Tribune - « Fardeau du proche aidant : le symptôme d'une société éclatée »

Proche aidant

Retrouvez la tribune sur le rôle du proche-aidant cosignée par des élus MoDem (Barbara de Vos, conseillère nationale du Mouvement Démocrate, Erwan Balanant, député du Finistère et secrétaire général adjoint du MoDem, Rebecca Breitman, conseillère municipale de Strasbourg, Maud Gatel, Secrétaire générale du MoDem et conseillère de Paris et Nicolas Turquois, député de la Vienne) publiée dans La Tribune.

OPINION. Quand la maladie ou le handicap frappe, la vie bascule, et avec elle tout un écosystème. Le proche aidant émerge alors, pilier discret mais essentiel, souvent isolé et accablé. Ce rôle, que nos sociétés délèguent à quelques-uns, révèle une crise profonde de la solidarité. Pour alléger ce fardeau, il ne suffit plus de soutenir ces aidants : il faut repenser nos liens, nos villes et nos politiques, afin de faire de la dépendance une responsabilité partagée plutôt qu’une épreuve solitaire.

La maladie ou le handicap frappent, souvent sans prévenir, et font basculer l'existence d'un individu. Mais cette déflagration ne s'arrête pas à une seule vie : elle rayonne, bouleverse un couple, fracture d'une famille, déséquilibre un écosystème entier. Au cœur de ce chaos né la figure du proche aidant. Cet homme ou cette femme prend sur ses épaules la lourde charge de l'accompagnement quotidien, sacrifiant bien souvent sa propre vie pour subvenir aux besoins d'un conjoint, d'un parent ou d'un enfant devenu dépendant.

Une société aux liens distendus

Mais ce modèle solitaire d'amour et de dévotion pose une question cruciale : pourquoi une telle charge repose-t-elle sur si peu de personnes ? L'aidant moderne se retrouve fréquemment seul, acculé, isolé dans un rôle qu'il n'a pas choisi. Et cette solitude est le reflet de notre société contemporaine qui a vu s'effriter les structures de solidarité qui faisaient autrefois sa force.

Dans les sociétés plus traditionnelles, la dépendance d'un individu était une responsabilité partagée. Une personne fragilisée pouvait compter sur une constellation d'aides : des enfants nombreux, des beaux-fils et belles-filles, des voisins solidaires, des cousins, des amis de longue date, des collègues, des coreligionnaires tous soudés par la proximité géographique et des liens communautaires solides. Le poids, réparti entre de multiples épaules, en devenait moins pesant. La dépendance n'était pas qu'un fardeau, elle était aussi une occasion de renouer les fils de la solidarité.

Mais aujourd'hui, cette toile s'est déchirée. Les familles, souvent réduites à leur plus simple expression, sont éclatées par la distance. Les amis sont dispersés, le voisinage devenu anonyme. Les institutions qui rythmaient une vie se sont faites plus discrètes. L'État providence, en substitut, montre ses limites. La charge, qui hier était collective, dont on a un temps cru que l'État prendrait le relai seul, repose désormais sur un ou deux individus - souvent un conjoint, parfois un enfant - dont la vie s'en trouve broyée.

Recréer les conditions de la solidarité

Face à cette réalité, la réponse dominante consiste à chercher des solutions pour « mieux soutenir les aidants ». Mais cette approche ne fait que perpétuer le problème : elle entérine l'idée que l'aidant, seul, doit continuer à être l'épine dorsale du soutien. Et si, en plus de chercher à améliorer les conditions de l'aidant isolé à court terme, nous envisagions de faire disparaître ce modèle même de l'aidant unique ?

Faire disparaître l'aidant isolé ne signifie pas nier le besoin d'accompagnement. Cela signifie reconstruire un modèle de solidarité collective, réinventer des mécanismes de soutien partagés et imbriqués. Cela passe par des politiques publiques audacieuses : davantage de dispositifs de répit pour les aidants et de services d'accompagnement professionnels accessibles et équitables, mais aussi des politiques favorisant la reconstruction de liens sociaux. Et c'est ici que se situe le cœur de l'enjeu pour changer de paradigme : reconfiguration de l'urbanisme pour créer des lieux où voisinage rime avec entraide (béguinage, tiers-lieux, logements intergénérationnels, EHPADs territorialisés, etc.) ; empouvoirement des acteurs pour vivifier les dynamiques du tissu associatif ; renforcement du maillage quartier à l'intérieur des municipalités, etc. Et pour tout cela, il faut changer de prisme : considérer la dépendance non comme une responsabilité individuelle, mais comme une affaire collective.

Le proche aidant d'aujourd'hui est le symptôme d'une société éclatée, de villes déstructurées. Si nous voulons alléger sa charge, nous ne devons pas seulement améliorer ses conditions d'existence, nous devons réapprendre à être ensemble. Parce qu'une société qui isole ses aidants est une société qui fragilise ses membres les plus vulnérables.

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(*) Signataires :

  • Barbara de Vos, Conseillère nationale du Mouvement démocrate
  • Erwan Balanant, Député du Finistère
  • Rebecca Breitman, Conseillère municipale de Strasbourg
  • Maud Gatel, Conseillère de Paris
  • Nicolas Turquois, Député de la Vienne

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