Patrick Mignola : « Je ne vois pas où est l’immobilisme »

Patrick Mignola

Dans un entretien à La Tribune Dimanche, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, revient sur les suites du conclave sur les retraites voulu par François Bayrou, la motion de censure socialiste et les défis budgétaires de la rentrée. Refusant les procès en immobilisme, il assume une ligne de dialogue avec toutes les forces politiques et plaide pour une réforme électorale d'ici l’automne.

La CFDT a opposé une fin de non-recevoir à François Bayrou, qui souhaitait des négociations supplémentaires sur les retraites entre partenaires sociaux à l’issue du conclave. Jusqu’au ce désaveu l’affaiblit-il ?

Ce qu’a voulu faire François Bayrou, c'est donner le coup de pouce de la démocratie politique à la démocratie sociale. Le conclave est parvenu à des accords au service des Français les plus modestes. Les femmes ayant perçu des salaires modestes, changé à de multiples reprises de métier, et élevé deux à trois enfants seules, auront la garantie, si nous l'inscrivons dans la loi, de partir plus tôt avec une meilleure retraite. Il y a également eu un accord sur le départ à taux plein. En proposant un temps supplémentaire de discussion, le Premier ministre a voulu permettre d’en dégager deux autres sur la pénibilité et le financement. Pour l’instant, il n’a pas été suivi. 

Mais pour autant, je crois que tous ceux qui ont parlé d'échec se sont trompés et ont manqué de respect aux Français les plus modestes qui attendaient légitimement des améliorations de la réforme Borne.

Est-ce que la motion de censure déposée par les députés PS est de mauvais augure en vue du débat budgétaire de l'automne ?

Paradoxalement, je ne crois pas. Je crois plutôt qu'elle clôt une séquence. Le Parti socialiste vient de vivre un débat interne qui a été assez rude. Et au fond pour panser les plaies, il a ressenti le besoin d'une motion de censure sur laquelle peuvent se retrouver à la fois les lignes Faure et Mayer-Rossignol, qui se sont affrontées âprement lors de son congrès. Elle ressemble pour moi davantage à un prétexte d'effacement des divisions internes qu’à l’expression de véritables divergences avec le gouvernement. 

Je dis parfois, dans un sourire parce que je suis toujours extrêmement indulgent avec le Parti socialiste, que le gouvernement lui sert de balle anti-stress… 

D’ailleurs, ça peut parfois aussi être le cas de LR, qui a également vécu un congrès où deux lignes politiques différentes se sont affrontées.

Pour vous, cette motion de censure n'est donc pas synonyme de fin de dialogue avec le PS ?

Non et j'espère que pour le Parti socialiste, ça n'est pas le cas. 

Du côté du gouvernement, notre ligne reste la même. Face à une Assemblée nationale sans majorité, mais dans un pays où il faut répondre à tant d’urgences, à commencer par l'urgence budgétaire, nous poursuivrons les discussions avec tout le monde. 

Cette semaine, nous espérons dépasser cette huitième motion de censure en six mois pour pouvoir ensuite prendre nos responsabilités sur le budget. C’est une haie suffisamment haute pour qu'on l’aborde évidemment en discutant avec tous.

Est-ce que les jours du Premier ministre sont d'ores et déjà comptés ?

Par définition oui ! Mais c'est ce qui doit nous donner du courage ! François Bayrou est menacé de censure depuis le lendemain de sa nomination. Face à ce risque permanent, il y a deux options : soit craindre cette menace et ne rien faire, soit vivre avec et agir encore plus vigoureusement. La peur n'évitant pas le danger, nous avons choisi la seconde. Nous saurons prendre tous les risques. Nous allons dire toute la vérité et donner toutes les solutions nécessaires pour qu’en 2029, la France ait ramené son déficit budgétaire en dessous de 3% conformément à ses engagements et éviter que les agents du FMI viennent se substituer au Gouvernement. 

Nous présenterons un budget courageux.

Et pourtant chez les Français, c’est d’abord un sentiment d’inaction qui domine au sujet de François Bayrou !

C'est pour moi un grand mystère ! 

Ce procès en mollesse et en immobilisme est souvent fait aux centristes quand ils arrivent aux responsabilités parce qu'ils choisissent toujours la voie du compromis plutôt que celle du conflit. 

Mais au terme du premier semestre du gouvernement Bayrou, les faits, têtus, prouvent l'inverse. Près de 50 textes ont été définitivement adoptés par le Parlement. Les promesses qui avaient été faites aux agriculteurs lors de la crise de l’hiver 2024 ont été tenues. La lutte contre l’insécurité et l’intranquillité a été menée avec les textes sur la justice des mineurs et le narcotrafic. L'activité économique a été soutenue. Nous avons tenté de trouver des réponses aux déserts médicaux. La fin de vie a fait l’objet d’une première lecture à l’Assemblée. Deux textes attendus par nos compatriotes mahorais ont encadré cette session parlementaire… 

Je ne vois pas où est l'immobilisme. Je trouve même qu’il y a une forme de paresse intellectuelle à émettre un tel raccourci défaitiste et à passer son temps à dire que le gouvernement ne pourra rien faire d'utile avant l'élection présidentielle.

(...)

Est-ce que le socle commun est en voie de dislocation ?

En tout cas, les forces politiques qui le composent doivent toutes réfléchir à ce qui les a conduits à travailler ensemble à partir de septembre 2024. J’avais trouvé intéressant que Laurent Wauquiez établisse en juillet dernier une liste de six priorités, autour desquelles nous pouvions nous retrouver. Il serait utile de les actualiser aujourd'hui. 

Si nous avons connu des divisions très nettes récemment sur les ZFE, le ZAN, la programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est parce que nous n’avons pas défini préalablement la vision commune que nous devions porter. J'observe, sans malice mais objectivement, que souvent les divisions n’ont pas seulement été entre les forces du bloc central [Renaissance, Horizons et le MoDem] et Les Républicains, mais aussi parfois à l'intérieur des Républicains, entre les députés et les sénateurs LR de ce parti. 

Je ne considère pas qu'un socle efface les convictions et les singularités des uns des autres, mais je sais que nous pouvons retrouver sur des priorités de retour à l'équilibre budgétaire, un soutien à l'activité économique sans faille et un attachement à toutes les souverainetés du pays. 

Le Premier ministre va s'y employer en réunissant beaucoup plus régulièrement les chefs de parti du socle commun.

Y a-t-il un problème LR, qui cherche beaucoup à se distinguer ?

En fait, je pense que le vrai problème, c'est l'obsession présidentielle. Quand il y a des divisions internes dans les partis ou entre familles politiques qui avaient pourtant initialement choisis de travailler ensemble, c'est parce que beaucoup ont le mauvais réflexe de réduire la vie politique à l'élection présidentielle. Mais on n'a jamais vu une élection présidentielle se jouer deux ans avant ! En 2015, Emmanuel Macron n’était connu par personne à Chambéry.

Une nouvelle dissolution ne vous paraît-elle pas inéluctable, voire souhaitable ?

Une dissolution est de la responsabilité unique du Président de la République et je ressens chez lui un profond attachement à la stabilité politique alors que le monde, lui, est très instable. Pour ma part, je crois qu'il faut respecter ce qu'ont décidé les Français en juillet 2024 et faire avec - pour le meilleur ! Qu'apporterait une nouvelle dissolution ? Certains futurs candidats à la présidentielle imaginent peut-être que dans leur sillage, la France déciderait de leur donner une majorité absolue qui écraserait toutes les oppositions. Personnellement, j’ai un doute. 

Dans notre société politique, il y a désormais six grandes forces : l'extrême gauche, les écologistes, le PS, le bloc central, LR et l'extrême-droite. 

Je ne crois pas qu'on retrouvera automatiquement dans trois mois ou deux ans une majorité absolue. Au contraire, il faut intégrer cette nouvelle donne et forcer un peu notre nature pour trouver des compromis au service de l'intérêt général.

Quand allez-vous dévoiler vos intentions sur la proportionnelle ?

Le Premier ministre va encore poursuivre les concertations qu’il a entreprises. 

Nous n'ignorons rien des réticences, des a priori et des calculs. Mais il faut qu'on parvienne à la fin de l'été ou au début de l’automne à les faire tomber : ce n'est ni accessoire ni futile de permettre au Parlement de représenter le mieux possible les différences de conviction des Français. 

Il faut qu'on parvienne à avoir un débat apaisé et sur le fond. D’ici là, je vais discuter avec plusieurs de mes homologues européens sur les modes de scrutin dans leur pays. Même si je pense comme François Bayrou qu’il faut un scrutin similaire à celui de 1986, qui, je le rappelle, à l’époque avait dégagé une majorité, je veux nourrir le débat objectivement.

Après l’échec de la commission mixte paritaire [CMP] sur la réforme de la loi PLM, allez-vous inscrire ce texte à l’Assemblée afin que celle-ci ait le dernier mot ?

Le texte va poursuivre son parcours législatif. Je l'ai rappelé au Sénat. Cette réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille concerne quand même trois millions de Français. Ce sujet a été approuvé à 75% par l'Assemblée est rejeté à 75% par le Sénat avec une originalité particulière : les députés LR y ont été favorables et les sénateurs LR opposés. Dans ce contexte, j’ai essayé d’aboutir à un compromis, en particulier sur la représentation des maires d’arrondissement et la lisibilité de leurs compétences. Mais elles ont été ignorées en moins de vingt minutes en CMP. 

Nous appliquerons donc la règle institutionnelle : après une CMP non conclusive, chaque chambre effectue une nouvelle lecture. Ce sera le 7 juillet à l'Assemblée et le 9 au Sénat. Et cela ne peut pas être une source d’indignation !

Lire l'entretien complet dans La Tribune Dimanche.

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