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UR 2025 : Revivez le discours de clôture de François Bayrou 

Absent(s) lors de notre Université de rentrée ? Retrouvez l'ensemble des discours de clôture de cette édition 2025 !

Seul le prononcé fait foi.

Je veux d'abord vous dire le sentiment qui est le mien après ces trois jours. Ce qui domine dans la perception de ces trois jours et de votre présence, c'est la fierté. Je suis habité de la fierté que nous ayons su au travers des années et des mois difficiles que nous venons de vivre, constituer une équipe dont la solidité, l'enthousiasme et la solidarité est frappante dans un paysage où l'on ne peut pas dire qu'à l'intérieur des formations politiques françaises, l'unité soit la règle. Ce qu'on a pu vérifier partout, c'est au contraire, la division, la concurrence déplacée, et au fond une division pas seulement entre les hommes mais sur le fond, sur les idées. Alors moi, je suis très fier. Je suis très fier de tout ce que vous avez vu au travers de ces journées-là. 

Je suis très fier du mouvement de jeunes autour de Jules, que nous avons entendu. Je suis très fier, et comment ne le serais-je pas, de notre équipe gouvernementale. Je veux dire, ceux qui ont été au gouvernement et ceux qui étaient plus récemment encore, qui sont encore d'une certaine manière en charge des responsabilités. Donc je suis très content que Patrick Mignola ait exercé la fonction si délicate de ministre des Relations avec le Parlement. Je remercie Jean-Noël du travail si difficile et remarquable qu'il fait aux Affaires étrangères. Ceux qui ont été au gouvernement, je vois Philippe Vigier au premier rang et que je remercie d'avoir été là. Et puis Marina Ferrari qui était là tous ces jours-ci, et puis Geneviève Darrieussceq, et puis... 

[Interpellation du public]

J'y viens ! Excusez-moi, Sarah, elle occupe des fonctions qui méritent d'être désignées en tant que telles. Et donc, ayant été au gouvernement, Sarah qui est maintenant Haute-commissaire à l'Enfance, et Dieu sait, on va en parler, que le sujet de l'enfance et de la jeunesse est un sujet pour nous majeur, déterminant. Et donc je suis très content de ceux qui ont été ministres pendant cette année. 

Je suis très content des parlementaires. Je commence par le groupe de l'Assemblée nationale, sous la responsabilité de Marc Fesneau, qui a su lui donner une visibilité, une unité, une alacrité, une capacité de proposition qui mérite d'être saluée. Et c'est évidemment le président du groupe qui joue un rôle majeur dans la communication de notre Mouvement. Je le remercie de son travail, de son œuvre et un peu de son amitié aussi, de son affection. Je remercie nos sénateurs. J'ai vu Isabelle Florennes, j'ai vu Denise Saint-Pé, des Pyrénées-Atlantiques. Et donc, je remercie les sénateurs qui étaient là. Je vois Isabelle qui est au deuxième rang. Je remercie nos parlementaires européens, des responsabilités qui sont les leurs, des responsabilités qu'ils occupent. Je remercie, alors parmi les parlementaires européens, Laurence Farreng qui maintenant coordonne la délégation française. Je remercie Marie-Pierre Vedrenne qui était sa prédécesseure. Je remercie Sandro Gozi, je mets Christophe Grudler à la fin, je vais vous expliquer pourquoi. Je remercie Sandro Gozi pour le travail remarquable qu'il fait en tant que secrétaire général du Parti Démocrate européen. Et je remercie Christophe Grudler qui vient d'accepter hier soir de devenir le trésorier de notre mouvement. Et Dieu sait que c'est une tâche essentielle pour tous. Donc ce sont des équipes formidables. 

Je remercie l'équipe du mouvement sous la responsabilité, l'autorité exigeante, scrupuleuse et sororale de Maud Gatel. Maud Gatel, vous savez, elle a commencé son œuvre et son magistère avec Marielle. Et ça mérite de ne pas l'oublier parce que c'est évidemment quelque chose qui, pour quelques-uns d'entre nous, est infiniment précieux. Et cette précision dans l'organisation, cette volonté d'associer tout le monde et de faire travailler tout le monde ensemble, j'y vois un peu de cet héritage qui nous tient à cœur. 

Donc c'est une magnifique équipe et c'est une équipe qui est tournée vers l'avenir et c'est de l'avenir que je voudrais vous parler. Bien sûr, je ferai quelques allusions aux mois qui viennent de s'écouler, mais pour moi l'essentiel c'est ce vers quoi nous sommes dirigés. C'est les défis qui sont devant nous, que nous avons rencontrés au cours de ces neuf mois qui étaient difficiles, exigeants et révélateurs dans un pays qui n'avait pas de majorité, ni majorité relative, ni majorité absolue. Un pays dont on voit bien qu'il doute profondément de son avenir, de la capacité du politique à conduire son avenir, de la capacité de la démocratie. Marc vient de le faire quand je suis monté à la tribune et lui descendait, je lui ai dit « j'ai plus rien à dire, t'as tout dit » parce que nous pensons exactement à des microscopiques nuances près la même chose. 

Un pays qui doute, un pays qui doute de ses institutions, un pays qui est assez souvent plongé dans le déni et qu'un certain nombre de partis politiques contribuent à plonger dans le déni, un pays qui est assailli par les deux extrêmes de sa vie politique, extrême droite et extrême gauche, tous les deux habités par des obsessions. L'extrême droite par l'obsession de l'immigration, dont je veux dire un mot, et l'extrême gauche par l'obsession du ciblage des « riches » comme on dit. Ce sont deux façons de se défausser des responsabilités, de dire « ça n'est pas nous qui devrons prendre nos responsabilités ou faire des efforts, c'est les autres ». Et tout à l'heure, l'idée qu'on ne supporte pas la différence, elle a quelque chose à voir avec l'obsession anti de ces deux extrêmes-là. 

Je veux dire un mot de l'obsession anti-immigration. Pour dire des choses simples, nous avons le devoir de veiller à ce que les flux soient maîtrisés, à ce qu'on soit capable de garantir aux citoyens que les frontières ne soient pas perpétuellement poreuses. Mais nous avons un deuxième devoir qui est l'intégration. Ceux qui nous ont rejoints, depuis parfois des générations, qui vivent au milieu de nous, je vous demande de penser chaque fois qu'il y a discours anti-immigration : promenez-vous dans les villes, regardez les chantiers, regardez les échafaudages, regardez les femmes, ce sont souvent des femmes qui le matin se lèvent pour aller faire dans les bureaux le ménage nécessaire, regardez les cuisines des restaurants. Ceux qui sont là, ceux qui nous ont rejoints, je le dis en notre nom à tous, ils méritent le respect. Ils le méritent. Et je veux que, quand on tient des discours de cet ordre, on pense aussi aux enfants des immigrés, aux petits-enfants des immigrés, aux générations qui sont nées de ceux qui nous ont suivis et qui ressentent comme une brûlure chaque fois que des attaques sont proférées contre ces femmes et ces hommes que la misère a souvent chassés de chez eux et qui sont venus chez nous pour partager un peu de notre destin. Intégration, ça veut dire pour moi travail, maîtrise de la langue, transmission de la langue et acceptation des principes qui nous font vivre ensemble. Et notamment, j'aurai l'occasion d'en reparler d'ici à la fin, du principe de laïcité. Accepter que chez nous, eh bien, ça n'est pas la foi qui fait la loi. La loi protège la foi, mais ce n’est pas la foi qui fait la loi. 

Et quant à l'obsession contre les propriétaires d'entreprises, contre les investisseurs : c'est un drame pour le pays. Le problème, ce n'est pas que nous ayons trop d'investisseurs et qu'ils réussissent trop. Le problème, c'est que nous n'en avons pas assez, d'investisseurs, pour créer des entreprises dans notre pays, pour créer des emplois et des richesses dans notre pays. Et si nous passons notre temps, comme un certain nombre le voudrait, à cibler ceux qui ont investi et qui réussissent, et bien, nous allons donner de la France la pire des images, c'est-à-dire que nous allons faire fuir ceux dont nous avons besoin. Vous savez bien, il y a dans La Fontaine une fable sur la poule aux œufs d'or, ce paysan qui avait les yeux pas très bien ouverts et qui avait une poule qui pondait tous les jours un œuf d'or. Et puis, il a dit « quand même, elle doit avoir un trésor ». Alors, il a zigouillé la poule. Il a ouvert les entrailles de la poule. La poule était morte, il n'y avait rien à l'intérieur. Il a lui-même sacrifié ce qui était la source de sa prospérité. Il y a quelque chose de cet ordre que nous sommes en train de faire. Si la France est le pays dans lequel la réussite d'un investissement et d'une entreprise fait que vous devenez la cible générale, alors nous prenons des responsabilités qui sont pour notre pays, délétères, pour notre pays ; mortel, dans le besoin où nous sommes de voir repartir le nombre des entreprises, la création d'emplois et la création de richesses. 

Ce qui ne veut pas dire, je m'adresse à Jean-Paul Mattéï, avec qui j'ai des débats fraternels depuis longtemps, que quand on est dans une situation d'aisance et de prospérité, on ne doit pas participer à l'effort général. Je l'ai dit depuis le premier jour, tout le monde devra participer à l'effort général. Il faut simplement trouver les dispositions les plus justes pour que cette participation ne soit pas quelque chose qui vienne enrayer la capacité d'investissement en France. Et vous savez à quel point c'est rapide. Si vous regardez en Grande-Bretagne, ils ont décidé de taxer les non-résidents, plus durement qu'ils ne l'étaient, je crois qu'ils l'étaient très peu. Ils ont décidé de les taxer. Résultat, le prix de l'immobilier a bondi à Milan, parce que vous avez des déplacements de ceux qui le peuvent… Les frontières désormais ne résistent pas à des déplacements de cet ordre. Donc oui, il y a un travail sérieux pour que la participation de chacun soit à la hauteur de ses possibilités. Et en même temps, « non » au ciblage qui peut écarter de notre pays les investisseurs et les créateurs d'entreprises. 

Alors un mot des neuf mois que nous avons vécus ensemble. J'étais très fier aussi de l'unité du gouvernement. J'étais très fier d'avoir constitué un gouvernement avec des personnalités fortes. J'étais très fier que nous ayons par exemple mis les Outre-mer très haut dans le classement du gouvernement avec la nomination de Manuel Valls comme ministre d'État. Et ça va être vital parce que des fragilités que beaucoup connaissent bien, que Philippe Vigier connaît bien, sont extrêmes. J'étais très fier d'avoir pu doter le pays d'un budget d'action publique et d'un budget de sécurité sociale qui étaient interdits au moment où nous sommes arrivés. Je suis très fier que nous ayons pu faire voter la loi d'orientation agricole dans un domaine où aujourd'hui, j'en dirai un mot avant la fin, la situation est critique pour l'agriculture. Très fier que nous ayons pu faire adopter la loi pour lever les obstacles à la production agricole. La loi sur le narcotrafic, qui est un cancer qui, dans les quartiers et dans les villages désormais, empêche la vie, prive les plus jeunes à la fois de leur liberté, de leurs ressources et de leurs neurones. Je suis très fier que nous ayons pu, au ministère de l'Éducation nationale, changer le principe de la formation des enseignants, notamment des enseignants du primaire, pour leur donner une meilleure maîtrise des fondamentaux, comme on dit, de la langue et des mathématiques. Je suis très fier que nous ayons fait adopter la loi PLM, Paris-Lyon-Marseille, à laquelle Marc a fait allusion... Personne ne croyait que nous pouvions y arriver et en vérité personne n'en avait envie tant qu'on protégeait des situations locales. Nous avons fait adopter cette loi. Je suis fier de dire que nous avions un texte prêt sur la proportionnelle, peut-être servira-t-il, dans lequel nous ne sacrifions ni l'implantation locale, ni la représentativité nationale. Un texte qui ressemble au principe du scrutin allemand, qui préserve les deux, et peut-être cela servira-t-il. 

Et je suis très fier de ce que nous avons décidé ensemble : de placer le pays et les formations politiques du pays devant leurs responsabilités, devant le problème fondamental, historique, vital de la dette. Et nous l'avons fait avec un principe qui est celui-là même, qui est pour nous la définition de la démocratie. Alors je vais une nouvelle fois vous rappeler ce que Marc Sangnier disait. Il disait que la démocratie c'est l'organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen. Conscience et responsabilité. Et l'un ne va pas sans l'autre. Ce que nous avons conclu dans cette expérience gouvernementale, c'est qu'il n'y a pas de responsabilité s'il n'y a pas de conscience. Et on a bien vu que le fait que la dette soit aussi profondément ignorée, aussi profondément mise de côté pendant toutes ces longues périodes, ces années et ces décennies, ça a empêché que se forme la volonté nationale sur ce sujet. Et donc nous avons décidé, nous, de faire le contraire, c'est-à-dire de dire aux Français la vérité comme elle est, de dire aux Français la vérité la plus menaçante, de la dire sans rien dissimuler, sans invoquer les facilités derrière lesquelles on se réfugie perpétuellement pour sans cesse, au nom des grands principes, augmenter la charge qui pèse sur les épaules de nos enfants et dont je vais vous dire un mot.

Mais tout cela, nous l'avons fait à un moment historique particulier et un moment historique dont il faut avoir la conscience. Un moment impressionnant. Un moment terrifiant, par instant, de par ce qui est en train de se passer sur notre planète. Alors sur notre planète, il faut parler bien entendu du changement climatique, que des pays entiers sont en train de rejeter et notamment que les Etats-Unis sont en train de rejeter, que la Chine revendique de saisir pour améliorer sa capacité industrielle et c'est là une concurrence qui est évidemment très importante. Des règles commerciales qui sont chamboulées. Nous avons vécu en fait un basculement de l'Histoire du monde. Naïvement sans doute, mais en confiance, nous croyions tous ici que le temps des affrontements brutaux et le temps de la loi de la force, en tout cas pour nous les nations européennes, l'Occident développé, comme on disait, le grand ensemble démocratique du monde, nous avons cru que ce temps était derrière nous. Et puis, nous qui imaginions que nous vivions définitivement dans le temps du Droit, avec un D majuscule, nous avons découvert que les pires craintes que les plus lucides d'entre nous pouvaient avoir, étaient en train de se réaliser. Et les pires craintes, c'est que nous sommes tombés du temps du droit dans le temps de la force brutale. Dans le temps des armes, dans le temps de la domination par la force militaire, le temps de la domination par le monopole des matières premières, le temps de la domination par des règles commerciales faussées, le temps de la domination industrielle et intellectuelle. Si jamais il y a eu un temps où le mot « impérialisme » retrouvait son sens, au contraire de tout ce que nous imaginions et de tout ce que nous croyions, c'est le temps dans lequel nous sommes entrés. 

Et ce temps, il y a une date extrêmement précise, c'est le 24 février 2022, quand les armées de Poutine se sont précipitées sur l'Ukraine voisine. Et il faut à chaque occasion, et celle-ci en est une, que nous les Démocrates, nous confirmions le soutien que nous avons pour l'Ukraine martyrisée, encore cette nuit, l'Ukraine bombardée, l'Ukraine menacée d'être annexée. Il nous revient, parce que c'est notre démocratie, il nous revient de défendre l'Ukraine. 

Et dans ce monde-là, nous imaginions que l'Europe était notre recours, l'Europe que nous avions voulue, notre famille politique avec les socio-démocrates. Ce sont ces deux mouvements qui ont construit l'Union européenne. Et notre camarade de notre Mouvement, Robert Schuman, et Alcide De Gasperi, et Jean Monnet, nous avons ensemble voulu que cette Union européenne se forme précisément pour cette raison-là. Pour que, face aux grands ensembles, à l'époque c'était la guerre froide, nous constituions un môle de résistance et de création de l'avenir, de défense et de promotion de l'avenir. Nous avons fait ça et nous croyions que c'était fait pour longtemps. 

Je veux vous dire qu'un certain nombre d'entre nous, j'ai pris la liberté de le dire, ont ressenti durement cette expédition de responsables européens qui sont allés rejoindre le président des États-Unis dans un golf écossais qui lui appartient personnellement, dans sa propriété privée, pour célébrer les pouces levés, ce qui n'était pas autre chose que la reddition aux oukases que Donald Trump avait formulés. Pour ceux qui sont les militants de cette idée européenne, cet instant-là a été un instant de dramatique prise de conscience. 

Alors, ne croyez pas que nous soyons totalement ignorants des réalités économiques. Je sais très bien, comme tout le monde, que les droits de douane que Trump impose, c'est les consommateurs américains qui vont les payer. Je sais très bien qu'on peut avoir beaucoup de doutes sur la création ou sur la mise en place de barrières du même genre. Mais symboliquement, politiquement, voir le chef de la première puissance mondiale et notre allié privilégié au travers des décennies décider par un oukase que nos producteurs, que nos productions seraient soumises à des droits de douane spéciaux d'un montant considérable demandés aux producteurs de spiritueux, d'un montant considérable et que nous déciderions bénévolement, parallèlement, symétriquement, de n'imposer aux productions américaines aucun droit de douane. Ni aux productions américaines matérielles, ni aux productions américaines numériques, par exemple. Trump a décidé et l'Union européenne a obéi. Et a obéi, non pas avec le sentiment que, bon, c'était la force, mais en allant lever les pouces dans le golf du président des Etats-Unis, comme si c'était une décision à célébrer. Eh bien, du point de vue de ceux qui ont voulu l'Union Européenne, pour qui l'Union européenne et l'Europe en soi est un idéal, de ce point de vue-là, ce jour-là, a été une défaite et a été un jour sombre. 

Et la vérité oblige à dire qu'il y a un pacte, une raison qui n'a jamais été démentie, entre l'Europe, son ambition, sa volonté de se construire un destin, et la capacité de la France à être en Europe proposante et rayonnante. C'est comme ça historiquement. Et il n'y a jamais eu d'exception à cette règle et à cette annonce. Et quand on regarde la santé de la France en se disant, au fond, c'est là qu'est la clé pour que l'équilibre du monde ne soit pas le même et que l'Europe n'ait pas le même cours, n'ait pas le même destin, alors on regarde notre pays et ce pays-là, on voit les difficultés qui sont les siennes. 

Si je devais résumer en quelques mots, je dirais que c'est un grand pays, le nôtre. C'est un grand pays qui ne va pas bien. C'est un grand pays, pourquoi ? Si vous regardez scientifiquement, technologiquement, un pays qui réussit en même temps à être présent dans le domaine spatial, à créer des satellites, à créer des lanceurs, comme aucun pays du monde ne le fait, en tout cas de notre taille, parce que nous affrontons des États-continents qui pèsent des milliards d'habitants et des centaines de millions d'habitants, et nous, nous ne sommes même pas 70 millions. Le spatial, lanceurs et satellites, l'aviation, les meilleurs avions du monde, les constructions navales et notamment les sous-marins, notre capacité dans le nucléaire à créer cette énergie nouvelle qui n'est pas polluante, qui n'émet pas de gaz à effet de serre. Quand on voit ce que nous sommes capables de faire dans le domaine du numérique, ce que nous sommes capables de faire dans le domaine de l'algorithmique, vous savez les algorithmes, qui sont dans le domaine de la robotique, dans le domaine de la génétique, immense pays ! Aucun pays du monde ayant la même population que la nôtre ne peut rivaliser, ou en tout cas s'il rivalise, ne peut prétendre dépasser la France et les réussites qui sont les siennes. Et ces dernières années, nous avons réussi une politique de renaissance de la création des entreprises et de la création des emplois industriels, insuffisamment sans doute, mais cependant, Marc l'a rappelé, ça doit être une de nos fiertés. 

Et ce pays-là, il est en même temps menacé par des dangers qu'il a en réalité lui-même acceptés. Et ces dangers touchent tous notre souveraineté. Et donc la ligne que nous avions fixée pour notre gouvernement, c'était indépendance et souveraineté. Dans deux domaines principaux : le premier de ces domaines, c'est le domaine des armes. C'est une nécessité. Je m'adresse aux membres de la commission de la défense. Josy, nous avons respecté intégralement la loi de programmation militaire. Et nous avons pris en compte, peut-être y a-t-il là l'origine de la proposition de jour férié, la nécessité, étant donné les changements stratégiques et de matériel devant lesquels nous sommes, regardez désormais, ce sont les drones et les missiles qui font la force de frappe principale d'un État. Ce sont les drones qui menacent l'indépendance des pays voisins de la Russie, comme on l'a vu, même si on dit pudiquement qu'on n'a pas encore les preuves. En tout cas, il n'y a aucun doute, si on n'a pas encore les preuves, sur la responsabilité russe dans ces attaques-là. Changement stratégique et changement du matériel. Nous avons décidé et nous avons tenu à prendre en compte intégralement les étapes de la loi de programmation militaire qui pouvaient nous permettre, avec les nouvelles décisions de l'OTAN, de tenir notre place dans le concert des nations, nous qui avons été les premiers à vouloir et à imposer cette indépendance militaire. 

Et puis la deuxième partie, le deuxième grand sujet, le deuxième grand pilier de cette indépendance, c'est l'indépendance financière. C'est la même chose d'être soumis militairement et d'être soumis financièrement. Personne ne le voit, personne n'y pense, tant depuis des décennies, depuis 50 ans, les gouvernements successifs se sont évertués, présentant chaque année un budget en déficit. Acceptant chaque année que la dette du pays augmente, les gouvernements successifs se sont ingéniés à écarter de la conscience des citoyens cette réalité si menaçante de voir notre pays soumis et dévitalisé par la dette. Je vais vous donner un chiffre très simple pour que chacun mesure ce qu'il en est. Les économistes savent que la croissance, la croissance au sens matériel du terme et la croissance mesurée financièrement, la croissance c'est, ces temps-ci, depuis 20 ans, à peine plus de 1% tous les ans, et l'inflation c'est à peu près du même ordre. Cette année, un peu moins pour les deux. Et donc ça veut dire que l'augmentation de la richesse du pays née du travail, de l'invention, de la créativité, du risque-prix, c'est à peu près 50 milliards nouveaux tous les ans. Retenez bien ce chiffre. Tout le travail du pays permet de progresser d'environ 50 milliards par an. Et la charge de la dette, les prélèvements sur la richesse du pays, qui sont faits pour aller apporter des ressources à nos prêteurs, à nos créanciers. Cette année dernière en 2024, c'était 60 milliards. Cette année, en 2025, ce sera 67 milliards. L'année prochaine - et on ne peut rien y faire, tout ça, ce sont des contrats signés - ça sera 75 milliards. Et la Cour des comptes dit, dans un document officiel, qu'à la fin de la décennie, ça sera 107 milliards. 50 milliards de ressources créées, plus de 100 milliards dans 3 ou 4 ans de ressources absorbées pour aller apporter notre argent à nos créanciers. Et nos créanciers, qui sont-ils ? Pour plus de 60%, nos créanciers sont à l'étranger du pays. Et donc, quand je parlais de dévitalisation, c'est une hémorragie de la sève française, de l'énergie française et de la richesse française qui est tous les ans organisée, un déplacement de ce que nous créons pour aller financer nos créanciers, ce qui veut dire, tous les ans, 50 milliards créés, 70, 80, 100 milliards prélevés. Notre pays s'appauvrit tous les ans. On croit naïvement que le travail supplémentaire, l'invention supplémentaire, les Airbus vendus, notre capacité à exporter sur un certain nombre de sujets, on croit que c'est pour nous enrichir. 

En réalité, le poids de la dette est tel que nous nous appauvrissons tous les ans. Qui le dit ? Personne. Qui l'assume ? Personne. Et nous avons des partis politiques qui, non contents d'écarter cette réalité, ont décidé d'alourdir encore la charge que nous allons mettre sur les épaules de nos concitoyens. Et spécialement parmi nos concitoyens, je trouve que nous devons porter une colère légitime sur ce sujet, spécialement parmi nos concitoyens des plus jeunes. C'est nos enfants que nous ciblons. Ce sont les plus jeunes, ceux qui travaillent aujourd'hui et qui vont travailler demain. Ce sont eux qui sont mis à contribution pour des décennies. Ce sont eux dont on prélèvera la capacité de création et la force vitale. Et personne ne le dit. Je trouve qu'il y a une colère qui devrait être légitime. Et non seulement personne ne le dit, mais il y a pire encore. Un certain nombre de politiciens ont décidé qu'il fallait convaincre les jeunes de manifester pour avoir encore plus de dettes. Parce que c'est ça qu'on est en train de faire. Quand on vous dit, on va augmenter les dépenses publiques, parce que c'est ça qu'il nous faut, ça veut dire que chaque jour, le sac à dos des plus jeunes générations est alourdi par les décisions irresponsables qui sont prises, qui sont naturellement demandées par la majorité de nos concitoyens. Je sais très bien qu'il y a un mouvement qui vient de loin et qui dit « après nous le déluge ». Donnez-nous cette année de quoi satisfaire les attentes qui sont les nôtres. Et puis on verra bien plus tard ce qui se passera. Il arrive que des responsables politiques soient dans cet état d'esprit. Et bien, je veux dire simplement qu'il y a un théologien américain qui a dit au XIXe siècle qu'il y a deux sortes de politiques : il y a les politiciens qui s'occupent de la prochaine élection et il y a les hommes d'État qui s'occupent de la prochaine génération. J'ai la fierté de dire que nous tous ensemble, toute cette équipe gouvernementale, parlementaire, militante, nous nous sommes occupés sans cesse de la prochaine génération. C'est plus difficile, c'est plus compliqué, mais c'est vital ! C'est cela dont nous avons besoin. Et donc nous avons en direction de ces jeunes, non seulement un devoir de vigilance, d'assistance à génération en danger, mais nous devons inventer le nouveau monde pour eux. Et ce nouveau monde, il a beaucoup de chapitres, j'en cite deux. Ce nouveau monde, il doit avoir un principe, je ne sais pas s'il faut dire social ou moral, mais pour moi c'est un principe vital. Il faut que chaque jeune ait à tout instant la capacité de reconstruire son destin même s'il s'est trompé de voie. Je suis pour que nous tenions la promesse d'avoir une deuxième chance, d'avoir une troisième chance pour ceux qui se sont engagés par exemple dans des études qui ne sont pas celles qu'ils souhaitaient. A quel qu'âge que ce soit, le monde d'une chance supplémentaire, c'est un monde vital. Et nous avons, je m'adresse aux économistes parmi vous, le devoir de soutenir la croissance du pays parce que c'est ça la seule clé pour que nous avancions vers l'avenir. Ce qui veut dire aussi que, je le disais, on a besoin d'investisseurs, on a besoin d'une banque centrale qui prenne en compte la nécessité absolue comme d'autres banques centrales sont en train de le faire dans le monde, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, en remettant en cause un certain nombre de dogmes. Nous avons besoin d'avoir une banque centrale européenne qui prenne en compte la nécessité d'avoir un accès au crédit plus facile, comme pays, comme société, et peut-être des dirigeants européens qui acceptent que nous portions des emprunts en commun pour que le taux de ces emprunts, ouverts à tous, soit plus bas qu'il ne le serait pays par pays. On a besoin d'investir ! 

J'étais frappé en écoutant l'autre jour David Djaïz qui est venu nous parler de sa vision imaginative de l'avenir. Il disait qu'on a besoin d'une grande politique industrielle, de réindustrialisation. On a besoin d'une grande politique numérique. On a besoin d'une grande politique agricole. Et sur tous ces sujets de recherche, il a absolument raison. La question c'est : où trouver l'argent pour le financer ? Et donc nous avons une responsabilité collective en tant que dirigeants pour que le seul endettement profitable, c'est-à-dire l'endettement dans l'investissement et pas dans le fonctionnement, l'endettement qui ne concerne pas la vie de tous les jours, mais qui concerne l'avenir, que cet endettement-là devienne accessible et ne soit pas interdit aux pays qui ont fait des choix budgétaires désastreux. Et donc l'étape dans laquelle nous sommes entrés, l'étape dans laquelle le nouveau gouvernement, enfin le nouveau Premier ministre a été nommé, nous avons dit, Marc a dit, je dis de la même manière, notre position elle est très simple : nous sommes là pour soutenir les efforts du gouvernement. Nous sommes là pour soutenir et rassembler autour du gouvernement, être capable en effet de dépasser des frontières qui ne sont plus d'actualité ou des présupposés, des jugements prématurés. Nous sommes là pour ça et notre groupe parlementaire est tout à fait prêt à entrer dans toutes les discussions nécessaires sur ce sujet avec une précaution à prendre, qui est présente dans votre esprit et que Marc a indiquée : nous ne pouvons pas dégrader la situation financière pour des accords politiques qui seraient déstabilisants. 

Et je note avec satisfaction que le Premier ministre a dit qu'en matière de retraite, on ne pouvait pas entrer dans des démarches aventurées ; qu'en matière de fiscalité, on ne pouvait pas entrer dans des démarches qui chassent les investisseurs. Ce sont des rappels utiles. Et en même temps, il est utile de rappeler que ce sont des rassemblements qui permettront d'aller de l'avant sur ce sujet, c'est-à-dire la capacité à se comprendre, à s'entendre et à dépasser les anciennes frontières. 

C'est un monde dangereux. Et je voudrais finir sur une idée qui me préoccupe beaucoup, c'est l'extrême violence qui désormais s'installe partout dans les démocraties, dans le débat public. L'extrême violence. Je ne sais pas si vous avez vu deux déclarations récentes de M. Trump cette semaine. Parlant de son prédécesseur Joe Biden, il a dit, je simplifie : « il a des ennuis de santé, il a un cancer qui vient d'être découvert, n'ayez pas pitié de lui. Car il a toujours été et il est aujourd'hui un sale fils de pute ». Je traduis exactement, hein ! « Mean son of a bitch ». Précisément. Et aux obsèques de Charlie Kirk, il a dit, je traduis là encore exactement : « Kirk, il croyait qu'on pouvait pardonner à ses ennemis. J'ai une grande différence avec lui, moi je hais mes ennemis ». Eh bien, deux déclarations cette semaine, et ne croyez pas que cet état d'esprit soit limité au territoire des Etats-Unis. Il y a une montée de la violence que je trouve absolument terrible. Songez que nous sommes dans un pays où l'on peut impunément, par milliers et milliers de retweets, prétendre que la femme du président de la République, mère de trois enfants, est un homme. Par milliers, en France et à l'étranger, et qu'au fond personne n'y trouve rien à redire. 

Cette montée de la haine aveugle, de la haine sourde, de la haine qui ne dit pas son nom mais qui s'impose partout, dans tout le débat public, cette montée-là, elle est pour moi une menace extrême. Et cette menace, elle est une menace pour la démocratie, parce qu'elle est une menace pour nos institutions, elle est une menace pour la confiance que l'on porte dans les institutions, et ça se glisse évidemment partout, parce que c'est, au fond, le sentiment que tout est truqué, qu'on ne peut pas avoir de débat parlementaire, politique, démocratique vrai, et qu'au fond les institutions ne méritent aucune confiance. 

Un mot sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. Je ne crois pas qu'il y ait dans la vie politique française de responsable qui ait affronté Nicolas Sarkozy face à face et avec autant de vigueur que j'ai été amené à le faire. Et j'avais déjà exprimé une nuance à ce propos au moment d'autres décisions de justice plus tôt dans l'année. Je trouve qu'il faut protéger les juges, et Marc l'a dit, je trouve qu'il faut respecter les décisions, mais qu'on a le droit de se poser des questions sur une disposition, qui est l'exécution provisoire. Pardon de le dire aussi franchement que je le pense. Notre système judiciaire est fondé sur un principe, c'est-à-dire qu'on peut faire appel des décisions quand on trouve qu'elles ne sont pas justes. Et très souvent, ce principe du double degré de juridiction, ce principe change en appel la décision de première instance et assez souvent adoucit la décision de première instance. Parce que, au fond, la perspective n'est plus tout à fait la même. Si on adopte la généralisation du principe de l'exécution provisoire, ça veut dire qu'il n'y a plus d'appel possible. Il y a un appel théorique, mais il n'y a pas d'appel réel. Et nous qui sommes les défenseurs de la démocratie, nous sommes par nature les défenseurs des principes démocratiques, et le droit à un double degré de juridiction, s'il n'y a pas menace immédiate sur la sécurité publique, s'il n'y a pas cette menace immédiate, le double degré de juridiction, c'est un droit de la démocratie. Et je veux le répéter comme ceux qui n'ont jamais dissimulé leur jugement et leur différence politique sur ce sujet. 

Dans le monde auquel nous croyons, Il y a un certain nombre de dispositions qui doivent être prises pour que la démocratie redevienne ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire un espace apaisé. D'abord, il y a des dispositions pratiques et il y a des choix de principe. Je suis frappé, pour moi, de ce qu'on ne pousse pas jusqu'à son terme, le principe de laïcité. On s'arrête en chemin. Et je dis ça, comme vous savez, j'ai consacré quelques livres à la naissance du principe de laïcité en France, avec l’édit de Nantes et avec Henri IV. On est allé au principe de laïcité en matière religieuse et philosophique. Personne, j'imagine, personne, à part quelques illuminés, ne voudrait qu'on se retrouve dans un pays avec une seule religion, une seule philosophie : ce serait dictature, et dictature dans le pire des domaines, dans le domaine spirituel. Mais je pense qu'on n'est pas allé au bout de ce principe dans le domaine politique. 

Dans le domaine politique, on continue à penser comme si son projet devait écraser le projet des autres. Et d'ailleurs, des dispositions sont prises à tout instant. Je pense par exemple, Marc, à la décision qui a fait qu'on a interdit un certain nombre de groupes politiques de présence dans les instances de l'Assemblée nationale. Je trouve ça antidémocratique, je trouve ça stupide. Je peux être en désaccord profond et en affrontement avec un certain nombre des forces politiques et Dieu sait que ces affrontements ne manquent pas. Mais la loi des démocraties, c'est que tous ceux qui ont été élus doivent avoir une place dans les instances des assemblées élues. Et donc j'espère, j'attends, c'est d'ailleurs la loi au Parlement européen ! Au Parlement européen vous avez des élus ça vous donne un certain nombre de points et ce nombre de points donne des places au sein des instances du Parlement européen. Nous qui sommes défenseurs de la démocratie, il faut que nous imposions ce principe. Il faut que nous le fassions respecter. 

Et puis nous devons inlassablement lutter contre toutes les violences, et notamment les violences dans le débat. Je peux vous dire, pour les avoir vécues, le déluge d'insultes, de manœuvres, de manipulations perpétuelles au sein de notre démocratie française. Dès qu'un responsable est élu, il s'agit de l'abattre. Et pour l'abattre, on invente des scandales autour de lui. On bâtit, on le pousse. On essaie de donner de lui une image naturellement fausse, mais comment se défendre contre des accusations sur lesquelles la plupart du temps vous ne pouvez pas apporter de preuves ? Et ça continue perpétuellement, les fake news comme on dit, les articles de journaux divers et variés qui présentent une version de la réalité qui n'a rien à voir avec les choses qui se sont passées. Ces violences-là, elles doivent être notre pire ennemi. Je veux vous dire ceci : je suis persuadé qu'il y a une attente profonde chez les Français pour un mouvement politique dans lequel on s'interdit la haine, dans lequel on s'interdit la violence, dans lequel on fait tout ce qu'il faut pour que les autres soient aussi respectés comme on exige d'être respecté soi-même. Démocrates nous sommes, nous portons ce projet de démocratie-là. 

Et puis je n'oublie jamais dans ces affaires-là, dont un certain nombre d'entre nous sont épisodiquement l'objet, un très beau poème qui est un poème de Kipling qui s'appelle « Si » . Et ce poème, il décrit à un jeune homme, il y a beaucoup de jeunes militants parmi vous, ce que devrait être l'attitude d'un responsable qui voudrait être à la hauteur, pas de son mandat mais de sa mission d'homme. Et il y a ces vers qui disent : 

Et te sentant haï, sans haïr à ton tour. Pourtant lutter et te défendre. Si tu peux supporter d'entendre tes paroles, Travesties par des gueux pour exciter des sots, Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle, Sans mentir toi-même d'un mot. Et le dernier vers du poème, c'est « Alors tu seras un homme, mon fils ». 

Merci. Merci.

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