Erwan Balanant : « La proportionnelle est une des clés pour sortir de la crise politique »

Erwan Balanant, député Les Démocrates du Finistère et secrétaire général adjoint du MoDem, est l’un des artisans d’une proposition de loi transpartisane visant à instaurer la proportionnelle aux élections législatives. Pour lui, cette réforme est indispensable pour « sortir de la crise politique » grâce au changement de mode de scrutin. Il en détaille les enjeux dans un entretien accordé au Télégramme.
Pourquoi déposer maintenant une proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle aux élections législatives ?
Nous estimons que le moment est opportun avec la mise en place d'un nouveau gouvernement. Au-delà des enjeux économiques et budgétaires, qui sont certes importants, la France traverse avant tout une crise politique profonde.
Pour éviter que le fossé ne se creuse davantage entre les citoyens et les responsables politiques, il faut changer nos pratiques. Or, un changement de pratique est impossible sans un changement de mode de scrutin.
Le système majoritaire actuel, où celui qui gagne prend tout et celui qui perd s'oppose à tout, mène au blocage. Il faut en sortir. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail mené depuis septembre, réunissant chaque semaine des députés de groupes très différents : EPR, Écologiste, GDR, PS et MoDem (*). Le fait que nous soyons parvenus à un texte commun par le dialogue et le compromis, loin de toute pression électorale, prouve que c'est possible.
Quel modèle de scrutin proportionnel proposez-vous ?
Nous proposons un système mixte, inspiré de ce qui fonctionne chez nos voisins allemands ou danois. Concrètement, 60 % des députés resteraient élus au scrutin majoritaire dans des circonscriptions, dont le nombre serait réduit. 40 % des députés seraient issus de listes nationales.
Le jour du vote, l'électeur aurait deux bulletins : un pour le candidat de sa circonscription et un pour une liste nationale. Ce système a le double avantage de conserver un ancrage territorial fort pour les élus tout en assurant une représentation juste des grands courants politiques nationaux grâce à la compensation par la liste nationale.
C'est une solution de compromis. Personnellement, j'étais plutôt favorable au modèle de 1986, les écologistes penchaient pour des listes régionales... Mais les simulations et le travail en commun nous ont convaincus que ce modèle mixte est la meilleure solution.
(...)
L'objectif est donc d'obliger les partis à trouver des compromis ?
Exactement. Le but est que chaque force politique défende ses idées clairement devant les électeurs. Ensuite, comme personne ne pourrait gagner seul, le compromis deviendrait une obligation pour gouverner. Cela mettrait fin aux alliances électorales forcées ou contre-nature que le scrutin majoritaire impose.
Un parti pourrait alors s'allier avec un autre sur un sujet précis où leurs idées convergent, même s'ils sont dans l'opposition sur d'autres thèmes.
Il s'agit de redonner sa légitimité à chaque courant politique.
Quelles chances donnez-vous à cette proposition de loi d'aboutir ?
Je pense sincèrement que c'est une des clés pour sortir de la crise politique. Il faut rappeler un fait simple : la France est la seule démocratie européenne à conserver un scrutin purement majoritaire. Tous nos voisins ont une forme de proportionnelle et parviennent à mener les grandes réformes nécessaires.
On ne peut pas rester le pays où tout est bloqué. Nous espérons un signe du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
Le théorème est simple : les pratiques politiques sont directement liées au mode de scrutin. Pour changer les pratiques, il faut changer le scrutin.
Lire l'entretien complet dans Le Télégramme.
(*) Le texte déposé par Erwan Balanant (MoDem), Guillaume Gouffier Valente (Ensemble pour la République), Jérémie Iordanoff (Écologiste) et Marie Récalde (PS) est également soutenu par 14 députés, dont l'ancien président de la République François Hollande, le macroniste Vincent Caure, la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain ou encore le député du groupe PCF Emmanuel Maurel.