đŸ“ș François Bayrou, invitĂ© de Darius Rochebin sur LCI 

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Darius Rochebin ce mercredi 7 octobre à 20h40 sur LCI.

Extraits :

Bonsoir François Bayrou.

Bonsoir.

Question des Françaises et des Français sur la situation économique.

D'abord ces images qui marquent la journée, on les a vues, on a entendu le Président de la République, il est vraiment au contact des Françaises et des Français, ces dizaines, ces centaines de personnes qui sont là, qui lui parlent de leur expérience.

Vous qui avez le regard que l'on sait non seulement dans la politique maintenant, mais historique, est-ce un moment important ?

C'est un moment trĂšs important car c'est un moment d'engagement personnel probablement plus loin et plus longtemps qu’aucun de ses prĂ©dĂ©cesseurs ne l'avait fait. On avait l'habitude des visites prĂ©sidentielles, y compris dans les drames, mais on restait quelques minutes et, lĂ , le fait qu'il s'engage personnellement les yeux dans les yeux dans des dialogues qui sont vrais et longs et qu'il accepte d'ĂȘtre pris Ă  partie et qu'il ne s'en va pas, il reste, il Ă©tait lĂ  jusqu'Ă  il y a quelques minutes encore, il est restĂ© 6 heures sur le terrain avec ceux qui ont tant souffert de ce drame, de cet accident mĂ©tĂ©orologique.

Vous avez 40 ans de vie politique, plus que cela. Vous savez trĂšs bien, beaucoup de politiciens regardent la personne, ils pensent dĂ©jĂ  Ă  celle d'aprĂšs. Est-ce qu’il est vraiment diffĂ©rent ?

Est-ce qu’on peut ĂȘtre diffĂ©rent ?

On peut ĂȘtre diffĂ©rent et il est diffĂ©rent.

À mes yeux, je ne prĂ©tends pas ĂȘtre extra-lucide, mais j'ai regardĂ© ce homme jeune exerçant cette fonction si lourde. Tout Ă  l'heure vous interrogiez Sylvain Fort j'allais dire sur les rides, sur le poids que le PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, comme personne, porte sur ses Ă©paules comme homme, et vous lui demandiez ce qu'il sentait.

Je vais vous dire ce que je sens. Je pense que ses rides sont un plus. Je trouve que c'était un homme trÚs jeune quand il a été élu.

Trop jeune ?

Non, je lui avais dit une fois, cela avait fait beaucoup de minutes de télévision !

Il Ă©tait trĂšs jeune et il Ă©tait trĂšs jeune, avec, vous l'avez soulignĂ© dans l’interview, une espĂšce de joie de vivre nĂ©cessaire quand on accomplit cette fonction, mais cela donnait aussi le sentiment qu'il pouvait croire que les choses Ă©taient faciles.

Aujourd'hui, personne en France ne peut imaginer que le Président de la République croit que les choses sont faciles.

L'accumulation de tsunamis, d'obstacles, qu'il a reçus, qu'il a pris en pleine figure.

Les emmerdements dont parlait de Jean Castex


Pas seulement des emmerdements.

La « gravitas », en bon français, cette espÚce de gravité au pouvoir. C'est cela ?

Vous savez que c'est un des mots que je préfÚre. Il a échappé à ce qui est politicien dans la fonction, entrer dans ce qui est à la fois humain et historique car ce n'est pas une fonction politique, c'est une fonction qui touche aux raisons de vivre de chacun d'entre nous.

Vous faites l’éloge de l'expĂ©rience. C'est aussi l'Ă©loge des personnages d'expĂ©rience.

On a l'impression que l'on retrouve au-delĂ  d’Emmanuel Macron, l'importance de l’expĂ©rience en politique chez de Jean Castex, chez vous aussi, deux personnages dans la macronie qui reviennent en tĂȘte d'affiche.

Est-ce un signe que cela arrive maintenant selon vous ?

D'abord, c'était inéluctable. On a cru ou certains ont cru ou ont voulu croire, qu'il y avait un nouveau monde. Il ne faut jamais avoir ouvert un livre d'histoire pour croire qu'il y aura un nouveau monde et votre sourire le montre assez.

Depuis la RĂ©publique romaine depuis la Rome antique jusqu'Ă  aujourd'hui, les ĂȘtres humains sont les mĂȘmes, les rĂ©flexes sont les mĂȘmes, le cadre mĂ©diatique change, mais les drames sont les mĂȘmes et la charge qu'un chef d'État porte sur les Ă©paules est la mĂȘme.

On voyait tellement autour d’Emmanuel Macron des gens jeunes, trentenaires, un peu geek, beaucoup n'Ă©taient mĂȘme pas nĂ©s quand vous avez commencĂ© votre carriĂšre politique. Dans l'Ă©quilibre, est-ce qu’il y a un rĂ©Ă©quilibrage selon vous ?

Je suis trĂšs en dĂ©calage avec ces questions de gĂ©nĂ©ration pour une raison pour moi Ă©vidente, c'est qu'un pays, ce sont toutes ces gĂ©nĂ©rations en mĂȘme temps.

Le hasard, la chance, la providence, appelez cela comme vous voulez, a voulu qu’en France, en 2017, il y ait tout d'un coup un prĂ©sident plus jeune qu'aucun de ses prĂ©dĂ©cesseurs dans l'histoire.

Cela a des avantages la jeunesse, enthousiasme, mais la vĂ©ritĂ© est que cela mĂ©rite d'ĂȘtre enrichi par de l'expĂ©rience et le fait que plusieurs gĂ©nĂ©rations dĂ©sormais se retrouvent Ă  leur place, chacun dans l'Ă©quipe Ă  la responsabilitĂ© du pays, c'est un plus.

L'expĂ©rience est un plus, vous m'avez peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  entendu dire cela.

Si je dois traverser l'Atlantique, moi qui n'ai jamais traversé l'Atlantique à la voile, ni de prÚs ni de loin, est-ce que je prends un skipper confirmé qui a déjà fait cent fois la traversée ou quelqu'un qui est trÚs beau sur la photo, mais qui n'a jamais fait cela ?

L'expérience est nécessaire.

François Bayrou, on vous entendra sur l'expĂ©rience, sur votre situation politique, sur l'aspect humain aussi, vos relations avec Emmanuel Macron, l'avenir, la campagne 2022, mais d'abord restons un instant sur l’actualitĂ© plus immĂ©diate, c’est la situation du Covid-19, la situation Ă©conomique et on se rapproche de votre mission Haut-Commissariat au Plan.

Faisons un point sur la situation du moment, la photographie Ă©conomique du moment avec ce qu’elle a de trĂšs sombre, 1 million de nouveaux pauvres, c'est le chiffre donnĂ© hier dans le journal Le Monde en citant beaucoup d’organisations d’aides aux plus dĂ©munis.

La dette qui atteint 114 % du PIB et qui ira sans doute plus loin.

Le chÎmage partiel pris en charge à 100 % qui est prolongé au moins jusqu'au 31 décembre.

Est-ce qu’on sous-estime ce fardeau colossal financier, Ă©conomique, qui tombe sur la France ?

Non, on ne le sous-estime pas. J'ai passĂ© beaucoup d'annĂ©es de ma vie Ă  me battre sur la question de la dette. C'Ă©tait, on m’interrogeait sur cette question, pour dire : Essayons d’ĂȘtre sĂ©rieux dans la gestion d'aujourd'hui car demain, peut-ĂȘtre, nous en aurons besoin pour faire face Ă  des drames.

Au fond, ce que les Allemands ont fait mieux que le peuple français ne l’a fait.

On a été trop imprévoyant en France ?

Oui, on a été pendant des années dans la légÚreté de ceux qui consomment en croyant que c'est éternel.

Là, on en paye le prix ; 114 %, c'est le prix de cela aussi ?

Oui, bien sĂ»r puisque les 114 %, c’est 14 % qui viennent aprĂšs les 100 premiers. C'est cela qui fait 114.

Mais, cette fois-ci, on a raison de faire appel au crédit.

J'ai proposé que cette dette soit cantonnée, qu'on isole la dette Covid, ce qui est dû à ce tsunami que personne n'avait jamais imaginé et dont personne n'a la responsabilité.

Et dont le poids va encore s'aggraver, c'est la dĂ©claration du PrĂ©sident tout Ă  l'heure quand il dit qu'il prĂ©voit des restrictions supplĂ©mentaires lĂ  oĂč le virus circule, mais le poids Ă©conomique de cela, comment est-ce qu’on peut le prĂ©voir ?

Eh bien, on va l'affronter.

Comment ? En isolant la dette due à cette pandémie et en ayant un report d'échéance. On commencera à rembourser cette dette grùce à la BCE dans huit ans donc on aura le temps de remonter le pays avant de commencer à faire face aux échéances de la dette que l'on vient de dépenser.

Quand on entend tant d'autres pays en Europe qui ne fonctionnent pas comme cela, les Allemands qui sont trÚs loin de ces 114 %, ils sont à 75, beaucoup d'autres pays beaucoup plus économes.

Eux ne vous croient pas quand vous dites cela, ils disent : Il n'y a pas de miracle, à la fin les Français s'appauvriront parce qu'il faudra payer cette charge.

Ce n'est pas moi qui vais dire le contraire. La dette, un jour ou l'autre, il faut l'assumer.

Cela veut dire que les Français vont s'appauvrir ? Est-ce qu’il faut affronter cette rĂ©alité ?

Je ne crois pas cela. Je pense ce que la stratégie choisie par nécessité, grùce à la BCE, de redresser le pays avant de commencer à faire face à ces échéances ; autrement, on aurait été dans une situation dramatique.

Je m'arrĂȘte une seconde Ă  cela. OĂč en serions-nous s'il n'y avait pas eu la BCE ?

Là, c'est l'Européen qui parle.

C'est l'observateur, s'il n'y avait pas l'euro, si on n'avait pas autrefois adoptĂ© le rĂ©fĂ©rendum de Maastricht de si peu, oĂč en serions-nous ?

Je vais vous dire oĂč nous en serions. Le franc, puisqu'on aurait toujours le franc, la Banque de France, seraient attaquĂ©s par tous les spĂ©culateurs de la planĂšte et on se retrouverait avec des taux d'intĂ©rĂȘt insupportables.

Il serait impossible de faire face aux obligations d'une relance.

Mais, pardon, cette réalité existera aussi parce que les investisseurs auront moins envie d'investir dans un pays surendetté. Cette réalité existera en dehors de la monnaie ?

Cela, je ne crois pas.

Vous ouvrez un deuxiĂšme chapitre qui est : Est-ce qu’on peut faire de la France un pays entreprenant, crĂ©atif, attirant pour sa main-d’Ɠuvre et pour la place des entreprises qui vont faire face aux nouvelles demandes ?

Parlons en justement, c'est le Plan, c'est votre bébé, Haut-Commissariat au Plan. TrÚs noble idée, de Gaulle, quelle était sa formule ?

« L'ardente obligation ».

Mais c'était les années 70. On est en 2020. Dans le monde de 2020 on vous a moqué, on a dit : Oui, François Bayrou c'est un peu comme le minitel, on ressort les vieilles idées du plan etc. Dans le monde si concurrentiel, si mondialisé, si libéralisé de 2020, cela ne marche plus.

Qu'est-ce vous répondez à cela ?

Je rĂ©ponds que l'on a eu sous les yeux la preuve de l'Ă©chec de cette stratĂ©gie des intĂ©rĂȘts individuels, des intĂ©rĂȘts personnels de telle ou telle entreprise. On a voulu laisser faire.

On a pensĂ© que les dĂ©cisions de chaque entreprise, prise pour son intĂ©rĂȘt personnel, au bout du compte, cela ferait l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

Il se trouve que l'on s'est aperçu que, pendant cette pandémie, la France grand pays médical et pharmaceutique, s'est trouvée en rupture des molécules élémentaires pour faire face à la maladie.

On s'est trouvĂ© en rupture des molĂ©cules pour les chimiothĂ©rapies, pour les cancers - quand je dis « on s'est trouvĂ© en rupture ou presque » - CorticoĂŻdes, antibiotiques, 
 Vous savez bien qu’il y a eu toute une crainte sur ce sujet d'un mĂ©dicament Ă©lĂ©mentaire. La France et l'Europe parce qu'elles avaient dĂ©localisĂ© pour l'intĂ©rĂȘt des entreprises en question - que je ne remets pas en cause - car l'État n'avait pas compris qu’il y a des domaines dans lesquels on ne peut pas se dĂ©sarmer, se dĂ©shabiller du plus Ă©lĂ©mentaire et du plus urgent, on a Ă©tĂ© au bord d'un accident supplĂ©mentaire de santĂ©.

Et pourtant, beaucoup de ces molécules sont toujours fabriquées en Chine et ailleurs, ce n'est pas la réalité économique. On a dit : On va faire des masques français, etc.

On voit bien le made in china qui continue, les pneus Bridgestone. N'est-ce pas la rĂ©alitĂ© de la main-d’Ɠuvre ? C'est moins cher en Pologne qu’en France quand on voit le rĂ©sultat ?

Il y a évidemment une part de vrai, il y a des différences de coût en Pologne mais, pour moi, la Pologne, c'est l'Europe.

Je ne diffĂ©rencie pas, cet impĂ©ratif, cette exigence, cette obligation qui devrait ĂȘtre celle des gouvernements de s'occuper de notre indĂ©pendance, de la capacitĂ© que nous avons Ă  avoir sous la main les produits Ă©lĂ©mentaires de notre sĂ©curitĂ© sans que l'on puisse nous les enlever.


 Quoi qu’il en soit de cette vision Ă©tatique, beaucoup font la comparaison toute simple, trĂšs pratique avec les chantiers allemands ; c'est trĂšs concret. Les chantiers allemands, pendant la Covid, ils ont continuĂ© en partie Ă  fonctionner. Les Français, dĂ©cision Ă©tatique un peu jacobine, on a arrĂȘtĂ©.

Il y a le constat qui est lĂ . Il faudra rattraper cela.

Ce n'est pas vrai, les entreprises en France ont continué heureusement !

Pas toutes et pas au mĂȘme rythme et on voit le rĂ©sultat.

Je demande à vérifier.

Ce que vous appelez les chantiers, il y a eu en effet un mois, trois semaines d'arrĂȘt complet parce qu'il fallait interrompre le virus.

Je ne peux pas reprocher Ă  un gouvernement d'avoir fait face Ă  l'urgence sanitaire. Je ne sais pas vous, mais, moi, j'ai perdu des amis trĂšs proches qui Ă©taient en pleine forme. Ils sont morts parce qu'on a laissĂ© circuler le virus. Il y a eu, de ce point de vue, un moment oĂč on aurait dĂ» prendre les dĂ©cisions, elles n'avaient pas Ă©tĂ© prises.

Est-ce que cela vous a changé ? Il y a un certain nombre de politiciens qui sont passĂ©s lĂ , certains parfois avec une expĂ©rience personnelle trĂšs forte. Est-ce que cela a changĂ© votre vision y compris du rĂŽle de l'État ? En tout cas, cela l’a renforcĂ©e.

Oui bien sûr. Je voudrais partager ceci avec vous. Ce n'est pas une crise comme les autres. Des crises, nous en avons connu un certain nombre, 1929, les lendemains de la guerre, 2008. Ce que l'on appelle crise, c'est un accident et, aprÚs, on recommence comme c'était avant.

Ce que je crois que nous sommes en train de vivre est d'une nature complÚtement différente car c'est notre mode de vie qui change.

On ne s'embrasse plus, on ne serre plus la main, on ne se prend plus dans les bras entre amis, on ne va plus dans les bars ou trÚs peu, on ne voyage plus. Il me semble qu'en tout cas on doit examiner les conséquences de cette pandémie sur notre vie y compris économique.

Pourquoi ? Depuis 150 ans, le monde se développe selon un principe qui est celui des échanges toujours plus nombreux toujours plus loin, exponentiels comme l'on dit.

Est-ce qu’il y a une autre formule ?

Je crois que l'on va devoir expĂ©rimenter d'autres formules qui sont des formules d'analyses prĂ©cises de ce dont nous avons besoin pour vivre et dont nous ne pouvons pas ĂȘtre privĂ©s.

On a parlĂ© des mĂ©dicaments, il y a peut-ĂȘtre d'autres questions qui se posent, je pense aux composants Ă©lectroniques. Si un pays comme le nĂŽtre, une communautĂ© comme la communautĂ© que forme l'Union europĂ©enne se trouve privĂ©e d'un certain nombre d'Ă©lĂ©ments vitaux pour son industrie, Ă  ce moment-lĂ , cela doit entraĂźner chez elle un rĂ©flexe de reprise en main de son propre destin.

Ces Ă©quilibres Ă©conomiques, l'avenir dira ce qu'ils sont.

Parlons de l'Ă©quilibre politique, de votre Ă©quilibre aussi aujourd'hui dans la majoritĂ©, peut-ĂȘtre encore plus important que par le passĂ©.

La République En Marche, notamment à l'assemblée, a perdu un certain nombre de plumes donc vous comptez d'autant plus.

Avec Emmanuel Macron est-ce que vous vous ĂȘtes trouvĂ©s ?

Oui, je crois depuis longtemps.

Encore plus maintenant que depuis trois ans ? Cela s'est renforcé ?

Je ne parle jamais de mes conversations avec le PrĂ©sident de la RĂ©publique. Je dis aux journalistes qui m'interrogent : « Excusez-moi, il faut que je vous dise, j’ai une maladie, j’hĂ©site Ă  l’avouer, je suis pris d'une amnĂ©sie systĂ©matique quand j'ai fini mes conversations. »

Vous avez le droit de le qualifier. Amis en politique, on sait que c'est toujours un peu compliqué.

Êtes-vous amis ?

Je pourrais répondre oui sans difficulté, mais il y a quelque chose d'autre qui est de l'ordre de la fraternité de ceux qui combattent ensemble.

C'est trÚs vrai. Parfois on me dit, cela me fait rire : « en fait, vous avez un regard paternel sur lui. »

Vous avez 27 ans d'écart ?!

Pas tant tout de mĂȘme, je crois que vous vous ĂȘtes trompĂ©, disons un quart de siĂšcle de diffĂ©rence.

Ce n'est pas paternel donc ?

Non, pourquoi ? Parce que j'ai des fils formidables, uniques, enfin, ils ne sont pas uniques, mais ils sont formidables.

Autrefois, quand j'Ă©tais l’ami, le bras droit de Giscard d'Estaing, on me disait : « est-ce que vous n'avez pas un sentiment filial Ă  son endroit ? » Non, parce que j'avais un pĂšre formidable qui est mort hĂ©las trĂšs tĂŽt.

Mais j'ai un regard sĂ»rement de fraternitĂ© de combattant. Oui, cela, c'est vrai, c’est-Ă -dire de trĂšs grande confiance. J'ai confiance en lui et je pense qu'il a confiance en moi. Et ce que l'on vient de voir encore, c'est de la confiance, c'est de l'ordre de l'affrontement oĂč l’on donne le plus profond de soi.

Il y a quand mĂȘme cette vieille doctrine militaire qui dit : La crainte est la meilleure garantie d'une alliance.

Il a besoin de vous, vous avez besoin de lui, il aura besoin de vous de nouveau en 2022 ? Cela aide.

Ce serait facile pour moi de répondre oui, mais je ne veux pas parce que ce n'est pas mon approche des choses.

Il y a des gens qui croient que la politique, ce sont perpétuellement des rapports de force et du chantage.

Or, en France, sous la VĂšme RĂ©publique, rapports de force et chantages, cela ne marche pas, c'est le contraire de ce qu'il faut.

Ce qu'il faut, c'est une adhĂ©sion, que l’on croit les mĂȘmes choses, que l'on soit dĂ©cidĂ© Ă  prendre sa part du fardeau et que l'on partage la responsabilitĂ© des choses les plus profondes.

François Bayrou, la voix Ă  l'accusation : Nicolas Sarkozy qui a eu ces formules terribles sur vous, sur la trahison de François Bayrou - cela vous fait sourire parce que vous les avez toutes en tĂȘte.

Il dit : Emmanuel Macron en fera Ă  son tour avant la fin de son quinquennat l’amĂšre expĂ©rience. François Bayrou a toujours trahi ceux qu'il a choisis.

Qu’est-ce que vous dites Ă  cette prophĂ©tie ?

J'ai déjà cité ici, et je ne recommencerai pas des phrases de Jacques Chirac sur Nicolas Sarkozy qui, je vous assure, étaient infiniment plus injurieuses et sévÚres et fondées car lui avait trahi Jacques Chirac.

Beaucoup de trahisons dans tous les sens.

Oui, mais c'est la vérité. Jacques Chirac n'en faisait pas mystÚre dans des conversations personnelles. Il se trouve que, moi, je n'ai jamais trahi personne.

Quand vous dites que vous allez voter pour François Hollande en 2012 ?

Oui, j’ai votĂ© pour François Hollande car j'ai choisi de voter pour lui.

Ce n'était pas votre camp en principe !

Vous venez de Suisse !

C’est facile, rĂ©pondez Ă  la question !

Non, vous venez de Suisse, c'est-à-dire d'un des pays le plus démocratiquement confirmé qui sait une chose, c'est que la politique, ce n'est pas des camps. Vous venez d'un pays qui prouve tous les jours qu'heureusement la politique ce n'est pas deux camps.

J'ai placĂ© toute ma vie politique sous sur cet axe-lĂ , c'est-Ă -dire je suis allĂ© un jour il y a trĂšs longtemps dans une manifestation oĂč se fondait l'UMP pour dire : Vous dites que l'on pense tous la mĂȘme chose, mais si on pense tous la mĂȘme chose, c'est que l'on ne pense plus rien.

La logique des deux camps est une logique stupide, dangereuse et criminelle.

Je vous entends, quand on voit votre parcours, effectivement, Chirac, Giscard d'Estaing, Balladur, les complications entre les uns et les autres, les trahisons dans tous les sens, il y a un texte magnifique de Zweig qui dit, en parlant de Foucher qui a trahi beaucoup de gens : « la trahison, c'est l’autre nom de la libertĂ©. »

Les gens trÚs libres trahissent toujours un peu. Est-ce votre cas ?

Non, j'ai toujours Ă©tĂ© libre et n’ai jamais trahi. J'ai adhĂ©rĂ© au parti dont je suis le PrĂ©sident aujourd'hui, j'avais 20 ans, je ne l'ai jamais quittĂ© et je n'ai jamais acceptĂ© qu'on le place dans une situation de soumission de qui que ce soit.

[
] Est-ce que cela fait partie du jeu au fond ?

Eh bien non, la famille de Konrad Adenauer, la famille de Robert Schumann, excusez-moi de vous le dire, la qualité principale qui est la sienne, c'est l'intégrité.

Appelez cela comme vous voulez, en tout cas, la libertĂ©, vous avez beaucoup tournĂ© autour de cette idĂ©e-lĂ , vous avez Ă©crit un best-seller avec cela. La fable de la Fontaine, est-ce vrai que c’est une de vos rĂ©fĂ©rences, le chien et le loup ?

Oui, bien, sûr.

Vous la savez par cƓur ?

Oui, je peux vous la réciter.

Pourquoi cette fable-là en particulier ?

Je connais beaucoup de fables de La Fontaine, d’abord parce que cela a Ă©tĂ© mon mĂ©tier, ensuite parce que c'est une passion. J'aime beaucoup la langue française, je trouve qu’on ne la dĂ©fend pas assez, j'aime beaucoup la poĂ©sie française et peut-ĂȘtre n'est-elle pas assez dĂ©fendue et j'aime beaucoup l'espĂšce de sagesse qui passe dans l'Ɠuvre de La Fontaine qui est la plus acĂ©rĂ©e que l'on puisse trouver.

Le regard que cet homme-là porte, 4 siÚcles aprÚs presque, il est toujours aussi percutant, aussi précis sur l'ùme humaine.

Vous parliez tout à l'heure de votre pÚre, décédé de maniÚre précoce, grand lettré, homme de la terre, à lui vous devez cela aussi ?

Oui. C'est la vĂ©ritĂ© vraie que je vais vous dire. On chargeait du maĂŻs et mon pĂšre tenait la pelle et le petit garçon tenait le sac. On rĂ©citait des fables de La Fontaine avec ce geste ancestral qui faisait que le grain partait dans le sac pour l’emporter en rĂ©citant les fables de La Fontaine.

C'est la vérité la plus stricte, la plus réelle des choses.

Vous vous ĂȘtes battu, François Bayrou, pour mener une carriĂšre.

Le combat contre le bĂ©gaiement. Je regardais tout Ă  l’heure sur Internet la liste des bĂšgues cĂ©lĂšbres. Je ne vais pas vous rendre modeste, il y a Einstein, Jouvet, DĂ©mosthĂšne, Churchill, on dit qu’il a une forme de bĂ©gaiement. Le travail ?

Et il y a Joe Biden qui va peut-ĂȘtre ĂȘtre PrĂ©sident des États-Unis et qui, lui aussi, s’est beaucoup battu sur ce sujet.

Il y a un travail sur soi qui est particulier aux bÚgues ?

Cela touche surtout les petits garçons. TrĂšs souvent, les petits garçons m’écrivent pour dire : « Mais qu'est-ce on peut faire ? ».

Il y a des exercices, parfois cela aide, mais le fond de cette affaire, c'est qu'il faut que vous vous réconciliez avec le petit garçon qui est en vous et qui se sent mal jugé ou qu'on ne le reconnaßt pas.

Il y a une photo de sud-ouest qui publiait une photo de vous quand vous aviez je ne sais pas quel Ăąge.

Quand vous voyez cette photo, le combat contre le bégaiement à cet ùge-là, cela se passait comment ?

Franchement, c'est un handicap extrĂȘmement dĂ©sagrĂ©able. DĂ©gueulasse pour tout dire.

C'est-à-dire ?

Vous avez les mots en vous et ils sont mĂȘme trĂšs bien agencĂ©s et ils disent ce que vous avez de plus profond Ă  transmettre et, tout d'un coup, cela ne passe pas, cela bloque.

On l'entend parfois dans certaines interviews, cela vous arrive encore.

Bien sûr, cela ne passe jamais. C'est pour cela que c'est drÎle, c'est pour cela que c'est marrant.

Être capable d'apprivoiser quelque chose qui vous paralyse, ĂȘtre capable de vivre avec, moi je trouve que c'est important et que c'est drĂŽle.

Beaucoup plus tard ministre de l'Éducation. Quand on a eu ce parcours du bĂ©gaiement mais ensuite trĂšs brillant intellectuel, enseignant, etc. Ministre de l'Ă©ducation, c'Ă©tait un aboutissement de ce point de vue ?

Oui, c'Ă©tait bien, ce n'Ă©tait pas une surprise car, dans l'Ă©quation de cette Ă©poque, je trouvais que, oui, c'Ă©tait ma place.

Il y a tellement de dĂ©bats aujourd'hui, notamment l’arabe Ă  l'Ă©cole, c'est un des dĂ©bats de cette semaine est-ce que vous y ĂȘtes favorable ?

C'est une grande langue du monde. C'est de l’arabe littĂ©raire en plus, ce n'est pas dialectal, des diffĂ©rentes parties de cet univers.

Je suis pour les langues, je suis pour les langues anciennes parce que le latin et le grec, c'est un trĂ©sor, je suis pour les langues Ă©trangĂšres l’arabe en est une et, aprĂšs tout, si cela peut ĂȘtre un plus, je suis pour les langues rĂ©gionales.

Le BĂ©arnais.

Oui, qui est la plus pure des langues de cet espace roman qui a couvert tout notre pays, en tout cas tout le sud de notre pays.

Mais sur l’arabe, en clair, vous pensez que cela peut ajouter du lien social que les Français apprennent aussi l’arabe ?

Je pense que c'est un plus et je suis pour que les Français apprennent le chinois. On a installé un institut Confucius à Pau alors que tant de grandes villes n'en ont pas.

Je ne suis pas d'accord avec le régime, mais je sais que 1 300 000 000 de personnes, on a besoin de pouvoir échanger avec eux et les connaßtre de l'intérieur.

Quelques mots sur le temps qui vient d'ici 2022 ; situation trĂšs particuliĂšre, on a vu des sondages dimanche passĂ© oĂč le scĂ©nario semble se rĂ©Ă©crire de l'affrontement inĂ©vitable Macron / Le Pen.

Est-ce qu’il est inĂ©luctable d'aprĂšs vous ?

Non. En tout cas, il dit quelque chose de la réalité profonde du pays.

Est-ce qu’un candidat de droite peut encore Ă©merger de cet Ă©lectorat Ă©norme ; beaucoup disent : la France est de droite majoritairement, mais il n'y a pas de champion.

Est-ce qu’il peut apparaütre ?

L'extrĂȘme-droite, le Front National occupe des positions extrĂȘmement fortes et, Ă©videmment, prĂ©tendre qu'il y aurait entre Xavier Bertrand ou ValĂ©rie PĂ©cresse ou François Baroin, je crois qu'il n'a pas envie d'y aller, et Emmanuel Macron et le centre gauche, prĂ©tendre que ses trois familles seraient irrĂ©ductiblement opposĂ©es, c'est ridicule.

Le candidat de la droite c'est Emmanuel Macron ?

Non, ce n'est pas ce que je viens de dire. Emmanuel Macron est sur le socle du centre français et ce socle pÚse 25 % des voix.

Édouard Philippe, c'est une possibilité ?

Oui,  je ne le crois pas du tout pour 2022.

Il y a un Président de la République qui conduit une politique dont je puis affirmer qu'elle n'est différente en rien sur le fond de ce que conduirait un socialiste raisonnable ou un homme de la droite républicaine.

Là, vous embrassez large !

Mais c'est cela le pays. Non ! Il y a une extrĂȘme-gauche, Les Insoumis, Jean-Luc MĂ©lenchon, une partie des Ă©cologistes. Cela, c'est un courant trĂšs identifiĂ©, trĂšs Ă  gauche. Il y a une extrĂȘme-droite mais entre ceux qui sont sur le champ central
.

Si on vous suit, vous avez pratiqué tant d'hommes. On se rappelle Mitterrand qui finalement s'est révélé trÚs homme de droite tout en ayant ce parcours à gauche, Chirac, homme de gauche et parcours à droite.

Emmanuel Macron, qu'est-ce qu'il est au fond, d'aprÚs vous ?

Pour moi, il est le représentant de cette grande famille du centre à la fois soucieux d'identité française et trÚs européen.

En mĂȘme temps. Ce sera toujours le cas en 2022 ?

C'est comme cela qu'il est, ce n'est pas seulement ce qu'il montre, c'est ce qu'il est.

Il a cette tùche d'affronter les plus grands orages et d'essayer de le faire en donnant au pays la modernité qui, seule, peut le sauver.

Eh bien, il est courageux pour faire cela.

Merci.

Parlez-nous le BĂ©arnais ! Vous me renvoyiez Ă  ma condition de Suisse tout Ă  l'heure, on va faire du rĂ©gionalisme. Comment c’est le BĂ©arnais ? Je n’ai jamais entendu de BĂ©arnais, je vous l’avoue.

B’en hari causes si poudi

D’abord deu tems qu’estangueri l’agulhe

N’ta retardar l’ore dolente

Ou’a d’aci calera parti.

Je vais traduire : Si je pouvais, que j'en ferai des choses, si je pouvais, d'abord du temps, j'arrĂȘterai l’aiguille, Ă  mon grĂ© trop ardente, pour retarder l'heure douloureuse, ou d’ici, il faudra que je m'en aille
.

Toujours s’en aller à la fin.

PrĂ©sident de la RĂ©publique, c'est fini, ce rĂȘve est enterré ?

Personne ne connaĂźt l'avenir.

Vous avez été candidat trois fois ! QuatriÚme c'est possible ? !

On a failli gagner en 2007
.

Merci beaucoup.

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