Les temps de la décision politique

Sablier
(©  Min C. Chiu Shutterstock)

Comment se prennent les décisions politiques? Au-delà de la prise de décision, expliquer le processus qui y a conduit, communiquer, se révèle essentiel. Une décision politique implique tout un jeu de temporalités. Olivia Leboyer, docteur en science politique, membre d'Université 133. 

Lorsqu’on pense à telle décision politique, on a en tête, le plus souvent, l’instant où elle est formulée. Prendre une décision, serait-ce, un acte déclaratif, performatif ? 

La décision politique se décline en un jeu de temporalités. L’annonce d’une décision n’est que la partie émergée de l’iceberg. Bien souvent, des décisions sont prises depuis longtemps et l’enjeu consiste à les mettre en œuvre au moment opportun. 

Déjà, dans l’Italie du début du XVIe siècle, Machiavel rappelait au Prince qu’il importait, plus que tout, de saisir la Fortuna, l’instant propice pour agir. Les qualités essentielles d’un gouvernant étaient alors le coup d’œil, la passion, et le sens de la responsabilité. En d’autres termes, trancher au bon moment et envisager, avant d’agir, les conséquences de son action.

En 1919, dans Le Savant et le Politique, le sociologue allemand Max Weber théorise l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction dont doit faire preuve le gouvernant. Pour Max Weber, les actions humaines ne sont pas prévisibles, nous décidons dans une certaine indétermination, qui est fondamentale. C’est l’indétermination qui forme le fonds de nos sociétés modernes, de nos démocraties parlementaires libérales.

Nous devons décider sur fond d’incertitude, c’est la condition politique moderne. Certes, la décision est toujours le résultat d’une concertation entre plusieurs acteurs, elle n’est pas le fait d’un seul homme. Le rôle des experts, dans la prise de décision, est déterminant. Mais les avis scientifiques demeurent consultatifs, ils ne se substituent pas à la décision politique.

Dans Dimensions de la conscience historique (1961), Raymond Aron part d’une analyse des décisions ayant déclenché la guerre du Péloponnèse et souligne, déjà, quel point les décisions politiques deviennent, au XXesiècle de plus en plus complexes :

Les décisions du XXe siècle, celles d’août 1914, sont multiples, complexes, aucune n’a été prise par un seul homme, ministre ou chef d’Etat. Certes, cette confusion même a suscité des recherches et des polémiques indéfinies.

A notre époque, remarquons que la prise de décision intervient, souvent, sans que le processus qui y a mené ait été suffisamment explicité. Et surtout, les conditions de la mise en œuvre ne sont le plus souvent pas dites. Richelieu insistait bien sur ce point : une décision vaut surtout par son exécution. Et il est parfois plus difficile de maintenir une décision que de la prendre.Le paradoxe tient à ce que, si l’on ne prend pas le temps de définir la méthode, on finit par retarder la décision elle-même ou sa mise en œuvre. Pour cela, la prise de parole, l’explication sont indispensables. Si la décision est collective, il revient au politique, qui nous représente, d’endosser la responsabilité de communiquer à ses concitoyens la décision prise, éclairée par les conseils et avis d’experts, pour envisager, autant qu’il est possible, les conséquences. Mais, comme l’expose Max Weber, toutes les conséquences ne peuvent être connues et l’action politique s’accomplit toujours sur un fond d’incertitude.

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