Sarah El Haïry : « Le silence est le meilleur allié des agresseurs ; la parole, elle, sauve des vies »
Sarah El Haïry, Haute-commissaire à l'enfance et vice-présidente du Mouvement Démocrate, a accordé un entretien au Figaro sur les actions pour « mieux protéger les enfants d’aujourd’hui et de demain ».
LE FIGARO.- Après le choc du procès Le Scouarnec et de l’affaire Bétharram, la création d’un « conseil des victimes » avait été évoquée. Où en est ce projet ?
Sarah EL HAÏRY.- Ces derniers mois, le Haut-commissariat a échangé avec de nombreux collectifs de victimes, associations et personnalités engagées - notamment liés aux affaires Le Scouarnec Bétharram, Saint Stanislas de Nantes et Saint Dominique de Neuilly - pour leur présenter ma démarche.
Nous devons accueillir la parole de ces adultes qui ont subi des violences dans leur enfance. Le silence est le meilleur allié des agresseurs ; la parole, elle, sauve des vies.
D’ici la fin de l’année, j’entamerai les concertations communes avec l’ensemble des acteurs afin de créer un Conseil de victimes, début 2026. La Ciivise travaille sur les violences sexuelles et l’inceste. Le conseil des victimes constitue une instance distincte. Il se penchera sur l’ensemble des violences faites aux enfants - y compris les violences éducatives, institutionnelles, mais aussi le cyberharcèlement, et s’inspirera également de ce qui est fait pour les survivants à l’international. Il contribuera ainsi à l’évolution de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux enfants. Ce que ces victimes ont appris en traversant ces épreuves nous aidera à mieux protéger les enfants d’aujourd’hui et de demain.
Après avoir lutté contre le phénomène « No kids » , comment favoriser la présence des enfants dans les espaces publics ?
Redonner toute leur place aux enfants, c’est penser les villes « à hauteur d’enfant ».
Une commune qui pense à hauteur d’enfant construit une République accessible à tous.
Nos communes sont trop souvent conçues pour les adultes, pas pour les plus jeunes. Depuis plusieurs années, les enfants disparaissent peu à peu des rues et de l’espace public. Ils restent plus souvent qu’autrefois confinés à la maison. Ils partent moins souvent seuls à l’école et à un âge plus avancé, de 11 ans en moyenne aujourd’hui.
Pour changer la donne, il faut donner aux élus des outils et des pistes de bonnes pratiques. C’est pourquoi le Haut-commissariat à l’Enfance publie, en cette semaine de congrès des maires, un guide pratique de l’élu local pour l’Enfance.
Il ne s’agit pas de faire la morale aux élus mais de leur donner des ressources concrètes et des pistes d’aide au financement.
Concrètement, cela peut passer par des pistes cyclables sur les trajets école-domicile, des feux tricolores adaptés, l’aménagement d’aires de jeux dans les parcs, la création de marquages au sol ludiques, et du mobilier dédié aux enfants dans les salles d’attente des mairies... Accueillir les enfants dans l’espace public n’est pas seulement une question d’urbanisme : c’est aussi favoriser leur participation, organiser un conseil municipal des enfants ou des jeunes, ou encore multiplier les solutions de garde. Chaque élu a le pouvoir de s’engager pour l’enfance.
Donner plus de place aux enfants dans l’espace public peut-il être un levier pour la natalité ?
On pleure notre démographie déclinante mais on ne pense plus nos espaces pour qu’ils soient accueillants pour les plus jeunes. Des familles désertent les grandes villes. L’environnement n’est pas toujours favorable à leur vie et leur organisation.
Je ne dis pas que les aménagements urbains vont faire remonter la courbe des naissances mais il faut aider les parents à gravir toutes les petites montagnes du quotidien et à évoluer dans un climat accueillant.
Cela fait partie d’un ensemble de mesures qu’il faut multiplier sur les aides à la parentalité, l’accueil d’enfants et bien d’autres. Le nouveau congé de naissance et le soutien financier aux familles (PSU) y participent. Depuis le 1er janvier, les communes sont également responsables de l’accueil des jeunes enfants et de l’orientation des familles dans le cadre du Service public de la petite enfance (SPPE). Cela n’avance pas suffisamment vite, notamment en raison d’une crise majeure dans le recrutement des professionnels de la petite enfance et du départ à la retraite massif d’assistants maternels.
Le guide pratique de l’élu local vient rappeler aux élus la multiplicité de solutions existantes, comme les crèches associatives, les haltes garderies, et des soutiens financiers pas toujours connus comme les bonus «mixité sociale» ou «inclusion handicap» ou les dispositifs AVIP. L’objectif, c’est de renforcer la continuité et la qualité de l’accueil des enfants entre 0 et 3 ans.
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Le droit de l’enfant doit-il être modernisé ?
Notre travail au sein du Haut-commissariat permettra de repérer des incohérences et des angles morts. Majorité civile, majorité pénale, majorité sexuelle, droit de vote, permis de conduire…
Les âges de discernement et de majorité ne sont pas définis de manière homogène par exemple. Il faut les mettre à plat pour avoir une réflexion sur les étapes clés de l’enfance et de l’adolescence et éclaircir des zones d’ombre.
Les enjeux liés au numérique, l’exposition des enfants à de nouveaux risques, la protection de l’enfance soulèvent des questions juridiques nouvelles. Ces travaux à venir sur le Code de l’enfance seront donc aussi une invitation à repenser, à terme, la place de l’enfant dans notre droit.
Lire l'entretien complet dans Le Figaro.