"Les départements et les régions doivent être fusionnés en une seule collectivité"

François Bayrou a estimé que l'Acte III de la décentralisation est "une réforme labyrinthique", où "tout est fait pour ne rien changer", mardi dans une interview accordée à Ouest France et l'Internaute.

Fabien Dabert - François Bayrou, avant d’aborder directement votre ouvrage De la vérité en politique, venons-en d’abord à l’actualité principale de ces derniers jours. Nicolas Sarkozy mis en examen dans l’affaire Bettencourt a publié hier un message sur Facebook dénonçant une décision injuste. Ses proches ont même attaqué ouvertement la décision du juge Gentil. Estimez-vous qu’il y a eu là un dérapage, notamment vis-à-vis de l’indépendance de la justice ?

François Bayrou - Deux choses. Quand il y a une décision de justice qui vous met en cause, vous avez droit de la critiquer et de plaider pour votre innocence. Et vous avez surtout le droit de faire des recours. Chaque fois qu’il y a une décision de justice, vous pouvez demander qu’elle soit changée, réformée, voire annulée devant un autre juge. C’est ce qu’on appelle l’appel. C’est ce que Nicolas Sarkozy a fait, c’est absolument normal. Nous allons voir d’ailleurs d’ici quelques semaines ce que la Cour d’Appel de Bordeaux, ce qu’on appelle la chambre de l’instruction, va dire de cette mise en examen.

Mais, cibler un juge en l’attaquant personnellement, en disant qu’il déshonore la justice, cela c’est une atteinte portée aux règles qui font qu’une démocratie existe. Parce que, qu’est-ce que c’est qu’une démocratie vivante ? Ce sont trois choses. Une représentation pluraliste du peuple, pour qu’il y ait débat, et la séparation des pouvoirs. Deuxièmement, une presse libre. Que des journaux, des sites puissent faire apparaître des informations qui autrement seraient restés sous le couvercle. Troisièmement, une justice indépendante. Pour qu’elle n’ait pas peur de s’attaquer y compris aux puissants. Parce que le principe d’une justice respectée, c’est qu’elle ait le courage de mettre en cause des puissants autant qu’elle met en cause des faibles. 

Lorsque Henri Guaino met en cause personnellement le juge Gentil, il a tort ? Vous le condamnez ? 

Oui, je pense que c’est une faute d’attaquer personnellement des juges. Et Guaino n’ait pas le seul à l’avoir fait. Il y en a eu d’autres, en disant qu’il était partial sous prétexte qu’il aurait signé un appel pour que, en France, on lutte contre la corruption plus efficacement. Franchement, je préfère des juges qui veulent lutter contre la corruption que des juges qui s’en accommodent – j’espère qu’il n’y en a pas. Donc, oui, je pense que c’est une faute.

Michel Urvoy – François Bayrou, les affaires concernant Nicolas Sarkozy ne sont pas toutes soldées loin s’en faut. Il y a Karachi qui suit son cours, il y a les sondages de l’Elysée… 

Il y a l’affaire Tapie.

Oui. Il y a même ses comptes de campagne qui sont d’une toute autre nature mais pour lesquelles nous n’avons pas de décision. Cela fait beaucoup de choses. Est-ce que tous ces sondages, toutes ces déclarations spéculant sur un retour de Nicolas Sarkozy sur l’avant-scène de la politique ne sont pas un peu prématurés ?

Cela c’est le jeu politique classique habituel. Comme vous le savez car je vous l’ai dit personnellement, je n’ai jamais cru que Sarkozy était parti. Donc, je ne suis pas étonné qu’il veuille son retour. Il a le droit. Mais, simplement, dans un pays de libertés, il y a des règles et il faut les respecter. C’est ce que j’ai dit à propos des mises en cause du juge. On ne peut pas avoir des responsables politiques qui applaudissent la justice le mardi parce que Jérôme Cahuzac est mis en examen. Ils sont dans l’opposition, ils applaudissent la justice. Et qui, le jeudi ou le vendredi, insultent la justice parce que c’est au tour de Nicolas Sarkozy d’être mis en cause. Il faut avoir la même attitude dans les deux cas et il est heureux qu’il existe au moins un courant politique qui ait la même attitude dans les deux cas et qui considère que l’indépendance de la justice, le respect des règles, sont nécessaires pour que nous vivions dans un pays où nous puissions avoir un minimum confiance. On peut se dire que, s’il y a des fautes, elles seront poursuivies. Après il faut prouver qu’il y a des fautes, tout cela est naturellement d’une autre nature. 

Fabien Dabert - Justement, après l’ouverture d’une enquête sur Cahuzac, cette mise en examen. Cela commence à faire peut-être beaucoup d’affaires et peut-être un peu de discrédit sur le monde politique. A votre avis, à qui profite tout cela ? 

Cela profite à l’extrémisme, il ne faut pas se raconter d’histoires. Il faut que vous vous mettiez, c’est un exercice difficile quand on est dans les médias, dans la peau d’une famille normale, d’un citoyen normal qui travaille, qui a des soucis de fin de mois… Ils vivent deux choses.

Premièrement, à chaque élection, ils se font tromper. Truander même, j’ai dit quelquefois. Les médias mettent en scène un combat électoral entre la gauche et la droite, rivalisant de promesses et d’illusions. Et de ces promesses et de ces illusions, quelques mois après, il ne reste rien. Je cite juste un seul exemple. François Hollande avait promis pour 2013 une croissance de 1,7%. C’est déjà beaucoup. Nicolas Sarkozy, lui, avait carrément dit 2%. On va avoir zéro. Cette surenchère perpétuelle, aux promesses, aux créations de postes, à des distributions d’argent, la réaction immédiate qui dit que l’on crée systématiquement un fonds, que l’on libère des subventions chaque fois qu’il y a quelque chose qui se produit… Tout cela participe de la tromperie dont les citoyens sont victimes. Cela c’est la première chose. C’est le premier élément de déstabilisation, d’inquiétude, de souffrance des citoyens.

Mais il y a un deuxième élément, c’est qu’en même temps ils voient que les mœurs, la pratique du monde politique, la manière dont il se comporte, c’est le contraire de ce qu’il plaide devant les gens. Le monde politique s’autorise des pratiques qui seraient pour tout le monde des fautes poursuivies.

La classe politique ment délibérément aux Français ? 

Je ne veux pas dire les choses comme cela. Je vais vous dire comment, dans le livre en tout cas, je l’ai décrit. Nous avons des institutions qui conduisent les responsables politiques, quand ils n’ont pas une colonne vertébrale solide et presque invulnérable, à faire la démagogie maximale à chaque élection. C’est un mécanisme très simple. En France, et nous sommes le seul pays européen dans ce cas-là, c’est tout ou rien. Présidentielles et législatives, si vous gagnez vous avez tout le pouvoir, sans contre-pouvoirs, si vous perdez vous n’avez rien. Et même, si vous n’êtes pas le principal parti d’opposition ou soumis au principal parti d’opposition, vous n’avez même pas de représentation. Trois courants qui animent la vie politique française, et qui ne sont pas d’accord entre eux c’est entendu, l’extrême-droite, l’extrême-gauche et le centre, ont réalisé à toutes les échéances depuis le début du siècle, ensemble, près de 40% des voix. Est-ce que vous croyez normal - je pose cette question au cas où l’on n’y reviendrait pas - qu’ils ne soient pas représentés à l’Assemblée ? C’est une caricature. Nous ne sommes pas des sous-citoyens parce que l’on choisit de voter pour les uns ou pour les autres. Alors ne sont représentés que ceux qui se mettent bien dans le sillon et qui choisissent de voter uniquement UMP ou PS. Ceux-là ont des centaines de sièges. 

Nous allons développer ces points un peu plus loin dans l’interview. Nous avons beaucoup de questions. Une question d’internaute qui réagit sur le fait que la classe politique peut mentir.

Ce n’est pas qu’elle peut, c’est qu’elle choisit à chaque élection, sachant pertinemment ce qu’il en est…

De séduire pour conquérir le pouvoir ?

Voilà.

Michel Urvoy – Mais est-ce que l’on peut conquérir le pouvoir en disant la vérité ? 

Nous sommes là pour le montrer. Vous vous rendez compte, Michel Urvoy, que nous sommes au bout du chemin. Cela fait vingt ans que ça dure. Regardez le résultat des législatives dans l’Oise dimanche. C’est un désaveu terrible pour les deux partis principaux. Le PS avait appelé à voter contre le Front National. Il y a 45% de ses électeurs qui sont allés porter leurs voix à l’extrême-droite. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’il y a, au sein du peuple français, un refus rageur de continuer sur cette voie des illusions, des fausses promesses, dont on abreuve le pays. Mais, je le dis quand même pour qu’on l’entende, la voie de l’extrême, extrême-droite ou extrême-gauche, c’est une voie qui conduit au malheur. Si c’était une voie possible, on s’en ficherait, on balaierait la table et on aurait un moment un peu agité et c’est tout. Pas du tout. Les choix qui sont proposés par ces formations politiques sont des choix qui conduisent le pays aux accidents les plus graves dont les plus faibles seront les victimes. Parce que ce sont toujours les plus faibles qui trinquent.

Fabien Dabert – Nous avons des questions très précises. 

Vous n’aviez pas fini la question que vous aviez commencée, excusez-moi.

Voilà, j’y retourne. Gérard nous demande, avec toutes les affaires que nous venons de mentionner, ce climat un peu délétère, estimez-vous que la classe politique dit la vérité aux Français concernant l’argent notamment ?

Vous voulez dire sur sa situation à elle ? 

Michel Urvoy – L’argent des partis.

Il y a plusieurs sujets. Il y a l’argent dans la politique. Je considère comme inacceptable que les parlementaires, par exemple, ne paient pas d’impôts sur la totalité de leurs ressources. C’est très simple, ils n’ont qu’à déclarer leurs frais réels quand ils ont des frais, c’est tout à fait légitime. Mais il y a, entre les différents parlementaires, et notamment entre ceux qui ont les moyens, souvent considérables, d’une collectivité locale puissante, président de région, résident de département, maire de grande ville… Ceux-là ont des cabinets, des collaborateurs, des chauffeurs, et donc l’indemnité parlementaire, pour eux, vient en plus. Il y a une partie sur laquelle ils ne paient pas d’impôts. Donc, une idée très simple : tout responsable politique, et singulièrement tous ceux qui votent l’impôt, devrait payer des impôts comme les autres. Avec exactement les mêmes règles. Il me semble que cela ferait progresser le sentiment de confiance. C’est une idée simple : vous votez l’impôt, vous payez l’impôt comme tout le monde.

Sur le financement des partis, est-ce que la législation actuelle est suffisante ou est-ce qu’il faut aller au-delà ?

J’y viens. Il y deux points qui ne sont pas acceptables dans le financement des partis. Il y a d’abord l’injustice qui fait que l’élection principale qui est l’élection présidentielle, celle qui permet de mesurer l’influence des courants politiques, n’est pas prise en compte. Ce qui est seulement pris en compte pour le financement des partis c’est l’élection législative. C’est-à-dire une élection qui, mécaniquement, favorise les deux partis principaux. Cela c’est tout à fait scandaleux et tout à fait anormal.

Deuxièmement, il y a une chose qui est inacceptable, ce sont les micro-partis. C’est à dire des partis, entre guillemets, que des responsables politiques se créent pour eux-mêmes pour avoir des sources de financement pour leurs propres activités, à leur gré. Ces micro-partis, personne ne les contrôle. Cela ne va pas.

Donc il y a au moins deux ou trois points essentiels à corriger. Et je m’empresse de dire que, pour moi, il ne faut pas rajouter du financement à l’élection présidentielle. L’élection présidentielle est financée absolument comme il faut. Il n’y a pas besoin de financement si on a une présence. 

Petite parenthèse sur le MoDem. Vous avez très peu d’élus, les dernières élections ne vous ont pas été très favorables. Le MoDem réussit à vivre, de quoi vit-il aujourd’hui ? 

Il vit d’une subvention publique qui est très modérée et modeste, des dons de ses adhérents, et c’est un des seuls partis qui n’aient pas de dettes.

Revenons à François Hollande dont nous parlions tout à l’heure à propos du discrédit en politique et du mensonge en politique. Vous avez soutenu François Hollande, un internaute - Summer, c’est son pseudonyme - vous demande si vous êtes fier d’avoir voté pour François Hollande.

« Fier », ce n’est pas un mot que l’on utilise souvent en politique. Quand vous êtes au deuxième tour et que vous avez été candidat au premier, vous êtes placé devant le choix entre deux candidatures qui, par nature, ne vous conviennent pas puisque vous avez été candidat contre. J’ai estimé, selon moi à juste titre, lors du deuxième tour qu’il fallait une alternance en France. Pourquoi ? Parce qu’il y avait une très grande violence, une très grande tension, de très grandes divisions dans le pays que Nicolas Sarkozy avait choisi de faire monter. Deuxièmement, parce qu’il y avait un certain nombre de pratiques politiques qu’il fallait changer et les affaires dont nous parlons le montrent. Il y avait une troisième considération. Je pensais et je pense toujours que la gauche, qui s’était opposée aux réformes depuis vingt ans – songez par exemple à la réforme des retraites – qui avait fait obstacle au sentiment réformiste dans le pays, devait se retrouver devant le réel de la société française. Et que cela allait l’obliger à changer de ligne. Je suis certain que cette situation va se créer. Pour l’instant, nous n’avons pas la réponse précise et nous en reparlerons.

Fabien Dabert - Êtes-vous déçu par François Hollande ? 

Je ne peux pas dire les choses comme cela. J’essaie d’employer des mots précis. Il y a des plus dans son action. Par exemple, le fait qu’il n’y ait pas d’influence sur les juges, qu’ils puissent faire leur travail, le fait qu’il y ait, il me semble, moins d’influence sur les médias… Donc, plus de valeurs républicaines dans la manière dont l’Etat fonctionne, dont la démocratie française fonctionne. Je trouve courageuse et juste la manière dont il a géré le problème du Mali. Il faut féliciter, parce que ce sont eux les principaux protagonistes, l’organisation de notre armée et les soldats et officiers qui sont sur place. Je trouve juste le choix qu’il a fait des négociations entre syndicats et patronat même si ce n’est pas facile et il faut que la loi suive après. Cela, ce sont des plus.

Il y a un problème pour lequel il n’y a pas de réponse. La plupart des Français ne voient pas clairement la direction politique en économie qui va être suivie. C’est là qu’est la principale difficulté. Parce qu’on voit bien d’où cela vient. Il y a une contradiction absolue entre la campagne qui a été faite, les thèses du Parti Socialiste habituellement, l’orientation de fond de la majorité, et la politique que François Hollande va devoir faire. S’il ne résout pas cette contradiction, il va s’enliser jusqu’à ne plus pouvoir sortir du marécage. 

Michel Urvoy - Vous connaissez bien François Hollande. Vous parlez avec lui régulièrement. Est-ce que, au fond, il est complètement convaincu par la politique qu’il mène ? 

J’ai rencontré François Hollande il y a longtemps, alors qu’il était chez Jacques Delors.

Fabien Dabert - Quelqu’un pour qui vous avez beaucoup d’estime. 

Pour qui j’ai beaucoup d’estime, oui. Comme vous savez que je le pense, les orientations de jeunesse disent beaucoup d’une personne. Donc je pense qu’il est sur celle ligne-là, simplement il a été premier secrétaire du Parti Socialiste pendant longtemps. Il doit mettre les actes du gouvernement en accord avec les orientations qu’il a défendues à partir du mois de novembre, le soutien à l’entreprise notamment. Nous devons avoir une mobilisation de tout le pays pour soutenir ceux qui sont en première ligne, dans la tranchée, et qui sont pour moi les entrepreneurs, les artisans, les PME, les créateurs d’entreprise, les innovateurs, les chercheurs… Ce sont eux qui sont là pour le pays.

Michel Urvoy - Donc au fond vous le sentez très proche de vous, de vos thèses, mais étant incapable politiquement de l’assumer. 

En tout cas c’est le sentiment profond que j’ai eu depuis des années. Mais, est-ce qu’il va oser se défaire de ce poids idéologique et partisan ? De ceux qui pensent que, au fond, l’entreprise c’est les patrons et qu’il faut mener une politique contre ces patrons. De ceux qui pensent que nous nous en tirerons par la dépense publique, ce qui est évidemment impossible. Les mots que François Hollande a utilisés, et même un certain nombre d’orientations précises, prennent acte que c’est impossible. Mais vous voyez bien à quel point il est paralysant d’avoir une majorité et un parti qui vous bloquent. 

Allons au bout de cette réflexion. La situation, là, est périlleuse, il y a des gens dans la rue, il y a eu l’élection de l’Oise dont nous venons de parler. Politiquement, le passage est extrêmement étroit. N’est-ce pas le moment pour vous de lancer un appel à François Hollande en lui disant : « Assumez votre changement de logiciel économique et social et créez un gouvernement d’union nationale » ?

Vous savez que je défends cette thèse depuis longtemps.

Donc vous lui lancez cet appel aujourd’hui ? 

N’essayez pas de me faire dire ce que je ne veux pas dire. Je veux choisir précisément mon expression. Vous vous rendez bien compte que l’idée qu’un responsable politique comme moi serait en train de préparer un ralliement est irrecevable par les gens et à juste titre. Je n’ai aucune considération personnelle dans cette affaire.

Fabien Dabert - Et s’il change de cap ? 

Attendez. Et donc, « est-ce que vous êtes en train de préparer une entrée au gouvernement ? », ma réponse est non. Je n’ai jamais envisagé, ni aujourd’hui ni hier, une entrée dans un gouvernement avec lequel je ne serais pas en accord profond. Deuxièmement, toute mon action c’est pour que nous sortions de la stupidité des affrontements actuels, de ce climat d’affrontements réciproques, et que nous ayons en France une politique courageuse, réformiste, qui puisse corriger les causes de notre échec national. De ce point de vue, je suis là pour indiquer les orientations et pour dire que, si jamais il y avait une prise de conscience qui concernerait la gauche réformiste, le centre, la droite républicaine – parce que je ne vois pas de grandes différences entre tous ces courants – alors naturellement je le soutiendrai et j’y aiderai à ma place et avec mes moyens.

Si François Hollande change de cap, qu’il change d’hommes pour s’entourer et qu’il fait appel à vous ? 

Si François Hollande change de cap, il va y avoir une crise à gauche évidemment très importante dont vous voyez naître les signes avant-coureurs. Quand Mélenchon traite Moscovici de salopard, à la tribune, au micro, il se passe quelque chose, non ? Ce sont des mots que l’on utilise qu’à l’endroit des ennemis les plus irréductibles, et les ennemis de classe les plus irréductibles. Donc, c’est un signe avant-coureur de quelque chose. Cette fracture, ce clivage, je crois qu’il est en train de se produire. Donc, on ne peut chercher des roues de secours, je n’ai pas du tout la vocation de venir pour être roue de secours de quoique ce soit. Ce dont la France a besoin, et je le dis aujourd’hui comme je le disais hier, c’est d’une politique nouvelle. Beaucoup de responsables politiques sont au fond d’eux-mêmes certains qu’il va falloir la conduire mais notre système politique s’y oppose. Il faut changer le système politique ! 

Justement François Bayrou, venons-en aux solutions que vous pourriez apporter à cette crise, à ce constat politique. Beaucoup d’internautes trouvent que votre constat est sévère. Il y a quand même à mettre à l’actif de François Hollande le pacte de compétitivité dont la mesure principale est le crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, l’accord entre le patronat et les syndicats…

Que j’ai soutenu.

Que vous soutenez. Cela fait quand même beaucoup de choses. Peut-être qu’il va dans le bon sens, non ? 

Quand vous dites « Il y a beaucoup d’internautes qui pensent que… », je ne veux pas mettre en cause mais vous voyez bien que ce n’est pas le climat de l’opinion publique française aujourd’hui. 

Mais certains soulignent ce fait-là.

Je vais vous dire ce que je pense. Dans la conférence de presse de novembre, François Hollande a exprimé des orientations. Ce que, comme les économistes, il a appelé la politique de l’offre, c’est-à-dire la politique de soutien à l’entreprise, de ceux qui font des produits nouveaux, des services nouveaux, est une orientation juste. Vous me parlez après du crédit impôt compétitivité. Je n’ai jamais pensé qu’il servirait à quelque chose. Et, si vous reprenez mes déclarations, vous verrez que ma première déclaration, dans l’heure, c’était « usine à gaz ».

C’est une mauvaise mesure ? 

En tout cas, mal imaginée, mal pensée, pas pratique. Je dinais le soir de cette mesure avec Michel Sapin, et il me disait « Cela va créer des centaines de milliers d’emplois ». Je lui ai dit « Je ne le crois pas ». Vérification faite, nous nous apercevons que, en effet, cela n’a pas créé tous ces emplois. Pourquoi ? Parce qu’il faut se mettre à la place d’un chef d’entreprise, petite, moyenne. Ce qui l’intéresse, ce ne sont pas des sommes ou un pourcentage de sa masse salariale qu’il pourra toucher en 2014. Ce qui l’intéresse, c’est son compte d’exploitation en 2013 et même au mois par mois, c’est : est-ce qu’il va pouvoir faire les fins de mois. Donc, il y a là quelque chose de trop compliqué et de peu efficace. Cela va servir à une seule catégorie, aux grandes entreprises. Les grandes entreprises qui ont des milliers de salariés et des moyens déjà considérables vont elles percevoir une espèce de subvention l’année suivante qui va en effet leur donner quelques moyens supplémentaires. Mais j’avais cru comprendre que ce n’était pas le but. Donc, il faut à la fois de bonnes orientations et des mesures pratiques. Je vais vous dire la première mesure pratique que nous devrions faire. Nous devrions tout faire pour que l’Etat, dans toutes ses composantes, ne soit pas un harceleur pour les entreprises. Il faut faire en sorte que les gens qui se battent tous les jours pour créer du boulot, pour signer des contrats de travail, soient protégés. Notamment de l’incroyable complexité labyrinthique de normes, de règles, de lois qui leur font remplir des paperasses tous les jours. Je suis pratique, je parle de la vie de tous les jours. Il faut que ceux-là soient aidés au lieu d’être bloqués. Et cela ne coûte rien du tout. J’ai montré l’autre jour chez Ruquier le Code du travail suisse et le Code du travail français.

Michel Urvoy - Dans le livre vous parlez de l’Etat. De cet Etat coûteux, de cet Etat… 

« Autobloquant », j’ai dit.

« Autobloquant », c’est exactement cela. Là aussi il y a des internautes qui demandent : « Seriez-vous favorable à la réduction du nombre de communes, à la suppression des sous-préfectures, à une régionalisation complète de l’administration ? ». Nous sommes dans le chapitre économie de la dépense publique.

En tout cas, nous ne pouvons pas rester avec cette accumulation de couches successives à laquelle plus personne ne comprend rien. Vous allez avoir un système dans lequel vous allez avoir des municipalités, des communautés de communes ou d’agglomérations quand ce ne sont pas des métropoles, des départements des régions… Tous élus avec des scrutins différents et auxquels personne ne comprend rien. Alors je vais défendre devant vous une idée simple que j’ai depuis longtemps. Les départements et les régions doivent être fusionnés en une seule collectivité locale qui pourrait être décentralisée dans un certain nombre de ses délibérations et au chef-lieu de la région pour les délibérations principales, avec les mêmes élus et la même administration. D’un coup, vous avez une simplification de cette affaire. Et le mode de scrutin, entre nous un peu ridicule, masculin-féminin que l’on va nous imposer, entre nous c’est une complication de plus. 

Donc vous êtes en train de nous dire que la réforme de l’Acte III de la décentralisation qui va bientôt être présentée en conseil des ministres est une réforme brouillonne, compliquée ? 

C’est une réforme labyrinthique qui est faite parce que les Présidents de région, organisés en puissante association, ont tout fait pour convaincre le gouvernement qu’il ne fallait rien changer. Moi je vous dis qu’il faut changer cette espèce de tranche napolitaine. Je ne sais pas comment s’appelle ce gâteau en tranches napolitaines, quand j’étais enfant ma mère faisait un gâteau comme cela et l’appelait moka, je ne sais pas si c’en était… Mais c’était très bon. Parce qu’elle cuisinait très bien. Tous les enfants pensent que leur mère cuisine très bien, surtout quand elle n’est plus là. Donc, ce gâteau-là, personne ne peut s’y retrouver, vous comprenez ? On vous renvoie constamment de guichet en guichet, d’administration en administration. C’est vrai pour les services publics, pour les entreprises publiques… C’est devenu un monde cruel par son côté labyrinthique.

Et François Hollande n’est pas capable selon vous de conduire cette réforme, une réforme radicale ? 

Je ne dis pas qu’il n’en est pas capable, pour l’instant il ne l’a pas fait. Il prend même l’orientation inverse. Il y a deux politiques principales à faire. La première c’est celle de soutenir les combattants de l’économie par tous les moyens, et les rassurer, et les garantir, et leur assurer un avenir et un soutien en France. La deuxième, c’est la vie publique du pays qu’il faut moraliser et simplifier.

Fabien Dabert - Justement François Bayrou, essayons d’établir un constat un peu plus général. Manifestation contre le mariage pour tous qui dégénère ce week-end. Vous avez parlé des propos violents de Jean-Luc Mélenchon contre le ministre de l’économie… 

« Salopard », c’est plus que violent.

C’est plus que violent, oui. Et le FN à deux doigts de passer dans l’Oise. Est-ce que nous sommes là face à un climat délétère que vous condamnez ? Face à un climat, on peut le dire, prérévolutionnaire, pour reprendre les mots de Villepin il y a quelques années ? 

Michel Urvoy sait que depuis des années je suis frappé par la montée de la crise politique, par la montée de la crise de la représentation en France. Un pays qui ne se reconnaît pas dans sa vie publique est un pays au bord de la déstabilisation. On ne sait pas quelle forme elle va prendre, mais elle va venir, si cela continue comme ça. Cette déstabilisation est du fait des responsables politiques qui font tout pour ne rien changer. Plus exactement, ils font des pseudo-réformes qu’ils font monter comme on fait monter des blancs en neige, pour faire beaucoup de volume, et dedans il n’y a rien. On vient de voter une loi en première lecture à l’Assemblée Nationale sur, nous dit-on, la refondation de l’école. C’est une loi qui fait 80 pages et 100 pages en annexe. Si vous la lisez, vous ne trouvez rien de substantiel, sauf les 60.000 postes. Je considère qu’ils sont une erreur parce que cela laisse croire que la question de l’école est une question de moyens et moi je pense qu’elle n’est pas d’abord une question de moyens, mais on a fait cela pour faire plaisir à l’électorat de fond de la gauche. Et la suppression d’un certain nombre de choses, et le changement de la semaine. Or, je crois que les rythmes scolaires ne sont pas la cause principale des difficultés de l’école française. C’est compliqué, jargonneux, incompréhensible. On a besoin de responsables politiques qui aient l’obsession de la simplicité pour avoir l’obsession - je vais faire un néologisme - de la compréhensibilité. Il faut que les gens puissent comprendre ce qui est en train de se passer.

Michel Urvoy - Vous avez eu une phrase terrible l’autre jour. Elle est peut-être dans votre livre d’ailleurs. Vous avez dit « le changement catégorique viendra avant ou après un épisode extrémiste ». 

C’est la première fois de ma vie que je pense qu’un épisode extrémiste est possible. La première fois de ma vie.

Nous sommes donc à un moment extrêmement crucial ? 

Nous sommes à un moment de crise politique, vous le sentez bien. Vous avez vous-même écrit un éditorial aujourd’hui qui s’appelle « Comme un parfum de crise politique ». Il y a cela. Pourquoi ? En raison de l’intox que les candidats ont faite au moment des élections. Le peuple ne reconnaît pas ses choix dans la situation politique actuelle. Deuxièmement, les Français, les citoyens, ont le sentiment qu’il n’existe aucune chance de trouver un chemin rassurant pour l’avenir. Ils ne voient pas ce que nous pourrions faire. Ils ont l’impression que ce sont des mots mais pas d’action et que rien ne change. Troisièmement, ils voient un monde politique dont les pratiques, les attitudes ne seraient pas acceptées dans la vie de tous les jours. Alors je comprends qu’il y ait ce climat de crise politique avec la montée du chômage et l’appauvrissement de la société française.

Permettez-moi une illustration. Toujours les gouvernements disent « En fait, le pouvoir d’achat monte », et les familles voient bien que ce n’est pas vrai. Mais il y a un chiffre qui est facile à retenir. Si on fait 0% de croissance, le nombre de foyers augmentant mécaniquement de 1 ou 1,5% par an, cela veut dire qu’il y a chaque année moins pour chaque foyer, en moyenne. Donc, le sentiment d’appauvrissement n’est pas une impression mais une réalité que vivent les gens tous les jours. Mais l’intox politique, les mots utilisés, et ce sont les mêmes aujourd’hui que hier, empêchent que la vérité du réel entre dans le jeu politique. Tant qu’elle n’y entrera pas, nous aurons les accidents que nous décrivons.

Fabien Dabert - François Bayrou, nous allons passer à un autre dossier, à l’actualité politique à venir. Nous avons appris la semaine passée que Marielle de Sarnez était candidate aux élections municipales de Paris. Y aura-t-il des listes indépendantes du MoDem dans toutes les villes de France ou y aura-t-il localement des alliances avec l’un ou l’autre des partis ? 

D’abord, la candidature de Marielle de Sarnez est la candidature de quelqu’un de bien, de costaud, qui a des idées et une vision de Paris où elle est née, où elle habite, où elle est élue depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas de toutes les candidatures qui se présentent. Deuxièmement, c’est une candidature qui n’est pas politicienne au sens où il faudrait faire gagner la gauche contre la droite ou la gauche contre la droite. Parce que la perspective municipale, c’est vrai dans toutes les villes de France, ce n’est pas principalement une question d’étiquette. C’est principalement une question de juste politique à suivre. Par exemple, Gérard Collomb à Lyon, il est socialiste, il fait selon moi une politique qui est appréciable par les Lyonnais. Alain Juppé à Bordeaux, il est UMP, il fait une politique qui est une politique juste, reconnue par les Bordelais, que je connais mieux encore que les Lyonnais, pour sa valeur et ses résultats. Donc, de ce point de vue, nous avons une attitude qui est une attitude d’ouverture à des alliances, des coalitions, des mises en place d’équipes qui soient des équipes pluralistes.

Michel Urvoy - Et à Paris ?

À Paris, Marielle de Sarnez constitue ses équipes, j’espère qu’elles seront ouvertes et ouvertes à des sensibilités, des courants d’opinion qui trouveront juste que l’on propose une solution troisième aux Parisiens plutôt que d’être perpétuellement bloqués entre les deux solutions habituelles.

Est-ce qu’il y a d’autres villes pour lesquelles vous avez fait des choix et qui pourraient intéresser nos auditeurs, nos internautes ? 

Si vous m’interrogez sur la Bretagne et sur l’Ouest, je viendrai en parler en Bretagne.

Vous-même, demande un internaute, est-ce que vous serez candidat à Pau ? 

J’ai lancé à Pau une action politique ces jours-ci, encore ce matin dans la presse, qui est une action de rassemblement de tous ceux qui voudraient que les choses changent dans cette ville. Cette action de rassemblement, je dois dire qu’elle pour l’instant très bien accueillie. Pourquoi ? Parce que j’ai dit : « Je ne suis pas là pour mener, je suis là pour aider et pour fédérer ». Autrement, bien entendu, les démarches de rassemblement, les gens les entendent en se disant qu’il veut que tout le monde se mette à sa suite. Ce n’est pas cela. A Pau, nous sommes dans un moment un peu ridicule dans lequel il y a une candidature nouvelle à peu près deux fois par semaine. Alors les Palois en ont un peu assez. Mais je vous promets que je parlerai à Pau de la situation à Pau, de préférence à un grand média comme vous mais qui est un tout petit peu extérieur à la situation béarnaise. 

Fabien Dabert - Il y a une autre échéance en 2014, les élections européennes. Est-ce que là, vous pensez aussi vous présenter ? 

Je n’ai absolument pas tranché cette question. Je sais une chose et je voudrais le dire de sorte qu’on entende la gravité de ce que je pense. Au cœur de la crise française, il y a la crise européenne. Ce n’est pas une crise extérieure, c’est un des cœurs de la crise française. Incapacité à montrer une ligne, pratiques du monde politique qui ne vont pas et troubles autour de l’idée et de la réalité européennes. On voit ce qu’on est en train de vivre à Chypre. Tout le monde semble rassuré par l’accord sur Chypre. Je n’en suis pas, je ne suis pas rassuré par ce qu’il se passe à Chypre. Parce que je vois beaucoup d’éléments de déstabilisation ultérieure dans la manière dont les décisions ont été prises. L’idée que l’on donne à un peuple que par la force on lui fait choisir un certain nombre de décisions qui sont très douloureuses pour les uns, dangereuses pour les autres. Cette démarche n’est pas une bonne démarche. Il y a eu des erreurs accumulées à Chypre depuis des années comme il y avait des erreurs accumulées en Grèce depuis des années. D’abord, pourquoi les a-t-on laissé entrer si l’on savait ce qu’il se passait ? Notamment le fait qu’il y avait un paradis fiscal doublé d’un casino. Que des milliards dont on ne connaissait pas parfaitement l’origine venaient se placer là pour toucher des intérêts considérables sans avoir à payer d’impôts. Ce qui au bout du compte a entrainé une fragilisation du système bancaire. Pourquoi a-t-on laissé faire ? Je ne sais pas. Il y a des gens qui devaient le savoir, j’imagine. Mais il faut faire très attention à la situation qui est créée à Chypre. Il y a de gens qui disent « Ce n’est pas grave, parce que Chypre c’est tellement petit par rapport à l’Union, 0,2% de son économie ». Moi, je voudrais leur dire ceci : « Attention, une étincelle c’est très petit par rapport à un baril de dynamites mais ça peut faire sauter le baril ». Donc, j’espère que nous allons donner les moyens de donner au peuple chypriote des garanties et une prise en compte qui ne fassent pas sauter le baril de dynamites.

François Bayrou, nous allons passer à une dernière question avant de passer aux cinq dernières questions d’actualité. Vous appelez de vos vœux la formation d’un parti de la vérité dans votre ouvrage. Nous avons une question de Jean-Yves Le Mercier qui nous demande : « Pourquoi ne pas chercher à former un grand parti du centre en s’alliant, pourquoi pas, avec l’UDI ? ». 

Je n’ai jamais cessé de plaider pour un grand parti du centre. Mais un grand parti du centre, cela commence par un article 1° : « Un grand parti du centre indépendant ». 

L’UDI n’est pas indépendante ? 

Ils ont choisi d’être dans l’orbite de l’UMP. Moi je n’ai rien contre l’UMP. Il y a pour moi, à peu près la moitié, peut-être les deux tiers de l’UMP que je considère comme des républicains sincères.

Michel Urvoy - Qui sont des anciens UDF d’ailleurs. 

Pas seulement. Alain Juppé n’est pas un ancien UDF mais c’est quelqu’un que non seulement je respecte mais avec qui j’ai des liens qui sont très faciles. François Fillon n’est pas un ancien UDF, et pourtant je me sens la plupart du temps proche de la manière dont il voit les choses et je suis sûr que nous pourrions travailler ensemble. François Baroin n’est pas un ancien UDF mais c’est quelqu’un que je considère comme tout à fait indiscutable et la manière dont il pense me va très bien.

Fabien Dabert - Et à gauche, il n’y a pas de personnalités ?

Si. Gérard Collomb en est un, François Rebsamen en est un, il y a beaucoup de socialistes de l’ouest avec qui je me sens tout à fait en phase. 

Michel Urvoy - Vous êtes d’accord sur le fond avec tous ces gens. Qu’est-ce qui empêche de travailler ensemble ? 

D’abord, il y a des gens dont vous voyez bien que ce n’est pas le choix. Mais, encore une fois, chaque fois qu’il sera possible de présenter aux Français de manière crédible l’idée que se rapprochent des gens qui ont des valeurs en commun, chaque fois je participerai et je soutiendrai une démarche de cet ordre. Encore faut-il avoir réellement des valeurs en commun. Vous vous souvenez que j’ai lancé cet appel il y a quelques mois, à l’automne, je le réitère devant vous. On a besoin de rassembler plutôt que de séparer. Vous voyez bien que quand on en reste aux organisations actuelles, les résultats ne sont pas mirobolants, on va dire ça comme ça. 

Fabien Dabert - Il nous reste quelques minutes pour commenter rapidement les faits d’actualité de ces derniers jours. C’est la séquence « Le film de la semaine ». Commençons par l’actualité du vendredi 22 mars, rapidement. En Syrie, El-Assad a appelé à nettoyer le pays après l’attentat qui a tué un dignitaire religieux. Barack Obama a peur que la situation ne dégénère. Selon ses propres mots, il a peur que la Syrie ne devienne « une enclave pour extrémistes ». Partagez-vous ces inquiétudes ?

Oui, et c’est la raison pour laquelle j’ai exprimé des réserves à propos de la décision annoncée d’armer directement avec des armes de guerre offensives l’opposition syrienne, ou les rebelles ou la résistance, comme on veut, syrienne. Pourquoi ? Parce qu’il y a des gens très bien dans ces combats, et il y a des gens qui sont plus extrémistes. Qui sont même absolument intégristes. Donc il faut faire attention. Je sais très bien que le PS et l’UMP sont d’accord pour ce choix, raison pour laquelle il faut un mouvement politique qui puisse s’exprimer en liberté pour dire que cela ne va pas. Ou, en tout cas, les inquiétudes sont telles que nous ne pouvons pas signer un chèque en blanc.

Michel Urvoy - International toujours. Samedi nous avons eu cette belle image venant de Castel Gandolfo de deux papes, cela ne se produit pas tous les jours, qui se congratulent et qui parlent. Quels changements attendez-vous au sein de l’Eglise catholique après la désignation du Pape François ? 

Prenons soin de dire que je ne mélange pas religion et politique. Je suis profondément attaché à la laïcité. Et je suis croyant par ailleurs, comme individu, comme père de famille. Je suis croyant et même, comme on dit, pratiquant. J’ai donc vécu un moment d’émotion comme personne au moment de l’élection du Pape François. C’était un moment formidable, il y avait un effet de surprise qui a séduit les gens, comme les premiers mots et les premiers gestes faits de simplicité. Ce qui veut donc dire qu’il va y avoir un caractère, me semble-t-il, apostolique, allant vers les autres, portant la vérité des croyants sans asséner et sans être doctrinaire, ce que je trouve bien. Et, en même temps, comme le Pape est un jésuite formé théologiquement, je pense qu’il va défendre les piliers, la charpente de ce qui fait les convictions de l’Eglise. Et nous avons besoin de ces deux aspects. Voilà ce à quoi je m’attends. Mais, encore une fois, ce n’est pas en tant que responsable politique que je dis cela.

Je posais aussi la question parce que le Pape est aussi un chef d’Etat et que la diplomatie vaticane est très influente dans le monde. 

J’ai toujours regardé avec un peu de distance l’affirmation politique que sous-tend cette phrase. 

Mais l’attention portée aux pauvres par exemple, c’est une indication importante. 

C’est très important. Mais c’est ce que j’ai appelé « apostolique ». Et il l’a montré préalablement dans sa vie. Nous vivons un monde dur. Dans ce monde dur, compréhension, pour ne pas dire amour, ou charité comme disent les Chrétiens, cela veut dire amour, c’est quelque chose de tout à fait essentiel bien entendu. C’est que l’Eglise soit une maison aux portes ouvertes. Ce que, je vous rappelle, elle était dans les temps anciens. Dans le Moyen-Âge, c’était non seulement portes ouvertes mais refuge : « Ici, on vous protège ».

Fabien Dabert - Sans transition, passons à l’actualité de dimanche. La manifestation contre le mariage pour tous qui a surpris beaucoup d’observateurs. Question simple : est-ce que François Hollande doit prendre en compte le nombre et doit faire marche arrière sur le texte ? 

En tout cas, il doit entendre. Il s’est passé quelque chose dimanche. Je n’imaginais pas qu’il y eut autant de monde à cette manifestation. Parce qu’on aura beau triturer des chiffres dans tous les sens, il y avait une marée humaine. Or, vous qui êtes dans les médias vous témoignerez avec moi qu’on n’en parlait pas. Autant la manifestation du 13 janvier a été une grande manifestation mais on en parlait depuis des mois, des semaines, avec une mobilisation très forte. Pour cette manifestation-là, non. C’est donc la preuve qu’il y a un sentiment profond et qu’il n’est pas méprisable dans le peuple français autour de ce sujet. Je vais défendre devant vous cette idée. Il y avait un chemin pour résoudre les attentes qui ne soit pas un chemin de clivages et d’affrontements. Nombre d’homosexuels attendaient que pour leur couple il y a ait reconnaissance et droits. 

Sans mariage ?

On pouvait trouver une reconnaissance et des droits sans le mot de « mariage ». Je sais très bien que c’est une revendication mais je pense que l’on pouvait persuader de la compréhension nécessaire et de l’adaptation de la loi tout en tenant compte de ceux, nombreux nous l’avons vu, des millions de personnes, des millions d’hommes et de femmes, des millions de familles, qui trouvent dans cette institution du mariage quelque chose à croire pour l’avenir de la société et pour leur propre vie. Pour moi, ces deux sentiments-là sont également respectables. Je plaide pour un pays dans lequel, quand deux sentiments sont également responsables, on tienne compte des deux, et pas qu’on fasse un combat frontal.

Mais le texte a été voté à l’Assemblée Nationale. Est-ce que le gouvernement doit faire marche arrière sur ce texte ? 

J’y viens. Je viens à cette réponse. Au moment où nous sommes il y a une institution qui doit prendre ses responsabilités, c’est le Sénat. N’est-ce pas ? Nous avons deux chambres.

Donc vous appelez le Sénat à ne pas voter le texte ?

Non, j’appelle le Sénat à entendre ce qu’il se dit et à trouver dans l’élaboration du texte des signes, des prises en compte, notamment sur la filiation – parce que vous savez qu’il y a un grand débat sur la constitutionnalité de la filiation, je ne veux pas revenir là-dessus. Puisque le Sénat est la chambre, nous dit-on, de la sagesse, qui a le plus de recul, ce doit être lui, au stade de la délibération où nous sommes, qui entende ces millions de personnes.

Concrètement, il faut supprimer la mesure pour l’adoption par exemple ? Que faut-il supprimer ? 

Non.

Michel Urvoy - Qu’est-ce que vous plaidez ? Un contrat civil par exemple, plutôt qu’un mariage ? 

Moi, ce que j’ai défendu depuis dix ans, c’est une union plutôt qu’un mariage. Mais, même si nous n’en sommes pas là, évidemment que le gouvernement ne peut pas retirer le texte…

Politiquement, ce serait la guerre à la gauche. 

Même dans la société, cela donnerait un sentiment d’impuissance. Evidemment que c’est impossible. Mais, que soient prises en compte les raisons de ceux qui étaient dans la rue dimanche et de tous ceux qui se sentent en phase avec cette expression. Ils ne sont pas des mauvais Français, ceux qui veulent que l’organisation de la société, notamment sur la famille, soit perpétuée. Que ce soit de l’avenir et pas seulement du passé. Ce ne sont pas des mauvais Français et ce sont même, dans bien des cas, ceux qui dans les familles organisent les choses. Et ce ne sont pas des mauvais Français ceux qui disent « Nous vivons des vies, sans doute différentes, mais qui sont également respectables ». Mais vous voyez, je viens de dire deux choses : respectables et différentes. C’est pourquoi je pensais qu’un statut qui respecte, accepte, prenne en compte, reconnaisse, donne des droits, et qui en même temps soit différent du statut du mariage traditionnel me paraissait une bonne voie. Autrement, évidemment, c’est dans le clivage et l’affrontement que l’on nous nous trouvons. Et comme nous l’avons vu dimanche, c’est problématique.

Venons-en à des nourritures plus terrestres, mais c’est l’actualité qui est ainsi faite. Lundi, une étude a révélé que des pesticides ont été décelés dans des bouteilles d’eau. J’ajoute d’ailleurs qu’on a découvert du fromage de chèvre fait à 100% avec du lait de vache. Tout cela après l’affaire de la viande de cheval, du mouton, etc. Qu’est-ce qui ne va pas dans ce système ? Est-ce que c’est encore une mécanique européenne qui dysfonctionne, des problèmes de contrôle ? 

L’Europe n’est pour rien dans cette affaire. C’est très intéressant. Chaque fois qu’il y a un élément qui, dans l’évolution de la société, est troublant, on dit « Europe ». Comme si Europe signifiait modernité. Sur l’eau, que je suis en train de boire, et vous aussi, j’ai entendu l’émission qui annonçait cela et le responsable d’association qui avait faire cette étude. Il s’exprimait avec une infinie prudence parce que, l’impression que j’ai eue, c’est que cette association avait en fait trouvé des traces de traces de traces. Et si vous fouillez l’eau partout dans le monde depuis le début des temps, vous trouverez des traces de traces de traces. Parce qu’il y a eu des troupeaux, parce que ces troupeaux, broutant l’herbe, ont eu des déjections. Il y a toujours ce genre de choses. Donc, il faut faire attention à ce que l’on dit.

Deuxièmement, il y a une inquiétude qui est fondée sur le fait qu’il y a des gens qui font n’importe quoi. Et pourquoi ? Pour gagner de l’argent. Pour fournir des produits de moins en moins chers même si leur qualité n’est pas garantie. Et il faut que les producteurs, et les associations de consommateurs, vous voyez que je ne mets l’Etat qu’en troisième, donnent aux consommateurs la garantie que ce qu’on leur vend est intègre.

Et tout cela était aussi dans votre programme présidentiel.

Absolument. 

Fabien Dabert - Ce sera le mot de la fin, merci à vous François Bayrou d’avoir été sur notre plateau. Nous rappelons que vous publiez, chez Plon, De la vérité en politique.

Et s’il y a un moment dans l’histoire de notre pays où il est vital, crucial, de parler de vérité en politique, c’est ce moment. 

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