"Nous avons une responsabilité collective dans la société hyper violente dans laquelle nous vivons : ne pas stigmatiser, ne pas antagoniser, mais avoir des débats pacifiés." 

Marc Fesneau

Marc Fesneau, ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, était l'invité du "petit déjeuner politique" sur Sud Radio ce matin avec Patrick Roger et Cécile de Ménibus. L'occasion de revenir sur sur de nombreux sujets comme la stratégie du gouvernement face à la Covid-19, sur la Loi Climat, la proportionnelle ou encore le harcèlement scolaire. 

Patrick Roger : Bonjour Marc Fesneau. 

Marc Fesneau : Bonjour.

Quelle est la stratégie du gouvernement ? Certains soignants ne comprennent pas qu’il n’y ait pas de reconfinement en Île-de-France, compte tenu de la forte tension dans les hôpitaux franciliens.

La stratégie du gouvernement, elle est simple. C'est d'abord la stratégie de la vaccination. On a vu ce qui s’est passé le week-end dernier, avec des centaines de milliers de personnes qui ont été vaccinées. La deuxième stratégie, c'est d’adapter la réponse territoriale, en fonction de ce qu’est la situation sanitaire. La situation sanitaire, c'est à la fois la tension hospitalière; le cas échéant, c'est le taux d’incidence et c'est la présence des variants, et au fur et à mesure on ajuste les dispositifs. Le ministre de la Santé s’exprimera cet après-midi sur les ajustements qu’il y a lieu de faire chaque semaine, la volonté…

Oui mais justement, cette question territoriale, si on suit, est-ce qu’il est normal que Dunkerque et Nice restent confinées, alors que le taux est quasiment le même qu’en Île-de-France, et qu’il y a aussi les variants, donc…

Considérez quand même que confiner 12 millions d’habitants n’est pas de la même nature que de confiner une ville…

Ah non non, bien sûr.

… ou la Côte d’Azur, comme on dit. Par ailleurs, on est toujours dans les mêmes débats au fond. Quand on prend une mesure nationale, on nous dit : "ça n'est pas assez territorialisé", et quand on prend une mesure territorialisée, et je peux le comprendre, certains peuvent avoir le sentiment qu’ils sont, eux, ou stigmatisés ou pénalisés, quand d’autres le seraient moins. Mais ce n'est pas la logique.

Bon, la stratégie, c'est tout faire pour éviter le reconfinement.

La stratégie, depuis le début, c'est de tout faire pour éviter un confinement, avec les conséquences économiques, sociales, sociétales, que ça pose. De plus, la stratégie vaccinale va monter en puissance. D'ailleurs, le Premier ministre a confirmé hier le plan de charge qui avait été celui annoncé en décembre. On oublie trop souvent de le dire, mais. au fond, on est absolument dans le rythme qui avait été prévu et annoncé par le Premier ministre au mois de décembre. D’ici la fin du mois d'avril, une dizaine de millions de Français seront vaccinés, et on voit bien que dans les pays qui comme nous sont dans des stratégies vaccinales de cette nature, petit à petit, on arrive à sortir de la pression de l'épidémie et c'est l'espoir qu'on peut avoir.

On verra si effectivement ce plan de marche sera bien suivi. Avant de venir sur la Loi Climat, qu'est-ce que vous pensez de l'affaire des profs menacés à Grenoble, avec les accusations d'islamophobie relayées par l'UNEF et d'ailleurs aussi par une grande majorité des autres enseignants localement ?

Moi, je trouve que cette pratique qui consiste à jeter en pâture des noms, y compris quand il peut y avoir des désaccords idéologiques ou politiques, désastreuse. On l'a vu là avec des enseignants, on le voit parfois avec tel ou tel, on le voit parfois aussi avec des responsables ou des élus locaux ou des élus nationaux. Je trouve que c'est une pratique détestable en démocratie, parce qu'au fond dans les esprits généraux, ça ne porte pas à conséquence forcément, mais il y a toujours des gens qui en tirent des conclusions ou des conséquences et qui, après, passent à l'acte. Et donc, je pense que la responsabilité collective, c'est de ne pas stigmatiser, de ne pas antagoniser. On peut avoir des débats, des débats publics, des débats pacifiés et pas des débats qui au fond, quand on n'est pas d'accord, font qu’on vous met votre photo et votre nom en vous insultant, en vous stigmatisant, ou en indiquant ce que vous êtes ou ce que vous n’êtes pas. Et moi je pense que c'est une responsabilité collective dans la société hyper violente dans laquelle on vit.

De plus en plus violente ?

De plus en plus violente…

Ça c'est vrai, ça n’est pas qu’un…

C'est une société, mais pas la société française. La société occidentale…

Dupond-Moretti disait : « Non non, ça n’existe pas, ça n'est pas aussi violent que ça ».

Non mais cette société, on voit bien qu'elle est traversée par ce phénomène-là. Et donc il faut qu'on fasse attention et qu'on soit vigilant. Vous ne m'avez jamais entendu sur votre radio ou ailleurs, d'ailleurs, faire autre chose que d'avoir des mots qui soient des mots qui disent ce que je pense, et qui soient des mots non stigmatisants.

La Loi climat. Vous êtes en charge des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne. Entre les écologistes qui sont plutôt attachés à Barbara Pompili et les plus libéraux, est-ce qu'il n'y a pas un risque de déchirure ici, y compris au sein de la majorité ?

Ecoutez, à chaque texte qui pose des questions et des enjeux importants, on nous dit : « Est-ce qu'il n’y a pas des risques de fracture ou de déchirure ? ». Moi, je vois les débats qui se passent en commissions, qui sont des débats que je trouve éclairés et intéressants. Et il n’y a pas un camp contre un autre. Il y a la volonté collective d'avancer sur la question du défi climatique, répondant en cela à la sollicitation qui était celle du président de la République, en réunissant 150 citoyens pour essayer de trouver des pistes de solutions. Donc la question n'est pas de trouver un camp contre un autre. La question, c'est de résoudre à la fois cette équation, et de la rendre supportable pour les Français. La rendre acceptable pour les Français et d'embarquer le plus grand monde possible. Je ne connais pas de politique qui fonctionne quand on fait contre les gens. Et donc il faut le faire avec les gens et embarquer et tenir compte de la situation…

Donc là c'est ce que vous dites à Barbara Pompili : attention, ne faisons pas trop …

Non, je dialogue beaucoup avec Barbara Pompili et avec les autres ministres concernés par cette Loi climat : le ministre de l’Agriculture, le ministre de l'Économie et des Finances. Je pense qu'il faut qu'on trouve et qu’on tienne un point d'équilibre. C'est la responsabilité politique.

Bon, parallèlement il y a toujours le projet de référendum pour l'inscription dans la Constitution ou pas ? C'est votre objectif ?

C'est l'objectif. La lecture se poursuit encore aujourd'hui à l'Assemblée nationale, avec un texte qui est strictement issu de ce qui avait été les propositions de la Convention citoyenne. Il sera donc délibéré là en fin de semaine. Et ensuite il arrivera au Sénat, et on verra le débat du Sénat, et le président de la République s’est engagé sur la…

Quel calendrier alors ? Parce qu’entre toutes les…

On voit bien qu’un calendrier, soit il y a un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, on voit plutôt un horizon de début d'automne, ça ressemble à ça en termes de calendrier, parce qu’il faut quand même une campagne. Je crois que le délai est de 6 semaines. Le temps de convoquer les choses, il faut saisir le Conseil constitutionnel. Enfin, je vous passe les détails de la procédure…

Est-ce que c'est vraiment la priorité ? Vous, vous y êtes favorable à ce référendum ?

Non, mais je trouve en tout cas que la question d'inscrire au rang constitutionnel... Et d’ailleurs, on peut avoir des désaccords sur la terminologie, mais j'entends beaucoup de monde dire « ça n'est pas inintéressant de poser la question ». Il me semble que cette question est intéressante et en plus je trouve que tout ce qui fera parler de ce sujet et qui permettra d'éveiller les consciences, est une bonne nouvelle.

Projet en revanche qui risque d'être abandonné, c'est la réforme de la proportionnelle, et pourtant c'était une promesse d'Emmanuel Macron, qui tient à cœur aussi à François Bayrou du MoDem. Vous appartenez à cette famille politique, c'est une déception pour vous, ou pas ?

Qui nous tient tous à cœur pour une raison qui n'est pas seulement et principalement une question d'engagement. D'ailleurs, on parlait du débat public qui est parfois caricaturé entre les opposants et la majorité. Je pense que c'est une voie pour pacifier le débat public, pour essayer de trouver des points de convergence sur un certain nombre de sujets, sans que chacun ait le sentiment qu'il renonce à ce qu'il est. Et puis ça participe évidemment de la représentation plus large d'un certain nombre de formations politiques qui font des scores importants et qui ne sont pas représentées à l'Assemblée nationale. Le débat est sur la table, donc vous présagez d’une issue…

Le président de l'Assemblée a déclaré craindre qu'il ne soit trop tard pour mettre ça en place hier.

Il a dit factuellement, effectivement, qu'il craint qu'il ne soit trop tard. Il n’a pas dit qu'on ne le ferait pas, il n’a pas dit que c'était une…

Quand même, ça sent un peu l'enterrement, ça.

Écoutez, on regardera, mais je pense que ce qui est important c'est qu'un débat se noue, au sein de la majorité mais aussi au sein des oppositions, certains l'ayant réclamé depuis longtemps. Et c'est à eux aussi de donner la parole, parce que ça n’est pas une affaire de la majorité, c'est une affaire de nos institutions et de débat démocratique. Et donc il faut que le débat soit sur la table, il reste du temps pour le faire le cas échéant. Si on trouve les voies et moyens d'un compromis et d'un consensus, c'est à ce moment-là qu'on en reparlera.

Oui, bon j'imagine que François Bayrou en tout cas ne doit pas être content de cette tournure. Est-ce qu'il y a de la friture, d'ailleurs, entre François Bayrou et le chef de l'État ?

Non, il n’y a pas de friture…

On l'a lu dans la presse, ces derniers jours.

Oui, mais enfin, pardon de le dire ainsi, mais je vois bien tous les cadres, les conseillers, les conseillers ministériels qui parlent toujours sous le coup du off et de l'anonymat. Ce qui est plus commode pour pouvoir dire un peu tout et n'importe quoi. Moi, je peux attester et témoigner, pour avoir dialogué encore hier avec François Bayrou, que ce n'est pas l'esprit qui l'anime. François Bayrou a toujours eu un esprit de responsabilité. On n'est pas dans des querelles de nature de celle qui est annoncée dans la presse. Et donc le travail qu'on a à faire, qui est celui du MoDem, qui est la part du MoDem depuis 2017, c’est à la fois d'être solidaire de la politique gouvernementale, d'essayer de l’accompagner et puis en même temps de porter nos propres paroles et François Bayrou s’y tient. Et je ne vois pas pourquoi il ne s’y tiendrait pas. D'ailleurs il n'a nulle intention d’être dans autre chose que d'exercer sa propre responsabilité dans le cadre qu’il s’était défini en 2017.

Est-ce que vous allez être candidat, finalement, aux régionales ?

Il n'est pas encore temps de poser ces questions-là, si je peux me permettre…

Ah ben attendez, si, eh bien si, tout le monde...

Vous avez parlé de la question sanitaire, il ne vous aura pas échappé par ailleurs que dans le texte qui a été délibéré dans les récentes semaines, il a été décidé qu'il y aurait une clause de revoyure d'une certaine façon le 1 er avril. Le 1 er avril, on saura si les élections se tiennent. Aujourd'hui, à date, il me semble que les choses sont possibles, mais c'est bien d'attendre et de procéder par étapes, et nous verrons à ce moment-là. Et je m'exprimerai, pardon de vous le dire, à ce moment-là dans ma région.

Il y a un débat autour du front républicain. D'une manière ou d'une autre, depuis quelque temps aussi, il y a des membres de la République En Marche, Castaner, Guerini, qui disent par exemple qu'ils voteraient Mélenchon en cas de 2 ème tour, Mélenchon – Le Pen. Et vous ?

Moi, ça me fait penser à un sketch que vous aurez peut-être en tête de Raymond Devos. Cette affaire qui disait : « on vous met devant un choix, faites l'amour, pas la guerre », et il répondait « il y en a peut-être qui voudraient faire autre chose ». Je n'ai pas envie d'avoir à choisir au 2ème tour entre Monsieur Mélenchon et Madame Le Pen. Et je pense que tous ceux, et je ne parle pas de ceux de la majorité qui disent, au fond il ne faut pas polariser autour de Madame Le Pen et qui ne polarisent le débat qu'autour de « je suis le meilleur face à Madame Le Pen », mais qui se mettent en situation que Madame Le Pen ne soit pas au 2ème tour ou que Monsieur Mélenchon ne soit pas au 2ème tour, parce que leur responsabilité c'est celle-là. Moi au 1er tour et au 2ème tour je voterai pour Emmanuel Macron s'il est candidat. Donc moi, de mon côté, c'est clair. Et que de leur côté ils fassent naître des candidatures qui soient suffisamment crédibles pour ne pas qu'on se retrouve dans cette obligation, à chaque fois, d'avoir à choisir entre Mélenchon ou Le Pen. On peut peut-être offrir autre chose aux Français. J’ajoute qu’en cumul de voix, ils sont 37 % dans les sondages, donc il y a 63 % de Français qui ne souhaitent pas ça. Peut-être que la grande victoire démocratique, ce serait qu'on sorte de ça, donc c'est à ça qu'il faut s'attaquer me semble-t-il.

Bon. Marc Fesneau, question avec Cécile de Ménibus.

Cécile de Ménibus : Chaque année, 700 000 enfants sont harcelés à l'école et en dehors des établissements scolaires. Est-ce que c'est un sujet qui vous touche de près ? Est-ce que vous, enfant ou adolescent, vous avez subi peut-être des moqueries blessantes ou une sorte de harcèlement ?

Je n’ai pas forcément envie de parler de moi, mais ma couleur de cheveux a fait que j’étais distingué parmi les autres, et que j'ai entendu fleurir des choses qui, qu’au fond maintenant me font rire, mais le…

Patrick Roger : Ça déstabilise quand même, non ?

Dans l'enfance et dans l'adolescence, toute différence est parfois durement, comment dirais-je…

Cécile de Ménibus : Attaquée.

Attaquée par les autres. Je me souviens du joueur de rugby Serge Blanco qui avait dit un jour : vous avez vécu… Je me souviens de ça, je n'ai jamais réussi à le retrouver au fond. À la question « Comment vous avez vécu votre statut d'être métis, au fond ? », il avait dit : « Pas pire que quelqu'un qui était roux ». Et au fond, ce qu'il voulait dire là, qui était très juste, c'est que, dès qu'on est un peu différent, parfois on n'est pas… L’enfance est à la fois bienveillante et en même temps dure avec ceux qui sont différents. Et je pense qu’étant père de famille, il faut toujours faire attention à éduquer ses enfants avec l'idée qu'il faut accepter la différence de l'autre, et que la différence n'est pas une offense, et qu'au fond c'est une richesse, et que oui, il faut y être sensible. J'en ai beaucoup moins souffert que plein de gens sur bien d'autres sujets, donc vous ne me voyez pas d'ailleurs larmoyant dans l'affaire, mais je perçois quelque chose en tout cas que j'ai perçu, auquel il faut être très sensible. Et il faut que le corps enseignant, mais il le fait beaucoup déjà, que des gens qui sont dans l'écosystème éducatif, veillent toujours à regarder ceux qui sont à côté, parce qu'ils ont quelque chose de différent qui peut être un statut social vécu, qui peut être une couleur de peau, qui peut être des difficultés scolaires, parce que sinon on laisse décrocher des gens et après ils se sentent isolés. Et après, en plus, il y a un effet de meute parfois qui se crée sur les plus fragiles, et auquel il faut veiller. Donc c'est un sujet, et vous avez raison de le poser, de responsabilité collective et d'attention aux plus fragiles et à ceux qui par nature sont distingués des autres ou distinguables des autres.

Cécile de Ménibus : Et je rappelle le numéro, le 30 20, si autour de vous quelqu’un était harcelé.

Patrick Roger : Merci Marc Fesneau, ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne.

Merci à vous.

Patrick Roger : Vous étiez ce matin l'invité de Sud Radio. On parlera justement harcèlement tout à l'heure avec un proviseur dans 10 minutes.

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