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Max Orville : « Avant de réclamer de nouveaux pouvoirs, les élus devraient commencer par exercer correctement ceux qu’ils ont déjà »

Propos recueillis par Michel Taube
Max Orville

Président du MoDem Martinique et référent Outre-mer du Mouvement Démocrate, l’ancien député européen Max Orville livre à Opinion Internationale une analyse lucide de la situation institutionnelle martiniquaise. Il juge sévèrement le « Congrès de la rupture » organisé, qu’il considère déconnecté des préoccupations réelles des habitants. Pour lui, la priorité doit être donnée à la vie chère, à la gestion des compétences locales et au développement économique plutôt qu’à de nouvelles revendications statutaires.

Max Orville, bonjour. Vous avez été député européen et êtes président du MoDem Martinique et référent Outre-mer du MoDem. Merci de répondre à Opinion Internationale. Première question liée à l’actualité : que pensez-vous de la nomination de Naïma Moutchou au ministère des Outre-mer ?

Je ne la connais pas personnellement, mais je lui souhaite la bienvenue. J’espère qu’elle saura très vite se mettre au fait des problématiques essentielles : la vie chère aux Antilles-Guyane mais sur des bases nouvelles, la situation en Nouvelle-Calédonie, qui est également prioritaire, et plus globalement une connaissance lucide et sans idéologie des Outre-mer. Mon souhait, c’est qu’elle tienne compte de nos réalités tout en gardant à l’esprit que nous faisons pleinement partie de la République.

En Martinique, le Congrès des élus, d’abord présenté comme le “Congrès de la rupture”, s’est tenu à l’initiative de Serge Letchimy, président de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique). Pensez-vous que la Martinique s’oriente vers une rupture, et qu’avez-vous pensé de cet événement ?

Permettez-moi d’abord de dire que j’étais en Martinique il y a deux semaines à peine, et je n’ai pas senti dans la population un intérêt particulier pour ce Congrès

(...)

Pourquoi, selon vous ?

Pour deux raisons principales. D’abord parce que ce n’est pas la préoccupation des Martiniquais. Les habitants du nord de l’île, par exemple, manquaient d’eau récemment à cause d’un conflit social entre la SAUR et ses employés. La vie chère reste une angoisse quotidienne. Et les gens attendent des réponses concrètes à leurs problèmes, pas une réforme institutionnelle.

Ensuite, parce que la “rupture” annoncée n’en est pas une. C’est un catalogue d’intentions.

Le président de la République n’est-il pas en partie responsable dans le sens où il a clairement ouvert la boîte de Pandore en se disant favorable à un débat sur les institutions des Outre-mer ? Le 30 septembre, il a reçu les élus des Antilles et de la Guyane et semblé valider l’idée d’une nouvelle étape vers l’autonomie. Est-ce, selon vous, une erreur ?

Il faut replacer les choses dans leur contexte. Il y a quelques années, l’“Appel de Fort-de-France” avait semblé unir les Outre-mer. Aujourd’hui, cette union se fissure : la Réunion et Mayotte ont clairement dit qu’elles voulaient rester dans la République. Seules la Caraïbe et la Guyane parlent d’autonomie. Donc que le président entende les doléances des élus, c’est normal.

Lors de ce dîner, Emmanuel Macron leur a dit clairement : “Si vous voulez travailler sur ce sujet, pourquoi pas, mais si vous demandez l’exception, vous devrez aussi assumer les conséquences.” Ses mots ont été très clairs.

Le problème est du côté des élus ultra-marins : nos élus réclament depuis vingt ans “plus de pouvoirs, plus d’adaptation”, mais on tourne en rond. Souvenez-vous des débats sur les articles 73 et 74 de la Constitution. On en revient toujours aux mêmes formules, aux mêmes revendications.

Pourtant, en Martinique, et c’est le point clé, la population, selon un sondage que j’ai commandé pour le MoDem le 19 août, reste majoritairement hostile à toute évolution institutionnelle, à toute autonomie qui friserait avec une forme d’indépendance et, surtout, elle n’a aucune confiance dans les élus. C’est cela, le vrai drame.

Ce Congrès n’est-il pas une fuite en avant, voire une fuite des responsabilités face à la situation difficile de la CTM ? 

Tout à fait. Je partage totalement, et même complètement, la position de Yan Monplaisir, sans qu’on se soit concertés, et qui s’est exprimé dans vos colonnes. 

Avant de réclamer de nouveaux pouvoirs, les élus devraient commencer par exercer correctement ceux qu’ils ont déjà. Et ils en sont loin ! 

La situation financière de la CTM est très préoccupante, et je ne crois pas qu’une plus grande autonomie réduirait la dette ni les déficits.

Pour conclure, diriez-vous que ce “Congrès de la rupture” n’a été qu’un coup d’épée dans l’eau ?

Oui. On nous promettait une révolution copernicienne, un grand tournant historique. En réalité, il y a eu des absents remarqués, comme Yann Monplaisir, qui a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Beaucoup de Martiniquais partagent son avis.

On verra bien s’il y a un vote, mais je ne suis pas certain que cela mène à quelque chose. Cela me rappelle les débats de 2010 sur les statuts 73 et 74. Quinze ans plus tard, on recommence. Et je le dis clairement : sortir du cadre républicain serait une erreur grave. 

Dans le contexte mondial actuel, la République française nous protège. Regardez nos voisins caribéens : à Sainte-Lucie, le gallon d’essence coûte l’équivalent de plus de cinq euros.

Avec notre monnaie, l’euro, nous sommes stables et protégés. Alors arrêtons de faire diversion. Occupons-nous des compétences qui nous ont été attribuées, mettons en place un véritable schéma de développement économique pour notre territoire. Ce serait déjà un excellent début.

 

Lire l'entretien complet dans l'Opinion Internationale.

 

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