François Bayrou : "Sans 49-3, nous nous retrouverions sans réforme des retraites et sans Gouvernement"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Darius Rochebin sur LCI ce vendredi 17 mars. Revoir son entretien.

Avec nous en direct. Merci beaucoup. François Bayrou, Maire de Pau, président du MoDem, Haut-commissaire au Plan et évidemment pilier de la majorité présidentielle. On va en reparler dans un instant. Vous avez joué un rôle clé dans les dernières heures, dans les derniers jours, dans l'évolution de cette crise, on entendra aussi vos bons conseils et vos pronostics. Mais s'il vous plaît d'abord, peut être votre commentaire sur les images que nous découvrons ensemble en direct.

Bon, ce sont des images qui, évidemment, sont très troublantes et inacceptables, mais inacceptables pour une raison que personne ne dit, c'est que ceux qui manifestent, ce sont les principales victimes s'il n'y a pas de réforme des retraites. Ceux qui qui crient des slogans ou ceux qui participent à ces échauffourées, c'est eux qui paieront. Ces jeunes-là, ce sont les jeunes actifs et les plus jeunes parmi les actifs qui vont devoir porter la dette insupportable qu'on fait grandir chaque année pour ajouter, pour compenser le déficit des retraites en France. Ça, personne ne le dit.

On parlera effectivement très en détail de cette question de fond, c'est à dire ce qui est en train de se passer pour cette génération qui manifeste. On le disait tout à l'heure, beaucoup ont une vingtaine d'années et pour les suivantes. Mais en s'attardant un instant encore sur cet événement même, quel est, selon vous, le risque de l'incontrôlable ici à Paris ? Mais aussi on va l'évoquer à Lyon, à Toulon, à Bordeaux où ce genre d'événement, a lieu.

Je pense que les forces de l'ordre ont fait ces dernières années des progrès considérables et qu'il faut saluer et souligner que ce qu'ils ont organisé comme progrès pour avoir la maîtrise de ce genre d'accident de foule ou de risque d'accident de foule, ça mérite un coup de chapeau et les réunions qui ont été organisées, les progrès sans cesse maintenus, les études parfois extrêmement poussées et scientifiques qui sont faites et le préfet de police y participe et tous les syndicats, vous avez entendu Monsieur Joron, les syndicats sont partie prenante de cette maîtrise du risque et ça passe par le respect des manifestants. Éviter les affrontements, éviter la confrontation, éviter la violence et les chocs et ça mérite un coup de chapeau.

Est-ce que cependant il faudra être ferme dès lors qu'il s'agit d'un blocage possible de l'intérieur, disait ni bordelisation, ni zadisation. Ce sont ces termes. Est-ce que dès lors qu'on parle des raffineries, qu'on parle vraiment de l'alimentation nécessaire du pays, il faut être plus ferme ?

Il n'y a pas une société dans le monde qui puisse survivre au désordre absolu que certains mouvements ou certaines tendances voudraient créer et faire flamber. Il n'y a pas une société dans laquelle on puisse étudier, travailler, projeter son avenir, si on est dans la violence, si on est dans le fait qu'on fait flamber les choses ou si on est dans le fait que, par exemple, les poubelles ne sont plus relevées et que s'entassent plus de 10 000 tonnes de poubelles avec tous les risques sanitaires que cela comporte.

Il est temps d'y remédier. C'est le fait le plus anecdotique. Mais évidemment, ça frappe en France et dans le monde entier. Ces images des poubelles dans Paris dont une partie est brûlée maintenant. Mais pour vous, il est temps maintenant immédiatement d'y remédier ?

Eh bien, il est temps depuis plusieurs jours, le fait que l'on se satisfasse de cette espèce de dérive qui fait que la capitale de la France, la Ville lumière, la ville vers laquelle converge tant et tant d'habitants de la planète pour découvrir quelque chose de grand et de beau que ce soit enseveli sous les détritus, c'est insupportable avec tout ce que ça fait courir, comme risques que nous savons de sanitaires et de rats, de tout ce que l'imaginaire collectif met sous des monceaux de poubelles qui ne sont pas relevez. On ne peut pas vivre pas comme ça, vous comprenez ? Je voudrais vous dire pourquoi on ne peut pas vivre comme ça. Parce que ceux qui trinquent, ce sont les plus pauvres, c'est ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir des résidences, d'avoir de beaux appartements et qui ont seulement leur ville pour être fiers et pour avoir de la beauté autour d'eux, pour découvrir ce que les perspectives sublimes que des Haussmann ont mis en place. C'est eux les pauvres, qui sont les victimes et qui trinquent. On dit qu'on se bat en leur nom, on se bat contre leur vie et leur cadre de vie. Et donc oui, pour moi, c'est inacceptable et c'est pourquoi la sécurité est le premier des droits de l'homme.

Vous avez dit tout à l'heure certains ont encouragé assez à ces désordres. Qui politiquement est responsable de cela ?

Non, je n'ai aucune envie de jouer au jeu de C'est la faute des autres. Je trouve qu'en France, le leitmotiv c'est la faute des autres. Quand on est dans un camp, on pense que c'est la faute des autres, de l'autre camp et réciproquement. Et moi, je ne veux pas être dans un camp. Je veux chaque fois que nécessaire, si je peux, si nous avons la force morale nécessaire, je veux défendre le bien, le patrimoine commun que nous construisons ensemble. Et donc j'ai aucune envie de mener des procès contre les uns et les autres. J'ai des idées, j'ai les yeux ouverts. Je ne suis pas totalement stupide, mais je n'ai pas envie d'être procureur.

Alors c'est très louable. Mais alors François Bayrou, si vous ne voulez pas parler de la faute des autres, est-ce qu'il y a une part de faute dans votre propre camp ? Le 49-3, Il est dans la Constitution. Ce n'est pas un putsch, on l'a bien compris, mais le fait qu'il soit ressenti de cette manière, est-ce que ça n'a pas été sous-estimé par votre propre camp ?

Pas du tout. Mais ce qui a été une insuffisance, c'est qu'on n'a pas réussi ou qu'on n'a pas su partager avec les Français les raisons qui font que cette réforme, et je pèse mes mots, pardonnez-moi de le faire, que cette réforme est vitale, c'est-à-dire que ce que nous jouons là, c'est l'essentiel ou une part essentielle de notre avenir. Pourquoi cette réforme est vitale ? Je reprends les chiffres et je ne vous embêterai pas longtemps avec les chiffres : les pensions de retraite, le coût des pensions de retraite, c'est 345 milliards. Il faut rappeler qu'un milliard c'est 1000 millions d'euros, 345 milliards. Sur ces 345 milliards, les employeurs du privé comme du public en paient, en assument 270 milliards. Le reste, c'est l'État. L'État, pour deux fonctions principales. La première, il compense les sacrifices ou les aides ou les coups de pouce qu'il demande aux caisses de retraites. Et deuxièmement, il compense les déficits des régimes de retraite et il les compense à hauteur de 30 ou 40 milliards d'euros tous les ans depuis 20 ans.

François Bayrou pardon, je vous interromps, ça veut dire que le risque n’est pas à long terme mais serait immédiat ces prochaines années ?

Immédiat, pas ces prochaines années, les années actuelles. Et je suis, moi estomaqué, stupéfait et j’écarquille les yeux devant le fait qu'on ne le dise pas. On cache ça, on a caché ça, j'ai édité une analyse du plan qui a établi tous ces chiffres et ils n'ont été contestés par personne. Donc tous les ans, pour compenser les déficits des régimes de retraites, on apporte entre 30 et 40 000 millions d'euros tous les ans. Cet argent, si on l'avait, on serait tout à fait libre de le donner aux caisses de retraite. Mais nous ne l'avons pas. Cet argent nous l’empruntons tous les ans, donc qui va payer ? C’est ceux qui manifestent ce moment.

Ont dit Emmanuel Macron a dit qu'il fallait absolument la réforme coûte que coûte, sans quoi il y avait un risque financier et économique. Et on interprète souvent ça en disant c'est les marchés qui risqueraient de mal réagir. Vous dites Le risque est encore plus grand. Il est notamment du fait de la hausse des taux immédiats.

Mais la hausse des taux, vous le savez bien, vous l'avez répété ces jours-ci plusieurs fois sur votre antenne, je vous ai entendu Monsieur Rochebin, la hausse des taux est en cours et donc accumuler les dizaines de milliards de dettes sur le dos de ceux qui les paieront, c'est-à-dire les plus jeunes, c'est immoral, c'est inacceptable, c'est condamnable de toutes les manières, on n'imagine pas des parents et des grands parents qui se feraient payer par des chèques, par leurs enfants ou leurs petits-enfants, leurs retraites, leurs ressources. Personne ne peut imaginer ça. C'est ce que nous faisons tout le temps et le crève-cœur pour moi, c'est qu'on n'a pas réussi à le faire entendre.

Aidez-nous à comprendre pourquoi ça s'est mal passé pour l'instant. On verra la suite, On verra la motion de censure et on va en reparler. Mais pour bien décortiquer ce qui s'est produit, vous êtes non seulement un acteur, mais un témoin. Lorsque vous étiez dans ces réunions cruciales auprès d'autres responsables de la majorité ou auprès du président de la République, quand la décision a été prise d'aller au 49-3, est ce que c'est vrai d'abord que vous n'étiez pas de cet avis, que vous auriez préféré aller au vote ?

Non. J'aurais préféré, je l'ai beaucoup expliqué, qu'on vote. Mais dans les circonstances où nous étions hier, j'estime qu'il n'y avait pas d'autre choix parce que, en fait, ce sont des petites affaires politiciennes, de politique parlementaire, de couloirs, de discussions. Le gouvernement a cru et la majorité a cru pendant très longtemps, moi, je n’y croyais pas trop, mais la majorité a cru pendant très longtemps qu'elle allait recevoir le soutien d'une partie des oppositions qui allaient apporter leurs suffrages et leur vote pour que la réforme puisse se réaliser. 

Qu'est-ce qui s'est passé par François Bayrou ? On parle d'une des plus grandes réformes emblématiques pour le quinquennat, pour cette génération. Est-ce que le président de la République, est ce que madame Borne ont surestimé la fiabilité de ces LR ? Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? Est-ce qu’ils n'étaient pas fiables. Est-ce qu'il ne tenaient pas leurs troupes ? Qu'est ce qui s'est passé ?

Je crois qu'il y a eu dans la majorité, dans l'exécutif, comme une illusion, illusion à laquelle vous savez bien, je n'ai pas participé parce que quand quelqu'un, j'essaie de parler avec respect, y compris de mes adversaires, pour essayer de comprendre ce qui se passe dans leur esprit, quand quelqu'un a été élu dans l'opposition, c'est très difficile qu'il apparaisse comme le sauveteur de la majorité. Je crois que, de bonne foi, un certain nombre étaient prêts à le faire. Mais leur nombre s'est avéré insuffisant pour arriver à un résultat garanti. Et c'est cette découverte qu'au fond, on avait cru à une situation plus favorable, qu'on avait fait croire à une situation plus favorable. Cette découverte du constat chiffré qui a amené à une conclusion et la conclusion est celle-ci : s'il n'y avait pas eu le 49-3 que je défendrai dans une minute, s'il n'y avait pas eu le 49-3 hier soir, jeudi soir, nous nous serions trouvés avec plus de projet de loi de réforme des retraites. Il aurait été battu au vote et plus de gouvernement, puisque le gouvernement était évidemment tout entier tourné vers la réforme des retraites.

Le gouvernement a mal estimé la capacité de soutien de ces LR et est-ce qu'il court le risque là, lors du vote de la motion de censure, d'aller à l'inconnu ? Est-ce que pour vous, le risque existe pour le gouvernement d'être renversé lundi ?

Le risque existe toujours. Ce sont des moments d'extrême tension. Ce sont des moments qui sollicitent le plus profond de l'engagement des parlementaires, des députés, des trois groupes de la majorité et des députés de l'opposition qui vont devoir faire un choix en conscience qui est un choix extrêmement lourd. Parce que cet article 49-3 de la Constitution qu'on a pris l'habitude de vilipender, je ne sais pas pourquoi, peut-être, je suis d'une naïveté confondante, mais je crois connaître assez bien les institutions de la cinquième République. L'article 49 alinéa 3 de la Constitution, c'est une des clés de voûte de la cinquième République. Qu'est-ce qu'il dit cet article ? Il dit quelque chose de d'absolument compréhensible. Vous êtes le gouvernement et vous vous avancez devant les Français. Vous dites : Écoutez, le projet que je vous propose est tellement important pour moi que si vous n'en voulez pas, il faut que je m'en aille, si vous ne voulez pas, Si l'Assemblée nationale refuse ce projet, alors le gouvernement est obligé de s'en aller. Mais il n'y a pas plus démocratique, il n'y a pas plus sérieux, il n'y a pas plus grave comme vote que ce vote-là. Ceux qui disent les zozos qui disent : on va adopter un texte sans vote, ce n'est pas seulement un vote, c'est le vote le plus important de la cinquième République.

Si le gouvernement avait pu éviter d'en arriver là, il aurait évité. Et donc c'est bien qu'il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné. Est-ce qu'il y a eu un manque, disons, de travail, de capacité, de savoir-faire, c'est aussi du sang froid et un manque de savoir-faire ? 

Je n'ai pas du tout envie, Darius Rochebin, je n’ai pas du tout envie de mener l'accusation contre les uns ou contre les autres. J'étais, comme vous le savez, assez sceptique sur tout ça, mais je veux vous dire, Michel Rocard, le texte le plus important qu'il a fait adopter, c'était la CSG, la contribution sociale généralisée, c'est-à-dire le fait qu'on allait transférer sur l'impôt une partie des cotisations sociales qui pesait trop lourd sur le coût du travail, par exemple.

Comment l’a-t-il fait adopter ? Par le 49-3. J'étais député, je n'étais pas dans les rangs de Michel Rocard et de la majorité de l'époque qui n'avait pas de majorité. Mais il y a des moments où c'est si profond, si grave, si lourd que vous faites passer votre esprit de préférence partisane après l'intérêt général. Et c'est, je crois, ce qui va se passer lundi.

François Bayrou, si la motion de censure est refusée, d'abord, est-ce que pour vous, ça reste l'hypothèse la plus crédible ? 

Oui.

Bon, mettons qu'elle soit refusée. Est-ce que malgré tout, un remaniement se profile ? Est-ce que, après une crise pareille, il serait logique, sans désavouer les personnes, mais qu’il y ai un remaniement ?

Alors permettez-moi de vous dire au cas où vous ne vous seriez pas aperçu que je ne suis pas président de la République. C'est le président de la République qui a cette responsabilité de juger de la situation. Et je puis vous assurer, il m'arrive de parler avec lui de ces sujets, que c'est en profonde conscience qu'il mesure la situation de tension où nous sommes et les risques encourus. Donc, c'est lui qui jugera.

Est ce qu'il y a un moment quand même politique où il faut donner un coup de sac, il faut redonner une fraîcheur, un élan à ce gouvernement d'une manière ou d'une autre ?

Bien, vous voyez bien qu'après cette séquence, il faudra ouvrir une page nouvelle. L'élection présidentielle s'était focalisée sur la réforme des retraites. J'ai souvent exprimé que je pensais que ce n'était pas le seul sujet pour le pays. C'est un sujet gravissime pour la raison que je vous ai dite. C'est un sujet qui, nous qui nous plonge dans les extrêmes difficultés d'un pays qui s'endette sans cesse pour simplement assurer les dépenses quotidiennes. C'est n'importe quoi. Quand on s'endette, il faut le faire pour construire des choses importantes pour l'avenir, pour faire des investissements, pour construire des hôpitaux, des universités, des centres de recherche.

Cela, vous l'avez dit et très clairement. Vous n'avez pas parlé ici de la politique au sens tout à fait noble. Est-ce que madame Borne peut rester Premier ministre après ça ?

C'est le choix qu'elle fera. Et que fera le président de la République. Elle a dit hier quelque chose qui a été rapporté par les journaux et qui est vrai. Elle a dit que son intention n'était pas de mettre son cas particulier dans la balance, qu'elle était prête à encourir les risques au nom de l'ensemble de la majorité. Et comme vous avez vu, elle l'a fait courageusement devant l'assemblée déchaînée, les hurlements. Il faut savoir que c'était à un point tel que les députés qui étaient dans l'hémicycle n'ont pas entendu le discours de la Première ministre. Vous, nous et nous, nous l’avons entendu grâce à vos micros qui sont savamment réglés pour amoindrir le son de l'hémicycle et les rendre plus présents le son du micro de l'orateur. Mais les députés dans la salle, j'allais dire les pauvres députés qui vivent tout ça comme quelque chose de déshonorant et qui en sont profondément blessés. Les témoignages sont innombrables, ceux que je reçois qui disent : Mais ce n'est pas possible de continuer comme ça. Il y a là quelque chose qui nous déshonore comme représentants du peuple.

Mais il y a aussi les députés, soit du RN qui ne pensent pas ça, soit surtout de la France insoumise qui ne pensent pas ça et c'est eux précisément qui chantaient la Marseillaise. Quel jugement vous portez sur eux ?

Bon, ils ont choisi un mode de déstabilisation. Quelqu'un a employé le mot de ZAD. C'est quelque chose de cet ordre. Ils ont choisi la déstabilisation maximale pour empêcher l'exercice normal du pouvoir. Je pense qu'ils se trompent profondément pour notre démocratie, pour notre vie en commun. Mais c'est ce qu'ils ont choisi et c'est ce qu'ils sont en train de faire et la majorité des députés de l'Assemblée nationale vit cela comme une perte de sens. Ils disent mais à quoi ça sert qu'on soit là, dans cette espèce de perpétuel charivari ?

En dehors même de l'Assemblée nationale, tout à l'heure, c'est nos envoyés spéciaux qui le disaient. On a brûlé des effigies en carton d'Emmanuel Macron. Ça rappelle pendant la crise précédente, notamment Emmanuel Macron qui avait été en effigie, décapité. Comment est-ce que vous jugez ce genre de représentation ?

Bah, vous savez bien. Je la juge comme vous et comme tous ceux qui, la plupart de ceux qui nous écoutent, c'est attristant au point d'en être inquiétant. Le fait qu'on joue avec des effigies pour leur faire subir les tortures et les supplices, c'est un très mauvais signal pour un pays. Pourquoi ? Parce qu'il y a des enfants, il y a des gosses qui voient ça et qui, après tout, finissent par s'habituer à ce genre de comportement violent. Et donc, pour moi, évidemment, évidemment, vous n'attendiez pas une autre réponse, je trouve que c'est très mauvais signe sur l'évolution de notre état d'esprit En tant que pays. Et si nous ne sommes pas capables de corriger ça, alors nous allons rencontrer de très graves accidents, comme pays, comme nation.

Est-ce que c'est le moment que le vieux monde politique reprenne un peu la main quand on voit que le gouvernement, de fait, a raté une partie de son coup ? C'est la presse internationale qui est très sévère sur ce qui s'est passé et il n'y a pas besoin d'être de façon très objective. Et évidemment, s'il n'y avait pas eu le 49-3, ça aurait été mieux pour vous. Est-ce que c'est le moment de revenir à un certain savoir-faire politique qu'on a beaucoup appelé le vieux monde ?

Oui, mais que je n'ai jamais appelé le Vieux monde. D'abord parce que, sans doute, j'ai fait un long bout de chemin avec ce monde-là et qu'il y avait des personnalités politiques ayant un très grand sens des responsabilités et de très grande culture démocrate. C'est une respiration, c'est oui, bien sûr. C'est comme ça que ça s'est passé, mais c'est une respiration. Il y a des moments où les peuples ont besoin de renouveau et de jeunesse. Et puis il y a des moments où ils ont besoin d'expérience. Alors, si on pouvait avoir la jeunesse et l'expérience en même temps.

Malheureusement, c'est très peu souvent le cas. Et donc oui, je sais que dans beaucoup d'esprits aujourd'hui, il y a l'idée que tout ça n'est pas à la hauteur. Donc, dans beaucoup d'esprits, il y a l'idée qu'on ne peut pas s'accommoder d'accepter de baisser les bras et qu'il va falloir donner au pays, partager avec les Français, responsabilité que le président de la République va devoir exercer, partager avec les Français une autre vision de l'avenir et au fond, une autre hiérarchie des valeurs qui nous font vivre.

François Bayrou, traduisons tout cela. Vous savez que c'est une question de personnes aussi. C'est un secret de polichinelle que vous étiez assez critique lors de la nomination de madame Born. Est-ce qu'en terme de personnes, cela doit jouer vous-même, est-ce que vous êtes candidat Premier ministre ?

Non, cette présentation-là. Si vous croyez que je viens à votre micro et que nous avons un duplex aussi important depuis Pau, depuis les Pyrénées pour faire acte de candidature à une fonction, alors c'est que vous n’avez pas compris où j'en suis aujourd'hui. Je n'ai pas de carrière, je n'ai pas de soucis de carrière, probablement j’en ai eu comme tout le monde. Mais aujourd'hui, je suis devant le spectacle d'un pays qui s'abandonne et qui a le sentiment d'être abandonné, d'être abandonné par tous les cadres à qui il avait fait confiance. Je ne parle pas des personnalités, mais les cadres du pays : la loi, la Constitution. 

Est-ce que le mal qu'est ce mal n’est pas plus profond ? Vous dites un pays qui s'abandonne, on va parler dans un instant de la Chine, des États-Unis, de la grande compétition mondiale. Ce pays qui, à tort ou à raison, ne veut pas prolonger le temps de travail. Est-ce que ce n'est pas un pays qui ne veut plus jouer la carte d'une compétition extrême ? Encore une fois, à tort ou à raison, que d'autres, à notre place, vont jouer, notamment les Chinois ?

Bon, c'est évidemment une question très importante et c'est probablement la question en géopolitique, en relations politiques entre les grands États et les États dans le monde. C'est la question que vous dites, il n'y a pas de destin pour un pays s'il n'est pas habité par cet élan vital, comme aurait dit un grand philosophe qui s'appelait Bergson, habité par cet élan vital de vouloir porter son destin au-delà même des limites qui lui sont imposées.

C'est le cas, par exemple, pour la question de la démographie. On parle de la Chine. La Chine est devant un drame démographique, la Chine dans les 30 ans qui viennent, va perdre, écoutez bien, plusieurs centaines de millions d'habitants et va évidemment se trouver en situation périlleuse du point de vue de l'équilibre de la société qui est la sienne.

Mais nous, si nous n'acceptons pas de poser la question démographique dans notre pays, du renouvellement des générations, du renouvellement du travail, de la recherche, de l'invention, alors nous serons condamnés à être déclassés perpétuellement. C'est ce que nous sommes en train de vivre. Alors on dit il n'y a pas assez de sous, il n'y a pas assez de sous parce que nous n'avons pas produit assez.

Et si nous n'avons pas produit assez, c'est probablement parce que nous n'avons pas instruit assez les enfants et que nous avons toutes ces crises imbriquées les unes dans les autres que pour certains d'entre nous, nous avons non seulement vu venir, mais décrites, mais multiplié les avertissements. Si on ne s'attaque pas à ça, alors il est sûr que le destin de la France sera de voir disparaître son étoile en se voyant. 

On parle de la France en général, de son destin dans le système de la cinquième République, tout vient au président de la République, tout lui revient. La personne d'Emmanuel Macron. Vous disiez Ce n'est pas la faute à X ou Y, tout lui reviendra. De toute façon, qu'est-ce qui a manqué au président de la République pour arriver à cette situation-là qui visiblement n'est pas celle que lui-même souhaitait il y a encore quelques jours ?

Je pense qu'il y a eu un moment d'incompréhension et les gilets jaunes ont été une étape très importante de ce moment d'incompréhension là. Et le président de la République avait, a passé un contrat avec le pays qui est de renouveler profondément le pouvoir, ses habitudes, ses attitudes et le lien avec les Français. Il l'a fait sur un certain nombre de sujets Il s'est attaqué aux scléroses de la haute fonction publique, il s'est attaqué, comme on dit, à ce qu'il y avait de complètement bloqué dans un certain nombre de corps. Ici, il a fait ces efforts-là.

Mais François Bayrou, vous avez lâché gilets jaunes. Quand on voit ce qui se passe ce soir à la Concorde, quand on voit ce qui se passe à Toulon, à Bordeaux, à Lyon. Est-ce que c'est le grand spectre ? Est-ce que vous allez devoir céder si demain ça prend cette ampleur-là ? Si demain il y a un mort ?

Je ne crois pas. Je ne le crois pas et je n'en crois rien. Et s'il y avait ce mouvement de dérive et de démission, ça serait une catastrophe formidable comme j'ai eu l'occasion de vous l'expliquer pour les plus jeunes des Français, les victimes. Ceux qui portent sur le front la pancarte des victimes, certaines à venir et qu'on fait ou qui défilent de bonne foi en croyant qu'au contraire ils vont défendre leurs avantages et leurs libertés. C'est là la tragédie de ce mouvement.

C'est un, c'est un quiproquo tragique et donc je suis certain que l'intérêt du pays commande. Non pas qu'on tienne bon, mais qu'on soit capable de porter jusqu'à leur terme des décisions et des prises de conscience. Et vous me demandez ce qui manque le plus ? Ce qui manque le plus, c'est la prise de conscience. Ce qui manque le plus, c'est que chez nous, dans nos familles, autour de la table de famille, avec nos amis, nous disions : Bon, quand même ce n'est pas exactement ce qu'on souhaiterait. Ce n'est pas forcément les gens qu'on souhaiterait exactement, mais nous ne pouvons pas rester sans rien faire.

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