Marc Fesneau : « Au moment où l’on parle de rupture, il faut ouvrir des portes et non les fermer »

Dans un entretien au Monde, Marc Fesneau revient sur la situation budgétaire, la succession de François Bayrou à Matignon et l’avenir du bloc central. Le président du groupe Les Démocrates à l’Assemblée nationale défend l’instauration d’un impôt sur la fortune improductive, appelle à « ouvrir des portes et non les fermer » pour bâtir des compromis, et réaffirme la loyauté et le rôle du MoDem dans la majorité présidentielle.
Près de quinze jours après sa nomination, Sébastien Lecornu esquisse des pistes budgétaires dans un entretien au « Parisien ». Qu’en retenez-vous ?
Je trouve nécessaire, et donc me félicite, que le premier ministre fixe le cap d’une trajectoire de réduction du déficit à 4,7 %, à peu près similaire à celle évoquée par François Bayrou (4,6 %), et qu’il laisse la main au Parlement pour trouver des compromis. Je pense que nous avons tous besoin d’y voir assez clair d’ici à la fin de la semaine prochaine [début octobre].
Il faut une mouture budgétaire qui s’approche du plus grand dénominateur commun pour les partis du « socle commun », mais aussi permettre un compromis avec les socialistes.
Le premier ministre ferme la porte à un certain nombre de mesures réclamées par la gauche, mais aussi au retour de l’impôt de solidarité sur la fortune, alors que vous défendez l’instauration d’un impôt semblable…
Sébastien Lecornu dit qu’il ne l’envisage pas mais, dans le même temps, que le Parlement sera souverain à la fin. Dont acte :
le MoDem portera la discussion pour l’instauration d’un impôt sur la fortune improductive, qui est un impôt sur la rente et que nous défendons depuis 2017.
Ce serait une erreur de ne pas comprendre le besoin de prendre une telle mesure juste et symbolique qui réponde au sentiment d’injustice fiscale exprimé par les Françaises et les Français. Si nous n’entendons pas ça, nous n’entendons pas la réalité du pays. Il ne s’agit pas d’une affaire de droite ou de gauche, ni de reniement du bloc central, mais d’une question d’équilibre et de compromis. Et, au moment où l’on parle de rupture, il faut ouvrir des portes et non les fermer. C’est ce qui sera le plus utile au pays. Et cela montrerait un changement.
Le MoDem a-t-il des leçons à tirer de l’échec de son chef de file à Matignon ?
Durant ses neuf mois comme premier ministre, François Bayrou a posé les bons diagnostics sur l’état alarmant de nos finances publiques, la question du train de vie de l’Etat ou encore le besoin de relancer le dialogue social. Il a aussi amorcé des solutions, y compris lors du « conclave » sur les retraites, qui a échoué mais où un accord était tout proche. Et je remarque que, dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu s’est saisi de ces grands sujets.
(...)
Les oppositions ont fait un choix : faire tomber le gouvernement Bayrou. Mais elles ne peuvent pas en permanence renvoyer la seule faute à leur interlocuteur à Matignon.
Alors que l’histoire se répète, chacun doit prendre ses responsabilités et sortir des jeux de posture pour trouver des compromis et faire avancer le pays. Quant au MoDem, nous portions notre propre voix avant la nomination de François Bayrou à Matignon et cela va continuer, sur les sujets de justice fiscale, sur la question de la dette ou celle de l’efficacité de l’action publique.
« Chacun doit prendre ses responsabilités », dites-vous, cela vaut-il aussi pour le bloc central ?
Bien sûr. Il faut être capable de remise en question sans se renier, y compris dans l’espace présidentiel que nous avons construit, où je regrette que l’air du temps soit de prendre ses distances avec le président de la République. Moi, j’assume tout de ce bilan, qui est collectif, c’est une question d’éthique, de loyauté à l’endroit de ce que nous sommes. Je me méfie toujours du « faisons table rase ».
Il y a ce qui a fonctionné : les maisons France services, la fin de la taxe d’habitation, la politique de réindustrialisation, la diplomatie à l’international du président… Mais il faut aussi que nous puissions dire ce qui n’a pas marché. Notamment dans la méthode à l’Assemblée nationale où, pendant des années, le parti présidentiel a refusé d’écouter les oppositions.
Au MoDem, dès le début, nous avons plaidé pour tendre la main aux socialistes et aux républicains.
Je regrette qu’on n’ait pas été entendus plus tôt, que ce ne soit arrivé que tardivement et contraints par l’absence de majorité. Il faut aussi admettre ce que nous n’avons pu changer rapidement, que ce soit en matière de politique salariale, de politique du logement, de justice fiscale ou pour réconcilier les Français.
Vous conduisez les discussions avec Sébastien Lecornu, alors que François Bayrou s’est mis en retrait. Son départ de Matignon ouvre-t-il un nouveau chapitre à la tête du MoDem ?
Tout le monde connaît la relation de confiance et de proximité que j’entretiens avec François Bayrou. Je respecte les processus électoraux : il a été réélu à la présidence du MoDem pour une durée de trois ans en 2024, soit jusqu’en 2027. A date, la question de sa succession ne se pose pas.
Aujourd’hui, au MoDem, nous travaillons à un projet et à une nouvelle dynamique pour les années à venir, comme parti, mais aussi avec nos partenaires du bloc central. C’est à la fois une question de personne certes, mais c’est aussi une question de projet et de dynamique qu’on essaie de créer. Je suis très attentif à faire en sorte qu’on arrive à rouvrir un espace central disloqué entre une gauche qui s’enferme et une droite tiraillée. C’est cette ouverture, basée sur nos valeurs, que nous devons renforcer.