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UR 2025 : Intervention de Gabriel Attal

Absent(s) lors de notre Université de rentrée ? Retrouvez l'ensemble de nos tables rondes avec toutes les interventions de nos invités et élus.

Intervention :

Gabriel Attal, député des Hauts-de-Seine, président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale, secrétaire général de Renaissance, ancien Premier ministre 

Animation : 

Félix Caron, membre des Jeunes Démocrates

Seul le prononcé fait foi.

Félix Caron : Bonjour à toutes et tous. Évidemment, bonjour Gabriel Attal et merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est un grand plaisir de vous accueillir. Le temps nous est compté, me semble-t-il, donc je vais pas y aller par quatre chemins et je vais aller droit au but, avec une première question concernant la décentralisation. Le Premier ministre Sébastien Lecornu, dès qu'il a été nommé, a annoncé le 14 septembre qu'il souhaitait lancer une grande réforme décentralisatrice dans ce pays, et a notamment précisé qu'elle ferait l'objet d'un débat au Parlement. Nos députés de l'Assemblée nationale sont ici. Partant du constat qu'il y a nécessité de rendre l'action publique plus claire et plus lisible aux yeux des citoyens - au MoDem évidemment c'est un thème qui nous est très très cher. Vous sortez de trois jours dans l’Hérault me semble-t-il avec le maire d'une petite commune de Candillargues, 2100 habitants. On voulait simplement recueillir vos premières impressions sur ce moment sur le terrain auprès de ce maire-là, et puis savoir quelles sont vos grandes idées sur la décentralisation et ce que vous avez appris de votre déplacement avec ce maire.

Gabriel Attal : Merci beaucoup ! j'étais ravi, par ailleurs, de te croiser puisque tu es Sétois. Et on s'est croisé à Sète où je suis allé échanger avec les pêcheurs pendant de longues heures qui traversent des moments extraordinairement difficiles. Mais d'abord, avant de te répondre, je veux vous remercier pour votre invitation et votre accueil, vous dire que c'est toujours un plaisir d'être avec vous. Moi, j'avais l'habitude de Guidel, je découvre avec vous l'île-sur-la-Sorgue, mais je suis ravi d'être là et je voulais évidemment témoigner de mon amitié à François et saluer le courage qui a été et qui est le sien. Et le courage ? Le courage, c'est quelque chose de constant au MoDem. C'est ce que j'ai toujours apprécié. C'est pour ça que j'ai toujours aimé venir à votre rencontre.

Il y a eu le courage de l'indépendance en 2002 en refusant la fusion avec l'UMP. Il y a eu le courage de l'audace en étant très précurseur dans le refus du clivage droite-gauche dans lequel tant et tant cherchent en permanence et encore aujourd'hui à nous remettre. Il y a eu le courage de l'unité en 2017 en acceptant de mettre les idées au-dessus des hommes. le courage de la constance en portant un certain nombre de sujets à bras-le-corps depuis très longtemps, et puis le courage du gouvernement. Et je veux saluer le courage qui a été le tien, François, et celui de ton gouvernement pendant ces 9 mois, dans une période extraordinairement difficile pour le pays.

Alors oui, je viens de passer 3 jours dans l’Hérault, aux côtés d'un maire d'une commune de 2100 habitants, Candillargues, parce que... Et mes amis et collègues ou ex-collègues gouvernementaux le savent, quand on est ministre, qu'on se déplace sur le terrain, on a tendance à vous préparer des visites où tout est briefé, où parfois les discours qu'on va vous tenir sont prévus à l'avance, où les séquences sont très courtes et où finalement c'est très dur de rentrer dans le vif du sujet, dans le fond du sujet et de laisser les langues se délier. Et donc à partir de ce déplacement dans l’Hérault, j'ai décidé désormais de me déplacer de manière plus longue, plus immersive, pour échanger... Sans langue de bois et très franchement avec nos concitoyens.

J'en ressors avec trois convictions. La première c'est que, et ça c'est une conviction qu'on partage tous, on a beaucoup de chance en ce moment d'avoir des élus locaux, des maires notamment, qui sont dévoués sur le terrain parce qu'on est dans un moment d'instabilité politique au niveau national. Et dans ce moment, j'ai pu mesurer à quel point nos maires sont tout à la fois le visage de la stabilité, stabilité évidemment rassurante en ce moment, le visage de la responsabilité. Parce que tous les débats qu'on a aujourd'hui au niveau national sur l'incapacité pour des forces politiques différentes à travailler ensemble, en réalité, quand on va sur le terrain au niveau local, ces débats sont tranchés depuis très longtemps. Et puis ce sont les visages de l'action, puisqu'il y a encore beaucoup de choses qui se font sur le terrain. Et dans un moment où, je crois, les Français désespèrent d'une forme d'impuissance publique qui semble s'être installée, sur le terrain, il y a encore des choses qui bougent. Nos élus locaux en ce moment, ce sont les visages de la démocratie qui marche. Et donc je pense que c'est important évidemment de les soutenir et d'être à leur côté. Et donc oui, je trouve ça très bien que le Premier ministre ait ouvert cette question de la décentralisation. Je pense qu'elle fera l'objet, si ce n'est de décisions, en tout cas de débats qui seront essentiels pour trancher ensuite, notamment en 2027. Moi, ce que je retiens, c'est qu'il y a encore beaucoup d'initiatives qui sont portées sur le terrain. Mais si on accepte une forme d'autocritique, et je pense qu'elle est nécessaire, je pense qu'il y a une grande promesse sur laquelle on a été élus en 2017, vous vous en souvenez, qui était celle de libérer les énergies, de permettre à tous ceux qui veulent entreprendre, qu'ils soient entrepreneurs, chefs d'entreprise, élus locaux, associatifs ou autres, de le faire sans qu'on leur mette des bâtons dans les roues. Et je dois dire, il faut être lucide, que de ce point de vue-là, nous avons échoué. Et j'ai pu voir et j'ai pu mesurer tous les exemples de blocages qui subsistent et qui demeurent quand on est aujourd'hui un élu local et qu'on veut porter un certain nombre de projets. Je vous donne un exemple qui est peut-être le plus kafkaïen que j'ai vu dans ces trois jours. Il y a la fête du village. Le maire veut organiser la fête du village dans la salle des fêtes. Donc il veut déplacer une licence 4 dans la salle des fêtes parce qu'il veut pouvoir servir du Ricard et quelques bières à l'occasion de la fête du village. On a l'État qui lui dit... La fête du village a lieu à moins de 100 mètres d'une crèche, donc c'est pas possible. Alors il répond, mais non seulement ça ne dure que trois jours, donc c'est pas comme si on s'installait, comme si on installait un distributeur de bières ou de Ricard en permanence à cet endroit. Puis par ailleurs, c'est ma commune, je la connais, c'est à plus de 100 mètres de la crèche. Et bien l'État lui a envoyé les gendarmes pour mesurer la distance entre la salle des fêtes et la crèche. C'est un exemple parmi d'autres. mais on ne peut pas objectivement attendre des élus locaux, attendre des Français, attendre de ceux qui entreprennent qu'ils aient confiance en nous au niveau national si on n'est pas capable de leur donner la confiance minimum qui est attendue pour entreprendre aujourd'hui sur le terrain. Donc moi ce que j'attends et ce que j'espère c'est qu'au moins sur ce sujet là on pourra avancer à très court terme et sur les questions de décentralisation je pense que toutes les formations politiques on y travaillera et ça fait partie de cette démarche nouvelle République que j'ai lancée dimanche dernier à Arras. Merci beaucoup.

Félix Caron : Une seconde question, cette fois, sur une question qui est de nouveau chère au Modem et encore de nouveau, je reviens à nos députés MoDem à l'Assemblée nationale, sur la question de la justice fiscale. Le tout dernier sondage, semaine dernière, est là BFM TV. Qu'est-ce qu'il nous dit ? 6 Français sur 10 ont l'impression de davantage contribuer au système social qu'ils n'en bénéficient. Depuis 2017, au MoDem, cette thématique est chère à nos députés. Je pense par exemple, on voit tout le travail qui a été fait sous la houlette de Jean-Paul Mattéï avec la taxation des superdividendes, les rachats d'actions. Et depuis maintenant plusieurs mois, années, avec le président Marc Fesneau qui a remis sur la table récemment une proposition de transformer l'IFI en un impôt sur la fortune improductive, sur l'argent qui n'est pas productif, disons. De votre côté, comment abordez-vous les textes budgétaires qui arrivent du côté d'EPR sur cette question de la justice fiscale qui, comme je l'ai dit, est travaillée de longue date par le MoDem.

Gabriel Attal : D'abord, je le dis, on est tous pour la justice fiscale. Pardon, mais je ne connais pas un parti qui est pour l'injustice fiscale. On défend tous la justice fiscale, évidemment, et encore plus, je pense, dans nos formations politiques. Ensuite, moi je ne laisserai pas penser... en tout cas, j'essaierai toujours d'expliquer que ce n'est pas le cas, je ne laisserai pas penser que la France est un paradis fiscal. La France, c'est un paradis fiscal pour personne. Tout le monde en France contribue plus que chez nos voisins européens. Alors on peut considérer que ce n'est toujours pas assez pour certains, qu'il faudrait faire encore plus, mais c'est dans le débat de laisser penser que la France serait une forme de paradis fiscal où des gens viendraient se réfugier pour payer moins d'impôts. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas la réalité. On a le taux marginal d'impôt sur le revenu le plus élevé d'Europe. On est le dernier pays de l'Union européenne, ou un des seuls, à avoir un impôt sur la fortune, avec l'impôt sur la fortune immobilière. On a des taux de CSG plus élevés que nos voisins, des contributions sur les hauts revenus qui ont été mises en place en 2011 ou encore l'année dernière, qui existent. Donc on n'est pas un paradis fiscal. Ensuite, est-ce que dans le cadre d'un effort qui est demandé à tous les Français pour établir nos comptes, il faut demander un effort aux plus fortunés, puisqu'on en demande à tous les Français ? Évidemment que oui. Évidemment que oui. C'est d'ailleurs ce qui avait été affiché comme objectif par François et son gouvernement. Mais comme les oppositions l'ont fait tomber avant qu'on puisse rentrer dans la discussion budgétaire, c'est sûr qu'on n'a pas pu aller au bout de cette discussion-là. Donc moi, ma position, c'est celle-là.

Ma position, c'est de dire que dans le cadre d'un effort qui est demandé à tous, on peut demander un effort à absolument tout le monde et qu'on doit le faire. D'autant plus que c'est, je crois, il me semble, ce qui permettra, je l'espère, un compromis sur le budget pour permettre au gouvernement de tenir et à un budget d'être adopté. La réalité, c'est qu'il faut parvenir à ce compromis avec le Parti Socialiste et je veux le dire ici, ça me semble très important de le rappeler, le compromis, il doit se chercher avec le Parti Socialiste et être trouvé avec le Parti Socialiste. Un autre compromis d'un autre côté n'est ni souhaitable ni possible. Je pense que c'est important de le redire et de le réaffirmer. Donc nous, on prendra notre place, on assumera notre rôle dans ces discussions qui auront lieu. Mais ce sont des discussions qui sont menées par le Premier ministre

Objectivement, le président a fait un choix de méthode, il a nommé un Premier ministre en le chargeant de trouver un compromis avec les forces politiques et de le présenter ensuite au Parlement. On avait proposé une autre méthode. On avait proposé qu'on puisse essayer autre chose après un an où on a nommé un Premier ministre en considérant qu'il ferait l'équation politique. On s'est dit que peut-être on pouvait essayer de dire que l'équation politique précède la nomination d'un Premier ministre, donc on a proposé qu'un négociateur soit nommé, qui mette les partis politiques autour de la table, qui puisse trouver un compromis de budget et qu'ensuite un Premier ministre soit nommé. Le Président a fait un choix différent. C'est sa prérogative, c'est les prérogatives institutionnelles. Et donc c'est aujourd'hui le rôle de Sébastien Lecornu qui doit trouver ce compromis avec les formations politiques, nous le présenter et évidemment, nous, on soutiendra un compromis qui aura été trouvé par le Premier ministre.

Félix Caron : Merci ! Et enfin une dernière question dans les 4 minutes 10 qui nous restent. Vous insistez très souvent, et puis nous aussi au MoDem, sur le rôle de la jeunesse. Que dites-vous aux jeunes qui trouvent l'Europe encore trop technocratique, trop lointaine, trop abstraite ? Vous avez récemment d'ailleurs formulé à Arras une proposition visant à élire le président ou la présidente de la Commission européenne au suffrage universel direct. Comment est-ce que vous pensez que cette proposition-là peut permettre de rapprocher l'Europe des citoyens ? Et plus particulièrement, je le dis en tant que jeune.  Avec le nombre de Jeunes Démocrates qu'il y a dans la salle, des jeunes de la jeunesse qui se sentent peut-être un peu éloignés des hautes sphères bruxelloises. 

Gabriel Attal : D'abord, à Arras, j'ai lancé une démarche pour une nouvelle République, je le dis qui est ouverte à tous. Par-delà les partis politiques, y compris pour des personnes qui ne sont pas engagées en politique, vous pouvez aller vous renseigner, il y a un site internet pourunenouvelerépublique.fr, c'est ouvert à tout le monde, vous pouvez vous inscrire pour être capable de proposer un changement systémique pour notre pays dans les années qui viennent. N'hésitez pas à vous connecter. Sur l'Europe, je pense qu'il y a à la fois une forme d'habitude, parce que la réalité, c'est qu'on est d'une génération qui n'a pas connu, avant le conflit ukrainien, la guerre sur le continent européen, qui a grandi avec les acquis de la construction européenne, la monnaie unique, la libre circulation. On n'a pas connu autre chose, nous. Donc c'est sûr que c'est peut-être plus facile pour des générations qui ont connu comment c'était avant d'être attaché à un modèle, à une construction qui a permis de changer profondément les choses. Ensuite, moi je crois que ce qui permettra de convaincre les jeunes de l'importance de l'Europe, c'est évidemment l'affirmation de la puissance de l'Europe sur tous les sujets. On est quand même d'une génération qui a vu, quand on parle des géants du numérique, des GAFA, qui a vu les Etats-Unis gagner à chaque fois. Alors qu'on a tous les talents et toutes les idées en France et en Europe. On est la génération qui a vu LinkedIn gagner alors qu'il y a des Français qui avaient eu l'idée de Viadeo, qui a vu Youtube gagner alors qu'il y a des Français qui avaient eu l'idée de Dailymotion, qui a vu Apple gagner avec l'iPod alors que c'est des Français, Arcos, qui avaient inventé le baladeur MP3, qui a vu Uber gagner alors que c'est des français qui avaient eu l'idée aussi de chauffeur privé. On est la génération qui a vu toujours les Américains et aussi les Chinois gagner face aux Européens alors qu'on a les idées, les talents, et qu'ils prennent nos talents et nos idées pour développer ensuite leurs startups et leurs entreprises. Je fais le lien avec, je vois Clara Chappaz qui vient de s'afficher sur un écran devant moi, donc ça fait le lien avec probablement la discussion que vous aurez derrière.

Mais si on veut que les jeunes aient confiance en l'Europe, il faut que l'Europe leur montre qu'elle n'a pas vocation à devenir l'EHPAD ou le Club Med du monde et une colonie chinoise et américaine pour le reste. Qu'elle a vocation à être une puissance qui est capable de peser et de s'affirmer. Donc il y a urgence, urgence à avancer sur les grands chantiers européens. L'union des marchés de capitaux, le Buy European Act pour avoir une préférence européenne en matière d'achat public, une vraie politique de soutien à l'intelligence artificielle, pas de la régulation débile supplémentaire qui empêche à nos champions de l'intelligence artificielle d'émerger et de devenir géants. Voilà, donc ça c'est la première chose.

Et ensuite, je crois qu'on peut faire beaucoup plus et... C'est quelque chose qu'on a affirmé, c'est quelque chose qu'on a défendu, c'est quelque chose qu'on a proposé, mais beaucoup plus encore, je regarde Sarah en disant ça, sur la mobilité européenne des jeunes. Erasmus, ça a été une grande conquête, un immense progrès. On a beaucoup dit qu'on voulait renforcer la mobilité au collège, au lycée, l'Erasmus des apprentis, etc. Je pense qu'on n'est pas allé suffisamment loin. Si on veut que l'Europe survive, ça passera aussi par une jeunesse qui aura eu l'opportunité et l'occasion de découvrir que l'Europe ce n’est pas que pour ceux qui peuvent se payer un billet d'avion parce qu'ils ont une famille qui leur permet d'aller visiter une autre capitale européenne, mais que ça fait partie intégrante de l'éducation de nos jeunes aujourd'hui en France. Moi, je crois que tout ça, c'est possible à condition de le porter avec volontarisme et qu'on peut le faire tous ensemble. Merci à tous.

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