📺 François Bayrou, invité de LCI dans l'émission « En toute franchise »

François Bayrou
(© François Bouchon/Le Figaro/2019)

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Amélie Carrouer, ce dimanche 27 décembre à 18h00, sur LCI, dans l'émission « En toute franchise ».

📺 Pour revoir l'émission ▶️ https://www.lci.fr/replay-lci/video-en-toute-franchise-du-dimanche-27-decembre-2020-2173978.html

 

Bonsoir, merci François Bayrou d'être notre invité en direct de Pau. Vous êtes Haut-commissaire au Plan, maire de Pau et patron du MoDem.

François Bayrou, la une de l'actualité, ce sont les premières vaccinations en France.

Comment vous qualifiez cette journée que certains disent « historique ».

Quels sont vos mots à vous ?

Le vaccin, c'est un très grand espoir et c'est même le plus grand espoir que nous ayons aujourd'hui pour vaincre cette épidémie et pour faire que l'on soit débarrassé, que notre société soit débarrassée de la crainte des reconfinements à répétition, des difficultés innombrables que nous rencontrons qui ont, il faut bien le dire, mis à bas l'économie de la planète, en tout cas de tout l'Occident et pas seulement l'économie, mais hélas fait des centaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de morts en France, et évidemment certains qui étaient nos amis.

Et le grand espoir que nous avons, c'est le vaccin et, le vaccin, c'est encore autre chose, c'est un exploit scientifique comme probablement on n'imaginait pas que l'on puisse en rencontrer de sitôt puisqu'il n'a fallu que quelques semaines en vérité pour que les laboratoires, et certains dirigés par des Français comme Moderna, découvrent une technique pour fabriquer ce vaccin d'un nouveau genre qui va nous permettre, j'espère, de trouver un soulagement et en tout cas de libérer les énergies de ces pays qui sont mis à terre.

Je le disais, pour d'autres, cette journée, elle consacre aussi le doute, voire la méfiance, voire la défiance.

44 % des Français, seulement diront certains, ont l'intention de se faire vacciner, ce qui fait de la France l'un des pays les plus méfiants selon une enquête révélée par le JDD aujourd'hui.

Il y a un autre sondage qui montre même que l'on a perdu 13 points d'intention de vaccination sur un mois. Comment on l'explique, mais surtout comment on y répond ?

Franchement, si les gens n'avaient pas des inquiétudes avec tous les messages les plus alarmistes qui sont publiés en particulier sur les réseaux sociaux, c'est qu'ils auraient une force d'âme, une force de caractère qu'il faudrait saluer. Mais je crois que, malgré ce climat de défiance, auquel il n'y a qu'une réponse, c'est la réponse des scientifiques et c'est une réponse qui est absolument sans ambiguïté. Ce que les scientifiques disent, c'est que ce vaccin, qui s'appuie sur nos défenses immunitaires, qui les renforce, qui leur montre le chemin pour vaincre le virus est sans risque. Une fois que l'on aura vérifié cela et cela se fera j'imagine dans quelques jours ou quelques semaines alors ce que je crois, c'est que la demande de vaccins va beaucoup augmenter et on va atteindre des chiffres qui seront des chiffres massifs qui permettront de vaincre l'épidémie.

Quel autre chemin ?

Que peut-on suggérer d'autre ? Tous ceux qui critiquent le vaccin, qu'est-ce ils proposent pour que l'on sorte du drame que l'on est en train de vivre et que chacun d'entre nous va payer car chacun d'entre nous, dans son foyer, sa famille, ses proches, son entreprise, va être victime de cette chute de dominos qui touche la planète tout entière, en tout cas l'Occident tout entier.

Est-ce que vous êtes toujours en faveur d'un passeport vaccinal ? Cette idée de laisser reprendre certaines activités notamment l’accès pourquoi pas aux théâtres, aux cinémas, aux restaurants aux personnes qui sont vaccinées et en revanche maintenir l'interdiction pour ceux qui ne le seraient pas ?

Je n'ai jamais utilisé l'expression de passeport vaccinal, mais je crois que tous les efforts qui peuvent être faits pour que la vie se rouvre à partir du moment où la précaution du vaccin aura été prise, que l'on aura vérifié - un - qu'il est efficace et - deux - qu'il est sans danger ; ce sont les deux vérifications que l'on doit faire.

Tout ce qui pourra pousser dans le sens de cette défense collective, de cette défense vitale pour une communauté nationale comme la nôtre, pour un peuple comme le nôtre qui se défend avec les armes qui sont celles que lui offre la science pour retrouver la vie la plus normale possible, sera bien. Je ne suis pas sûr que l'on retrouve très vite une vie normale mais ce que je crois, c'est que, pour aller dans ce sens, aujourd'hui, nous n'avons que l'espoir du vaccin.

Du coup, est-ce qu’il faudrait oui ou non laisser les personnes vaccinées reprendre l'accès à certaines choses et ne pas laisser les non-vaccinés le faire ?

On peut tout à fait imaginer cela, on peut tout à fait imaginer que d'une certaine manière le fait de s'être soumis à la vaccination vous ouvre des portes qui jusqu'alors étaient fermées.

Je pense que c'est le sens naturel des choses.

On va très vite découvrir qu'en effet la situation n'est pas la même, surtout dans certaines catégories à risques, selon que l'on est protégé par le vaccin ou au contraire que l'on est sans protection.

Je crois que c'est une possibilité d'ouvrir un certain nombre d'activités, de recommander pour un certain nombre d'autres activités que l'on se soumette au vaccin. Je pense, mais ils y penseront eux-mêmes, les soignants, tous ceux, femmes et hommes, qui travaillent dans les EHPAD, très vite, vont avoir besoin de cette sécurité, très vite, ils vont demander dès que l'on aura vérifié que cela marche et que c'est sans danger, très vite ces soignants-là et ces personnes qui aident et qui sont près des gens à risques vont demander à être protégés.

Il n'y a rien de plus normal et il n'y a rien de plus sain.

Du coup, François Bayrou, est-ce que vous regrettez que le gouvernement soit revenu en arrière sur son texte, celui qui a fait polémique cette semaine, présenté en Conseil des Ministres, je donne son intitulé : un projet de loi qui institue un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, qui a fait débat après notamment que Marine Le Pen ait pointé du doigt que l'on ferait ainsi des citoyens et des sous-citoyens, une sorte de discrimination liberticide même ?

Je vais vous dire. Dans toute situation politique ou dans toute situation de la vie, il y a des gens qui s'en servent pour créer des polémiques pour jeter la suspicion, pour pointer du doigt, désigner des cibles et des boucs émissaires.

Je crois que c'est la plus mauvaise manière que l’on puisse avoir d'être citoyen dans un pays comme le nôtre. Aucun d'entre nous ne pense que ce que fait le gouvernement, c'est facile. Aucun d'entre nous ne pense que l'on a trouvé tout de suite, d'un coup de baguette magique, la bonne réponse. Mais quand on regarde ce qui se passe dans les pays européens, chez nos voisins, alors on s’aperçoit tout d'un coup et plusieurs éditoriaux ont paru sur le sujet, que les observateurs se disent : mais après tout, la France n'a pas si mal géré cette affaire dramatique.

La France a réussi à mettre l'essentiel à l'abri. Naturellement, elle a eu des victimes, naturellement, on n'avait pas de masque - on va en reparler dans une minute - ou certains médicaments peut-être n'étaient pas là, ou les gants n'étaient pas là, les blouses n'étaient pas là. C'est vrai et cela doit nous pousser à envisager d'autres stratégies. Mais en tout état de cause, en conscience, et en rapport avec la science, je trouve que le Président de la République et le gouvernement ont fait ce qu'il fallait et quand on voit les résultats par exemple de la Grande-Bretagne qui avait dit au départ qu’ils ne suivraient pas l'exemple de la France, eh bien on s'aperçoit que, finalement, les choix qui ont été faits chez nous, n'étaient pas les plus mauvais et qu'autour de nous beaucoup d'autres - je pense à l'Allemagne aujourd'hui - s'inspirent du chemin que la France a suivi.

Pour la suite, les choix qu'il faut faire pour demain ou après-demain.

Faut-il envisager un troisième confinement ? Un reconfinement ? Vous voyez que des élus appellent déjà à reconfiner certes vous me direz dans l'Est de la France particulièrement touché, pas autant que vous pouvez l'être, vous, en ce moment mais est-ce que, vous, vous êtes en faveur d’un reconfinement même territorial pour ces régions par exemple ?

Je vais vous dire, si ce n'était pas si triste, il y aurait de quoi rire. Le nombre de gens qui étaient contre le confinement et qui, quelques jours après, sont pour un confinement plus important, cette espèce de permanents zigzags que font les esprits qui sont jamais loyaux avec les décisions que prennent les responsables et que personne, je crois, ne pourrait prendre mieux qu'eux parce qu’ils essaient de s'entourer des avis scientifiques et ce n'est pas simple parce qu'il arrive assez souvent que les scientifiques soient en désaccord entre eux. Mais la bonne foi, cela consiste à ne pas perpétuellement jeter la pierre sur ceux qui ont la responsabilité de prendre les décisions.

Ils ne jettent pas la pierre ces élus, ils disent juste que la situation est difficile maintenant, notamment les services de réanimation dans leur région et pour éviter pire encore courant janvier par exemple, ils voudraient reconfiner là maintenant, au plus vite après Noël.

D'abord, je pense qu'il y a une chose vraie dans ce que vous dites, c'est que probablement les décisions les plus proches du terrain, les plus régionalisées possible sont les meilleures.

On a vu, à différentes reprises, que des décisions inspirées par la situation locale - nous avons nous-mêmes pris des décisions de cet ordre dans les Pyrénées - permettaient d'aller dans le bon sens, mais je pense que vous avez entendu - ou j'ai lu ce matin - le ministre de la Santé, le gouvernement n'écarte aucune piste et c'est son devoir de n'en écarter aucune.

La situation est telle, regardez le virus mutant, la mutation du virus que l'on a eue en Grande-Bretagne a fait changer du tout au tout la décision du gouvernement britannique en quelques jours parce qu'il ne pouvait pas faire autrement.

Il faut, si je pouvais dire cela, avoir l'humilité de considérer que cette situation est une situation inédite, sans précédent et que les gouvernants sont responsables. Ils prennent les décisions que la communauté scientifique leur indique ou vers laquelle la communauté scientifique les pousse. Et notre responsabilité à nous qui ne sommes pas au gouvernement, c'est de faire bloc, de se serrer les coudes, de dire que, oui, on va s'en sortir et on va s'en sortir notamment en étant solidaire des décisions les plus raisonnables qui peuvent être prises.

Ce week-end, c'est aussi le dernier week-end européen des Britanniques.

Avec le traité commercial qui a été conclu, l’Union européenne offre à son ancien État membre, si je résume, un accès inédit sans droit de douane ni quota.

Cette semaine l'accord a été conclu, certains parlent d'une victoire partout en Europe, au Royaume-Uni, certains disent surtout : c'est un goodbye ou encore un avertissement bien triste et donc on va rappeler François Bayrou, ses propos en 2019 quand il mettait en garde : « attention à une boîte de Pandore qui pourrait s'ouvrir. » 

Je reviens sur ma question sur le Brexit pour faire plus court, en 2019 vous avez dit : s'il apparaissait que l'Europe est prête à faire plus pour ceux qui la quittent que pour ceux qui lui sont fidèles, alors vous ouvrez la boîte de Pandore. » Est-ce qu’en réalité, plus qu'une victoire, c'est un fameux avertissement aujourd'hui,  vous craignez que d'autres souverainistes ouvrent cette boîte ?

Non, je trouve que l'Europe a montré que l'union fait la force.

C'est une règle formidable majeure et, dans le choc que M. Boris Johnson a voulu créer, que les Britanniques ont voulu créer, entre l'Union européenne et le gouvernement du Royaume-Uni, eh bien c'est l’Union européenne qui est apparue comme la plus forte, celle qui a pu imposer un certain nombre de règles.

Si vous voulez que l'on fasse la liste ensemble, la Grande-Bretagne avait dit : il n'y aura pas de frontière entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, nous ne l'accepterons jamais. Ils l'ont accepté. La Grande-Bretagne avait dit : nous n'accepterons plus les règles de l’Union européenne, ce n'est plus l’Union européenne qui nous dictera ces règles. Eh bien ils ont accepté. Et, au bout du compte, ils avaient dit : pour la pêche, nous serons inflexibles. Ils ont accepté qu'il y ait au contraire la sauvegarde ou la plus grande sauvegarde possible des parcs de pêche des pêcheurs européens et c'est une grande leçon, je trouve, qu’a donnée l’Union européenne parce qu’évidemment ceux qui voulaient la quitter spéculaient sur les divisions. Il n'y a pas eu de division et, d'une certaine manière, cela a imposé le résultat final.

Oui mais il y en a d'autres aussi, notamment Nicolas Dupont-Aignan, qui disent que c'est la preuve qu'un scénario de sortie dans des conditions plutôt convenables est tout à fait possible et que ce ne serait pas si grave finalement de quitter l’Union européenne.

Que répondez-vous à ceux qui disent que c'est possible de quitter l’Union européenne sans trop de casse, et que ce n'est pas si compliqué ?

Je pense qu'ils vont s'apercevoir, en regardant la situation britannique qui était une situation très différente de la nôtre car, d'une certaine manière, les Britanniques n'étaient pas des membres aussi intimes de l’Union européenne que nous l'étions puisqu’ils n'avaient pas l'Euro, ils avaient conservé leur banque centrale et cela fait une très grande différence évidemment, mais ce dont on va s'apercevoir, j'en suis sûr, ce dont les entreprises vont s'apercevoir, ce dont les investisseurs vont s'apercevoir, c'est que quand se constitue un grand ensemble comme l’Union européenne, il est mieux d'être à l'intérieur qu'à l'extérieur.

C'est ce qu'a montré je crois la négociation, les Britanniques avaient l'intention d'imposer leurs conditions, ils n'y sont pas arrivés.

Ils avaient la menace de ce que l'on appelait le « no deal », c'est-à-dire aucun accord, on sort, c'est la guerre commerciale, ils ont reculé parce que tout le monde s'aperçoit qu'être à l'intérieur c'est évidemment un plus décisif dans l'état du monde aujourd'hui.

Quelle trace va laisser cette année 2020 ? Vous dites cette semaine chez nos confrères de France Culture que cette année nous a mis face à nos faiblesses, à nos difficultés mais et c'est peut-être plus surprenant, vous dites que cela nous a mis face à nos chances.

J'ai peut-être envie de commencer par la phase optimiste de cette discussion.

Quelles chances cela nous a permis d'avoir sous les yeux cette année 2020 ?

On a vu, on a vérifié que, devant un drame de cet ordre, on n'était pas dépourvu, que l'on était capable de ressaisissement. Cela s'est vu en particulier dans le système hospitalier, on a pu créer des lits de réanimation, simplement en les équipant et en formant le personnel, on a vu quelle était au fond la force de ce peuple.

Tout le monde décrivait un peuple qui était complètement anarchiste, incapable de respecter une consigne, on a très bien respecté les consignes qui ont été données pour sauvegarder la santé du pays.

Cela, c'est la première chose.

Il y a une deuxième chose qui pour moi est plus importante.

Cela fait des années et des années, décennies même que l'on voit notre capacité de production, notre industrie, laisser filer des productions, des réalisations que nous pourrions parfaitement garantir sur notre sol national ou en Europe.

Vous avez entendu cela si souvent, on nous racontait - c'était probablement vrai à l'époque - que c'était une affaire de main-d’œuvre, que le coût de la main-d’œuvre était tellement moins important sous ces latitudes lointaines que chez nous que l'on ne pouvait pas lutter.

Il se trouve qu'aujourd'hui nous sommes placés devant une responsabilité qui est en même temps une chance. Nous avons découvert que nous ne pouvons pas laisser filer des productions vitales pour notre pays et que nous avons le devoir, la responsabilité de reconstruire et en même temps nous sommes à un moment de l'histoire qui est tout à fait particulier et probablement tout à fait remarquable pour notre avenir, c'est que, sur la planète, tous les types de production sont en train de changer.

Hier, la question c'était la main-d’œuvre. Demain, ce n'est plus cette question car nous avons l'informatisation, nous avons les algorithmes, nous avons des interventions qui sont dirigées par informatique et automatisées ; des pièces qui, hier, prenaient des jours et des jours à être usinées, tout d'un coup, on peut les imprimer par une imprimante 3D et ces pièces, elles sortent toutes prêtes et toutes faites. Et on s'aperçoit tout d'un coup que les désavantages qui étaient les nôtres, les handicaps qui étaient les nôtres, on peut les vaincre et reconquérir des secteurs entiers.

Quand on est un pays comme le nôtre qui a une recherche, qui a une technologie de tout premier plan, qui sait fabriquer des satellites, des avions, des hélicoptères, des moteurs d'hélicoptère, qui est capable de produire des logiciels extrêmement complexes, quand ce pays a de grandes entreprises, alors il est capable de reconquérir des secteurs entiers et, de surcroît, il se trouve que nous tombons précisément au moment où l'argent pour investir est à des taux d'intérêt proches de 0 quelquefois même inférieurs.

C'est un moment historique que nous ne pouvons pas manquer.

Mais dans les secteurs de reconquête, vous l'avez déjà dit, vous parlez de l'industrie et vous dites de l'industrie française qu’elle est dans une situation critique ; vous rappelez que la part de l'industrie dans le PIB de la France, c'est 13 %, en Allemagne c’est 25, en Italie c'est 19 %. Vous dites : la question, c'est comment partir à la reconquête de ces secteurs ?

Je vais vous poser la question.

Comment on fait, François Bayrou, avec quels moyens et surtout quand, puisque visiblement il y a urgence ?

La question principale c'est, qui va être le stratège et le chef de file de cette action ? Pour moi, c'est très clair qu'il y a besoin d'un retour d'un État que l'on appelle stratège, mais qui a mes yeux, doit être davantage un État fédérateur.

Ce n'est pas un État qui peut faire à la place des entreprises.

Ce n'est pas un État qui peut faire à la place des acteurs industriels. C'est un État qui doit réunir les forces que nous avons dans notre pays, les forces de la recherche qui est de tout premier plan mondial, les forces de la technologie française, les forces des grandes entreprises. Nous avons des trésors dans nos entreprises dans les secteurs précisément les plus sensibles. L'État doit les réunir et les faire travailler ensemble pour reconquérir des secteurs entiers. Et nous pouvons le faire car, comme je le disais, comme vous avez l'intention que l'on en dise un mot, aujourd'hui, il y a une possibilité pour ceux qui veulent entreprendre, une conquête de cet ordre de trouver de l'argent a un prix suffisamment favorable pour pouvoir réaliser ces investissements de long terme.

Cela ne veut pas dire qu'il faut mal gérer, c'est le contraire. Il faut mieux gérer pour pouvoir investir là où on en a besoin.

Et donc potentiellement créer de la dette, on y vient François Bayrou, la grande question qui monte et qui clive beaucoup du côté politique ou encore économique, qui a encore fait la une des Échos cette semaine, c'est comment on gère l'irrésistible de l'escalade de la dette française ?

Je vais rappeler un chiffre : la dette publique a atteint un niveau record au troisième trimestre de près de 2700 milliards d'euros. C'est 116,4 % du PIB.

Vous dites, vous l'avez déjà déclaré, on va rembourser, on peut rembourser cette dette plus tard parce qu'elle est à part, mais rembourser plus tard cela veut dire la laisser à nos enfants, à nos petits-enfants ?

D'abord, la première nécessité, c'est de reconstruire le pays, sans cela nos enfants et nos petits-enfants comme vous dites, ils n'auront pas grand-chose comme plateforme pour se lancer vers l'avenir.

Donc il faut reconstruire.

Je dis, je maintiens devant vous, cette dette n'est pas une dette comme les autres, car la dette habituellement, c'est soit parce qu'on a fait des bêtises de gestion, soit parce qu’on a pris des décisions d'investissement, hélas c'est plus souvent parce qu’on a fait des bêtises de gestion que parce qu’on a pris des décisions d'investissement.

Cette dette de la Covid est d'une nature complètement différente. Elle s'apparente bien davantage à une dette de guerre, mais c'est encore plus grave parce que personne n'a déclaré la guerre donc on ne peut pas aller demander des comptes à ceux qui ont déclaré la guerre.

C'est une dette d'une nature et d'une origine comme on n'en a jamais rencontrée.

Ce que je préconise donc, c'est que l'on explique aux Français, que l'on ait ce dialogue avec les Français pour leur dire : cette dette-là, nous allons l'isoler. Nous allons naturellement préciser chacun des chapitres où la Covid-19 nous a obligé à dépenser un argent que l'on n'aurait pas dépensé autrement.

On a dû soutenir les entreprises, on a dû soutenir ceux qui se retrouvent au chômage, on a dû garantir les revenus des familles, on a dû aider les plus faibles, on a dû investir dans notre appareil de santé. Cela, c'est la dette de la Covid-19.

Elle est d'une nature différente des autres dettes.

Cette dette-là, on va se fixer une règle, on commencera à la rembourser lorsqu'on aura reconstruit notre pays et ses capacités de production, son économie et on la remboursera intégralement mais sur une longue période.

Hier, cette phrase aurait été irresponsable parce que ce n’était même pas imaginable. Aujourd'hui, on peut parce que les grandes banques centrales de la planète - à la suite de la banque centrale américaine et notamment la banque centrale européenne - ont décidé de créer ces facilités pour alimenter l'économie, pour faire vivre l'économie du monde.

C'est une formidable nouvelle, il faut s'en servir.

C'est quand même la laisser à l'avenir ; encore une fois, je pense à nos enfants, nos petits-enfants François Bayrou ; on leur laisse à eux demain.

Non, on ne laisse rien à personne, on reconstruit notre pays, on reconstruit les capacités de notre pays et ceci est une urgence.

Quand vous avez le feu à la maison, vous commencez par éteindre le feu et après vous vous occupez des projets que vous aviez et ceci est une démarche de responsabilité ; au demeurant, je vous pose la question à l'envers : qui va proposer autre chose ? 

Qui va dire : on va immédiatement mettre notre économie sous le poids écrasant des 200, 300, 400, 500 milliards que nous allons devoir consacrer à la lutte contre cette épidémie et aux conséquences de cette épidémie ?

Il n'y a qu'un chemin raisonnable, c'est reconstruire et rembourser, et rembourser à un moment où on aura récupéré toutes nos facultés de production, de créativité, et tout cela parce que nous sommes désormais dans une zone monétaire qui est protégée, ce que la France a voulu et elle a bien fait de le vouloir.

Faut-il continuer à alimenter en attendant l’idée d’une réforme des retraites ? Bruno Le Maire, le locataire de Bercy, n'a de cesse de répéter encore récemment, à mi-décembre chez nos confrères de France Info, qu'il faut mettre en place ce nouveau régime prochainement malgré la crise économique, malgré la crise sociale. Il dit : il faut regarder quand et comment nous pouvons l'engager, insinuant en gros que le plus vite serait le mieux.

Faut-il continuer sur cette voie François Bayrou ?

Je comprends très ce bien que Bruno Le Maire vient de dire.

Ce qu'il dit, c'est que ce n'est pas parce qu'on a connu ce drame que la menace sur les retraites a disparu, et il a raison de le dire.

Simplement, l'observation que je fais, c'est que l'on ne peut pas se lancer dans une réforme de cet ordre alors même que nous sommes dans la crise que nous rencontrons.

Il y aurait une incompréhension, et d'ailleurs, je crois, une incapacité ; je pense que la question des retraites est une très grande question.

Comme vous savez, je me suis investi sur ce sujet depuis très longtemps. Je pense qu'il faudra une démarche nouvelle pour y répondre et une démarche nouvelle à laquelle les Français devront être le plus possible associés, mais cela ne peut pas se faire avant que l'on ait reconstruit le pays.

Vous ne pouvez pas le faire sur le paysage tellement habité par des entreprises qui sont au risque de la faillite et par des salariés qui sont eux-mêmes au risque du chômage.

Est-ce que vous dites, comme Richard Ferrand, peut-être pour un second mandat d'Emmanuel Macron ?

De toute façon, c'est une question que l'on ne devra pas éluder et je pense que l'on aura raison d'y réfléchir.

Est-ce que la démarche qui a été suivie jusqu'à maintenant était la meilleure ?

Comme elle n'a pas réussi, on peut se poser des questions. Je pense qu'il faudra reprendre cette question. Il faudra la reprendre probablement au début du prochain quinquennat. De toute façon, c'est une question qui ne se laissera pas oublier. 

Le déséquilibre des régimes de retraite, il s'impose à tous. On ne va pas pouvoir se voiler la face, se bander les yeux et dire que cela n'existe pas.

Cela existe et il y aura des conséquences directes sur les Français, et notamment sur les retraités si on ne s'en occupe pas.

Je pense que l'on n'a pas le droit de mettre la poussière sous le tapis comme cela.

Simplement, l'obligation de reconstruction de notre économie et de retrouver une espèce d'équilibre dans la société notamment par le fait que tout le monde pourra travailler à nouveau, s'impose comme une priorité.

Le temps file et nous avons encore trois sujets, en tout cas c'est mon ambition, à voir ensemble.

Il y a un dossier sur lequel vous semblez mettre la pression, il s'agit de la proportionnelle intégrale aux élections législatives.

Est-ce que ce n'est pas trop tard ? Mais surtout est-ce bien le moment ? Est-ce bien prioritaire ?

Le porte-parole du gouvernement a été interrogé sur le sujet cette semaine. Il a répondu que, je le cite, le sujet est sur la table mais pas tout à fait en haut de la pile.

Est-ce ce prioritaire ?

Cela dépend de la manière dont on regarde la situation du pays.

Moi, je la regarde avec un œil déterminé et inquiet, ou inquiet mais déterminé. Ce que je vois, c'est qu'il n'est pas possible de sortir de cette crise et d'entamer l'immense travail de reconquête que nous avons devant nous si l’on ne fait pas travailler les grands courants politiques du pays le plus possible ensemble.

Or, nous avons des institutions, je rappelle que c'était l'engagement de François Hollande, c'était l'engagement d'Emmanuel Macron, je ne suis pas pour renoncer aux engagements, je rappelle que les institutions que nous avons ont un résultat qui est à mon avis désastreux. Elles donnent tout le pouvoir aux uns, ceux qui occupent les responsabilités, et aucun aux autres et, même, ils sont éliminés, écartés, balayés comme s'ils n'existaient pas.

Mme Le Pen, vous savez que je ne partage pas ses idées, elle a été au deuxième tour de l'élection présidentielle, elle a fait près de 35 % des voix et, au bout des élections législatives, elle est revenue avec moins de 1 % des sièges. Est-ce juste ?

Vous parlez d'une initiative commune à venir je crois au mois de janvier et, pour vous citer jusqu'au bout, l'initiative commune des forces politiques intéressées, majorité ou opposition sans exclusive.

À quoi va ressembler cette initiative et quand vous parlez de l'opposition, est-ce que cela pourrait aller jusqu'au Rassemblement National ?

Oui. Je ne vais pas me donner le ridicule de dire que je pense qu'il faut un effort partagé par toutes les forces politiques intéressées, qu'elles soient de la majorité ou de l'opposition et exclure celle qui, par le choix des électeurs, a été la principale d'entre elles.

Je pense qu'il faut que toutes les forces politiques du pays soient reconnues comme légitimes à parler de nos institutions, et d'ailleurs c'est ce qui se passe.

Quand le Président de la République fait une consultation sur les institutions, il reçoit tous les responsables de partis représentés à l'Assemblée nationale.

Eh bien je suis, pour ma part, pour aller dans le même sens. Je pense qu'il y a une grande majorité des forces politiques françaises qui veut cette évolution, qui veut que l'on ait un scrutin, une loi électorale juste qui permette aux gens de parler de dialoguer et de travailler ensemble.

À quoi va ressembler cette initiative commune ?

Eh bien on attendra le mois de janvier ensemble pour la découvrir.

En tout cas si Emmanuel Macron ne le fait pas, est-ce que vous estimerez qu'il aura trahi sa promesse, sa parole ?

Je vais essayer de traiter ce sujet. J'ai beaucoup de raisons de savoir que le Président de la République est intéressé par ce sujet.

Il pense que c'est un sujet crucial comme avant lui d'autres Présidents de la République l’ont imaginé pensé et voulu. Cela a été notamment le cas de François Mitterrand qui a fait adopter ce mode de scrutin.

C'est le seul mode de scrutin qui permette que l'on puisse changer le climat politique du pays, c'est même la seule décision qui puisse permettre de changer le climat politique du pays.

Cela a été promis à chaque élection présidentielle. Je crois qu'il est temps de réunir les forces pour que cela bouge.

Pardonnez-moi, on va essayer d'être un peu bref puisque le temps vraiment file assez rapidement. Une petite question sur les élections régionales.

Est-ce que vous vous apprêtez à partir par endroits avec la droite et sans En Marche, notamment parce que c'est la meilleure stratégie pour conserver un certain nombre de sièges ? Je prends l'exemple de l'Île-de-France où vous siégez avec la droite ; votre parti a voté le budget tout à fait récemment.

Ce genre de calcul qui est un calcul électoral et politicien, si vous permettez, je ne veux pas m'y inscrire.

L'idée que je me fais, c'est que l'on ait l'attitude la plus cohérente possible, que nous ayons une solidarité avec ceux qui partagent avec nous le destin de la majorité, avec En Marche et d'autres, que l'on ait une solidarité, que l'on n'oublie pas que l'on a été membre d'un certain nombre d'équipes exécutives donc pas de polémique inutile, mais je suis pour la solidarité et la cohérence.

Une toute dernière question avant de nous séparer. Je voudrais revenir sur l'indignation qui a lieu après l’agression d'un jeune musulman à Belfort parce qu'il aurait fêté Noël.

Le jeune homme âgé de 20 ans a également reçu des menaces relatives au fait qu'il soit fils de policier. Cela raconte quoi, selon vous, François Bayrou ? Le ministre de l’Intérieur a tweeté qu'il n'y avait pas de place pour le séparatisme dans notre pays, pas de place pour le racisme d'où qu'il vienne.

Encore une de ces fractures de la société, car ce sont des fractures nourries par la bêtise, l'ignorance et le racisme.

Si j'ai bien compris, ce jeune garçon a été attaqué pour deux raisons. La première parce qu’il était fils de policier et je trouve que, pour moi, être fils de policier, c'est un honneur ; ceux qui vont donner leur vie - on a encore perdu trois gendarmes dans une circonstance absolument dramatique - et, moi, je ne suis pas pour que l’on en parle avec cette haine qui est si souvent transmise, portée.

La deuxième, c'est parce qu'il avait fêté Noël, c'est-à-dire la naissance de Jésus.

Est-ce qu’on peut rappeler à ces garçons ou à ces jeunes gens qui perdent tout sens de la raison que Jésus est considéré par le Coran, par l'Islam, comme un très grand prophète et peut-être aussi comme quelqu'un qui reviendra, c'est ce que dit le Coran, à la fin des temps ?

Cette figure de Jésus, Isa, dans le Coran et la figure de Marie, sa mère, ce sont les deux plus grandes figures du Coran en dehors du prophète de l'Islam.

Vous voyez à quel point le racisme, la méchanceté, la haine, s'accompagnent de bêtise et en fait de manque d'éducation ?

C'est la raison pour laquelle j'ai si souvent défendu qu'il fallait que le fait religieux soit enseigné dans les écoles ou dans les lycées, que l'on comprenne que c'est assez souvent par ignorance que ces drames se produisent.

Merci beaucoup François Bayrou.

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