📺📻 François Bayrou, invité de l'émission «Questions politiques» sur France Info et France Inter

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(© Capture d'écran - France Inter)

François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Ali Baddou dans l'émission Questions politiques, diffusée sur France Info et France Inter, dimanche 27 octobre 2019 à 12h.

Pour réécouter l'émission, cliquez sur ce lien.

Retrouvez ci-dessous la retranscription de l'émission.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Si la politique était une question de météo, quel temps fait-il en France en ce moment, selon vous ?

Couvert et menaçant. Je trouve que le climat politique n'est pas sein, n'est pas clair, mais il mérite que l'on s'interroge et que l’on essaie de voir les lignes directrices à suivre.

Expliquez-nous pourquoi il est couvert et menaçant ce climat, avant d'aborder les questions qui obsèdent non seulement la classe politique, mais aussi évidemment les médias et beaucoup de nos concitoyens.

Au fond, les deux questions sont liées. Pourquoi le temps est-il couvert et menaçant ? Car les questions qui obsèdent le débat politique sont aujourd'hui des questions mal maîtrisées, mal posées, dangereuses dans leurs effets.

On a l'impression que, perpétuellement, le jeu politique consiste à jeter de l'huile sur le feu pour que flambent des questions dont on peut penser assez souvent qu’elles ne sont pas les questions profondes du pays.

Elles veulent dire quelque chose, il ne faut pas se tromper, on est devant des symptômes d'un malaise profond. C'est un malaise qui tient à l'identité du pays et à cette maladie dont nous sommes affligés depuis si longtemps et qui est pour moi si grave, qui est la rupture entre la base du pays et le sommet de la pyramide.

C'est à cette rupture qu'a voulu s'attaquer l’élection de 2017, c'est une rupture que, l'on voit bien, le Président de la République a présente à l'esprit, ne serait-ce que dans sa visite à Mayotte et à La Réunion, mais c'est évidemment une question extrêmement centrale qu'un pays qui ne se sent pas bien avec lui-même et pas bien avec le système de gouvernement qui est le sien.

Quand vous dites que le climat est couvert et menaçant vous faites allusion à quoi ? Au débat sur la laïcité qui agite depuis un mois ou à la question sociale ?

Pour vous, est-ce que les deux participent de ce climat menaçant ?

Je pense qu'un pays qui va bien, c'est un pays qui se reconnaît dans le mouvement qu'il suit. C'est un pays qui sait où il va, qui voit bien qu’il y a des efforts à faire, qui consent à ces efforts, mais dont, au fond, qui ne cesse de se réunir pour trouver la réponse à ces questions.

Or la France est un pays qui, depuis des décennies, ne cesse de se diviser sans trouver les réponses à ces questions. Ce malaise-là est, pour moi, la question principale du pays.

Ce qui est très troublant dans la période actuelle, c'est que des ministres du gouvernement ont posé les questions que vous soulevez en disant : Elles sont mal maîtrisées, parfois mal posées, Gérald Darmanin, Jean-Michel Blanquer, est-ce que vous condamnez leur attitude ou vous pensez qu'ils ont joué avec le feu ?

Je n'ai aucune intention de créer des polémiques avec tel ou tel, ce n'est pas mon intention.

Ce que je cherche, c'est une c'est que les Français dans leur ensemble, les citoyens dans leur ensemble, comprennent l'enjeu des choses. Vous parliez de laïcité à l'instant.

On va ouvrir le dossier.

Faut-il interdire le voile dans l’espace public ?

C'est la définition même de la laïcité qui est mal perçue : qu'est-ce c'est la laïcité ?

Vous savez c'est moi qui ai interdit le voile dans les écoles.

Comme Ministre de l’Éducation nationale en 1994.

Par la circulaire de 1994 qui avait fait, à l'époque, du bruit.

Pourquoi ? Parce que l'école, c'est le lieu où l'on doit tous former un pays, une nation, se souder, ne pas avoir des règles pour les uns et des règles pour les autres.

C'est le creuset où le pays se forme, mais on perd de vue quelque chose de tout à fait essentiel. La laïcité, c'est la règle pour que l'on puisse vivre ensemble. C'est la règle pour que l'on se respecte dans nos différences et pour que triomphe le plus important qui est la compréhension mutuelle.

Or, on s'aperçoit qu'assez souvent, la laïcité est utilisée, non pas pour vivre ensemble, mais pour vivre les uns contre les autres.

Faut-il la redéfinir de manière à être plus efficaces ?

Pour allumer des procès des uns contre les autres.

Là, vous parlez de Marine Le Pen ?

Non, vous voyez bien qu’il y a des forces partout dans la société qui vont dans ce sens-là.

Pour que l’on comprenne, vous avez fait effectivement votre circulaire en 1994, aujourd'hui il y a des problèmes qui se posent, comme celui sur les sorties scolaires ; vous, vous aviez parlé de signes plus discrets supportables à l'école.

Est-ce que vous considérez que la loi doit changer concernant les sorties scolaires et, parallèlement, quand on voit le sondage sorti dans le JDD ce matin qui donne l'impression que les Français sont absolument tétanisés par l'islam et demandent que l'on légifère dans tous les domaines sur l'espace public, que faut-il faire aujourd'hui ou considérez-vous que ce n'est pas votre affaire, comme d'autres l'ont dit avant vous, je fais allusion à Emmanuel Macron.

J’ai lu dans le même journal le président du Sénat Gérard Larcher, qui dit qu’il n'y a pas de loi possible sur ce sujet, et je crois qu'il faut reprendre l'inspiration.

Gérard Larcher dit : Emmanuel Macron doit cesser de se dérober.

Le Président de la République s'exprimera forcément sur ce sujet, comme sur les sujets essentiels. Pour moi, tout cela, ce sont des sensibilités.

Quand je vois une mère de famille qui porte un foulard, il y a des gens qui voient d'abord le foulard, moi je vois d'abord la mère de famille. Ce n'est pas parce qu'on porte un foulard par tradition ou par conviction, que l'on n'a pas les mêmes problèmes que les autres mères de famille, que les autres responsables éducatifs.

Donc on ne bouge pas là-dessus ?

Non, attendez, dans l'école, comme dans tous les services publics, les signes religieux que j'avais nommés ostentatoires sont interdits parce qu'on est dans le cadre de l'action de l'État.

Vous l'avez dit, mais les accompagnatrices par exemple ?

Pour moi, ce sont des mères de famille, c'est aux directeurs des écoles, c'est aux responsables des écoles par circulaire de voir s'il y a prosélytisme ou si simplement c’est le quartier, l'habitude.

Je n'ai pas envie que, ce soir, après les émissions de cet ordre, nos compatriotes musulmans se sentent rejetés par l'État, par les médias, par la République, par le mouvement de l'opinion.

Je ne regarde pas des compatriotes musulmans comme étrangers à la République.

Est-ce que ce n'est pas la difficulté que de laisser entre les mains d'un instituteur ou d'un directeur d'école primaire cette responsabilité de décider si, effectivement, il faut accorder à cette personne voilée d'accompagner les enfants ?

Ce n'est pas une personne voilée. Le voile intégral est interdit dans l'espace public français depuis une loi que j'ai d'ailleurs votée. Interdit pourquoi ? Car nous avons dit : nous sommes la civilisation du visage découvert.

C'était pour des raisons de sécurités que cela a pu être voté. Cela n'aurait pas pu l’être voté autrement.

Oui, mais le fond de l'affaire, c'était cela. Donc, c'est interdit. On emploie indifféremment le mot de voile pour des réalités extrêmement différentes, c'est un foulard que portent en effet, 35 % dit-on, un tiers des femmes et des mères de famille musulmanes.

Entre 23 en 2003 et 35 aujourd’hui, c'est une progression très nette.

Ce qui est compliqué, c'est que, comme il n'y a pas de statistiques ethniques dans ce pays, je me demande d'où viennent ces chiffres et comment sont fondées ces enquêtes, mais c’est une parenthèse que je referme.

Je suis d'accord avec vous, Ali Baddou, mais ils sont inscrits dans les journaux que vous écrivez parfois, commentés parfois.

Vous ne répondez pas à la question de la responsabilité. Entre quelles mains on met cela ?

C'est assez simple. Les règles de droit françaises interdiront qu'il y ait une loi qui soit, sur ce sujet, générale.

C'est interdit depuis longtemps. Vous vous souvenez que l'on a eu un débat en 1905, enfin on a eu….

Je ne m’en souviens pas directement, je n’étais pas née !

Ceux qui s'intéressent à l’histoire savent qu'il y a eu un Grand débat en 1905 où l'on voulait interdire les signes religieux dans l'espace public en France. Ce sont de très grands législateurs, notamment de gauche, qui ont dit : On ne peut pas aller dans ce sens-là car, comme on le sait depuis la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, on a le droit de manifester une conviction dans l'espace public pourvu qu'elle n'agresse personne.

Article 10 que s'est senti obligé de rappeler aux députés le Premier Ministre il y a quelque jour à l'Assemblée Nationale.

Et, de ce point de vue, il a bien fait. Si nous ne nous accordons pas sur des règles de droit assez solides, assez denses pour éviter que l'on aille faire n'importe quoi… Imaginez que nos compatriotes musulmans se sentent tout d'un coup discriminés par la puissance publique, par le mouvement de l'opinion, qu'est-ce qui en résulterait ?

Vous croyez qu'il en résulterait un mouvement bienveillant de compréhension ? Pas du tout, il en résulterait un durcissement sur les positions les plus rigides et parfois les plus sectaires.

C'est exactement ce que nous devons éviter, ce n'est pas seulement une question de sentiment, c'est une question de souci de l'avenir du pays.

C’est un souci de l’avenir du pays, mais quand vous voyez ce sondage paru aujourd'hui dans le journal du dimanche où vous entendez 78 % des Français pensent que le modèle français issu de la loi de 1905 est en danger, 80 % pensent que la question de la laïcité se pose différemment pour l'Islam.

Comment est-ce que vous maîtrisez cette espèce de la montée de la peur de l'Islam ?

Quelles mesures concrètes vous prenez pour dire aux Français…

En quoi le modèle français issu de 1905 est-il en danger ? C'est extrêmement simple. À partir du moment où l’on n'accepte plus cette règle simple qui est : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi.

Vos convictions personnelles, que vous croyez à quelque chose ou que vous n'y croyez pas, vous avez votre place dans ce pays et c'est parce qu'on a cette protection-là que l'on peut ensemble construire un pays uni, premièrement, mais, je le répète, la foi ne fait pas la loi.

Ce n'est pas parce que vous avez une conviction que vous devez à toute force imposer cette conviction aux autres par la pression, par l'intimidation. Et le modèle français, c'est cela.

Or vous voyez bien que c'est doublement mis en cause. C'est mis en cause d'un côté par ceux qui veulent que la loi ne protège plus la conviction et que l'on interdise un certain nombre d'attitudes, de convictions au nom de sa propre opinion et, de l’autre, il y a en effet des mouvements que l'on appelle communautaristes qui sont des mouvements qui veulent qu'une conviction notamment religieuse s'impose la société.

Quelle est la parade là-dessus ?

Eh bien, être des Républicains comme nous devons l’être, être équilibrés dans nos jugements, ne pas suivre les mouvements de l'opinion quand ils sont comme cela erratiques, être capables de rappeler par une parole simple quels sont nos principes et qu'est-ce qui nous fait vivre ensemble.

Vous rappeliez, Ali Baddou tout à l'heure que j'ai en effet beaucoup écrit sur les guerres de religion.

Et notamment une biographie d'Henri IV.

Il y a quatre siècles que l'on a eu ce déchirement du pays avec des dizaines de milliers de morts, avec un pays qui a failli y laisser la peau. On doit apprendre de cela et aller encore au-delà.

Si je peux aller encore un peu au-delà, ce n'est pas valable que dans la religion. Le débat démocratique devrait consister non pas à imaginer que, parce que vous êtes majoritaire, vous pouvez imposer votre loi aux autres. La démocratie, c'est aussi la protection des minorités.

On est là chacun pour défendre une opinion, mais pour souhaiter que cette opinion puisse entrer en symphonie, si je pouvais faire de la musique, avec d'autres opinions.

Nous sommes une société pluraliste.

Il est bon que nous le soyons et, ce qui est inacceptable aujourd'hui, c'est qu'en effet on a l'impression que le pluralisme n'a plus sa place et qu'il faut à tout prix forcer les autres à obéir à ce que vous voulez.

Ce n'est pas cela mon idéal en tout cas pour un pays.

Pour que ceux qui nous écoutent ou nous regardent aient les idées claires, nous citons un sondage publié dans le JDD aujourd’hui, il pose la question de l'Islam, de la République, de la perception de cette religion par l'ensemble de la communauté.

Et, ce qui est assez paradoxal, c'est que les résultats sont ceux que présentait Françoise à l'instant, malgré tout, la question de la laïcité et de la lutte contre l'islamisme n'est absolument pas la première préoccupation des Français. Elle vient très loin derrière la santé, la lutte contre le chômage, la question des salaires, la lutte contre la délinquance, la protection de l'environnement.

C’est curieux malgré tout que ce soit un sujet qui soit aussi présent dans le débat public selon vous ou est-ce que ce débat est nécessaire ?

Nous devrons l’affronter maintenant ?

J'évoquais le phénomène dans lequel nous vivons que les débats flambent, qu'ils soient vrais, profonds ou moins vrais et moins profonds.

Celui-là est un débat profond. Pourquoi ? Parce qu'il touche à l'identité de notre société, de notre peuple, il touche à l'identité de chacun et il touche à l’identité de chacun sur un point extrêmement important et que je voudrais défendre devant vous.

C'est normal que l'on veuille transmettre aux générations qui viennent la société que nous avons aimée. Je pense que c'est un droit de l’homme que de pouvoir transmettre et un certain nombre de nos compatriotes ont le sentiment que, par des déstabilisations diverses et variées, ils ne pourront plus transmettre la société qu'ils ont reçue, ils ne pourront plus transmettre nos manières de vivre, ils ne pourront plus transmettre nos paysages, ils ne pourront plus transmettre notre culture. Et il est normal qu'on les aide et qu'on les défende de ce point de vue.

En revanche, ce qui n'est pas normal, c'est de faire croire que nous sommes au bord du précipice et que, parce qu’il y a une vague d'influence ou d'inspiration musulmane qui est en train de nous envahir, alors on ne pourra… Ce n'est pas vrai, ce n'est pas réel, ce n'est pas la société dans laquelle nous vivons.

À qui la faute ? Quand Emmanuel Macron parle d'une société de vigilance lors de son discours à la Préfecture de police en disant : il faut faire attention au travail dans les écoles, il y a des choses qui sont en train de monter, il faut que nous soyons plus attentifs, il parle vigilance, il ne parle pas de délation, pas de soupçon.

Est-ce que ce pas lui qui a lancé…

Nathalie Saint Cricq, vous déformez les paroles car ce dont parle le Président de la République, c'est la lutte contre le terrorisme.

Et l'hydre Islamiste, oui.

La lutte contre le terrorisme d'origine en effet islamiste, en tout cas ce courant minoritaire, mais risqué, dangereux, qui veut qu'en effet on essaie de détruire la société dans laquelle nous vivons pour en imposer une autre ou de punir la société dans laquelle nous vivons pour en imposer une autre. C'est de cela qu'il parle.

En effet, au moment de ce drame de la Préfecture de police, le moins qu'on en puisse dire, c'est que la vigilance n'a pas été au rendez-vous, c'est que des signes étaient apparus au cœur même de l'institution de l'État qui est appelé à lutter contre le terrorisme, il y avait un homme qui était en train de basculer, on a vu des signes, on n’a rien fait et on n'a rien dit.

Lorsque le président de la République dit vigilance, il a raison, c'est son travail sa responsabilité, c'est sa mission.

En revanche, vigilance, cela ne s'applique pas à d'autres. Je considère, moi, que nos compatriotes musulmans sont aussi nos concitoyens ou autant nos concitoyens que nos compatriotes catholiques, protestants, juifs ou athées, il n’y a pas de différence à mes yeux.

Quand vous êtes maire d'une ville comme je le suis en ayant la chance d'être maire de Pau, vous croyez que vous faites la différence ?

Vous croyez que vous regardez la sortie des écoles en vous disant : Là, il y a plus d'enfants issus de tel milieu ou de telle origine que d'autres ? Absolument pas, vous regardez les enfants comme des enfants, vous regardez les parents, les pères et mères de famille, comme des pères et des mères de famille en espérant que vous allez les aider dans leur manière de prendre les choses. Ils sont vos compatriotes, nos compatriotes, exactement de la même manière que tout autre inspiration.

Cette pente en effet, elle est puissante, les chiffres que vous avez cités quand on interroge sur ce sujet, car si vous interrogez en général, comme Ali Baddou le rappelait, ce n'est pas sur ce sujet que l'on vient spontanément.

En tout cas, de ce point de vue, notre responsabilité, elle est simple, elle est de faire vivre les gens ensemble dans la compréhension mutuelle sans laisser aucune dérive prendre le pas sur nos principes.

Tout de même, le ton par exemple qu'a utilisé Emmanuel Macron pendant son déplacement à Mayotte, vous l'esquissiez tout à l'heure, le ton sur les sujets d'immigration et de sécurité, est-ce que cela ne rajoute pas de la tension malgré tout ?

Est-ce qu’Emmanuel Macron n’en rajoute pas, de la tension, lui-même ?

Comment imaginez-vous pouvoir aller à Mayotte sans parler de ces sujets ?

On peut en parler, je parle du ton.

Je me suis prononcé, moi, depuis longtemps, pour une adaptation du droit du sol à Mayotte et en Guyane. Pourquoi ? Parce que des dizaines de milliers de personnes, notamment de femmes enceintes viennent des Comores à Mayotte pour obtenir, par le droit du sol, un avenir différent pour leurs enfants qui seraient immédiatement assimilés à la nationalité française ou dont elles croient qu'ils seraient assimilés car la loi n'est pas exactement celle-là, bien sûr.

Bon… Mayotte c'est un cas extrêmement éclairant. De quoi ? De ce que le racisme ne s'adresse pas toujours à la race ou à l'origine.

Qu’est-ce qui se passe asse Mayotte ? Mayotte, c'est, comme vous le savez, une île appartenant à l'archipel des Comores, qui a voulu être rattachée à la France, qui a mobilisé toutes ses forces pour demeurer française.

En 2011.

Et, en 2011, la décision a été prise. Or, Mayotte est en effet l'objet de débarquements nombreux de milliers de Comoriens.

C'est la même religion, musulmane africaine, c'est la même langue, ce sont les mêmes familles et, cependant, il y a une vague de rejet extraordinaire contre les Comoriens qui viennent à Mayotte et c'est la même chose aux Antilles, si vous regardez.

Vous avez des rejets qui tiennent au fait que vous habitez une société et vous avez l'impression que cette société est envahie par d'autres qui viennent, si j'ose dire, prendre vos avantages et vos droits.

Cela ne porte pas sur la race, cela ne porte pas sur la couleur de la peau, cela ne porte pas sur la religion, cela porte sur l'espace dans lequel vous vivez. Cela porte sur votre maison, autant dire.

De ce point de vue, le Président de la République, et tout responsable public, a raison à Mayotte de mettre en garde contre ces déplacements de population anarchiques et a raison de vouloir défendre le territoire national, ne serait-ce que pour la paix civile et ne serait-ce que pour le respect que l'on doit à des femmes et à des hommes qui, autrement, vont être rejetés avec brutalité.

C'est cela, la responsabilité qui est la sienne.

Une question d'actualité sur le danger entre guillemets de listes communautaristes aux élections municipales. Est-ce que vous êtes pour l'interdiction et est-ce possible et souhaitable ?

Je ne sais pas ce que sont des listes communautaristes.

Cela veut dire une liste musulmane, je crois qu’il faut traduire comme cela, non ?

Oui, mais comment vous faites pour savoir si quelqu’un est musulman ?

Je n'en sais rien, je ne suis ni juriste, j’essaie juste de comprendre ce que cela peut vouloir dire.

Si je reprends votre définition du départ, cela veut dire des listes où l'on considère que leurs lois ou leurs règles sont supérieures aux lois de la République.

Si cela existe, encore une fois, moi, je ne sais pas comment on découvre que quelqu'un est musulman. Peut-être, on va chercher la consonance du nom, alors on dit : est-ce que Ali Baddou est sur une liste ?

Il n'est sur aucune liste !

Cela viendra peut-être !

La liste des indépendantistes corses par exemple, menée par Jean-Guy Talamoni, est-ce une liste communautariste dans l'esprit de ceux qui voudraient les interdirent ?

Non, encore une fois…

Les chrétiens-démocrates ? Vous-même François Bayrou ? !

Moi, c'est ma famille d’origine. Tout cela est absurde. Comment veut-on définir cela ?

Après, s'il y a des listes dont les propositions et les principes manquent aux principes de la République, ceci est tout à fait autre chose.

S'il y a des listes qui disent : « Il faut être contre la République », alors on pose la question et il y a des tribunaux pour régler la question.

Moi, je ne crois pas possible et je ne crois pas imaginable que l'on puisse dire : telle liste est communautariste, telle liste ne l'est pas.

Ce sont des citoyens français et ces citoyens français méritent d'être respectés comme ils le sont.

Il y a des listes d'inspiration catholique, des listes d'inspiration libre-penseur… Bon… Ceci est notre bien commun, nous protégeons le pluralisme.

Il y a des royalistes.

Mais les royalistes sont-ils communautaristes ? Je ne crois pas.

Non, est-ce qu’ils menacent les principes de la Républiques ? Ils en contestent même l’existence.

Je ne sais pas, en tout cas, le débat est intéressant.

C'est la tradition, François Bayrou, votre portrait signé Carine Bécard.

Jusqu'ici, vous avez été, François Bayrou, un partenaire privilégié, c'est-à-dire que, durant ces trois dernières années, vous avez été cet allié très régulièrement consulté et, la plupart du temps, associé.

Seulement, depuis quelque temps, la majorité qui gravite autour du Président a changé, elle s'est étoffée, les nouveaux invités se sont multipliés et, donc, vous, le Président du Modem, le Modem qui, au départ, a été un rouage essentiel, vous sentez-vous de plus en plus dilué, noyé dans cet espace politique de moins en moins hermétique, car, à bien vous observer, François Bayrou, vous ne serez bientôt considéré que comme ayant été le premier à avoir accepté de vous rallier, même si, à l'époque, c'est vrai vous aviez beaucoup hésité.

Quand vous rencontrez Emmanuel Macron la première fois chez lui, pour que personne ne vous voie, l'atmosphère est électrique et l'échange n'a vraiment rien de conclusif. Puis, petit à petit, le Maire de Pau se laisse enfermer à clé dans le bureau de son ami Jacqueline Gourault pour discuter avec Gérard Collomb qui finit par vous convaincre de rejoindre le candidat Macron.

Je n'ai pas l'habitude de renier mes rêves et mes objectifs. Je crois que cette alliance peut aider de manière décisive à faire rentrer dans la réalité ce qui apparaissait, à beaucoup, impossible.

Ce 22 février 2017, vous avez 65 ans, vous en avez consacré 35 à la politique et vous vous qui sacrifiez, François Bayrou. L'élection présidentielle, définitivement, vous y renoncer. Maintenant, réussirez-vous à rester cet homme influant auprès du Président ?

Peut-être, car celui qui n'est plus Ministre de la Justice, balayé par cette affaire d'emplois fictifs, est aussi un fils de paysan, agrégé de lettres classiques et capable de dresser d'assez fins diagnostics.

C'est bien, mais êtes-vous écouté, François Bayrou ? Pas sûr. La complicité que vous semblez afficher avec Emmanuel Macron ne vous empêche pas d'apparaître de plus en plus souvent chahuté, malmené et vous donnez désormais chaque fois l'impression de tout pardonner.

Des commentaires ?

Il y a plein de choses dans ce texte qui mériteraient des commentaires. Je ne sais pas où vous avez inventé que j'avais rencontré Emmanuel Macron chez lui et que cela ne s'était mal passé. Je n'ai jamais rencontré Emmanuel Macron chez lui.

Vous avez pris un petit-déjeuner en 2016.

Pas du tout. C'était la veille quasiment de la déclaration que vous avez évoquée. C'est complètement faux.

Quel est le sujet ? Certaines personnes cherchent l'influence, moi pas.

Vous l'avez naturellement ?

Certaines personnes cherchent à être écoutées, moi pas.

Je suis le responsable d'un mouvement politique. J'en ai la charge. Je l'ai fait naître et même peut-être sauvé au moment où les choses n'étaient pas faciles et, ce mouvement politique, ce courant politique et moi-même, nous devons peser par nous-mêmes, pas du tout en essayant d'être courtisans, ralliés, mais rien de tout cela. Nous devons peser par nous-mêmes par la justesse de nos propositions et par la ligne politique que nous portons.

Pour les municipales, considérez-vous que la République En Marche a un côté impérialiste en ayant tendance à investir un peu les personnes qui autour d'elles, en respectant insuffisamment, comme c'est le cas à Bordeaux, la majorité sortante. À Bordeaux, c'est le Modem plus les Républicains.

Trouvez-vous que l'on vous écoute suffisamment ou qu'ils ont tendance un peu à vouloir être investis partout ? Bref, pesez-vous autant que vous le souhaiteriez ?

Il ne s'agit pas de cela.

Excusez-moi, je vais essayer, moi, de dire les choses ou de proposer les choses comme elles doivent être.

Ce n'est pas l'investiture d'un parti politique qui compte.

C'est le programme ?

Ce qui compte, c'est le lien avec les citoyens, avec les électeurs. Ce qui compte pour moi, c'est que l'avenir des villes soit garanti.

Cela compte-t-il aussi pour la République En Marche ? Sont-ils comme vous ?

Ce qui compte, ce sont les choix que les électeurs feront au bout du compte et, en effet, pour l'instant, on n'y est pas. On n'est pas tout à fait à ce que l'on devrait être.

Quand je regarde la situation à Paris par exemple, je n'ai pas le sentiment que l'on soit sur la meilleure voie possible.

Que faut-il faire à Paris ?

Je le dis depuis longtemps.

En quoi n'est-ce pas la meilleure voie possible ? Car il y a deux candidats ?

Ce n'est pas la meilleure voie possible, car c'est une situation tellement troublée qu'elle ne mène pas à l'alternance que je crois nécessaire.

Je pense qu'à Paris, si on y arrivait ou si on y arrive, ce qu'il faut, c'est une stratégie de large rassemblement.

Allez-vous soutenir Benjamin Griveaux qui est le candidat de la République En Marche ?

C'est une stratégie de large rassemblement.

Qui vient d'où et va où ?

Qui va de l'essentiel de la Droite républicaine jusqu'à la majorité des Écologistes, en passant par le Centre et, là, il y a, en effet, la majorité qui permettrait de faire ce que les Parisiens souhaitent, c'est-à-dire trouver une alternance à Paris.

Vous savez bien que, le jour où vous choisirez entre Cédric Villani et Benjamin Griveaux, cela fera basculer la situation. Tout le monde attend de savoir ce que le Modem va faire.

Ce n'est pas ainsi que je vois les choses. Je pense que cette rivalité est, pour l'instant, stérile. Aucun ne se détache de l'autre, malgré les qualités qui sont grandes, sans doute, de l'un ou de l'autre. On est donc plutôt dans une phase de stagnation.

Je vois d'autre part que la Droite républicaine est, elle-même, en panne et que les Écologistes sont assez largement divisés sur les choix qu'ils doivent faire.

Je vois là une majorité possible.

Qui peut l'incarner ?

Il faut en parler, en discuter. On verra.

Pourquoi pas vous ? Ou quelqu'un de nouveau ?

Je pense qu'il serait intéressant de réfléchir à un plan B pour Paris.

Pensez-vous sérieusement que la République En Marche peut se dédire sur son choix de Benjamin Griveaux, étant donné la manière aujourd'hui dont elle gère aujourd'hui cette investiture ?

Cela dépend. Si la question est à l'intérieur de la République En Marche, je crois qu'ils ne le feront pas, mais la question n'est pas le choix de la République En Marche, la question est de savoir si l'on veut ou pas qu'il y ait une alternance à Paris.

Si l'on pense que la ville de Paris est bien gérée, alors, de ce point de vue, on ne fait rien, on continue comme cela et chacun défend son fanion - j'allais dire son drapeau, mais on en est maintenant au fanion - et, au bout du compte, ce sera stérile.

Mon idée, si j'avais de l'influence comme vous dites, c'est que l'on se mette sérieusement autour d'une table, pour voir si on peut réunir des sensibilités proches pour que la ville de Paris soit gérée différemment.

Si je vous dis comme nom Jean-Louis Borloo ou Agnès Buzyn, qu'en dites-vous ? Est-ce un plan B ou pas ?

Excellent un plan B qui commence par un B !

B comme Bayrou !

Solennellement, je ne suis pas candidat à Paris.

Des personnalités comme Agnès Buzyn ou Jean-Louis Borloo, car elles symbolisent une forme d'ouverture, pourraient-elles être des candidats ?

Oui.

L'un ou l'autre ?

Oui.

En avez-vous parlé avec eux ? Sont-ils intéressés au pas ?

Mon problème est que je n'ai aucune mémoire des conversations que j'ai ! J'ai un problème : dès l'instant que j'ai des conversations sérieuses avec des personnes sérieuses, je n'ai pas de mémoire.

Peut-être y a-t-il d'autres solutions encore. Je ne sais pas. Ce que je dis, quand je regarde l'avenir que nous avons devant nous, c'est que, si on ne réussit pas un rassemblement, alors il n'y aura pas d'alternance à Paris.

C'est un rassemblement difficile à faire, car, parmi les personnalités qui se présentent aujourd'hui, qui sont concurrentes aujourd'hui, même si l'on retire l'une d'entre elles, l'addition ne fait pas facilement.

Vous voyez le dilemme devant lequel nous devrions être. Or, pour l'instant, chaque appareil joue sa propre ligne, défend sa propre loi.

Moi, je voudrais que l'on regarde sérieusement la situation à Paris pour voir si on pourrait fédérer ces forces-là, ces individualités-là. Toutes ont leurs mérites. Il faudrait qu'elles participent à une équipe et que cette équipe décide sérieusement de créer les conditions d'une alternance à Paris et je crois que les Parisiens le souhaiteraient.

Plus généralement, vous avez une bonne connaissance du terrain. Comment sentez-vous les choses pour les municipales ? Y a-t-il une bonne résistance de la Droite ? Anticipez-vous une poussée écologiste ? Quelle est, à votre avis, la place de la République En Marche de ce paysage politique qui va émerger suite aux élections de mars ?

J'ai une différence avec vous. Je ne crois pas que les élections municipales soient principalement une question d'étiquette. Il arrive parfois que les étiquettes comptent beaucoup dans une élection, car on est dans une phase d'irritation.

Cependant, aujourd'hui, ce que regardent les citoyens, c'est, est-ce que leur Maire fait son travail ou pas ? Est-ce que la ville change et change en bien pour eux ? Ce maire porte-t-il l'image de sa ville ? Est-ce quelqu'un avec lequel ils se sentent en phase quand ils le rencontrent ? Est-ce que l'on peut lui exposer ses problèmes ?

Parlez-vous de vous à Pau ?

J'aime bien parler de moi à Pau, mais, en l'occurrence, ce n'était pas le sujet.

J'aime ce beaucoup ma mission de maire de cette ville.

Si je vous entends bien, cela signifie qu'il n'y a pas de place pour les futurs candidats de la République En Marche qui ne sont pas des maires sortants, dont on ne se peut pas dire quelle est leur relation avec leurs concitoyens.

L'enracinement dans le terreau municipal est lent. Le Général de Gaulle, qui n'était pas n'importe qui, qui avait un soutien considérable dans l'opinion, a mis 15 ans à enraciner des candidats et des élus.

Je ne crois donc pas que cette élection doive être politisée au sens des étiquettes de partis politiques. C'est une élection qui doit être politisée au sens des personnalités, des valeurs que celles-ci défendent, de leur capacité à faire parler de leur ville ou à parler eux-mêmes à cette ville et son avenir.

Il y a deux jours, le journal Le Monde a publié une note de travail interne de la République En Marche selon laquelle le "front républicain" serait un peu remis au goût du jour.

En gros, seraient ainsi investis dans toutes les villes des candidats, qu'ils soient de Gauche ou de Droite, quelle que soit leur étiquette, quand il y a un risque de Rassemblement national élu.

Considérez-vous que c'est une bonne stratégie, que cela peut fonctionner et que cela va dans le sens de ce que vous disiez ?

Cela me fait beaucoup rire. J'ai eu beaucoup de polémique au cours de ma vie, car je proposais de dépasser le Droite/Gauche et de considérer que, notamment pour les élections locales, on pouvait faire des majorités qui n'étaient pas des majorités se calquant exactement sur la vie politique nationale.

Je vois que tout le monde y vient avec le temps et à raison.

Si vous regardez un maire vous ne regardez pas d'abord son étiquette. Personne n'a regardé Gérard Collomb comme Socialistes d'abord. On a regardé Gérard Collomb comme un bon maire qui faisait de Lyon une belle ville.

Personne ne regardait Alain Juppé comme LR.

Par-delà le fait de dépasser les étiquettes, la notion de "cordon sanitaire" de nouveau et de "front républicain", notion un peu perdue de vue depuis quelque temps, trouvez-vous qu'il soit bien de le remettre au goût du jour ?

Ce sont des réalités qui s'imposent. Vous avez des risques de basculement dans une idéologie dans laquelle la majorité des citoyens ne se reconnaissent pas. Ils peuvent donc le dire.

Nous défendons quelque chose de précieux ensemble.

Confirmez-vous que vous êtes candidat à votre succession ?

Le jour où j'aurai pris une décision, dans un sens ou dans l'autre et où le moment me paraîtra opportun, je le dirai, mais je ne le dirai pas à vous, je ne le dirai pas sur un plateau national, je le dirai à mes compatriotes de Pau, aux Paloises et aux Palois.

Pourquoi vous priveriez-vous d'une grande joie ? En effet, je vous cite en 2014 : "Ce serait une grande joie". Cela devrait donc être de nouveau une grande joie que de vous représenter en 2020.

Je vous ai dit que j'étais très heureux et que je suis très heureux d'exercer ce mandat et de parler de cette ville qui, au passage, est extraordinaire, ce dont de plus en plus de gens se rendent compte.

Nous passons aux questions européennes, puisque c'est un sujet qui vous tient à cœur. Après l'échec de la candidature de Sylvie Goulard comme Commissaire européenne, le Président de la République a proposé jeudi le nom de Thierry Breton, comme nouveau membre français à la Commission.

S'agit-il d'un bon choix ?

Oui, c'est un bon choix et je veux dire pourquoi.

C'est un portefeuille, comme l'on dit, un secteur de responsabilité essentiel pour le siècle dans lequel nous sommes entrés. Les enjeux des décennies qui viennent y sont tous : marché intérieur, politique industrielle, numérique, défense et espace.

Si on énonce ces sujets, alors on voit que c'est là que la grande bataille va se livrer, la grande bataille pour l'emploi, la grande bataille pour notre équilibre économique, notre capacité à nous défendre en face des assauts américains, chinois et d'autres encore.

C'est là que cela va se jouer.

Or, il se trouve que Thierry Breton a la double expérience. Il a l'expérience d'avoir dirigé des entreprises importantes dans ce secteur même depuis longtemps. Il est très imaginatif. Je vous rappelle que c'est lui qui avait inventé le Futuroscope que tant de Français connaissent, auprès de René Monory à l'époque.

C'est même l'époque où il est entré dans cette responsabilité.

Il a donc cette expérience, il est imaginatif et lui sait, car il l'a vécu, quelles sont les lignes de bataille sur lesquelles tout cela va se jouer.

Je trouve donc oui que, pour une fois que nous pouvons avoir un responsable, sur un portefeuille français aussi large et aussi important pour l'avenir de l'Europe, alors c'est un bon choix.

L'histoire dit que vous aviez alerté Emmanuel Macron à propos de Sylvie Goulard, en disant que cela risquait de ne pas passer, ce qui s'est avéré vrai.

Aujourd'hui, êtes-vous totalement confiant sur la candidature de Thierry Breton, à savoir qu'il n'y aura pas le moindre conflit d'intérêts exhumé à un moment donné, qui nous rendrait définitivement ridicules ?

Le Parlement européen est un Parlement de plein exercice. Il fait son travail. J'ai confiance dans le fait que le Parlement européen a aussi une conscience aiguë des enjeux historiques qui vont être les nôtres.

Ce sont des éléments qui vous rendent optimistes ?

Je n'ai pas dit les choses comme cela. Je dis que je mesure l'importance clé, stratégique, vitale de l'exercice de la responsabilité dans ce portefeuille. Je crois que Thierry Breton a les qualités nécessaires pour le faire et qu'il y a très très peu de personnes ayant les qualités nécessaires pour cela.

J'ai confiance dans le fait que le Parlement européen va mesurer cet enjeu stratégie pour toute l'Europe.

Vous savez que ses activités en tant qu'ancien patron d'ATOS peuvent être contestées. On en entend beaucoup parler dans l'espace public en ce moment. Ne prenez-vous pas - quand je dis vous, c'est Emmanuel Macron - un risque important ?

D'abord, je ne suis pas en situation de responsabilité et je ne prends donc pas un risque. Quoi qu'il en soit, si je l'étais, je prendrais le risque de la même manière.

Je veux simplement dire qu'il suffit que cette entreprise soit, par exemple, confiée au Président de la Commission dans ses rapports avec l'Union européenne. Cela a déjà été fait. Je crois que Thierry Breton l'avait lui-même à l'époque en confiant au Premier Ministre la responsabilité des relations avec une entreprise qu'il avait dirigée.

Si on se met à dire qu'aucun patron d'entreprise ne peut exercer de responsabilité dans le champ de compétence qui a été le sien sur un sujet aussi crucial, alors on va être à mal assez vite.

Les chefs d'entreprise sont des citoyens. Il existe des règles pour mesurer qu'ils respectent les lois et qu'ils ne franchissent pas les limites. De ce point de vue, cela me rassurerait et cela me rassurera, je l'espère, d'avoir quelqu'un qui sait de quoi il parle au plus opérationnel de la vie économique et de la guerre économique dans laquelle nous sommes.

On arrive au mois de novembre qui va être le mois des anniversaires : un an des gilets jaunes et mi-quinquennat.

Comment vous jugez la situation d'Emmanuel Macron et comment voyez-vous la fin du quinquennat, compte tenu de tout ce qui s'est passé depuis deux ans et demi en France ?

Je pense que le Président de la République a pris une responsabilité considérable, celle de réconcilier un pays tout entier avec la vie politique qui est la sienne. Les Français étaient désabusés et désespérés de la vie politique qu'ils avaient.

Trouvez-vous que cela a changé ?

Ils ont écarté les deux forces principales qui exerçaient le monopole du pouvoir à deux, l'une après l'autre : "Si ce n'est pas toi, ce sera moi". Comme vous le savez, c'est un combat que j'ai mené en pensant qu'il était central.

Ils ont constitué une majorité centrale pour le pays.

Maintenant, il revient au Président de la République de donner à chaque Français la lecture des enjeux que nous avons devant nous et des lignes directrices qui doivent être les nôtres.

C'est une responsabilité qui n'est pas facile, mais il l'a admirablement fait au moment des gilets jaunes. Au plus dur de la tourmente, au plus agité, au plus dangereux, il a pris cette responsabilité et, les yeux dans les yeux, il est allé parler pendant des dizaines d'heures avec des milliers de Français pour que tout le monde comprenne simplement qu'il était en phase avec l'inquiétude du pays.

De ce point de vue, j'ai trouvé cela courageux et juste. Maintenant, il faut entrer dans un nouvel axe.

C'est quoi ? On sent qu'au fond, on ne trouve plus de ligne directrice. Aujourd'hui, on a l'impression que le début a été un peu perdu, que des nouveaux éléments viennent, notamment toutes ces interrogations sur l'identité nationale et on ne sent pas de parole présidentielle, ou autre, capable de faire la synthèse de tout.

En effet, je crois, comme vous, que les Français ont besoin d'être rappelés à l'essentiel et c'est régulier pour ce peuple, pour lequel la vie politique compte beaucoup. Or, il est parfois rageur en face de cette vie politique et ce peuple de citoyens que nous sommes a besoin d'être rappelé aux enjeux majeurs et aux lignes directrices que l'on suit pour y répondre.

Je pense que le Président de la République a cette question-là à l'esprit.

La réforme des retraites est en cours. Vous avez indiqué tout à l'heure que l'état du pays était nuageux, que c'était alarmant.

Concernant le 5 décembre, annoncé avec cette immense grève illimitée pour la RATP, probablement pour la SNCF, ne va-t-il pas falloir beaucoup négocier avant, quitte à reculer ? Par ailleurs, une réforme des retraites de cette ampleur n'est-elle pas quelque chose que l'on devrait faire en début du quinquennat et n'est-ce donc pas un peu tard pour le faire ?

C'est une réforme difficile et qui nécessitera du temps.

Vous savez que j'avais indiqué ce qui, pour moi, les trois lignes de force :

- Premièrement, ce qui est acquis est acquis. Lorsque vous avez travaillé un certain nombre d'années sous un certain régime…

On connaît vos propositions, François Bayrou… Il reste très peu de temps. En l'occurrence, on ne sait pas ce qui sera décidé, on ne connaît pas les gagnants et les perdants.

Faut-il accepter que, dans les régimes spéciaux, ce soit en vigueur, quand toutes les personnes seront parties à la retraite, donc simplement pour les entrants ? Peut-on aller jusque-là ?

Certaines personnes défendent ce point de vue. Ce n'est pas exactement le mien. Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de rassurer les Français sur le niveau ultérieur de leur retraite…

Et si cela ne fonctionne pas ? Que se passera-t-il le 5 décembre si la France est bloquée pendant les fêtes ?

… Après, toutes les questions d'adaptation sont possibles et ouvertes, mais la société ne peut pas avoir confiance dans son avenir si chacun de ceux qui ont travaillé a l'impression qu'il y a risque que sa retraite s'effondre.

C'est pourquoi j'ai demandé que soit sanctuarisée la question du pouvoir d'achat des retraites et de la valeur du point qu'Ali Baddou ne voulait pas que je défende devant vous à l'instant, mais je l'ai fait.

Cette réforme peut-elle enjamber le quinquennat ?

Oui.

Il n'y a donc pas le feu pour les retraites ?

Je pense nécessaire de trouver un système juste, mais que celui-ci doit être élaboré avec les principaux intéressés. Cela signifie une discussion avec les grandes forces sociales et le pays.

Les inquiétudes et l'état de tension dans lequel nous sommes aujourd'hui et dont nous avons parlé aujourd'hui ne viennent-ils finalement pas des résultats économiques à mi-mandat qui sont trop pâles ou ressentis comme trop pâles ?

Tout d'abord, les résultats économiques existent. La France a une croissance plutôt meilleure que les autres. On crée plutôt de l'emploi et le nombre de chômeurs baisse plutôt.

Les résultats économiques existent donc.

Nous restons à la traîne par rapport aux autres pays européens.

Je ne crois pas et beaucoup de prédécesseurs se seraient satisfaits de ce bilan-là.

Vous voyez bien les grandes inflexions. Le Brexit est une grande inflexion. Allons-nous pouvoir, nous, pays de l'Union européenne, profiter de cette unité que le Brexit nous offre ? Aurons-nous des chances d'émerger encore plus et d'avoir une croissance plus forte ou pouvons-nous nous faire prendre au piège ? Ce sont de grandes questions.

Me concernant, je suis absolument certain… Vous voyez bien que c'est dans l'énergie du pays que cela va se jouer. Si cette énergie se disperse, se dissout, si ce pays se sépare et se divise, alors on est certain de ne pas y arriver. Si on s'unit, on a une bonne chance.

Vous semblez assez inquiet sur le risque de dispersion du pays et du climat social ?

Oui, je trouve que les signes devant nous ne sont pas rassurants.

Que manque-t-il aujourd'hui ? Une vision sur l'essentiel et une adhésion des gens ?

S'il y a une vision forte, il y aura une adhésion forte. Il faut que cette vision forte se définisse et s'exprime.

C'est un pays qui a besoin d'être entraîné, comme tous les pays d'ailleurs aujourd'hui.

Ne l'est-il pas suffisamment ?

Si, je pense qu'il l'est, mais je considère que c'est un défi posé tous les jours. Il y a eu un tel renouvellement de la vie politique et démocratique du pays, il y a eu un tel changement dans la manière dont il était organisé qu'il y a constamment besoin que le Président de la République dise où l'on va en termes chaque fois renouvelés pour être en phase avec les inquiétudes et les attentes du pays.

Malheureusement, le temps qui nous est imparti arrive à son terme. Nous avions encore beaucoup de questions à vous poser…

Une dernière, incontournable pour le Béarnais que vous êtes : qui allez-vous souvenir, l'Angleterre ou l'Afrique du Sud ?

Je vais soutenir le beau rugby, mais je trouve que les Anglais ont, pour l'instant, montré le meilleur rugby de la Coupe du monde. Les Gallois ont été battus de peu, ce qui prouve que les Français n'étaient pas si loin du niveau nécessaire.

Les Français ont été battus d'un point, les Gallois ont été battus de trois points….

Comprenne qui pourra !

Je pense que les Anglais ont fourni le plus beau rugby et j'attends qu'ils fassent une finale à la hauteur.

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