François Bayrou, invité de "Questions politiques" sur France Inter et France Info TV

François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Thomas Snégaroff dans l'émission “Questions politiques” sur France Inter et France Info TV ce dimanche 29 janvier à 12h00.

Notre invité qui va entrer, lui, n'a pas la tentation de Pau parce qu'il y est. Mais il est aussi à Paris avec nous, François Bayrou est l'invité de Questions politiques.

Bonjour François Bayrou. Bonjour et merci d'être avec nous jusqu'à 13 h en direct. Maire de Pau, mais aussi Haut-commissaire au Plan et allié, je crois que je peux le dire encore au présent, d'Emmanuel Macron. On va en parler ensemble pendant un long moment. François Bayrou, ce matin France Info a diffusé une interview exclusive d'Elisabeth Borne, faite lors de son déplacement dans le Calvados, c'était hier.

Julie Marie-Lecomte, journaliste politique de Radio France, lui a demandé si l'âge légal de départ à la retraite était encore négociable. (...) Alors non, ce n'est plus négociable. Est-ce que vous pensez qu'à deux jours d'une grande manifestation avec une opinion publique qui est quand même largement en défaveur de cette réforme, et notamment de l'âge de départ à 64 ans, c'est une bonne chose de dire cela ?

C'est le cœur de la réforme. Si on disait que la réforme, ça n'est plus le décalage pour qu'il y ait plus de personnes qui travaillent, alors il y aurait plus de réforme. Mais il me semble qu'il y a une chose qu'il est important de reprendre, de rappeler, c'est la raison de cette réforme. Parce qu'on se perd dans des considérations et on oublie parfois l'essentiel, c'est l'arbre qui cache la forêt.

Qu'est ce qui se passe ? Il se passe que notre système de retraite est depuis très longtemps en déficit extrêmement grave.

Ce n'est pas la lecture de tout le monde, ça.

C'est la lecture des chiffres. Le Plan a rappelé les chiffres précis que je vais donner devant vous et personne n'a contredit ces chiffres, et on ne peut pas les contredire parce que ce sont les chiffres même que le Conseil d'Orientation des Retraites rappelle dans ses annexes.

Ces chiffres sont ceux-ci : il y a un déficit de 30 milliards d'euros tous les ans - 30 milliards d'euros je rappelle à ceux qui l'oublieraient c'est 30 000 millions d'euros tous les ans -  c'est l'État qui apporte cette somme pour arriver à un équilibre. Car les chiffres repris habituellement, ce sont des chiffres après versement de 30 milliards de l'Etat, 30 000 millions d'euros tous les ans.

Et alors, on dit "Bon, c'est normal, l'État verse pour équilibrer". Mais si l'Etat avait cet argent, on pourrait discuter, on considèrerait que ça va, qu'après tout on peut prendre cette décision. Mais l'Etat n'a pas cet argent. Ce n'est pas de l'argent que l'Etat donne au système de retraites, c'est de l'argent que l'Etat emprunte tous les ans, de sorte que l'équilibre du système des retraites, il est mis à la charge des générations qui viennent.

Un pays dans lequel les pensions des plus âgés sont mises à la charge des plus jeunes est un pays qui ne respecte pas les règles morales élémentaires qui font qu'une génération en place, normalement, elle aide la génération suivante.

Sauf que notre système de retraite par répartition, c'est les générations d'aujourd'hui qui prennent en charge des générations plus âgées.

Non pas du tout.

Donc ce raisonnement, il ne fonctionne pas toujours.

C'était ça, ce serait très bien.

Théoriquement, je veux dire bien sûr.

On vit sur une illusion, tout le monde se gargarise, y compris les responsables politiques et les médias, d'un système par répartition. Un système par répartition, c'est un système dans lequel ceux qui travaillent paient pour ceux qui sont à la retraite. Mais ce n'est pas du tout comme ça que ça fonctionne.

Je vous donne les chiffres exacts, la somme des pensions c'est 345 milliards. Sur ces 345 milliards, il y en a 120 qui ne viennent pas de la répartition mais qui viennent de l'Etat, pour deux buts.

Le premier c'est normal, l'Etat compense aux caisses de retraites, les efforts qu'il demande à faire. Par exemple, si je mets des trimestres supplémentaires pour telle ou telle catégorie familiale, ou bien si je baisse les charges des salaires les plus bas de la pyramide, c'est normal : l'État dit "Faites ça", il compense. Mais ce qui n'est pas normal, c'est que c'est l'équilibre même du système de retraites, l'équilibre financier du système de retraite qui, année après année, est financé par l'emprunt depuis des décennies.

Vous savez que je me suis beaucoup battu sur la dette. On se trouve aujourd'hui devant un mur. Si on n'est pas capable de revenir à cette raison élémentaire...

Ça veut dire qu'il faut supprimer le COR, le Conseil d'orientation des retraites, parce que le COR ne dit quand même pas ça. Il dit que pour cette année, pour l'année prochaine... Mais il n'y a pas de déficit.

C'est très facile de le vérifier. Si je peux faire une proposition simple, on demande une mission flash à la Cour des comptes et à l'Insee. Qu'en deux semaines, et ça suffit largement, ils regardent quelle est la crédibilité des chiffres que le Plan a avancés.

Ce qui veut dire que le COR fait de l'idéologie, parce que ce qui a plombé l'expression le gouvernement, notamment dans toute sa volonté de pédagogie, c'est de nous dire que c'était nécessaire, juste, qu'il n'y aurait pas de perdants. On reviendra sur les autres termes. Nécessaire, c'est ce qu'avait dit Nicolas Sarkozy lors de la précédente. Et manifestement, tout le monde avait dit d'accord.

Aujourd'hui, toute l'opposition dit "mais attendez, c'est pas nécessaire" y compris Laurent Berger qui dit qu'il y a un souci mais que ce n'est pas urgent. Le président du COR est allé jusqu'à donner d'autres pistes de financement que celles de la réforme des retraites. Comment voulez-vous que les gens ne comprennent pas que ce sont des chiffres qu'on manipule dans un sens ou dans un autre ?

Nathalie Saint-Cricq, vous avez complètement raison.

Le COR est idéologique ?

Le COR est une institution dans laquelle tous les partenaires sociaux sont engagés, et qui, depuis longtemps, défend l'idée que ce n'est pas si grave que ça.

Et donc faut le supprimer ?

Et donc non, il ne faut pas supprimer. Moi je ne suis pas pour couper des têtes, ce n'est pas mon intention.

Non, mais qu'on établisse vraiment les chiffres. Je répète : 345 milliards de dépenses pour les pensions, sur lesquels l'État en paie 143. L'Etat. Donc vous voyez qu'on est très loin de la répartition. Sur les 143, il y a 25 milliards qui sont les cotisations de retraite des fonctionnaires contractuels ou pour l'Etat, pour les collectivités locales, pour les hôpitaux. Il y en a 90 qui sont les compensations que j'évoquais. Et il en reste 30 milliards tous les ans, mis à la charge des plus jeunes.

Quand je pense qu'on essaie de les engager à manifester alors que c'est eux qui vont payer. Il y a là quelque chose qu'on ne dit pas. Je ne comprends pas bien pourquoi on ne le dit pas, ou plus exactement, je comprends assez bien pourquoi on ne le dit pas. C'est parce qu'on ne veut pas ouvrir des fronts, et que le COR au fond, ça satisfait tout le monde.

Et lorsque le gouvernement dit équilibre, lorsqu'on dit 10, 12, 15 milliards, ça n'est pas les déficits actuels, ce sont les déficits prévisibles. C'est pourquoi il y a des scénarios qui disent "Avec tant de croissance, c'est un peu plus, un peu moins". Donc la situation réelle d'un système de retraites qui ne s'équilibre que parce que l'État emprunte tous les ans des dizaines de milliards pour l'équilibrer, participant ainsi à la dette générale qui s'accumule à un point inquiétant...

Mais Monsieur Bayrou, cette dette beaucoup disent qu'on ne la remboursera jamais, c'est pas un souci. On s'est beaucoup endettés ces dernières années, et le stock, on le laissera là où il est. Qu'est ce que vous répondez à ça ?

Françoise Fressoz, s'endetter quand on emprunte à 0%, c'est une chose. Moi-même j'ai plaidé avec des taux à 0% pour qu'on fasse une grande politique d'investissement industriel et économique, agricole, industrielle, culturelle.

0%, ça vous permet d'imaginer que, en réalité, votre emprunt se rembourse par la croissance qui est créée à l'intérieur du pays. Mais emprunter comme on fait maintenant à 3%, ce n'est plus du tout la même chose.

Vous vous rendez compte que désormais on creuse le trou, et on creuse le trou non pas pour les générations actuelles, mais pour les générations qui viennent, pour ceux qui sont au travail, qui ont 40, 50 ans, encore davantage pour les plus jeunes. Parce qu'évidemment, la dette, comme les crédits revolving des supermarchés, elle se renouvelle tout le temps. Ceci est immoral.

Et prétendre qu'il ne faut pas de réformes, c'est aller à l'encontre des règles élémentaires qui devraient réunir les générations, ceux qui devraient être dans la rue aujourd'hui, c'est ceux qui sont au travail et les plus jeunes, parce que c'est à leur charge qu'on met l'ensemble du système de retraites. Alors je reconnais que j'ai une position qui n'est pas reprise par tout le monde.

Non. D'autant que si j'avais bien compris, vous étiez quand même assez critique envers la réforme telle qu'elle était proposée. Le diable est dans les détails, dites-vous, il y a des choses améliorables, en revanche sur l'esprit, à vous écouter, on ne va même pas assez loin.

J'ai plaidé, vous savez, pour qu'on cherche ou qu'on identifie d'autres sources de financement que l'âge.

L'âge, c'est pour moi dans les estimations que nous avons faites et qui sont dans la note du Plan, c'est à la louche, mais la grosse louche, une dizaine de milliards, ce qui permet au gouvernement de dire que ça sera équilibré s'il ne considère que les déficits à venir.

Mais j'avais plaidé d'autres choses, le plus important pour moi, c'est le plein emploi, l'augmentation de la productivité.

Cela, malheureusement, la loi ne peut pas le décider.

Oui, mais l'effort général peut se fixer cela comme objectif. La productivité. J'ai même évoqué l'idée d'une légère augmentation des cotisations patronales pour que la réforme soit équilibrée.

Ça, c'est un ultra tabou pour le gouvernement.

Oui.

Ça va changer ?

Non, mais vous voyez bien, le gouvernement a une politique que je comprends, il dit "On ne touche pas aux impôts, on ne touche pas aux cotisations".

Ça, vous le comprenez vraiment ou pas ? Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui contribue à bloquer énormément le débat et à créer de la tension ? 

Il est normal et juste qu'un gouvernement ait une ligne de conduite, ait un axe pour sa politique. Ce n'est pas moi qui vais dire le contraire, qui essaie d'avoir les mêmes axes depuis depuis de longues années. Mais je dis que la situation d'endettement dans lesquels les régimes de retraites jouent un rôle important est inacceptable moralement pour le pays.

Et donc qu'on peut imaginer - mes amis à l'Assemblée ont imaginé de toucher...

À la semaine des 35h ?

Ce n'était pas ça, arrêtons-nous une seconde. L’idée qu'ils ont eue pour des gens qui voudraient partir plus tôt, ils pourraient envisager de travailler un peu plus pendant leur vie active. C'était une idée d'équilibre parce qu'il y a des gens qui sont anxieux de partir plus tôt et cependant, on ne peut pas toucher à l'équilibre des régimes, comme je l'expliquais. Et donc, il doit être une vision - je ne trouve pas d'autre mot que moral, éthique - de dire : on ne va pas accumuler la dette du pays sur les épaules des générations qui viennent.  

En gros, il y a quinze jours ou trois semaines, le gouvernement, dit "On n'a pas assez expliqué. On n'a pas assez fait de pédagogie." Depuis ils font de la pédagogie, ça ne change pas grand-chose. C'est à se demander si, quand les gens regardent, quand ils vont sur les simulateurs, plus ils avancent, plus ils comprennent qu'ils vont être perdants. Les femmes qui ont cru que ce serait merveilleux, c'est moins bien. Qu'est-ce qui cloche ?

Ce n'est pas moins bien pour toutes les femmes. Disons la vérité. Vous savez bien, nous avons vécu toute une longue époque du pays dans lequel l'âge de la retraite n'était pas calculé en fonction des cotisations, mais en fonction de l'âge où s'ouvrait le droit de partir à la retraite. Mais tout ça va être, j'en suis sûr, regardé par le débat à l'Assemblée. Regardé par le débat au Sénat.

La situation des femmes. On devrait avoir une règle de conduite simple, c'est que le temps consacré à la maternité ne peut pas être un handicap pour la retraite. On aurait pu imaginer encore une autre politique qui était que ç'aurait pu être un avantage !

Il y a maintenant débat à l'Assemblée nationale. Le gouvernement est à la recherche d'un accord, d'un consensus. Le MoDem sera le plus solidaire des partis de la majorité. Vous avez vu qu'il y a eu des études sur les votes probables des groupes.

Je pense que, en tout cas, de tous les groupes de la majorité, celui qui paraît aujourd'hui le plus soudé dans la solidarité, c'est le nôtre. Parce que vous voyez, je viens de le dire. Il y a une raison fondamentale, civique, pour qu'il y ait une réforme des retraites. Mais elle doit être le plus juste possible et la plus équilibrée possible. Vous voyez bien qu'il y a des efforts qui sont faits tous les jours. 

À une question d'un de vos confrères qui disait : "Mais est-ce que vous êtes assez entendu ?" Oui, et ma réponse était " je ne supplie pas. Jamais, je ne souhaite pas demander ceci." On ne demande pas, on propose. Et c'est dans cette vigueur de la discussion que se trouve la solution.

S'il devait n'y avoir qu'une seule mesure ?

Il y a l'idée qu'on écrive dans la loi qu'on fera un bilan sur la clause de revoyure...

Mais pourquoi vous y tenez tellement à cette clause ?

Je pense que ça rassure les gens. En réalité, la gouvernance de notre système de retraites, comme de beaucoup d'autres systèmes dans la société française, devrait être en temps réel. Au lieu d'aller de crise en crise, on devrait être capable d'adaptation permanente.

C'est étonnant de la part du Commissaire au Plan et bien plutôt dans le temps long avec l'idée de voir.

Le temps long, voir loin, se fixer des objectifs et pour les atteindre, des adaptations permanentes si on s'aperçoit que ça ne marche pas. Si j'étais le gouvernement, comme on dit au café du commerce, j'aurais proposé volontiers. C'était d'ailleurs le cas de la réforme qui n'est pas allée à son terme, qui a été adoptée et que je trouvais intéressante et juste, celle qui a été abandonnée, qui a été votée, la retraite à point et que je défends depuis très longtemps, il devrait y avoir une gouvernance de notre système de retraite qui s'inspire de ce qui s'est fait pour le système de retraite du privé Agirc-Arrco. C'est un équilibre presque parfait. Eux ont montré qu'on pouvait arriver à un équilibre avec une gouvernance entre les mains des partenaires sociaux. Et ce sont les partenaires sociaux qui, jour après jour, semaine après semaine ont pris les décisions nécessaires pour qu'on arrive à l'équilibre du système de retraites. En réalité, c'est beaucoup plus intelligent et beaucoup plus intéressant que d'avoir un système qui nous envoie pour chaque réforme d'une crise à une autre crise, d'un blocage à un autre blocage, d'une révolte à une autre révolte. Vous disiez Nathalie Saint-Cricq tout à l'heure que sous Sarkozy, tout le monde avait été convaincu...

Les critiques ne portaient pas sur la nécessité de la réforme, mais sur la façon de la faire et sur le délai de décote qui était aussi poussé de 65 à 67 ans, mais au moins, on n'avait pas l'impression que la nécessité était aussi forte. Pourquoi le gouvernement ne veut pas de clause de revoyure ? 

On peut imaginer qu'il y ait : institutionnaliser l'obligation d'un bilan de la manière dont se passe la réforme et peut être une suggestion pour arriver à trouver de nouveaux équilibres. Ça, c'est la première chose. Et la deuxième chose, c'est, je vous l'ai dit, la situation des femmes dont la carrière a été interrompue par une maternité. Qu'on puisse tenir compte de manière plus sérieuse des trimestres qui sont aujourd'hui - alors c'est une subtilité pour comprendre - ils sont validés mais ils ne sont pas cotisés. Et donc il y a là une approche, alors c'est très compliqué dans le texte aujourd'hui. Tout le monde essaie de trouver le meilleur équilibre possible. Pour moi, Elisabeth Borne a raison de dire que la situation de beaucoup de femmes ou d'un nombre important des femmes est améliorée par la réforme. Mais il me semble que la situation des femmes ayant eu des enfants, ce qui nous ramène au sujet de la démographie dont on va peut-être dire un mot, devrait être mieux pris en compte.

Une question quasiment de philosophie politique dans deux jours, on aura peut-être 2 millions de personnes dans la rue, 3 millions, etc. A quel moment on se dit que même si une réforme est justifiée par les chiffres, elle n'est pas politiquement tenable ? 

Je suis persuadé qu'il n'y a de réforme sérieuse que si une partie importante de l'opinion y adhère, soit y adhère, soit considère qu'elle est inévitable. Parce qu'évidemment ce n'est pas agréable comme a dit un ministre. Mais on peut considérer que c'est indispensable. Et s'il y a un point sur lequel on aurait dû avancer avec l'opinion en partageant avec l'opinion les éléments que je décris devant vous, c'est précisément la situation qui est faite aux plus jeunes en les surchargeant de la dette des retraites.

S’il y a quand même 1 million, 2 millions, 3 millions de manifestants dans les rues mardi prochain. Les jours suivants, un moment donné, le gouvernement va être obligé de réagir…

Tous les gouvernements, sans exception, sont constamment en charge du lien avec l’opinion. J'espère qu'on ne va pas en arriver à une institutionnalisation des blocages qui serait pour moi pas civique, anti civique. J'ai été très choqué, comme beaucoup de gens de l'annonce que la mairie de Paris allait fermer. 

À Pau, la mairie est ouverte. Que le maire soit ou non d'accord avec les gouvernements successifs. Il y a évidemment des moments où on peut avoir des désaccords quand on est responsable politique. Mais la charge de maire, c'est une fonction publique qui est un service public. Celle-là ne peut pas s'interrompre. Enfin, pour moi, c'est une évidence.

Mais est-ce que le président Macron, que vous connaissez très bien, a la capacité d'écouter ce qui se passe dans la rue et donc de revenir éventuellement sur son projet de loi ?

Question subsidiaire y a-t-il trop de verticalité dans cette présentation de la réforme des retraites ?

Ce sont des sujets de conversations éternels. Le président de la République, il a à tenir compte de quoi ? Il a à tenir compte des nécessités de justice dans la société qui lui a confié cette charge. Et j'ai dit ce qu'il en était entre générations du déséquilibre et de l'injustice entre générations.

Donc il a tenu compte de ça. Il a à tenir compte de la situation chiffrée et il a à tenir compte des engagements qu'il a pris et il a à tenir compte de l'opinion. C'est cet équilibre là qu'un président de la République recherche et c'est pourquoi le la nécessité dans cette fonction d'un équilibre avec une composante morale aussi est très importante.

Ce qui est frappant quand même depuis le début de l'émission, c'est que vous nous avez dit qu'en fait le gouvernement, pour ne pas ouvrir de front ce sont vos mots à vous, n'ont pas évoqué la question de la charge de l'Etat permanente des 30 milliards pour éviter précisément d'ouvrir des fronts. Je suis désolé, j'ai l'impression que les fronts étaient ouverts aussi. Donc ce n'est pas une situation un peu ubuesque que vous dites le gouvernement n'a pas osé dire la vérité et le résultat, c'est qu'il y a des gens dans la rue.

Il a épousé cette thèse selon laquelle les déficits, tous les ans jusqu'à maintenant ont considéré qu'ils sont acquis et qu'il faut se préoccuper des déficits à venir. Ma thèse à moi, c'est qu'il faut se préoccuper aussi à terme, progressivement, avec le temps, calmement, des déficits actuels qui, tous les ans, grèvent la situation du pays en augmentant tous les ans la dette du pays de plusieurs centaines de milliards. Parce que si c'est ça la situation...

Il y a un acteur dans ce conflit qui est très important. C'est Laurent Berger qui souvent était en accompagnement des réformes de retraites sur les durées de cotisation et là qui ne veut aucune mesure d'âge sur l'âge légal, sur les durées de cotisation. Est-ce que ça ne reporte pas automatiquement Emmanuel Macron vers la droite avec aucun soutien à gauche ? Et est-ce que c'est grave pour son équilibre de gauche et de droite ?

Oui, vous êtes y attaché.

Et pas seulement un équilibre à deux. Moi je suis pour le pluralisme. Je pense qu'il y a une gauche parce qu'il y a une droite. Je pense qu'il y a un centre. Je pense que c'est ce centre-là qui, au travers du temps, s'est vu confier les responsabilités du pays. Ou en tout cas cette philosophie-là qui s'est vu confier les responsabilités du pays. Dans l'équilibre politique ou général des sensibilités françaises, le courant réformiste que vous évoquez est absolument essentiel. J'ai toujours plaidé pour qu'on comprenne qu'il y a dans un pays une coresponsabilité.

Mais ils sont irréconciliables...

Bon, ça, c'est des débats sur des éléments... 

C'est le cœur du sujet.

Non, parce que je suis persuadé que si vous demandiez à Laurent Berger, par exemple, que vous évoquiez, s'il faut une réforme des retraites, je suis sûr qu'il dirait oui.

Il le dit ! Mais bon, lui était d’accord avec la systémique, pas la paramétrique. Il est comme vous.

Tout ceci n'est pas très étonnant. Il y a un grand courant central en France.

Mais est ce que justement le fait que Laurent Berger n'applique pas cette réforme, en tout cas, ne soit pas neutre, est-ce que ce n'est pas un énorme handicap pour l'évolution du pacte social ?

C'est ça le débat public. Mais je répète, nous sommes coresponsables. Les politiques, les syndicalistes, les partenaires sociaux et les citoyens !

Et l'opposition.

Et les oppositions ! Quelles qu'elles soient, elles ont une responsabilité dans l'avenir du pays. En tout cas, moi, je plaide pour que cette démocratie de coresponsabilité, elle soit reconnue, établie, qu'on prenne l'habitude et ça passe par le partage avec les Français des éléments précis qui justifient une réforme.

Est ce que c'est responsable de la part du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, de considérer que la NUPES, donc l'opposition que vous appelez de vos vœux, a travaillé avec le gouvernement quand il dit qu'elle bordélise la France ?

Il y a un peu de vrai dans tout ça. En tout cas, que sa volonté est de bloquer, de paralyser. Cela dit...

De s'opposer à une réforme dans laquelle il ne croit pas, sachant que le terme vient de Laurent Berger qui a dit nous ne voulons pas bordéliser le pays.

Donc ce terme a été, a été repris et d'ailleurs ça devrait être le cas à l'Assemblée nationale aussi. Le débat devrait devrait permettre d'examiner chacun des points que nous voyons là parce qu'il y a, il y a beaucoup de zones à éclaircir. Mais après, chacun a son propre langage, ce n'est pas le mien. Vous disiez tout à l'heure "philosophie politique", Thomas Snégaroff.

C’est ambitieux.

C'est utile. Il y a d'excellents profs de philosophie politique, j'en connais. Quand vous êtes en situation de responsabilité, élus dans l'exécutif, dans le législatif ou dans l'opposition, vous devez prendre en compte ce que disent les autres. C'est très difficile parce que c'est agaçant de voir des blocages, des manifestations, des injures, des insultes.

Mais tout ça, ça fait partie de l'évolution du pays. Par exemple, fait partie de l'évolution du pays, Une vision du travail qui est aujourd'hui remise en cause par un certain nombre de Français ou un nombre certain de Français qui ont le sentiment que ce sont des charges, ça va peser sur les épaules...

Ne plus perdre sa vie à la gagner...

Et que moins il y en aurait et mieux ce serait. Je pense que ça mérite un débat. Pourquoi est ce que beaucoup de gens sont impatients de partir à la retraite ? Parce que le travail dont ils ont la charge ne correspond plus à leurs attentes. Est ce qu'on a en France suffisamment d'évolution quand on est dans une entreprise ou dans une administration ou dans le service public ?

Ou bien est ce qu'à la fin ça devient tellement routinier que ça devient pesant et que le seul horizon pour échapper à cette usure-là, c'est la retraite ?

Le canot de sauvetage dont parle le sociologue Luc Rouban.

Eh bien, je suis complètement d'accord avec cette idée. En réalité, l'obsession de la retraite est, dans un certain nombre de cas, une insatisfaction par rapport au travail. Et si l'on s'attaquait à cette insatisfaction-là, alors je suis persuadé que la question de la retraite prendrait un autre visage. C'est la raison pour laquelle il y a un point très important dans le texte, c'est qu'on ait sur les deux dernières années la possibilité de prendre du temps partiel en touchant une partie de la retraite et en continuant à créer des droits pour une autre partie.

François Bayrou est avec nous jusqu'à 13 h sur France Inter. Vous connaissez le Chat GPT ? C'est l'intelligence artificielle. J'ai écrit une question : "écris une question à François Bayrou" et il m'a répondu - je vous jure que c'est vrai - "Quel est votre programme pour l'élection présidentielle de 2027 et comment comptez-vous rassembler les électeurs pour remporter la victoire ?" C’est pas moi qui la pose. Qu'est ce que vous répondez à l’intelligence artificielle ?

Je ne sais pas s'il existe des réponses Chat GPT qu’on peut faire écrire.

Une réponse François Bayrou alors.

Vous ne m’enfermerez pas dans la question de l'élection présidentielle en dépit des efforts louables que vous faites. J'ai dit et je répète que c'est l'élection majeure pour l'avenir du pays et que tout citoyen doit s'y trouver engagé à des degrés différents comme j'ai affronté cette hydre trois fois.

Elle n'est pas pour moi impressionnante.

C'est une bonne expérience, c'est un bon souvenir. Les élections. Les campagnes.

Géniale, parce que c’est des moments de communion. Tout d'un coup, vous qui étiez un animateur politique, vous devenez le porteur d’aspirations profondes, affectives du destin que chacun imagine pour ses enfants ou pour soi-même. Et ça s'incarne dans un candidat, une candidate. Alors oui, c'est absolument comme expérience humaine, c'est absolument génial et comme expérience de leadership, c'est pas si mal.

Mais il faut quand même avoir le moral pour faire ça, non ? Vous l'avez ? Que certains vous appellent François Biden en référence à votre âge ? Il est beaucoup plus vieux que vous !

Presque dix ans !

C'est pas du tout désagréable pour vous, c'est juste la réalité.

Il est président des États-Unis.

Voilà, donc ça vous va ?

C'est un président...

Juste moi mon Chat GPT m’a posé question juste, très rapide : est-ce qu'il est pensable qu'Emmanuel Macron retire sa réforme ou il est cuit après ? 1 seconde.

Quelque responsable du pays, y compris le président de la République, ne peut pas considérer que cette réforme peut être abandonnée.

Donc vous irez jusqu'au bout. Chat GPT est content.

Donc donc on ne peut pas considérer en conscience. Et vous croyez que dans les oppositions raisonnables, il y a des gens qui pensent ça ? Personne.

Non et ils ne reviendront pas dessus même s'ils sont au pouvoir.

Mais ils ils n'y reviennent jamais.

Donc vous êtes d'accord avec Élisabeth Borne, 64 ans C'est non négociable et donc vous irez jusqu’au bout ? Parce que finalement vous n’avez jamais répondu à la question... 

Laissez-moi choisir ma propre expression. Donc j'aime beaucoup l'expression de mes amis, mais il se trouve que je pense que c'est le cœur de la réforme. Je pense que la réforme est - si on est un minimum responsable - je pense que la réforme est inéluctable. Et je pense en effet qu'une très grande partie des Français n'ont pas compris quel  était l'enjeu pour eux-mêmes et pour leurs enfants.

On voit des soubresauts dans le paysage politique, notamment au Parti socialiste. Je me souviens de conversations très lointaines où vous disiez au fond, ces partis de gouvernement PS, UMP à l'époque, sont voués à mourir parce qu'il y a trop de contradictions internes. Il n'y arriveront pas. Au regard de votre grille de lecture, comment vous analysez ce qui se passe au Parti socialiste et plus généralement sur la recomposition en cours du paysage politique ?

Ce qui compte pour un parti politique, c'est sa philosophie. Certains disent idéologie, doctrine. Comment voit-il le monde ? Et comment voit-il son propre engagement ? Ce qu'il y a de clair au Parti socialiste, c'est qu'il y a deux lignes et que ces deux lignes sont même additionnées, ultra minoritaires dans le pays. On l'a vu avec le score de madame Hidalgo, moins de 2 %.

Et donc ces lignes-là, elles ne rassemblent pas, elles ne fédèrent pas. Il y en a une qui dit il faut détruire le système et qui se reconnaît dans la NUPES version LFI. Et il y en a une qui dit il faut être réformiste et celle-là, c'est une ligne avec laquelle je me sens profondément en accord.

Et ces deux lignes se retrouvent à droite aussi, d'une certaine manière. Et donc c'est la raison pour laquelle j'avais depuis longtemps analysé et prédit que les deux tours jumelles qui contrôlaient la totalité de la politique française un jour s'écrouleraient.

Donc le PS est fini ? C'est ça que vous êtes en train de dire ? Le PS est fini. Au vu de ce qu'on observe ces dernières semaines.

Le PS ne peut pas survivre s'il ne trouve pas et n'impose pas une ligne politique assise sur une philosophie politique et une philosophie de l'action et de la responsabilité. Le PS se présente comme un parti de gouvernement. Il demande le retour à la retraite à 60 ans, alors qu'ils ont eux mêmes voté la fin de la retraite à 60 ans !

C'est eux qui l'ont voté. La réforme Touraine, c'est pas autre chose que ça, avec des modalités différentes. C'est eux qui l'ont voté. Ils demandent aujourd'hui pour être dans le cadre de leur alliance, le retour à la retraite à 60 ans. 

Avec 43 annuités...

Oui ce qui est une hypocrisie. Est ce que c'est sérieux ? Est ce que c'est d'être un parti de gouvernement ? Et bien évidemment, la réponse à ces deux questions montre qu'ils sont devant une difficulté très importante.

Est-ce que, selon vous, le rassemblement national est aujourd'hui un parti de gouvernement ?

Avec les positions qu'il prend ? Non, en aucune manière. Je pense qu'un certain nombre d'entre eux rêvent que cette évolution puisse se produire. Pour l'instant, non. Les choix qu'ils ont faits ne vont pas dans ce sens-là. Et puis...

Vous n'imaginez pas une victoire du rassemblement national 2027 ? c'est inimaginable ? Alors que c'est évoqué par beaucoup d’observateurs...

Allons un peu plus loin. C'est très intéressant de regarder la ligne politique, mais il n'y a pas seulement les pensées, il y a les arrière-pensées. Et dans les philosophies ou dans les doctrines politiques, dans les idéologies, il y a un certain nombre de sujets qu'on caresse, qu'on excite. Et les sujets que l'extrême droite agite pour moi sont des sujets de fracture de la société française.

Et donc ça ne peut pas être pour moi un parti de gouvernement.

Donc vous pensez à l'immigration ? Vous pensez à quel autre sujet ?

Je pense à l'excitation de la détestation à l'intérieur de la société française de religion, d'origine, de tous les sujets qui touchent au vivre ensemble, comme on a l'habitude de dire.

En quoi la question démographique est pour vous un sujet essentiel quand on est notamment en charge du plan et donc de l'avenir de notre nation ?

La question démographique en France est un sujet vital. Ce n'est pas vrai pour les autres pays. Je vais vous expliquer pourquoi. Il y a deux aspects. Vous avez raison de dire qu'il y a un certain nombre de pays qui vont souffrir cruellement de ne pas avoir d'enfants : la Chine va perdre presque l'équivalent de la population européenne dans les 30 ans qui viennent. Et ça sans aucun recours parce que ces enfants sont déjà nés ou plus exactement pour beaucoup d'entre eux, ils ne sont pas nés. L'Allemagne, l'Italie, un certain nombre de pays italiens sont en crise. Pourquoi ? Parce que le renouvellement des générations, c'est la clé de la vitalité d'un pays. Mais il y a un autre problème en France, c'est que tout notre système social est assis sur la répartition, pas seulement les retraites : l'école gratuite pour tout le monde, de la maternelle à l'université, la santé gratuite pour tout le monde, l'assurance chômage pour tout le monde, l'assurance retraite pour tout le monde, l'ensemble de notre contrat social en France, l'ensemble de tous les sujets qui sont à ce point difficiles à porter. Tous ces sujets-là sont assis sur le rapport entre le nombre des actifs et le nombre des assujettis.

Vous pensez qu'il faut donc une politique nataliste plus forte en France ? Et de quelle nature ?

Il faut une politique démographique responsable qui favorise le renouvellement des générations et plus encore. Et je vais vous en donner une preuve.

Et un exemple peut-être plus de politique.

Oui, mais d'abord une preuve on est en France, descendu au-dessous des deux enfants par femme. On est à 1,8 alors que le taux de renouvellement de générations est à 2 grossièrement, grosso modo. C'est très intéressant parce que là aussi, on a établi une étude du plan sur ce sujet que l'on peut trouver sur le site. Quand vous demandez aux femmes quel est le nombre idéal d'enfants qu'elles voudraient. Eh bien les études montrent de manière indiscutable qu'elles en voudraient un de plus que ce qu'elles ont. Celles qui en ont un, envisageraient très volontiers d'en avoir eu deux. Celles qui a donc deux envisagent d'en avoir trois, toujours un de plus que ce qu'elles ont. Pourquoi on ne leur laisse pas cette liberté là ? Pourquoi on ne les aide pas ?

Elles disent ça, mais qu'elles n'en ont pas réellement envie, et notamment dans les chiffres qui sont donnés. C'est en partie aussi qu'on n'est pas en dessous d'un huit parce qu'il y a une natalité plus vivace grâce à l'immigration.

Oui. Il n'y a pour la France aucun avenir comme pays, comme nation, et aucun avenir comme contrat social si nous restons avec cet effondrement de la natalité-là. Il faut une politique démographique. Par exemple, que dans le cadre de la carrière pour les retraites, on soit assuré que d'avoir un enfant, ça ne fait pas perdre des droits. Ça veut dire une politique de garde des enfants... Quand on est maire dans une ville, oui on doit se sentir en charge, et favoriser les gardes, les crèches, les assistantes maternelles, leur permettre de s'organiser pour ne pas être seules avec les enfants, des associations d'assistantes maternelles, ça c'est pas des politiques abstraites. 

Autre sujet : Est-ce que vous considérez qu'il peut y avoir un retournement de l'opinion sur l'Ukraine ?

Non, je pense qu'on est dans le devoir des pays de liberté, de ne pas accepter qu'un Etat puissant se jette sur un voisin réputé plus faible pour l'annexer. Ça, ça a donné des guerres mondiales.

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