.

Ce que Zidane a dit assez souvent, que je trouve juste, c'est : c’est un des plus grands joueurs au monde, peut-être le plus grand attaquant au monde et, moi, je ne juge pas avant que les juges n'aient jugé.

Arrêtons-nous quelques secondes.

Mais vous, vous avez démissionné alors que vous n'avez jamais été mis en examen….

On l’a été depuis, mais ce n'est pas cela la question.

J'étais ministre et garde des Sceaux, c’est-à-dire ministre de la Justice. Comment vous imaginez, c'est ce que j'ai dit au Président de la République, ce dont on nous accusait était faux, reste faux aujourd'hui.

Et je n'ai pas de doute que ce sera prouvé.

Mais comment voulez-vous exercer votre métier de garde des Sceaux, ministre de la Justice lorsque tous les jours sortent sur vous des pseudo-enquêtes plus ou moins fallacieuses…

Donc Benzema marque des buts et le plus possible, donc pas de problème.

Mais parce qu’il n'est pas condamné.

Parfait, présomption d'innocence.

Le nombre de responsables publics, de chefs d'entreprise ne peuvent pas arrêter leur métier simplement parce qu'on les accuse de quelque chose…

Les joueurs de foot sont davantage des modèles pour les jeunes que les chefs d'entreprise.

… Excusez-moi, l'erreur de votre part, c'est l'erreur de beaucoup de médias, je ne vous en fais pas un grief personnel, c'est une réflexion générale, cette erreur qui consiste à penser que l'on est coupable dès l'instant que l'on vous accuse, dès l'instant que les réseaux sociaux vous accusent, dès l'instant que des fuites sur des enquêtes dans le total mépris du secret de l'instruction de la présomption d'innocence et tout ce qui fait normalement une démocratie, cela ne vaut pas jugement.

Ce n'est pas parce que vous êtes accusé que vous êtes coupable et, parfois, on peut vous accuser de choses qui ne sont même pas répréhensibles.

Simplement, c'est avec la loupe grossissante qui désormais frappe tout le monde, mais, vous, Monsieur, demain vous pouvez être tous accusés.

Donc on a absolument besoin de garder à l'esprit que c'est le jugement, et après appel, qui fait la culpabilité.

Il y a un truc qui est sûr c'est que, moi, je ne serai jamais en équipe de France, c'est certain, et heureusement pour l'équipe de France.

Nous accueillons un démographe, Gilles Pison. Bonsoir Monsieur, vous êtes professeur au Muséum d'histoire naturelle et chercheur à l'INED. À ce titre, vous avez contribué, l’INED a contribué, enfin, vous avez pris des sources à l'INED pour écrire ce rapport.

Est-ce que la pandémie actuelle, on sait qu'elle a fait un peu plus de 100000 morts maintenant, va durablement toucher notre taux de natalité ?

Gilles PISON : elle va le toucher mais probablement pas durablement.

On observe depuis 3 mois une baisse des naissances : décembre 2020 - janvier 2021…

On observe à la fois une augmentation des décès et une baisse des naissances ?

Gilles PISON : depuis quelques mois, ce sont des enfants qui ont été conçus au moment du premier confinement, en mars 2020.

Par rapport au premier confinement, il y a moins de naissances ?

Gilles PISON : il s’est trouvé qu’une partie des couples qui souhaitent avoir des enfants et en mettre en route ont reporté et, contrairement à ce que certains ont dit il y a un an, que le premier confinement allait entraîner un baby-boom, c'est l'inverse.

Je disais déjà : il ne faut pas s'attendre à un baby-boom mais à une baisse des naissances, car la montée du chômage, l'incertitude vis-à-vis de l'avenir font qu'une partie des couples qui souhaitent avoir un enfant reportent à leur projet plus tard.

C'est ce que l'on a observé pour beaucoup de crises économiques.

Après la guerre, il y a eu un baby-boom.

Est-ce que vous pensez que l’on aura aussi une période où l’on fera des enfants sur une grande échelle, comme dirait Michel Debré ?

Gilles PISON : il y aura, en sortie de crise, on espère tous que, la crise, c’est terminé, ce n'est pas exclu qu’il y ait une récupération d’une partie des naissances qui n'ont pas eu lieu depuis quelques mois et cela va continuer puisqu’on va avoir des naissances qui vont revenir à des niveaux normaux, ce sont les enfants qui ont été conçus à la sortie du premier confinement donc juin, juillet, août et, là, on va approcher, à partir de juillet 2021, les enfants conçus en octobre, novembre donc deuxième confinement, deuxième vague et on aura au moins 6 mois probablement de naissances un peu moins importantes que l'on aurait dû avoir.

L'année 2021 va être une année sans doute de baisse sensible des naissances par rapport à 2020.

Cela, c'est un phénomène conjoncturel et probablement, comme on l'a observé après les crises économiques du passé, il va y avoir une récupération en sortie de crise, au moins partielle.

Cela, c'est différent des tendances de long terme.

Je voudrais aborder avec vous deux un autre aspect un peu polémique qui est celui de l'immigration.

Si l’on ne fabrique pas des êtres humains nous-mêmes, on peut les faire venir, j'allais dire les importer, mais vous m'auriez reproché ce terme.

Le recours à l'immigration est-il, selon vous, un outil pour résoudre notre problème démographique ?

Non. L'Allemagne a pris une décision absolument sans précédent parmi les pays développés. Un jour, le patronat allemand a dit : « il nous manque un million de personnes » et l'Allemagne, Mme Merkel, dans la même année a fait entrer un million de personnes.

Mais à mon avis ce n'est pas répétable.

Ce que Giscard avait fait.

Non, là, cela a été massif, d'un seul coup d'un seul, un million de personnes. C’était, vous vous souvenez, assez souvent des réfugiés syriens. Je ne crois pas que ce soit répétable et je ne crois pas que cela puisse être une réponse à la question démographique.

Il y a naturellement des équilibres. Mais si vous décidiez de dire : c'est par l’immigration que l'on va résoudre notre problème démographique, à ce moment-là vous créez des chocs culturels qui sont insécurisant pour la population et qui donc font régresser la démographie.

Ce dont on a besoin, c'est d'une société équilibrée, harmonieuse à partir de laquelle l'optimisme de la nation se construit.

Cela ne veut pas dire que l'on ne doit pas accepter, dans des postes de travail qui sont importants, des personnes qui viennent et essayer d'avoir la meilleure harmonie possible entre les différentes communautés.

Mais l'idée que l'on va substituer des personnes venues d'ailleurs, d'autres pays, pour remplacer les enfants que l'on ne fait pas est une idée à mon sens absurde.

Je n'ai pas dit un million d'un coup, mais une immigration maîtrisée. Régulièrement chaque année la population…

Voulez-vous que l’on donne les chiffres simplement ? M. Pison sait cela beaucoup mieux que moi.

Combien y a-t-il de femmes en âge d'avoir des enfants entre 8 et 10 millions, quelque chose comme cela. On est dans cet ordre de grandeur.

Comment voulez-vous remplacer les enfants de ces 8 à 10 millions de femmes - c’est environ 700 000 par an, un peu moins ces temps-ci, mais c'était à peu près de cet ordre - simplement en faisant entrer des personnes d'origine étrangère ?

Cela crée dans la population, n’est-ce pas, ce fantasme ou cette présomption de « grand remplacement », « on voit bien ce qu'ils ont en tête » disent un certain nombre de gens…

En fait, vous refusez cette solution pour des raisons politiques. Vous dites : politiquement la société française n’est pas capable d'accepter.

Ce qui est essentiel quand on parle d'immigration, c'est l'équilibre que l'on arrive à trouver entre les différentes communautés d'origine et à l'intérieur de nos quartiers, de nos villes, un équilibre parce que si l’on crée ces tensions-là, qui est victime ? Les Français les plus fragiles se sentent victimes et les personnes qui viennent vivre chez nous sont victimes parce qu'elles sont victimes de ciblage, de racisme. Donc tout le monde y perd.

Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je voudrais que M. Pison puisse parler un peu.

Vous qui êtes un démographe pur, François Bayrou est un homme politique qui voit tous les aspects de la société, d’un point de vue purement démographique, est-ce que la France peut conserver un taux de croissance démographique suffisant sans avoir recours à l’immigration ?

Gilles PISON : pour l'instant, la population française augmente et plus que beaucoup de ses voisins européens.

Au cours des 10 dernières années, elle a augmenté de 4 personnes en plus pour 1000 par an.

3 pour 1000, donc les trois-quarts de la croissance de la population, toujours au cours de ces 10 dernières années, c’est venu de l'excédent des naissances sur les décès et un quart seulement de l'excédent migratoire.

Cela place la France dans une situation originale en Europe où la plupart des autres pays ont soit pas d'excédent naturel, donc de naissances sur les décès, voire un excédent des décès sur les naissances qui est plus que compensé par un apport migratoire et l'apport migratoire dont les autres pays européens, en général, est plus élevé que celui de la France ces 10 dernières années.

On est un pays qui, pour l'instant, voit sa population augmenter mais cet excédent naturel va s'éroder.

Même à supposer que le nombre de naissances se maintienne à peu près autour de 700000 par an, c'est aujourd'hui la situation - depuis la fin du baby-boom ce chiffre fluctue entre 700 et 800000 par an, parfois il augmente, parfois il diminue, les projections de l'INSEE dans leur scénario central annoncent un maintien peu ou prou probable autour de ces chiffres - mais du côté des décès, leur nombre va augmenter, il augmente déjà et il va augmenter fortement, pas tellement parce que la mortalité se mettrait à augmenter, au contraire, elle devrait continuer de baisser, l'espérance de vie à la naissance continuer et de progresser, mais arrivent aux âges élevés les personnes nombreuses nées pendant les périodes du baby-boom et ils ont entre 45 et 75 ans aujourd'hui.

Et, du coup, ils vont alimenter et leur arrivée aux âges où l'on meurt va faire augmenter le nombre des décès et donc l’excédent des naissances sur les décès va diminuer et la population française, si elle doit continuer à augmenter, ce sera de plus en plus en raison d'un apport migratoire, le solde migratoire, mais qui est modeste par rapport aux autres pays européens.

Vous dites clairement que si l’on veut que la population continue d'augmenter, si les habitudes restent les mêmes, il va falloir un peu d'immigration.

Gilles PISON : Je ne sais pas si c'est bien ou pas qu’elle continue d’augmenter, car il y a des pays où l’on aimerait bien que la population soit inférieure.

Pour qu’elle augmente, j’ai bien compris, il faut…

Gilles PISON : de plus en plus, elle n'augmentera que s'il y a un apport migratoire qui complète l'apport naturel.

Il nous reste une minute pour une question fondamentale, celle de la question de la planète. Beaucoup, parmi les jeunes, disent qu'ils ne veulent pas faire d'enfants parce que la surpopulation nuit à la planète, c'est ce que l'on appelle les no-kids.

Ils ont tort ? Qu'est-ce vous leur répondez ?

Je ne veux pas dire tort ou raison. Ce n'est pas comme cela que l'on se prononce sur ces sujets. Je sais une chose et les travaux de M. Pison le montrent très bien. Je lis beaucoup ses travaux. Si nous n'avons pas le retour des enfants, il va se passer deux choses tout à fait bien décrites par M. Pison.

La première, c'est que le nombre des plus de 70 ans va doubler. Ce sont les chiffres que vous annoncez et vous voyez ce que cela veut dire pour la société française ?

Ce vieillissement-là, pour moi, c'est une perspective que je n'ai pas envie d'adopter.
Et, deuxième chose qui est la réponse précise à votre question.

Il y a des régions du monde qui, de l'Afghanistan jusqu'à l'Afrique, sont en explosion démographique et notre place, nous, Européens et, nous, Français a fortiori, dans cet équilibre de la planète, est complètement écrasée.

Vous donnez les chiffres.

Donc ne pas faire d’enfants, c'est l'instrument du fait de notre domination future, du fait que l'on soit en retrait.

C'est la garantie des déséquilibres de la planète, non pas des déséquilibres climatiques, mais des déséquilibres démographiques et politiques auxquels nous risquons, je crois, d'être exposés.

La population de l'Afrique va être multipliée par trois.

Gilles PISON : de façon sûre par deux d'ici 2050 et elle pourrait être multipliée par trois.

Ce sera le mot de la fin.

Merci d'être venus.

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