Marc Fesneau : « Nous proposons un impôt sur la fortune improductive »

Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale et premier vice-président du MoDem, a accordé un entretien aux Échos sur les propositions budgétaires du groupe.
Vous sortez d'un rendez-vous des chefs de partis du socle commun avec le Premier ministre. La multiplication des lignes rouges à gauche et à droite vous inquiète-t-elle ?
C'est une mauvaise méthode d'entrer dans la discussion de manière publique avec des lignes rouges.
Les seules lignes rouges qui devraient nous préoccuper sont les priorités pour le pays et pas les intérêts de chaque parti. Les Français ne nous demandent pas de porter chacun nos casaques. Ils nous demandent de trouver des solutions ensemble.
Pour trouver un point d'équilibre, chacun va devoir faire un pas les uns vers les autres. Au MoDem, il n'y a pas de « jamais », nous ne sommes pas des marchands de tapis. Personne n'a raison tout seul.
Est-ce que nous voulons la croissance, l'emploi et favoriser le développement économique ? Oui ? Laisser filer le déficit ? Non. Peut-il y avoir plus de justice fiscale ? Oui. Nous pouvons trouver un accord. Et nous le devons.
En plein débat sur la taxe Zucman, que proposez-vous pour répondre aux demandes de justice fiscale ?
Nous sommes radicalement opposés à la taxe Zucman. Il est juste que les plus fortunés contribuent davantage qu'aujourd'hui.
Mais la justice fiscale, ce n'est pas punir les riches. C'est faire payer à chacun sa juste contribution.
Pour cela, nous proposons de remplacer l'IFI par un impôt sur la fortune improductive, qui ressemble à l'ancien ISF, en excluant le patrimoine utile à l'économie. C'est ce que nous avions proposé dès… 2017. La CDHR (contribution différentielle sur les hauts revenus, ou « impôt minimal » à 20 %) pourrait également être pérennisée jusqu'à ce que le déficit soit revenu sous les 3 % du PIB.
Ensuite, nous voulons limiter les mécanismes d'optimisation fiscale liés au régime mère-fille des sociétés holdings ou encore aux arbitrages de dividendes, aussi appelés «CumCum ». Le MoDem travaille également sur d'éventuels effets d'aubaine liés au pacte Dutreil, qui pourraient être évités. On peut aussi envisager une hausse limitée de la « flat tax », en prenant toutefois garde à ne pas superposer les dispositifs.
L'ensemble de ces mesures pourrait rapporter environ 4 milliards d'euros par an. Mais la fiscalité est loin d'être l'outil à privilégier pour rétablir les comptes publics, par rapport à la réduction des dépenses.
(...)
Faut-il conserver l'idée de François Bayrou d'une « année blanche » ?
Pour faire des économies, maintenir le principe d'une année blanche sur les budgets des ministères, sur les prestations sociales et le barème de l'impôt sur le revenu, doit rester un élément central d'un futur budget.
En revanche, nous réfléchissons à préserver les petites pensions de retraite, cela fera l'objet d'un débat parlementaire.
Outre l'année blanche, où aller chercher les économies ?
L'Etat ne peut pas être le seul contributeur à l'effort. Mais il doit évidemment le faire sur ses interventions en y incluant une réflexion sur les agences et offices. Concernant l'Assurance-Maladie et globalement les dépenses sociales, il faut freiner les dépenses. Qu'il s'agisse des transports sanitaires, des franchises médicales et des participations forfaitaires. Je sais que c'est impopulaire mais il faut faire preuve de responsabilité.
En revanche, je pense qu'il faut entendre l'inquiétude des pharmaciens et revenir sur la baisse des remises commerciales pour les médicaments génériques. Il faut aussi se poser la question du régime des affections de longue durée (ALD).
Enfin, les collectivités locales doivent également participer à l'effort, avec une trajectoire contractuelle de dépenses plus raisonnable.
Au final, quel est l'effort minimal à réaliser dans le budget 2026 ? Avec quelle répartition entre impôts économies ?
Il ne faut pas se mentir : le plan de 44 milliards d'euros de François Bayrou n'est plus tenable compte tenu du contexte politique. Mais se limiter à quelque 22 milliards, comme le préconise le PS, n'est pas raisonnable et la dette s'emballerait. Après 5,4 % du PIB cette année, il faut absolument ramener le déficit public sous les 5 % l'an prochain. Cela implique un effort d'au moins 30 à 35 milliards d'euros.
Un budget comportant un quart de hausse d'impôts et trois quart d'économies sur les dépenses, comme le proposait François Bayrou, me parait le bon étiage. Et la fiscalité ne doit pas être l'excuse pour ne pas réduire la dépense et renoncer à de vraies réformes.
L'intersyndicale a manifesté le 18. Le Medef promet un « grand meeting » dans les prochains jours. Comprenez-vous l'inquiétude du monde économique ?
Si on invente dans le monde syndical les lignes rouges, je ne suis pas sûr qu'on avance mieux. Le Medef veut qu'on ne touche à rien, qu'il n'y ait pas de fiscalité supplémentaire, qu'on ne touche pas aux collectivités car elles soutiennent la commande publique. Nous pouvons tous faire des meetings et des manifestations, mais à la fin, il faut se parler. Et je regrette sur le conclave pour les retraites que le Medef ait refusé de faire un effort sur la pénibilité pour aboutir.
Chacun doit sortir des postures et de l'attitude qui consiste à dire que les efforts doivent toujours être pour les autres, jamais pour soi.
Au MoDem, n'avez-vous pas, avec le vote de confiance proposé par François Bayrou, un sentiment de temps perdu ?
Nous avons forcément un sentiment de gâchis mais de gâchis général. Le sujet de la dette a progressé dans le débat public et il reste entier. Nous avons perdu du temps car nous devions trouver les voies et moyens d'avancer sauf qu'il ne faut pas faire de course à la démagogie.
La question, ce n'est pas, comme je l'ai entendu au PS, de « faire du mal » aux autres, la question, c'est ce qui peut faire du bien au pays. C'est un peu facile de dire qu'il faut jeter tout ce qui a été fait depuis 2017. C'est l'ambiance du moment. Mais je le refuse. Et donc nous ne pouvons pas accepter n'importe quoi.
Lire l'entretien complet dans Les Échos.