Marc Fesneau : « Ce budget n’est pas votable »
 
  Dans un entretien accordé à Libération, notre président du groupe Les Démocrates et premier vice-président, Marc Fesneau, accuse ses collègues socialistes d'empêcher les conditions d'un compromis budgétaire et appelle à utiliser l'article 49-3 pour permettre l'adoption d'un texte acceptable.
Depuis le début de l'examen en séance du projet de loi de finances pour 2026, plusieurs amendements instaurant des taxes ont été votés. A votre grand agacement. Vous avez parlé d'un «budget bolchevique». Carrément ?
On va arriver à un budget qui ne ressemble plus à rien. Je ne suis pas un ultralibéral, mais enfin… On prélève, on taxe, on spolie. En additionnant l'« impôt universel » sur les multinationales, la taxe Gafam, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, d'autres mesures augmentant les prélèvements, et si on y ajoutait la taxe Zucman, on atteindrait 60 milliards d'euros supplémentaires à la fin de l'examen.
Pour certains, ça relève peut-être de la formule, mais prélever tout l'accroissement de la richesse, ça s'appelle du bolchevisme.
Les députés devraient aborder vendredi la question de la taxation des hauts patrimoines. Etes-vous toujours opposé à une taxe Zucman, mais aussi à une taxe Zucman dite «light» ?
Les socialistes voulaient du rendement, ils en ont trouvé en votant l'impôt sur les multinationales à 26 milliards ! On peut avoir des dispositifs contre l'optimisation fiscale. Les députés Modem en ont eux-mêmes proposés : sur la niche Copé, sur le pacte Dutreil ou le crédit impôt recherche.
Empêcher le dévoiement de l'intention fiscale du législateur, aucun problème. Taxer la fortune improductive, aucun problème : on avait d'ailleurs plaidé pour le rétablissement d'un ISF sur la fortune improductive.
Mais on s'opposera à la taxe Zucman et autres « Zucman light » car on ne veut pas toucher au patrimoine professionnel.
Pourriez-vous aller jusqu'à voter contre la première partie du projet de loi de finances ?
Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que ce budget n'était pas votable. Par personne d'ailleurs. Même les socialistes, avec toutes leurs taxes supplémentaires, ne veulent pas le voter, ils ne veulent pas l'assumer.
A vous écouter, tout est la faute des socialistes !
Non, mais chacun doit prendre ses responsabilités. En permanence, ils menacent de censurer le gouvernement. S'ils n'ont pas la suspension de la réforme des retraites, s'ils n'obtiennent pas la taxe Zucman, si, si…
On doit leur donner tout ce qu'ils réclament, mais, eux, ne veulent aucun accord. C'est de l'inconséquence. Il faut savoir accepter un compromis.
(...)
Utiliser le 49.3 après s'être engagé à y renoncer : ne serait-ce pas un aveu d'échec ?
Pas pour le Premier ministre, mais un échec pour tous ceux qui font de la surenchère.
Ce serait un 49.3 de compromis, non pas pour forcer le Parlement, mais pour acter ce sur quoi il y a un accord, par exemple la contribution différentielle sur les hauts revenus et d'autres mesures contre l'optimisation fiscale et pour faire contribuer les plus fortunés.
Ce sera préférable à un budget invotable. Je rappelle que si la première partie du PLF n'est pas adoptée, le texte part immédiatement au Sénat sans reprendre aucun amendement de l'Assemblée.
Pour la première fois, un texte du RN, soit sa proposition de résolution dénonçant l'accord franco-algérien de 1968, a été adopté jeudi à l'Assemblée, avec les voix des Républicains et d'Horizons. Que vous inspire cette rupture du cordon sanitaire contre l'extrême droite ?
Je n'aime pas trop la notion de cordon sanitaire. On s'emploie à battre le RN sur le fond et dans les urnes. Nous n'étions pas d'accord avec le texte, même si la relation franco-algérienne s'est profondément dégradée du fait du gouvernement algérien. Cette proposition de résolution est purement déclarative et inutile. Et est-elle de nature à améliorer la situation de Boualem Sansal ? Non, évidemment.
La gauche reproche à votre groupe et à Renaissance leur faible mobilisation. Jeudi matin, 10 députés Modem sur 36 ont voté contre la proposition de résolution et deux se sont abstenus.
Ne nous envoyons pas d'anathèmes. Il manquait aussi une cinquantaine de voix à gauche, je ne leur en fais pas grief. Je rappelle que ce sont les voix mélangées du RN et des groupes de gauche qui ont renversé les précédents gouvernements. Jean-Luc Mélenchon appelle tous les matins les députés de Marine Le Pen à voter la censure avec LFI.
Que la gauche cesse de pousser des cris d'orfraie !
Personne ne doit s'abstraire de ses responsabilités. J'étais moi-même en déplacement en Allemagne pour honorer un engagement pris de longue date. Et on n'avait pas forcément prévu que le vote de jeudi matin risquait d'être serré. Ça arrive. Par ailleurs, nous sommes mobilisés jour et nuit à l'Assemblée nationale sur les textes budgétaires.
Qu'un jeudi, jour de niche, à 10 heures, tous nos députés ne soient pas là alors que nous allons encore siéger vendredi, la semaine prochaine et probablement le week-end des 8 et 9 novembre, n'est pas tout à fait étonnant.
Retrouvez l'entretien complet dans Libération.