📺 François Bayrou, invité de l'émission "En toute franchise" sur LCI

François Bayrou UNE

Ce dimanche 20 septembre 2020, François Bayrou était l'invité de l'émission "En toute franchise" sur LCI à 18h00. 

Pour revoir l'émission ▶️ https://www.lci.fr/replay/video-en-toute-franchise-du-dimanche-20-septembre-2020-2165101.html

 

Retrouvez ci-dessous la retranscription de l'émission :

Bonsoir, F. Bayrou.

Bonsoir.

Vous êtes en direct avec nous depuis votre ville de Pau. Merci d'avoir accepté notre invitation.

Se tenait aujourd'hui votre université de rentrée 100 % en ligne à cause de la Covid-19. 

Vous présentez mardi, devant le CESE la méthode, l'agenda de travail du Commissariat au Plan dont vous venez de prendre la tête.

Vous ne voulez pas, dites-vous, F. Bayrou, céder à la dictature de l'immédiateté, mais la question est importante également pour l'avenir : l'État est-il impuissant, aujourd'hui, F. Bayrou, quand on voit la situation, par exemple, pour Bridgestone ?

L'État est-il impuissant ?

Non, il n'est pas impuissant, mais nous devons nous poser la question de savoir pourquoi cette entreprise, cette usine ferme. Il paraît qu'il y avait des alertes depuis très longtemps, mais, si nous devons avoir une ligne, cela doit être que la France doit être plus accueillante aux entreprises et à l'emploi ou aussi accueillante aux entreprises et à l'emploi que n'importe quel autre pays européen, car c'est notre richesse pour l'avenir, à savoir que nous ayons des procédés, des techniques, des emplois et donc des entreprises qui fassent que la France, avec toutes ses richesses, toute sa force, soit au meilleur niveau européen.

Cela doit être, pour nous, un motif de réflexion sérieux.

L'État n'est pas impuissant. La société française n'est pas "à la traîne", mais, au travers des années, nous avons laissé filer un certain nombre de choses, nous n'avons pas été capables de prendre en main ce qui devrait être la richesse du pays.

De la même manière, vous savez bien que l'épidémie de Covid-19 a joué un rôle très important dans la réflexion et la décision que le Président de la République a prise de recréer le Commissariat au Plan qui avait été créé par le général de Gaulle, qui avait lancé un certain nombre de programmes très importants pour le pays et qui s'est trouvé, par la suite, un peu oublié, abandonné, laissé de côté.

Cette réflexion sur l'avenir, nous avions l'impression qu'elle avait assez largement disparu.

L'épidémie de Covid-19 était prévue dans un certain nombre de textes, mais le cours des choses, la succession des Gouvernements et la succession des urgences ont fait que nous n'avons pas été capables de réfléchir à partir de ces prévisions.

Pour cette raison, nous nous sommes trouvés dans un drame de santé, puisque les médicaments indispensables n'existaient pas.

Nous allons revenir sur ce dossier du coronavirus qui revient à la Une de l'actualité, mais je m'arrête un instant sur un autre point.

Malgré l'immédiateté à laquelle vous ne voulez pas vous laisser aller, nous constatons des déclarations presque guerrières, face à la situation de Bridgestone, des déclarations, des déplacements sur place : "On va se battre", "On va pourrir la vie de Bridgestone", disent certains responsables.

Il n'y a pas de solution aujourd'hui ? 

C'est de l'incantation et on se paie de mots, aujourd'hui, F. Bayrou, on essaie d'exister à travers ce dossier ?

Vous voyez bien qu'il y a des enjeux électoraux, politiciens. Pour moi, cela ne devrait pas être le vrai horizon.

Voilà une entreprise, voilà 850 emplois qui sont en cause aujourd'hui. Le Gouvernement s'est donné cinq mois avec l'entreprise pour essayer de trouver les conditions de la reprise. J'espère qu'il y arrivera.

Si nous devions fouiller l'enquête, cette dernière devrait avoir pour objet de savoir pourquoi une entreprise comme celle-là qui se trouve en France, est en situation plus délicate qu'elle ne l'est dans aucun autre pays.

Y a-t-il des causes appartenant en propre à notre pays ?

Je ne crois pas - je vous dis ce que je pense, peut-être est-ce un peu risqué - que la question soit dans la hauteur des salaires. Je ne crois pas que la question salariale soit la première, car j'imagine que, dans un pneu, le salaire des personnes qui travaillent avec les machines qui servent, cela doit être des pourcentages extrêmement faibles.

En revanche, il y a probablement des conditions, peut-être fiscales, peut-être de charges sur la production qui méritant d'être reprises et revues, pas seulement pour Bridgestone, mais car il faut que nous nous posions la question de savoir de quelle manière en France, un jour, nous pourrons avoir la certitude que les entreprises sont bien accueillies, qu'elles sont soutenues, comme elles doivent l'être.

Je parle des entreprises. Je ne parle pas des actionnaires ou du capital, mais de ce qui fait le travail des personnes et la recherche et les brevets qui font qu'une entreprise dans un domaine aussi technologiquement avancé, car le pneu est un domaine technologiquement avancé, peut faire face.

À l'avenir, puisque ce sera désormais votre travail, il faudra plus de protectionnisme. Les Français, nous l'avons vu dans une étude du Monde cette semaine encore, demandent plus de protectionnisme.

Ce sera à la planification, j'imagine, par définition.

Cela sera-t-il des contreparties et garanties demandées aux entreprises ?

Vous voyez comme les mots peuvent être trompeurs. Je ne crois pas que le protectionnisme soit une protection.

Je pense que cette idée qui consisterait à dire que nous allons construire des murs autour de notre pays pour que la concurrence n'existe plus et pour que nous puissions, seuls, bâtir. Je ne crois pas beaucoup à cela.

Je crois à une chose : l'égalité de traitement entre nos concurrents et nous, car, si nous regardons de très près la manière dont fonctionnent les choses, alors tout le monde a cette intuition que les entreprises et les producteurs qui sont nos concurrents ne respectent pas les mêmes règles que les nôtres.

Cela, ce n'est pas du protectionnisme, c'est simplement le souci de la justice, le souci de la justesse des choix.

Qu'est-ce qui peut justifier que nous laissions entrer en France des produits ne respectant pas les mêmes règles de production que les nôtres ?

Vous savez bien, A. Carrouer, que ce n'est pas vrai que dans l'industrie et dans le pneu. C'est vrai dans un très grand nombre de productions, notamment agricoles, par exemple, et c'est la raison pour laquelle l'Europe doit être forte.

C'est tout l'enjeu du Brexit, de cette décision que les Britanniques ont prise de sortir de l'Union européenne, en réalité avec l'idée, quelque part, derrière la tête, de pouvoir faire entrer par la porte qu'ils ouvriraient, des produits qui ne respectent pas les mêmes règles que les produits européens.

Voilà pourquoi ce qui est en train de se jouer, ces jours-ci, vraiment dans les six semaines qui viennent, d'ici fin octobre, entre des négociations que dirige M. Barnier pour l’Union européenne, avec, en face de lui, l'administration de B. Johnson qui vient d'annoncer qu'elle ne respecterait pas les traités qu'elle avait signés, ce qui est la première fois dans l'histoire, est très important.

Vous avez vu que les anciens Premiers Ministres britanniques, y compris alliés de B. Johnson, ont dit qu'il n'était pas possible de ne pas respecter pas les traités signés.

Le grand enjeu derrière tout cela est l'égalité de traitement entre nos concurrents et nous-mêmes.

Je préconise, je soutiens - je suis certain que M. Barnier est sur cette ligne - qu'il faut être, de ce point de vue, intraitables. Nous avons construit une Union européenne pour avoir l'égalité entre nous tous et il faut qu'elle soit respectée.

Sur la question des contreparties, vous avez que c'est un débat très fort, notamment lié au plan de relance ces derniers temps, et des garanties qu'il faudrait exiger, demander des entreprises ayant été aidées, cela a été le cas avec le CICE concernant Bridgestone, quelle est votre position ?

Faut-il demander des contreparties aux entreprises ?

C'est une question très difficile et à propos de laquelle il faut être prudent.

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas que l'État décide à la place des entreprises, car cela, c'est un autre système, qui a toujours échoué.

L'État a décidé d'apporter de l'aide aux entreprises et d'apporter de l'aide aux entreprises en situation de fragilité. Vous n'allez pas, en plus, leur dire comment il faut qu'elles gèrent leurs affaires.

Il y a là quelque chose… Cela paraît sympathique ou une idée de facilité, mais, en vérité, ce que je crois, c'est que nous devons être en soutien des entreprises et pas perpétuellement en situation de vouloir leur imposer des choix qui ne seraient pas les leurs.

Il faut les laisser gérer et, au fur et à mesure, observer l'évolution de la situation.

J'en viens maintenant au Haut Commissariat au Plan. F. Bayrou, vous en avez pris la tête il y a quelque temps, comme je l'ai indiqué.

Comment pouvez-vous faire pour que ce Haut Commissariat au Plan soit plus, pardonnez-moi l'expression, qu'un think tank ou une entreprise qui remet des rapports épais et qui n'aboutiraient pas ?

Nous avons moins la maîtrise de la monnaie que par le passé. Nous avons moins la maîtrise sur certaines entreprises que par le passé, certaines aides ont été transférées à l'Union européenne.

Comment allez-vous faire pour faire exister concrètement, cette fois, ce Haut Commissariat au Plan ?

C'est très simple et je l'annoncerai mardi devant le CESE, qui devrait être le grand Parlement de tous ceux qui ont l'expérience professionnelle, l'expérience de la vie dans les entreprises et des grandes associations du pays.

Quelle est la question ? Il y a des années et des années que les grands sujets concernant notre avenir, dont nous savons qu'ils vont être les sujets de notre vie dans dix, vingt ou trente ans, il y a des années que ces sujets ont complètement disparu du débat public et que nous ne les traitons jamais.

Comme nous ne les traitons pas, alors nous prenons des décisions qui sont toujours des décisions de l'urgence. Vous venez de citer deux ou trois exemples de décisions apparaissant comme des décisions d'urgence.

Tout mon but, si j'y arrive, sera, au fond - mais pas dans ceux qui furent, après la guerre, ceux du Général de Gaulle, de J. Monnet - de prendre tous les sujets dont nous savons que notre avenir va nous obliger à les traiter.

J'en prends un ou deux, si vous voulez bien.

Premier sujet : nous sommes soumis, notre pays comme les autres, sont soumis à des évolutions technologiques énormes.

Le numérique, qui fonctionne pour tous les secteurs d'activité, et les datas, les données que recueillent les très grandes organisations, cela va entraîner une mutation profonde du travail.

Les jeunes demandent : "Vous nous dites que nous allons devoir avoir une mutation du travail, vous nous dites même assez souvent qu'il faudra changer de travail plusieurs fois dans la vie, mais quels sont les métiers qui vont s'ouvrir ? Pouvez-vous nous le dire ? Et si oui, quelles vont être les préparations que vous allez nous offrir ?".

Les métiers, les emplois, les qualifications, tous ces sujets-là ont déjà été traités dans France stratégie qui va travailler avec moi et nous allons nous saisir de ces sujets pour éclairer l'avenir des métiers et des formations.

C'est le premier sujet.

Il y a des sujets beaucoup plus fondamentaux encore et j'en cite un après ce premier.

Il y a une donnée absolument essentielle de l'avenir, c'est la démographie. La France, comme vous le savez sans doute, est le pays d'Europe qui, jusqu'à maintenant, a le mieux maintenu sa natalité, à telle enseigne que, dans trente ans, les prévisionnistes estiment que la France aura, au fond, plus d'habitants, de jeunesse, de population que l'Allemagne elle-même.

Évidemment, cela change tout, car les retraites, car la Sécurité sociale, car la main-d’œuvre pour les entreprises, cela dépend évidemment de la population du pays.

C'est un sujet que nous n'avons pas traité depuis des années, j'allais presque dire depuis des décennies.

Plus exactement, nous laissons se faire les choses seulement en les observant en disant : "En France, la population baisse, le seuil de renouvellement de la population, à savoir combien d'enfants on fait par rapport à ceux qui disparaissent, n'est plus atteint ou plus comme il le faudrait".

Ce sont des questions qu'il est nécessaire de traiter.

Vous voyez bien que je ne prends pas en main les questions de l'urgence. Je regarde les questions de l'avenir.

Même si nous nous tournons vers l'avenir, ce dernier va peut-être de conjuguer avec le coronavirus.

Le Président nous martèle que nous allons devoir vivre avec et, à plus forte raison, le plan a été présenté comme l'une des solutions de sortie de crise, au moins pour essayer d'y voir un peu plus loin.

Vous dites, F. Bayrou, encore aujourd'hui, lors de votre Université en ligne : "La maîtrise de notre destin, sur bien des sujets, nous a échappé. L'épidémie l'a montré".

La maîtrise nous échappe-t-elle encore aujourd'hui, F. Bayrou ?

Je m'adresse à vous en tant que Haut-commissaire au Plan, mais aussi en tant que patron d'un parti et Maire d'une ville, la ville de Pau.

La situation est-elle en train de nous échapper et vous demandez-vous si nous avons, aujourd'hui, les moyens de faire face ?

Il y a des messages optimistes, des personnes qui disent que, d'ici quelques mois, nous devrions avoir trouvé la réponse, un vaccin ou bien le virus va perdre de son agressivité ou bien il y aura des médicaments.

Je le voudrais beaucoup, je le souhaiterais beaucoup, je serais très heureux que nous puissions avoir ces bonnes nouvelles.

Cependant, à la fois mon instinct et la mission qui est la mienne me poussent à me dire qu'il faut que nous nous préparions à la situation, même si elle ne prenait pas le tour positif et favorable que nous attendons.

Certains messages disaient, au fond, c'est un virus de l'hiver et il disparaîtra avec l'été. Cela n'a pas été le cas et ce que nous constatons dans toutes les villes, et vous le savez bien, c'est qu'au contraire, la contagion s'est accentuée avec plus de transmissions du virus.

Nous ne sommes pas encore à la vague qui fait exploser les hôpitaux et les services de réanimation. Nous n'y sommes pas encore et j'espère que nous n'y arriverons pas.

Les hôpitaux ont fait de très, très grands efforts, l'équipement est meilleur et peut-être la réflexion thérapeutique l'est-elle également. Les anti-inflammatoires, l'oxygène, peut-être la combinaison de tout cela fait qu'il y a moins de situations graves, pour l'instant, que ce que nous avons connu pendant l'épidémie et à la fin de l'hiver.

Nous avons perdu, y compris beaucoup d'entre nous, des êtres que nous aimions et qui étaient en très bonne santé, pas seulement des malades, mais des amis en très bonne santé.

C'est la raison pour laquelle, oui, je dis que le travail de préparation est nécessaire. Je pense qu'il a été conduit dans un très grand nombre d'établissements hospitaliers où l'on s'est habitué à ouvrir des lits de réanimation.

Cependant, il y a une chose que nous avons découverte pendant cette épidémie, c'est que nous n'avions plus la maîtrise de la fourniture des médicaments essentiels pour un pays comme le nôtre, que nous avions laissé partir, et notamment en Extrême-Orient, la production de ces médicaments essentiels.

Les molécules pour les chimiothérapies de lutte contre le cancer : pénurie ou menaces de pénurie. Les corticoïdes : il y a eu, à cette époque, menace de pénurie. Il en est de même pour les antibiotiques et même pour cette molécule du paracétamol, vendu sous la marque Doliprane. 

Nous nous sommes rendu compte que nous n'avions plus la maîtrise de la production et cette question de maîtrise de la production des médicaments essentiels, pour un pays comme la France et un ensemble comme l'Union européenne, il n'est pas acceptable que nous ne la maîtrisions pas.

Je sais bien pourquoi les entreprises ont délocalisé la production.

Cela fera-t-il partie de vos chantiers ?

Vous avez raison, la question de la production des éléments essentiels pour qu'un pays comme le nôtre vive est essentielle. C'est vrai pour la pharmacie, mais, j'en suis certain, vrai également pour beaucoup d'autres éléments, comme l'électronique par exemple. Nous vivons, vous et nous, à cet instant précis, au travers d'élaborations électroniques très puissantes, mais rien de tout cela n'est produit chez nous.

L'indépendance d'un pays comme la France, et je ne fais pas de différence avec l'indépendance des pays de l'Union européenne, doit être une question politique majeure et que nul ne doit pouvoir éluder.

Les questions économiques sont naturellement importantes.

Pour poursuivre sur le coronavirus et malgré tout l'actualité - il ne faut pas m'en vouloir -, mais aussi Maire de Pau que vous êtes et patron de parti, à l'heure actuelle, considérez-vous qu'il faut renforcer les mesures quand vous voyez la situation jour après jour, ce que l'on dit autour des tests, par exemple ?

Vous aviez pointé du doigt les limites sur les masques. Feriez-vous la même chose avec les tests ?

Faut-il changer cette stratégie et renforcer les mesures, F. Bayrou ?

Sans aucun doute, il faut renforcer notre capacité de tests. Je ne sais pas si notre capacité de tests est, comme l'on dit, optimale aujourd'hui, au maximum.

Je sais qu'à Pau, dans notre ville, nous avons construit des équipements de tests avec les laboratoires d'analyses. Nous nous en sommes occupés à partir de février et nous sommes aujourd'hui en capacité d'effectuer 2 000 tests par jour, avec le résultat dans les quatre heures.

C'est vrai qu'il existe une indignation incroyable de mesurer qu'à Paris, dans l'agglomération parisienne, il faut parfois huit ou dix jours pour obtenir le résultat des tests et à quoi sert un test dont on a le résultat que dans huit ou dix jours ?

D'abord, à quoi sert-il du point de vue santé et à quoi sert-il du point de vue de la vie sociale, de la vie au travail, des personnes que l'on a le droit de rencontrer ou pas ?

De ce point de vue, oui, je suis certain qu'il y a un réarmement nécessaire et dont nous sommes un peu inquiets de voir que, pour l'instant, il ne s'est pas produit.

Cela tient-il à la production des réactifs, à celle des automates, au type de tests utilisés ?

Vous savez que l'on annonce des tests salivaires. Il y a aussi naturellement les tests sanguins qui montrent si nous avons été, dans notre vie, en contact avec le virus ou pas.

De ce point de vue, j'imagine très bien que le Ministère de la Santé doit être en première ligne et inquiet, comme le sentiment que je traduis.

Vous voyez bien que les Français ont des raisons de poser des questions sur leur propre vie et, entre nous, le Président de la République a des raisons de pousser vigoureusement les équipes de l'administration et gouvernementales à faire face à une situation comme celle-là.

Cela fait des mois que le Président de la République avertit sur les tests et nous nous trouvons aujourd'hui évidemment dans une situation qui est une situation dont personne ne peut dire qu'elle est satisfaisante et qu'elle est ce que l'on attendait.

En attendant que tout cela soit réglé, faut-il plus de restrictions et aller plus loin dans les mesures, quand on voit ce qui se passe chez nos voisins anglais ou en Espagne ? Le masque un peu plus généralisé en France encore, limiter un peu plus les rassemblements, voire des re-confinements locaux ?

Comme vous le savez, Israël a décidé de reconfiner complètement sa population pendant trois semaines et on ne peut pas prétendre que ce soit un pays sans système médical avancé. En Espagne, des villes entières se trouvent reconfinées.

J'espère de toutes mes forces que nous ne serons pas obligés d'en arriver là en France, mais vous savez que c'est la propagation de l'épidémie qui commande.

C'est vrai qu'il y a un genre de vie qui s'est un peu relâché, d'une certaine manière. Nous avons, à Pau, décidé le port du masque tout le temps, dans tout le centre-ville, pour tous ceux qui étaient là.

Il y a une chose certaine : si tout le monde mettait le masque et si nous limitions les regroupements dans les enceintes fermées, dans les enceintes clauses, dans les appartements ou dans les salles de travail, alors l'épidémie serait très largement freinée.

Vous voyez que tout cela va ensemble : tests, repérage, isolement des malades et masques. Ce sont, pour l'instant, les armes les plus efficaces que nous n'avons, puisque nous n'en avons pas d'autres, nous n'avons pas d'arme thérapeutique ou de traitement.

C'est en quoi toute la question de la prévision de l'avenir joue un rôle absolument crucial et, de ce point de vue, nous ne pouvons qu'être qu'en soutien de ce que doivent faire les autorités sanitaires et que, sans doute, elles ont du mal à faire.

Dernière question sur ce dossier, puis nous ouvrirons celui de l'autorité dont vous pourriez vous saisir aussi dans vos nouvelles sections.

Pour vous, faut-il, oui ou non, rendre obligatoire le test de la grippe ? Vous voyez certainement comme nous les appels de soignants qui se multiplient pour le faire, pour tenter de ne pas ajouter de la crise à la crise.

Pensez-vous qu'il faille aller dans ce sens et en avons-nous les moyens ?

Vous avez dit rendre obligatoire les tests, je pense que vous parliez des vaccins.

Tout à fait.

Je trouve que ce serait une mesure de nature à protéger notre système hospitalier d'afflux de malades qui n'ont rien à voir avec la Covid-19.

Lorsqu'il existe un vaccin et que son efficacité est prouvée, alors plus nous l'utilisons, mieux nous nous défendons. Je ne participe pas du tout à ces vagues de sentiments de doute utilisées ou dont se saisissent beaucoup de personnes pour dire que les vaccins sont dangereux et qu'il ne faut pas les faire.

Les vaccins ont sauvé des milliers de millions de vies, des milliards de vies dans l'humanité, comme celui de la poliomyélite, le Tétracoq, que l'on fait aux enfants. Tous ces vaccins-là sauvent des vies tous les jours.

Tous les jours des milliers et des millions de personnes vivent très bien, alors qu'elles seraient mortes si nous n'avions pas eu ces vaccins.

Si l'autorité médicale estime que l'utilisation du vaccin contre la grippe est une décision permettant de mieux affronter la question de la Covid-19, alors, je soutiendrai les décisions qui seraient prises pour en rendre l'utilisation la plus fréquente possible.

Je ne sais pas si nous pouvons juridiquement en faire une obligation légale, même si nous l'avons bien fait pour des vaccins pour les enfants.

Quoi qu'il en soit, je suis certain que nous ne pouvons pas rester sans rien faire à regarder la propagation de l'épidémie.

F. Bayrou, vous avez dit concernant votre nouveau poste que vous ne vous interdisez, en somme, aucun sujet.

Nous voyons bien la question de l'autorité monter depuis la rentrée. Nous voyons bien l'étude dans le Monde cette semaine qui montre que les Français expriment un besoin d'ordre. C'est ce que nous y lisons.

Allez-vous vous saisir des questions de sécurité, mais aussi d'autres questions régaliennes, comme l'immigration et l'identité ? Estimez-vous que le débat est tombé aujourd'hui dans la surenchère ?

Chaque fois qu'un problème se pose dans une société comme la nôtre, chaque fois, il y a la tentation d'utilisation électoraliste ou partisane et ces débats-là n'échappent pas à cette tentation-là.

Personnellement, je ne veux pas entrer dans ce type de jeu.

Je considère cela déplacé, dans la situation de crise dans laquelle nous sommes, de crise sanitaire, nous en avons parlé, mais également de crise économique majeure et, dans certains secteurs d'activité - je pense à l'aéronautique - monstrueuse, et de crise sociale, car les familles, chez elles, avec le risque de chômage pour elles et pour leurs enfants qui devraient entrer dans la vie active, vont voir se multiplier les inquiétudes et les soucis.

Personnellement, je n'ai pas envie de mélanger des préoccupations aussi graves avec le choix électoraliste de faire monter un certain nombre de pulsions.

De qui parlez-vous lorsque vous dites cela ?

Permettez-moi de ne pas citer de nom sur le sujet. Vous voyez bien de quoi il s'agit, de tous bords.

Oui, je pense que la question de l'identité est une question très importante, car la question de l'identité pour un peuple est une question de survie et, si on ne l'aborde pas avec des mots clairs et une pensée claire et mesurée, alors on voit surgir des passions impossibles à arrêter, impossibles à maîtriser, immaîtrisables.

Oui, je pense que nous pouvons et devons en parler. 

De l'immigration, nous pouvons et devons parler, de l'intégration, nous pouvons et devons parler et, en parlant de l'immigration, nous devrions parler du développement des pays dont toute la population fuit car elle ne peut pas vivre, soit car il y a la guerre, soit car il y a la pauvreté la plus terrible et la plus honteuse.

Oui, ce sont des questions qu'un peuple adulte, qu'un peuple de citoyens - adulte, ne sais pas si on l'est jamais pour un peuple - quel que soit son âge, doit pouvoir aborder.

Pourquoi ne pas regarder cela les yeux ouverts ? Qui pense que l'immigration va s'arrêter demain matin ? Qui pense que l'intégration est aujourd'hui en France à la hauteur de ce qu'il faudrait ?

Je pense en tout cas que ce n'est pas le cas et que nous pouvons faire des propositions utiles.

Vous avez bien compris - permettez-moi de saisir cette occasion pour préciser les choses - que mon idée n'était pas de décider à la place du ou des Gouvernements. Il y a des Gouvernements dont la mission est de trancher quand les problèmes se posent.

La mission du Commissariat que je vais essayer de faire renaître dans la vie démocratique française est de proposer des options, peut-être des idées nouvelles qui, jusqu'alors, n'ont pas été prises ou relayées, car c'est comme cela, le débat est un débat brûlant, cela prend feu, la savane prend feu et on ne peut pas proposer des idées nouvelles facilement.

Si je pouvais faire entrer dans le débat un certain nombre d'idées nouvelles qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été relayées, alors que je trouverais que nous faisons œuvre utile.

Cela aurait un avantage immense pour nos concitoyens.

Avez-vous des idées en tête, un exemple à nous donner ?

Malheureusement non, car ce serait "mettre la charrue avant les bœufs" et, comme vous le savez, la culture traditionnelle qui est la mienne préfère que l'on mette les choses dans l'ordre, hiérarchiquement dans l'ordre.

Cela sera une occasion pour nos concitoyens, ceux qui nous écoutent, de se dire que, peut-être, comme avait dit autrefois un Président de la République, nous n'avons pas tout essayé.

Si je pouvais ouvrir des fenêtres et des portes que, jusqu'à maintenant, nous considérions comme définitivement fermées, je trouverais que c'est faire œuvre utile, mais je vous promets que je reviendrai à votre micro ou devant vos caméras pour y répondre.

Voilà qui a été dit en direct, nous nous en souviendrons.

F. Bayrou, parlons un peu politique, car vous ne cesserez très certainement pas d'en faire malgré vos nouvelles fonctions.

Cela ne vous a pas échappé, X. Bertrand, qui confirme un peu plus, confirme définitivement d'ailleurs qu'il sera candidat pour 2022.

Quelle est votre réaction ? Est-il un candidat sérieux, voire dangereux ?

C'est une situation qui me laisse un peu perplexe, d'abord car le moins que nous puissions dire est que, aujourd'hui, avec ce qui se passe, y compris ce qui se passe dans la région de X. Bertrand, nous n'imaginions pas que ce serait une déclaration de candidature à la présidentielle qui serait la plus urgente à faire, mais ce n'est pas le principal sujet de ma perplexité.

Le principal sujet de ma perplexité est que X. Bertrand a été élu à la présidence de sa région, des Hauts-de-France, avec le soutien de toutes les forces politiques républicaines contre l'extrême-droite et avec, si j'ose dire, un pacte de respect des opinions des uns et des autres.

Tout le monde lui a apporté son soutien, précisément car on pensait que la question de la région passerait avant et la question d'éviter des dérives serait la première question posée.

Voilà que, quelques mois avant la prochaine élection régionale, il déchire ce pacte et il dit : "L'élection régionale, ce sera la primaire de la droite".

Je n'avais pas le sentiment qu'aucun de ceux qui lui ont apporté leur soutien il y a quatre ans dans une espèce de réflexe républicain, les personnes faisant des efforts, même si ce n'était pas leur opinion, pour éviter une dérive ou un accident, je n'avais pas le sentiment que c'est ce qu'elles avaient compris. Je ne crois pas qu'elles avaient compris qu'elles allaient voter pour le candidat d'un parti et d'un clan contre les autres.

Elles avaient cru qu'elles allaient faire œuvre d'union régionale, d'union nationale à l'échelon du pays pour s'occuper de ce qui est essentiel et pour éviter les accidents.

Là, il y a quelque chose qui me laisse perplexe. Je me demande quelle est cette stratégie qui oublie les engagements pris, qui oublie la région, qui oublie tous les soutiens de tous bords qui avaient voulu éviter ces dérives et qui se lance dans une bataille de primaire partisane.

Il y a, là, quelque chose de bizarre.

Voilà qui est dit.

Ma dernière question avant de vous laisser pour cette fois-ci : Allez-vous, avec le MoDem, accepter d'ouvrir la porte de la maison commune que la République en Marche appelle de ses vœux ?

Le patron de la République en Marche évoque d'abord des travaux pratiques et des preuves d'amour, ensuite la création potentielle d'un intergroupe et pourquoi pas après une fédération et une confédération ?

Allez-vous ouvrir cette porte et notamment pour les élections régionales ?

Vous savez à peu près ce que je pense sur ce sujet. Je l'ai exprimé depuis longtemps.

Je pense que chacun a son identité et que notre devoir moral ou l'idée que nous nous faisons de la vie publique oblige d'abord à sauvegarder et à respecter la différence des identités, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas travailler ensemble. Je pense exactement le contraire.

Je pense que, si nous avons vécu des municipales difficiles, c'est précisément car des stratégies ont été choisies qui étaient, pour moi, hélas, pas adaptées à la situation.

Je pense qu'il faut que nous travaillions ensemble et, plus encore, que de travailler ensemble, il faut que nous construisions un climat de travail dans lequel nous verrons que les préoccupations partisanes passent au second plan, que l'importance, nous la donnons aux sujets essentiels et que nous sommes capables, en plus, à l'intérieur de cette majorité, d'avoir, entre les courants différents, des relations qui soient des relations respectueuses et amicales.

Je vais vous dire le fond de ce que je pense : je ne crois plus que la question des appareils politiques et de l'organisation des appareils politiques soit aujourd'hui une question d'actualité et encore moins une question d'urgence.

Je pense que dessiner des organigrammes en mettant des chefs et des sous-chefs n'est absolument pas ce que les Français attendent.

Ce que chacun de nous, comme citoyen, attend, je pense que ce que chacun de nous comme citoyens en particulier et les Français en général attendent, ce sont des responsables politiques qui soient un peu plus compréhensifs de ce que nous les Français vivent et compréhensifs entre eux, qui ne passent pas leur temps à se faire des "chicayas" (sic), à se "tirer la bourre", comme on dit, et a essayé de gagner des voix et des parts de marché les uns contre les autres.

Je pense que leur devoir est d'essayer de changer la situation, non pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres, contre l'adversité, contre le malheur qui vient, contre les risques incroyables que nous allons rencontrer et vous voyez la différence de point de vue.

Nous avons bien saisi.

Je vous remercie beaucoup d'avoir été notre invité dans En toute franchise ce soir et vous l'avez dit vous-mêmes, le rendez-vous est pris pour une prochaine fois.

Bonne soirée à vous.

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