Marc Fesneau : "Je crois qu'il y a aussi un certain nombre de gens qui voient la capacité que nous avons à essayer de transformer le pays et à essayer de le réformer."

Marc Fesneau, Ministre des Relations avec le Parlement, était l'Invité du Matin de Frédéric Rivière ce mardi 21 janvier 2020 sur RFI. Extraits.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE - RFI

Les mouvements de grève contre la réforme des retraites sont presque terminés, en tout cas relativement marginaux, notamment dans les transports en commun, et pourtant la tension sociale reste assez exacerbée, on l’a vu avec les deux opérations contre la CFDT, on l’a vu avec ce qui s’est passé au théâtre des Bouffes du Nord samedi soir (sic) où se trouvait le président de la République. On pourrait peut-être d’ailleurs aussi y ajouter certaines violences policières, dont les images, dont les vidéos choquent. Comment faire aujourd'hui retomber cette tension ?

MARC FESNEAU

Je crois que c'est un mouvement qui est très profond dans la société, dans beaucoup de sociétés occidentales à vrai dire, ces mouvements de violence. Saluons quand même le fait que, dans le cadre du conflit autour des retraites, les bases du compromis qui ont été jetées il y a une dizaine de jours, manifestement ont produit leurs effets. Alors maintenant il y a un travail à faire, il y a un travail parlementaire...

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Vous pensez vraiment que c'est le compromis, que ce n'est pas aussi la fiche de paie ?

MARC FESNEAU

Non, je pense que...

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Parce que, pour ceux qui étaient en grève depuis 45 jours, ça devenait presque intenable, non ?

MARC FESNEAU

Mais pas seulement, je pense qu'il y a un certain nombre de gens qui ont pu voir, sur les bases du compromis, qu’il y avait un chemin qui était en train d'être tracé, et que ça permettait d'ouvrir d'autres perspectives. Alors évidemment, il peut y avoir la feuille de paie, je ne dis pas le contraire, mais quand même je crois que ça a permis de dresser des perspectives. Quant aux phénomènes de violences, je le disais, ils sont présents dans toute la société, et sur tous les sujets au fond, donc ça c'est un sujet qui doit nous interpeller tous, responsables publics. Et au fond, on est dans un moment où ceux qui ne sont pas en accord avec tel ou tel, quels que soient les sujets, manifestent trop souvent par la violence, verbale ou la violence physique, leurs désaccords. Vous avez cité un certain nombre de phénomènes dans les manifestations, vous avez cité l'entrave au nom du droit de grève, parce qu’il y a un certain nombre de non-grévistes que l'on a empêcher d'aller travailler, tout simplement. Mais, on pourrait citer des tas d'autres sujets, où au fond des citoyens, parce qu'ils ne sont pas d'accord avec d'autres, exercent par la violence l'intimidation, l'intrusion, enfin il y a différentes formes, il y a différentes gradations, essaient d'imposer leurs choix ou leur vision sur les sujets. On pourrait parler, ça paraît décorrélé d'une certaine façon, on pourrait parler de ce qui se passe chez les bouchers ou chez les agriculteurs, où au fond par la violence on dit : "je refuse que tu puisses exercer ton activité de boucher", ou  "je refuse que tu puisses exercer librement ton activité d'agriculteur". Il y a quelque chose dans la société, dans nos sociétés, il faut qu'on essaie de rappeler les règles...

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Ce qu'il faudrait se demander, c'est pourquoi à un moment donné on ne sait plus faire autrement que d'exprimer sa difficulté ou son désaccord, par la violence.

MARC FESNEAU

Je pense que c'est pour ça que d'abord il faut rappeler les règles, il y a des activités légales, il y a des activités qui ne sont pas légales. Deux, je pense qu’il faut mesurer à chaque fois et à chaque jour, et je le fais devant vous comme je le fais toujours quand je suis dans les médias, son langage. Je pense que quand on a un langage qui est belliqueux, j'entendais monsieur Mélenchon, ce week-end, dire : "Je condamne la violence, mais j'appelle à l'insurrection". Enfin, ne jouons pas sur les mots. J'entendais une responsable de France insoumise faisant des comparaisons entre la présidence de la République et Louis XVI, le président de la République et Louis XVI. Il y a quelque chose dans les mots, qui crée de la confusion dans les esprits, qui sont très lourds et porteurs de risques. Et puis trois, il faut qu'on trouve des voies et moyens, dans la société, pour nouer le débat démocratique, pour accepter les désaccords y compris, et pour faire en sorte que chacun puisse défendre ses opinions, sans venir les imposer, où qu'une minorité vienne les imposer aux autres.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Mais, certains aujourd'hui n'hésitent pas à parler d'une haine anti-Macron. Est-ce qu'il y a quelque chose de cet ordre ou est-ce qu'il y a quelque chose de particulier chez ce président de la République, par rapport au précédent qui...

MARC FESNEAU

Moi, je ne crois pas du tout, je pense que les institutions de la Vème République, le fait que la France est la seule démocratie où le président est...

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Est en première ligne.

MARC FESNEAU

Tout remonte au fond au président de la République. Il se passe quelque chose dans le moindre village de France, on vient dire "et qu'est-ce que fait, et qu'est-ce que dit, et qu'est-ce que pense, et qu'est-ce que ne pense pas le président de la République sur tel ou tel sujet ?". C'est le système institutionnel qui produit ça, plus un certain nombre de gens, qui par leurs mots, je viens de le dire il y a quelques instants, viennent attiser une espèce de mise en exergue. Mais je ne crois pas, moi pour vivre dans mon territoire du Loir-et-Cher, qu'on puisse parler de ce que vous dites, parce que je crois qu'il y a aussi un certain nombre de gens qui voient la capacité que nous avons à essayer de transformer le pays et à essayer de le réformer.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

On va revenir dans un instant à la réforme des retraites, mais puisqu'on parle de climat social, de violences, nous sommes à quelques jours du 75 ème anniversaire de la libération du Camp d'Auschwitz, Emmanuel MACRON s'envole demain pour Israël où va se tenir le 5ème Forum mondial sur la Shoah, et une étude publiée ce matin par nos confrères du Parisien, réalisée par l'IFOP, révèle que 34 % des Français juifs se sentent menacés, parce qu'ils sont juifs, alors que ce chiffre n'est que de 8 % sur l'ensemble de la population. Dans le détail, l'enquête révèle que les 18/24 ans se sentent particulièrement victimes d'antisémitisme. Qu'est-ce que vous inspirent ces chiffres ?

MARC FESNEAU

Eh bien forcément de l'inquiétude, mais on voit bien monter depuis quelques années, d'ailleurs depuis assez longtemps, des formes nouvelles d'antisémitisme. On a pris d'ailleurs un certain nombre de dispositions, pour essayer de renforcer le dispositif de répression. C'est souvent fondé sur l'ignorance ou la méconnaissance, c'est souvent fondé sur le refus de la différence, et là pour le coup c'est la différence religieuse. On sait, ces mouvements-là, ces pensées-là, on sait où elles ont pu mener, à la catastrophe, à des moments divers de l'histoire du monde. Et donc il faut lutter pied à pied et sans relâche, et deux, ne pas nourrir, où que ce soit dans les territoires de la République, les phénomènes communautaires qui viennent opposer les communautés les unes aux autres. Et donc, quand vous êtes responsable public, c'est le liant, c'est le respect de l'autre, le respect de la différence, le respect de sa différence religieuse, qui doit prévaloir, et c'est bien notre rôle que de le faire.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Et là-dessus on attend le président de la République, d'ailleurs, qui doit s'exprimer sur toutes ces questions...

MARC FESNEAU

Il s'exprimera sur ce sujet, parce que c'est un sujet que nous voyons là, au travers de l'antisémitisme, mais qui s'exprime sous d'autres formes, et il faut qu'on lutte pied à pied contre l'antisémitisme, bien sûr, et le communautarisme par ailleurs.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Et il y a du travail pour restaurer, en quelque sorte, la crédibilité de la parole politique, puisque cette étude révèle une chose qui n'est pas très encourageante pour vous, puisque lorsqu'ils se sentent menacés, les juifs français font, dans leur très grande majorité, à 77 %, d'abord confiance aux associations comme le CRIF par exemple, ou le Consistoire, aux forces de l'ordre à 60 %, au chef de l'Etat à 47 %, et au gouvernement à 41 %.

MARC FESNEAU

Oui, modérons peut-être cette impression que ça peut donner, les forces de l'ordre, elles sont sous l'autorité d’un gouvernement, donc je veux dire, tout ça est à prendre de manière globale.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Oui, mais le rapport est plus immédiat peut-être…

MARC FESNEAU

Oui, et le rapport, quand vous avez une conflictualité et un acte antisémite, évidemment, les premiers vers lesquels vous allez, c’est, soit, une association – ce que je peux entendre – et puis, ce sont les forces de police ou de gendarmerie qui viennent prendre la plainte ou viennent mettre hors d'état de nuire ceux qui ont commis des actes de cette nature-là. Donc ça ne me paraît pas illogique. Mais il faut que tous ceux qui sont victimes de discrimination, en l'occurrence, les Juifs de France, sachent que l'Etat est à leurs côtés pour leur laisser tout simplement le droit d'être ce qu'ils sont et d'exercer leur droit religieux comme ils ont envie de l'exercer dans le cadre des lois de la République.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

On va revenir donc au projet de réforme des retraites, il sera présenté en Conseil des ministres…

MARC FESNEAU

Ce vendredi 24…

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Vendredi et non pas mercredi précisément pour cause de déplacement du président en Israël. Et ensuite, il arrivera au Parlement le 17 février. La question du financement de la réforme n'est pour l'instant pas tranchée, ça va faire l'objet d'une conférence spécifique qui va durer plusieurs mois, est-ce que ça signifie donc que les parlementaires vont travailler, puis voter sur un texte à trous ?

MARC FESNEAU

Excusez-moi de dire, il faut être assez précis dans ces affaires-là, pardon, la question du financement du système cible, du système universel à points n'est pas le sujet, puisque ça, des dispositifs sont prévus dans le texte, et d'ailleurs l'étude d'impact que tout le monde avait réclamée en disant : il n'y a pas d'étude d'impact, elle est sur la table, elle très volumineuse et ça permet à chacun de nourrir les hypothèses sur lesquelles est construit le nouveau système. Le système de financement, la question du financement qui est posée aux partenaires sociaux est la question du financement du retour à l'équilibre pour 2020 dans le système actuel, donc ce n'est pas un trou énorme, c'est simplement, par rapport au texte, c'est simplement qu'on se donne le temps avec les partenaires sociaux de regarder s'il y a d'autres voies et moyens que ceux qui avaient été posés par le Premier ministre. Donc les parlementaires, ils auront les éléments sur le système d’arrivée, le système dit cible, ils auront des hypothèses et des éléments sur les transitions proposées, et après, au gré des discussions qu’il y aura avec les partenaires sociaux, viendra s'adjoindre la partie de financement, mais qui ne concerne que le mécanisme entre aujourd'hui et 2027.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

Donc au départ, il y aura bien quelques trous quand même dans le texte…

MARC FESNEAU

Oui, mais, on ne peut pas à la fois dire : on fait confiance à la démocratie sociale ou nous demander de faire confiance à la démocratie sociale, et à chaque fois, reculer ou dire : il ne faut pas y aller. Donc moi, je pense que les parlementaires seront suffisamment éclairés.

FRÉDÉRIC RIVIÈRE

L’opposition de droite, comme de gauche, est remontée contre la circulaire du ministre de l'Intérieur qui a demandé aux préfets de ne plus donner de couleur politique aux listes dans les villes de moins de 9.000 habitants, alors que cette disposition, jusqu’à maintenant, elle ne s’appliquait qu'aux villes de moins de 1.000 habitants. Vos adversaires dénoncent une ficelle un peu grosse, pour rendre moins visibles les futurs mauvais résultats de la majorité aux élections municipales. Il n’y a rien de ça ?

MARC FESNEAU

Eh bien, je n’en crois pas un mot, d’ailleurs, quand vous regardez au soir de… j'ai fait quelques soirées électorales, et j'ai assisté et commenté moi-même des soirées électorales, les commentaires d’une soirée électorale, ils se basent généralement sur les villes de plus de 10.000, voire plutôt les villes de plus de 30.000, c'est sur cette base-là que se fait, comment dirais-je, une impression et une opinion. Et par ailleurs, entre 1.000 et 9.000, la grande majorité des communes, les élus qui se présentent, ils se présentent sans étiquette, et c'était d'ailleurs une vieille revendication d'un certain nombre d'associations d’élus, Association des Maires de France, Association des Maires Ruraux, que de dire : ne venez pas nous coller des étiquettes quand dans une équipe de quinze, un est étiqueté et quatorze autres ne sont pas étiquetés. Je veux dire, il y avait quelque chose d'assez paradoxal et ridicule. Et par ailleurs, je trouve ça assez intéressant de voir ceux qui se plaignent de cette manière-là, on verra si sur leurs affiches, ils posent même le logo de la propre formation politique qui est la leur. Donc vous voyez, on voit bien que les municipales, c'est un enjeu local, un enjeu municipal, ça n'empêchera pas d'en avoir une lecture politique nationale sur un certain nombre de grandes villes.

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