đŸ“ș François Bayrou, invitĂ© d'Apolline de Malherbe sur BFM TV 

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Apolline de Malherbe sur BFM TV ce samedi 5 juin à 13h00 dans "Le Rendez-vous". 

Bonjour François Bayrou

Bonjour Apolline de Malherbe

Merci de m'accueillir ici Ă  Pau. On est au Palais Beaumont, une sorte de palais des congrĂšs de la ville. C'est une ville dont vous ĂȘtes le maire depuis 2014. Ce qui m'a frappĂ©e, c’est que je vous ai proposĂ© que l'on rĂ©alise cette Ă©mission soit Ă  Paris soit Ă  Pau et vous avez insistĂ© pour que cela se fasse Ă  Pau. J'ai senti qu'il y avait presque chez vous le sentiment qu'ici vous seriez davantage libre pour dire ce que vous pensez et vous exprimer.

Est-ce qu’il y a le François Bayrou de Paris et le François Bayrou de Pau comme il y aurait le rat des villes et le rat des champs ?

D'abord, ce n'est pas tout à fait les champs, c'est une ville capitale d'une région historique, historiquement importante.

Bien sĂ»r, c’est plutĂŽt la question des territoires ; il y aurait celui de Paris et celui d'ailleurs.

J'ai l'impression d'ĂȘtre le mĂȘme partout, mais probablement, vous le dites, c'est plus libre ici parce qu'il y a moins votre pression, enfin la pression des mĂ©dias, des camĂ©ras et c'est ici que je suis nĂ©, que j'ai grandi, que ma famille s'est formĂ©e et a grandi et que j'ai conquis tous mes mandats de reprĂ©sentation politique, sans exception.

C'est une ville dont je crois pouvoir dire que nous avons changé le visage en quelques années et donc, oui je suis plus à ma place de responsable que dans les débats politiques que j'accepte, que j'assume.

Que vous ne fuyez pas.

Que je ne fuis pas, en rien. J'ai toujours pensĂ© qu'ĂȘtre citoyen, c'Ă©tait ĂȘtre citoyen enracinĂ© et citoyen dans le dĂ©bat le plus large possible.

Mais avoir ce lien, le nouveau mot Ă  la mode, c'est le mot de territoire. On va y revenir largement. Je disais qu’on aurait pu le faire Ă  Paris car vous ĂȘtes dĂ©sormais Haut-commissaire au Plan, qui a d’ailleurs des bureaux Ă  Paris.

Vous avez Ă©tĂ© ministre, vous ĂȘtes bien sĂ»r mĂȘlĂ© Ă  la politique, Ă  la vie politique depuis des annĂ©es, vous le disiez du point de vue de l'Ă©lu, mais aussi ministre de l'Éducation nationale, Ă©phĂ©mĂšre ministre de la Justice.

Vous avez ƓuvrĂ© Ă  l'arrivĂ©e d’Emmanuel Macron au pouvoir, vous en avez Ă©tĂ© mĂȘme un des rouages avec la complicitĂ©, la lĂ©gitimitĂ© - je dirais - que vous lui avez apportĂ©es et votre regard sur la France et sur lui, Ă  un an des prochaines Ă©lections, il est particuliĂšrement attendu.

Je vais ĂȘtre assez directe. Est-ce que vous n'ĂȘtes pas un peu déçu, quand mĂȘme ?

Non. Si je l'Ă©tais, je vous le dirais.

C'est un homme trĂšs jeune naturellement, que je ne connaissais pas avant de le soutenir et, pas une seule fois dans ces quatre annĂ©es, je n'ai eu le sentiment de m’ĂȘtre trompĂ©.

Il m’est souvent arrivĂ© de penser que, naturellement - je lui avais dit d'ailleurs le premier jour sous vos camĂ©ras - il lui manquait les annĂ©es d’expĂ©rience qui sont trĂšs utiles quand on assume une fonction aussi impressionnante que celle-lĂ .

Mais, il y a toujours des raisons aux choses. L'Ă©lection d’un homme si jeune, c'Ă©tait aussi que le pays avait besoin d'un renouveau.

Évidemment, comme vous savez, il a Ă©tĂ© frappĂ© par des tsunamis successifs comme probablement rarement des prĂ©sidents avant lui ont Ă©tĂ© frappĂ©s et il en a mĂ»ri. Il a mĂ©tabolisĂ©, comme l'on dit en mĂ©decine, c'est-Ă -dire intĂ©grĂ©, et il s'en est changĂ©, les grands Ă©vĂ©nements du monde et les grands glissements de la sociĂ©tĂ© dans laquelle nous sommes. Mais jamais une seule fois, je n’ai Ă©tĂ© déçu ou
 vous savez ce sentiment de gĂȘne que parfois on Ă©prouve y compris Ă  l’égard de ses propres amis en disant qu'ils ne sont pas exactement ce que l'on voudrait ? Lui jamais, pour moi en tout cas.

Sur le plan de l’expĂ©rience, on va y revenir avec notamment sa façon Ă  lui de retourner aujourd'hui sur le terrain, comme il l’a refait cette semaine. Mais au fond c'Ă©tait peut-ĂȘtre cette alliance entre votre expĂ©rience Ă  vous, sa jeunesse Ă  lui, donc vous vous Ă©tiez dit que cette alchimie allait permettre.

Quand je vous dis : est-ce que vous n'ĂȘtes pas déçu ? Il y a Ă©videmment pour la France, c’est en cela que vous m’avez rĂ©pondu, mais aussi pour vous.

Finalement, on se dit : Est-ce qu’il ne vous a pas un peu « eu » ?

Qu'est-ce vous en avez retiré, notamment sur des batailles qui sont les vÎtres et qui vous sont trÚs chÚres, je pense notamment aux questions démocratiques, à la banque de la démocratie qui devait faire vivre la démocratie autrement, je pense à la proportionnelle évidemment.

Si vous voulez me dire que j'ai de bonnes idées, je serais d'accord !

Vous ĂȘtes content de pouvoir le dire de vous-mĂȘme !

Vous savez bien que ce sont des sujets dans lesquels je suis engagé depuis trÚs longtemps.

Est-ce que la démocratie française marche bien ?

Non, elle ne marche pas aussi bien qu’elle pourrait marcher ou en tout cas elle est frappĂ©e de handicaps et de faiblesses que l'on pourrait supprimer.

Peut-ĂȘtre aurons-nous l'occasion d'en parler.

Vous en avez citĂ© deux, le financement de la vie politique ; cela ne va pas car Ă©videmment, quand vous passez par des banques privĂ©es, il n’y a pas la mĂȘme objectivitĂ©, la mĂȘme Ă©quitĂ© que l'on devrait trouver en respectant la vie politique et la dĂ©mocratie comme elle est.

Puis, est-ce que la représentation des Français est juste ?

Elle est injuste, et je suis absolument certain, Ă  titre personnel, qu’Emmanuel Macron le sait. C’est pour cela que j'ai toujours dit Ă  vos interviews que, moi, je considĂ©rais que cette bataille n'Ă©tait pas perdue.

MĂȘme si la plupart des responsables politiques s'en accommodent. Moi, pas. Je pense que la bataille peut ĂȘtre livrĂ©e et gagnĂ©e.

La bataille n’est pas perdue parce que vous avez rĂ©ussi Ă  le convaincre, mais si, alors mĂȘme qu'il est convaincu, il ne le fait pas, qu'est-ce qui bloque ?

Il bloque quelque chose que l'on apprend au contact du pouvoir, c'est que l'on a beau avoir tous les pouvoirs que la Constitution donne à un chef d'État français, on ne peut gouverner que si l’on arrive à convaincre l'opinion et le systùme politique.

Or, le plus difficile Ă  convaincre sur le sujet dont nous parlons, c'est le systĂšme politique.

Ceux qui ont tout intĂ©rĂȘt Ă  ne pas le partager.

Ceux qui ont intĂ©rĂȘt Ă  ce que rien ne change.

Sur la question des Ă©lections, vous l'avez tout de suite dit, c'est ce qui lĂ©gitime vraiment toute votre dĂ©marche, vous l’avez toujours puisĂ©e auprĂšs des Ă©lecteurs, ici Ă  Pau, votre lĂ©gitimitĂ©.

Emmanuel Macron, on le sent bien, il n’y a pas eu ce socle-lĂ , il est arrivĂ© directement par le haut en quelque sorte, il retourne du coup rĂ©guliĂšrement faire ce qu'il appelle des tours de France. Il a repris son bĂąton de pĂšlerin, c'est sa propre expression, en allant dans le Lot cette semaine.

Il a d’autant plus besoin de ces moments-là ?

D'une part, il n'est pas l'homme que l’on croit. Vous avez peut-ĂȘtre lu, il y a une grande interview dans le journal Zadig, interview trĂšs originale pour un PrĂ©sident de la RĂ©publique française car il parle de ses racines profondes et une partie de ses racines sont ici dans les PyrĂ©nĂ©es que vous apercevez presque derriĂšre les nuages ! Vous en voyez des bouts si vous regardez !

Là, c'est chez lui, chez sa grand-mÚre et la France qu'il raconte, c'est une France qui passe la barriÚre des générations parce que c'est une France qui ressemble en partie à ce que les instituteurs des décennies précédentes transmettaient, puisque sa grand-mÚre était institutrice et principale de collÚge et qu'elle lui a transmis quelque chose qui est assez rare chez les présidents successifs, François Mitterrand avait cela.

C'est ce que j'allais vous dire.

C'est le sens de la gĂ©ographie et on le voit trĂšs bien dans cette interview, et aussi quand on parle avec lui. J’ai la chance de parler assez souvent avec lui.

Vous continuez à lui parler trÚs réguliÚrement ?

Oui.

Il n'y a eu de moments oĂč vous vous ĂȘtes fĂąchĂ© ou dĂ©couragé ?

Jamais, d'abord parce que ce n'est pas mon tempérament, je ne fais pas les choses par hasard, je ne fais pas les choses à moitié et je ne change pas d'avis tous les quatre matins, certains diront pas assez !

Je sais ce que je fais quand je fais un choix et, en général, je m'y tiens, mais je n'en ai jamais eu la tentation.

Est-ce que cela ne veut pas dire tout de mĂȘme qu’un peu avec vous il a cette relation trĂšs directe qui passe, presque comme au-dessus de cette forteresse dans laquelle il est un peu enfermĂ© et je ne pense pas Ă  la forteresse au sens le palais, comme l'on dit, mais finalement c'est un homme qui est arrivĂ© assez seul, qui n'avait pas des compagnons fidĂšles qui seraient lĂ  pour le bousculer, pour lui dire : « lĂ , cela ne va pas ».

Par exemple, je sais que le premier tour de France en quelque sorte, Grand débat, vous faisiez partie de ceux qui l'avaient encouragé, qui lui avaient dit : « il faut aller parler avec les Français. »

Mais, ces Français, il n'est pas à distance de baffes, comme l'on dit.

Lorsque le PrĂ©sident de la RĂ©publique a dĂ©cidĂ© le Grand dĂ©bat, il y avait vraiment trĂšs peu de gens qui l’y encourageaient.

Il y avait mĂȘme un certain nombre de gens qui l'en dĂ©courageaient.

Oui, parce que c'était une prise de risque. Or, la maniÚre dont les pouvoirs sont organisés, c'est qu'ils redoutent le risque.

Or, le risque, c'est la vie et s'il y a une chose dont Emmanuel Macron est convaincu, profondément convaincu, c'est qu'il faut prendre des risques.

À quoi cela a servi, en vrai ?

À rĂ©sister Ă  des tsunamis auxquels beaucoup auraient cĂ©dĂ© et Ă  forger une vision ou Ă  renforcer une vision.

Regardez ces cahiers de doléances. Des Français, aprÚs le grand mouvement des gilets jaunes, ont été dans les mairies, dans les halls des mairies pour remplir des cahiers.

On a quand mĂȘme l'impression qu'ils sont restĂ©s dans les tiroirs.

Non. Il y en avait beaucoup et je sais trÚs bien que, quand on fait des consultations, parfois, on est débordé par le nombre et que l'on n'a pas l'étude scrupuleuse que l'on pourrait ou devrait avoir.

Dans ce dĂ©but de tour de France, Emmanuel Macron dit avoir Ă©tĂ© frappĂ© par la diffĂ©rence entre le rapport qu'il avait avec les Français il y a deux ans quand il est allĂ© dans les territoires, oĂč on lui parlait surtout pouvoir d’achat et cette fois-ci oĂč on lui parle davantage sĂ©curitĂ©.

Je voudrais qu’on l'Ă©coute : « Nous sommes dans une sociĂ©tĂ© de plus en plus violente et cela ressortait beaucoup aussi des dĂ©bats et la violence que nous avons la sociĂ©tĂ©, elle n'est pas sĂ©parable aussi des changements anthropologiques - je l’ai plusieurs fois dit - que nous vivons. »

Il ajoute : nous vivons dans une nation qui a un sentiment d'insécurité.

Est-ce qu’il y a un sentiment de l'insĂ©curité ?

Oui, jour aprÚs jour, vous avez des agressions et des drames. C'est chaque fois un agresseur avec des victimes parfois des victimes, parfois des victimes qui meurent, qui sont blessées, mais quand cela se réédite tous les jours, quand cela se représente tous les jours, oui, cela crée un sentiment de : « on ne peut pas supporter cela, on ne peut pas supporter de vivre comme cela. »

Je reprends cette formule d’Emmanuel Macron quand il dit : il y a un sentiment d’insĂ©curitĂ©, cela fait tout de mĂȘme Ă©cho Ă  la campagne de 2002, Lionel Jospin qui, tout d’un coup, s’était retrouvĂ© face Ă  une France qui avait un sentiment d’insĂ©curitĂ© que peut-ĂȘtre, contrairement Ă  Emmanuel Macron, il n'avait pas dĂ©celĂ©e, en tout cas pas un an avant les Ă©lections.

Vous Ă©tiez candidat en 2002.

Est-ce que vous n'avez pas peur que, justement, sur ces questions de sécurité, Emmanuel Macron se casse un peu les dents ?

Apolline de Malherbe, je n’ai peur de rien. Je pense que la peur n'est pas une attitude politique, n'est pas un sentiment politique.

Vous jouez un peu sur les mots.

Non.

J’aurais pu le dire autrement : est-ce que vous ne craignez pas, Emmanuel Macron, et c'est peut-ĂȘtre le moment de lui dire, que, sur les questions de sĂ©curitĂ©, il faut se rĂ©veiller.

Je sais que c'est pour lui une prĂ©occupation de chaque instant. Je sais qu'il est profondĂ©ment prĂ©occupĂ© par l'organisation de l'État sur ces sujets.

Je sais qu'il souffre de la difficulté de relation entre le haut et le bas, y compris sur les problÚmes de sécurité.

Je sais quel est son sentiment sur ce que ressentent les policiers par exemple, sentiment d'ĂȘtre assez souvent incompris, de difficultĂ© de relation avec la justice.

Là, on est dans le constat. Quand est-ce que cela bouge ? Quand cela change ?

Franchement, les efforts qui ont Ă©tĂ© faits pour que, sur le terrain, il y ait une espĂšce de rĂ©armement : l'Ă©tat des commissariats, ce sont des choses concrĂštes, le fait que l'on ait pu mettre de la police de sĂ©curitĂ© du quotidien, comme l'on dit, y compris chez nous, le fait que, lorsqu’on repĂšre un quartier sensible, on mette plus de moyens sur ce quartier sensible, c'est vrai en sĂ©curitĂ©, c'est vrai pour l'Ă©cole ; on a fait la mĂȘme chose pour l'une et pour l'autre.

Donc, il n'est pas vrai qu'il ne se passe rien.

Vous me faites penser à ce qui s'est passé cette semaine et qui est vraiment à la croisée des deux choses que vous dites : sécurité et éducation.

À Rennes, une Ă©cole qui est au milieu d'un quartier avec des dealers et, en fait, ils luttent, ils luttent depuis des annĂ©es, mais rien ne se fait, les dealers installent tranquillement leurs petits commerces, aux portes de l’école.

Vous savez ce qu'ont fini par décider les professeurs et la mairie ?

Eh bien de mettre des grandes bĂąches sur les grilles de l'Ă©cole. Comme ils n'arrivent pas Ă  Ă©radiquer la violence, les trafics, la seule chose qu'ils peuvent faire, c’est au moins que les Ă©lĂšves ne le voient plus.

Donc ils ont caché et mis ces bùches. N'est-ce pas le symbole de ce qui se passe en France aujourd'hui ?

En fait, on n'y arrive pas et donc, au fond, l'éducation et l'insécurité sont confrontées l'une à l'autre et on se contente de mettre des bùches.

C'est votre mĂ©tier et donc il est normal que vous l'exerciez en le mettant en exergue, mais honnĂȘtement, si vous faites le tour du pays, combien d’écoles ont des bĂąches pour sĂ©parer la rĂ©alité ?

N’est-ce pas une de trop à Rennes ?

C'est une de trop et ce n'est pas acceptable. Je ne sais pas s’il y a une police municipale Ă  Rennes, mais en tout cas, dans ma ville, nous avons mis en place un rĂ©seau de vidĂ©osurveillance suffisamment fourni pour que cela rende absolument impossible cela. Si cette affaire se passait Ă  Pau, il y aurait dans la demi-journĂ©e l'installation de camĂ©ras de surveillance dont les images seraient rĂ©percutĂ©es immĂ©diatement Ă  notre centre de sĂ©curitĂ© urbaine, c'est-Ă -dire la police municipale et Ă  la police nationale, et on aurait des patrouilles, et on aurait ce qu'il faut.

Lorsqu'un fait se reproduit tous les jours comme cela, il est inacceptable que l'on soit désarmé et que l'on ait les bras ballants.

Je voudrais que l’on dise un mot des rĂ©gionales. C'est dans quinze jours. On parlait des territoires, on a l'impression qu’à chaque fois, c’est aussi lĂ  que vous re-puisez la lĂ©gitimité ; cette lĂ©gitimitĂ©, Ă  aucun moment, ni au moment des municipales ni des rĂ©gionales Ă  venir, En Marche n'aura vraiment rĂ©ussi Ă  creuser son sillon.

C'est trĂšs long de construire un parti.

Vous l'excusez Ă  chaque fois.

Non.

Vous ĂȘtes cohĂ©rent, vous avez dit que vous n’étiez pas déçu, on le voit bien, vous ne l’ĂȘtes pas. Tant mieux j'ai envie de dire.

Je le soutiens aujourd'hui car je vois l'orientation et que je crois que l'orientation est bonne et que la double intuition de ce que nous avons Ă  reconstruire un pays par la reconquĂȘte, par les crĂ©ations, par l'esprit d'entreprise, elle est juste et que cela ne se fera que si l'État change, elle est juste et que cela ne se fera que dans un cadre europĂ©en qui acceptera de se dĂ©fendre au lieu d'ĂȘtre constamment en train de subir.

Si vous prenez ces trois certitudes-lĂ , et la quatriĂšme que l'on a besoin d'ĂȘtre dĂ©fendu, pas seulement en sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, mais aussi dans les drames du monde extĂ©rieur, avec une dĂ©fense nationale qui tienne et pĂšse, tout cela c'est juste donc je dis : quand c'est juste, je veux ĂȘtre en soutien.

Quand vous voyez la montée du Rassemblement National et notamment avec plusieurs régions qui, en tout cas, d'aprÚs les sondages d'opinion, sont gagnables pour le Rassemblement National, comment vous expliquez ce phénomÚne ?

Est-ce qu’il y a un moyen de lutter pour vous pour Emmanuel Macron ?

Oui, ce n'est pas un moyen de lutter, il n'y a qu'une voie de lutter.

Je vais vous dire quelque chose qui peut-ĂȘtre est diffĂ©rent de ce que beaucoup de responsables politiques vous disent.

Ce n'est pas en faisant du Rassemblement National l'Ă©pouvantail universel que des batailles comme celle-lĂ  se gagnent.

Passer sa vie dans l'obsession de Marine Le Pen ou de sa famille, ce n'est pas du tout comme cela que l'on construit un pays.

Au contraire, on construit un pays dans une envie, une adhésion.

Pardon, on a quand mĂȘme un peu l’impression que, En Marche, ils sont dans l'obsession du Rassemblement National.

Là, je ne vous parle pas d'un parti politique ou d'un autre ou d'une majorité ou d'une autre.

Je parle du pays, je parle des Français et des responsables politiques ou de ceux qui aspirent Ă  l'ĂȘtre ou qui le sont.

Je ne suis pas partisan de l'obsession du RN.

Le meilleur moyen de se battre, c'est de porter un style et un projet attractif et le style est pour moi, l'Ă©nergie, la volontĂ©, l’optimisme, parfois la capacitĂ© d'ĂȘtre rempli d’inquiĂ©tude et de souci et parfois la capacitĂ© de sourire ou de rire peut-ĂȘtre avec les Français comme ils sont dans leur vie, cette maniĂšre de vivre positive est plus importante pour gagner les batailles que de passer son temps dans l'obsession, la crainte, la peur.

Je ne suis pas de ce cÎté-là.

Mais il y a des moments oĂč il faut que les choses soient trĂšs claires et dites. En 2002, Jacques Chirac face Ă  Jean-Marie Le Pen, vous-mĂȘme, comme d'autres, n'hĂ©sitez pas et dites : Il faut faire front.

Quand mĂȘme, ce front rĂ©publicain, c'est une expression que l'on n'entend quasiment plus.

Vous voyez bien, chacun joue sa carte. Il faut dire les choses comme elles sont.

D’aucuns considĂšrent que, ma foi, les grands combats doivent passer aprĂšs les intĂ©rĂȘts de parti.

Je crois qu'ils se trompent, mais encore une fois, je ne veux pas me placer dans cette seule obsession.

Voyez, on a, en 30 ans, laissĂ© s’effondrer l’appareil productif du pays. Il faut le reconstruire et cela ne fera pas en ayant peur du RN. Cela se fera en portant des dĂ©cisions, des orientations, des mĂ©thodes qui ont Ă©tĂ© oubliĂ©es depuis 30 ans et qui doivent ĂȘtre reprises.

Et vous avez justement remis au goût du jour la planification.

On parlait tout Ă  l'heure de la question de l'efficacitĂ©. En voilĂ  en tout cas Ă  vos yeux un des outils. Vous ĂȘtes Haut-commissaire au Plan depuis le mois de septembre dernier et l'une de vos toutes premiĂšres notes au fond - celle qui a fait le plus de bruit - c'est l'idĂ©e d'un pacte national, je vous cite, « un pacte national pour la dĂ©mographie afin de sauver le modĂšle social français ».

Et cela passe par deux voix : avoir plus d'enfants, relancer la natalité française et accueillir davantage de personnes issues de l'immigration.

Il se trouve que je n’ai jamais Ă©crit cela simplement.

Qu’avez-vous Ă©crit ?

Simplement, il faut un Ă©quilibre naturellement et il faut qu'il y ait une harmonie dans le pays qui fasse


Vous avez bien dit qu'il fallait sauver le modÚle social français avec un pacte national ?

Oui, mais je n'ai jamais pensé, ni dit, ni soutenu - je vais vous expliquer pourquoi - que l'immigration était une réponse à cela.

L'immigration, c'est une rĂ©alitĂ©, trop souvent parce que nous n'avons pas chez nous la volontĂ© de prendre un certain nombre d'emplois absolument nĂ©cessaires et que l'on refuse d'assumer dans le tissu de la sociĂ©tĂ© française comme elle est, les Allemands ont dĂ» faire la mĂȘme chose, ils sont allĂ©s chercher en un seul coup un million de personnes en une seule annĂ©e. Et ce n'est pas ce que je souhaite pour chez nous.

Ce n'était pas forcément une bonne chose ?

Je pense que le patronat allemand avait exigé qu'il y ait un tel apport de population.

Ils ont une natalité encore bien plus faible que la nÎtre.

En effet. Quand c'est en une seule fois, à la limite, on peut estimer que la coagulation, l’osmose se fait, mais ce n'est pas mon point de vue.

Le mien est que, naturellement, une immigration existe ; il faut la prendre en compte et réussir son intégration, et il continuera à y en avoir.

Ceux qui vous disent que l'on va passer à l'immigration 0, pour moi, se trompent parce que, si vous regardez l'état du monde et l'équilibre du monde, alors, vous vous apercevrez que des continents entiers se développent, du point de vue de la population, à vitesse grand V.

Est-il illusoire de penser que l'on pourrait mettre l'immigration « en pause », comme certains candidats le promettent ?

Ils le promettent, mais ils ne le feront pas. Certains l’ont dĂ©jĂ  promis, mais ils ne l'ont pas fait.

Ce qu'il faut obtenir, c'est une immigration régulée, une immigration dont on reprend le contrÎle, que l'on ne subit pas, qui n'est pas une immigration devant laquelle nous sommes désarmés.

Raison supplémentaire pour laquelle un équilibre des populations est nécessaire.

Si vous avez une population qui fléchit du point de vue démographique, alors, le monde qui vous entoure et qui, lui, est en progression - je pense à l'Afrique, par exemple - naturellement, le jeu des vases communicants jouera.

Qui vous a caricaturé ? En effet, peut-ĂȘtre que moi-mĂȘme je me suis trompĂ©e, mais il est vrai que, lorsqu’on lit les rapports de cette note, nous avons l'impression que les deux rĂ©ponses, sur un pied d'Ă©galitĂ©, Ă©taient natalitĂ© et immigration.

Il se trouve que ce n'est pas vrai et que, si l’on avait pris la peine de lire cette note, comme j'assume toujours ce que je dis, on aurait vu que ce n'Ă©tait pas vrai.

Vous savez ce que c'est, dans votre mĂ©tier, la premiĂšre dĂ©pĂȘche commande tout le reste.

Un mot sur la question du pacte des gĂ©nĂ©rations, l’un des points sur lequel vous insistez.

Vous dites, notamment, qu'il est nécessaire que le modÚle français passe par une solidarité entre les générations. Cette semaine, Emmanuel Macron a laissé entendre que la réforme des retraites serait abandonnée, en tout cas, que ce n'était pas le moment.

De ce point de vue, vous dites-vous que c'est une bonne chose, que ce n'était pas le moment ?

Je ne suis pas sûr que le moment d'une campagne électorale soit le bon moment pour traiter de la réforme des retraites.

Sauf qu’entre la derniùre campagne et celle-ci, il n'y a pas vraiment eu beaucoup de bons moments pour faire quoi que ce soit.

Si, ils ont essayĂ©, ceci et d’autres choses. 

La réforme des retraites est inéluctable.

Ce que dĂ©fend cette note, c'est que le contrat social français, prĂ©cisĂ©ment, la colonne vertĂ©brale de la formation du pays, de la nation, pourquoi se sent-on du mĂȘme pays ? Il y a plusieurs raisons Ă  cela : la langue en est une, l'État en est une, et le contrat social en est une autre. Nous sommes solidaires.

Nous sommes l’un des seuls pays Ă  avoir choisi des retraites par rĂ©partition. Cela signifie que chacun n'acquiert pas des droits au fur et Ă  mesure de la vie, ce sont les actifs qui paient, au jour le jour, au mois le mois, les retraites.

Avec ce grand risque de la pyramide des Ăąges.

Si la pyramide des Ăąges s'effondre, les retraites s'effondreront. Le fait que l'on travaille moins d’annĂ©es, la vie s’allongeant, tout cela met en pĂ©ril les retraites.

Si je vous écoute, cette réforme des retraites est absolument nécessaire ; elle ne sera donc pas faite pendant ce quinquennat.

Elle sera au cƓur de la campagne prĂ©sidentielle. Chacun viendra et dira si, oui ou non, il est dĂ©terminĂ© Ă  assumer cette rĂ©forme, pour une seule raison, c'est que les pensions continuent Ă  ĂȘtre payĂ©es. Parce que si l'on va dans le sens des bras ballants et de se dĂ©sintĂ©resser du sujet, alors, un jour, peut-ĂȘtre prochain, ce sont les pensions qui seront en question.

La rĂ©forme des retraites aurait Ă©tĂ© menĂ©e Ă  son terme, s'il n'y avait pas eu l’épidĂ©mie de la Covid-19 telle que nous l'avons vĂ©cue et, en effet, gilets jaunes et Ă©pidĂ©mie, cela fait deux grosses vagues de tsunami.

L’épidĂ©mie n’y est pour rien, tout le monde l’a subie, et les gilets jaunes font Ă©galement partie d'une forme de rĂ©ponse Ă  l'Ă©lection d’Emmanuel Macron.

Non, cela fait partie d'une réponse à 30 années de rupture entre la base de la société, ceux qui travaillent, qui sont au chÎmage, qui sont à la retraite, et le prétendu sommet.

L'État du haut qui regarde comme cela, d'un air condescendant, la base du pays. Ce que les gilets jaunes ont dit, ou, en tout cas, ont manifestĂ©, ce qu'ils ont transmis, c'est cela, c'est l'insupportable situation de ceux qui font vivre le pays et qui ont le sentiment qu'ils ne sont pas pris en compte.

N’est-ce pas un peu facile d'arriver au bout du quinquennat en disant « Nous n'avons pas pu rĂ©former, mais nous n’y sommes pour rien, donc il faut que nous recommencions ? »

Je ne dirai pas cela. Beaucoup de choses ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, et tout le monde s’en rend compte.

Regardez l'effort que l'on a fait, précisément en face de l'épidémie. Connaissez-vous un autre pays dans le monde, dans lequel on ait autant soutenu les salariés, les entreprises, les personnes au chÎmage, les intermittents du spectacle ? On a investi ou dépensé des sommes considérables pour maintenir l'unité du pays. Cela n'était pas facile et nous ne pouvons pas dire qu'ils s'en sont lavé les mains.

Franchement, aujourd'hui, tout le monde le reconnaĂźt. Le fait d'avoir Ă©tĂ© salariĂ© en France, cela n'avait rien Ă  voir avec les salariĂ©s ailleurs, oĂč ils n'avaient pas du tout les mĂȘmes droits, mais tout cela a Ă©videmment creusĂ© le dĂ©ficit, creusĂ© la dette. Vous, en 2007, lorsque vous Ă©tiez candidat Ă  la prĂ©sidentielle, vous faisiez de la question de la dette une question cruciale, vous disiez, je vous cite : « La rĂ©alitĂ© du dĂ©ficit de la dette est en train d’écraser gĂ©nĂ©rations les plus jeunes qui sont lĂ  d’une maniĂšre irresponsable, scandaleuse et immorale. » C'Ă©tait en 2007 et depuis, cela n'a fait qu'empirer. Vous dites que vous n’avez pas changĂ© d'avis ?

Peut-ĂȘtre vĂ©rifierez-vous ainsi qu’il m'arrive d'avoir raison avant bien d'autres et, aprĂšs tout, je le revendique. NĂ©anmoins, comme vous le savez, avec le plan, j’ai consacrĂ© une note de prospective Ă  cette dette-lĂ , qui n'est pas une dette comme les autres. C'est une dette de guerre. Nous n'avons pas eu le choix.

Cela veut dire qu’il faut Ă©chelonner cette dette, il faut la proposition que j'ai faite - considĂ©rer que, pendant 10 ans, nous allons effectuer un diffĂ©rĂ© d'amortissement. On le fait bien quand on achĂšte une maison ou un appartement, on peut faire un diffĂ©rĂ© d'amortissement et, dans 10 ans, on en reprendra le remboursement, en l’étalant suffisamment pour que l'on puisse le supporter.

Pourquoi peut-on le faire ? Parce que, comme vous le savez, aujourd’hui, l'argent aujourd'hui est extrĂȘmement peu cher. J’ai toutefois ajoutĂ© un deuxiĂšme point : il ne faut pas s'arrĂȘter lĂ , il faut un Plan Marshall pour reconquĂ©rir la production du pays.

Avons-nous encore de l'argent pour un plan Marshall ?

Il faut emprunter. La production industrielle, la production agricole, les services, on ne peut pas supporter les dĂ©sĂ©quilibres dans lesquels nous sommes enfermĂ©s depuis si longtemps et qui font que, le dĂ©sĂ©quilibre commercial de la France avoisine les 70 ou 75 Md€ par an.

Les Allemands, c'est 250 Md€ d'excĂ©dent. Ils ne sont pas beaucoup plus intelligents - ni beaucoup moins, j'espĂšre - ce n'est pas une diffĂ©rence d'intelligence, c'est une diffĂ©rence d'organisation et de volontĂ© du pays. Nous devons donc reconstruire, partir Ă  la reconquĂȘte. Je n'ai pas d'autres certitudes que celle-lĂ . La bataille n'est pas perdue, encore faut-il la livrer. Cela fait 30 ans qu'on ne la livre pas.

Livrer la bataille sur la rĂ©industrialisation du pays, relancer le pays. LĂ  encore, une sorte de pacte sera nĂ©cessaire, il va peut-ĂȘtre falloir le renouveler. Nous avons bien compris qu'il ne s'Ă©tait jamais rompu entre les deux hommes que vous ĂȘtes, Emmanuel Macron et vous-mĂȘme, mais il est quand mĂȘme trĂšs distendu entre vos Ă©quipes.

J'en veux pour preuve cette tribune - c’est le magazine L’Obs qui le rĂ©vĂšle - qui devait ĂȘtre signĂ©e par les parlementaires de la RĂ©publique en marche, Agir et Modem, sur une idĂ©e de StĂ©phane SĂ©journĂ©, conseiller politique du PrĂ©sident.

Visiblement, il semble que vos troupes n'ont pas accepté de ratifier ce texte. Officiellement, on dit que c'est une question de timing, mais Patrick Mignola, le patron des députés Modem, dit que cette tribune versait dans l'autosatisfaction.

Chacun son style et moi, quand on m'amÚne une tribune déjà écrite, en me demandant simplement de la signer
 je n'ai jamais de ma vie signé une tribune que je n'ai pas écrite.

D’autant plus que des parlementaires signent des tribunes pour expliquer que leur PrĂ©sident est un grand homme et que jamais il n’y a eu d’actions politiques aussi brillantes, ce n'est pas notre style. Cela est difficile Ă  faire comprendre, surtout Ă  des personnes sympathiques et bien intentionnĂ©es. Quand vous allez devant le pays, en disant : « Regardez comme mon champion est formidable », forcĂ©ment, vous vous attirez un peu d'ironie ou, en tout cas, un peu de rĂ©ticence.

Pour moi, ce n'est pas de cette maniĂšre que l'on fait de la politique.

Si je vous écoute bien, en fait, quand on a eu des députés de la République En Marche qui disaient « Nous avons une pensée trop complexe, nous sommes trop intelligents », en fait, ils tombent là-dedans de nouveau.

Vous voyez bien qu’il existe des approches diffĂ©rentes.

C'est amusant, parce que vous, vous n'hésitez pas à dire qu'il est formidable.

Je ne fais pas signer des tribunes pour le dire. Je pense que plus l’on parle de maniĂšre authentique, personnelle et sincĂšre, moins l’on passe par les moules habituels de la politique, et mieux c'est, parce que l'on est davantage crĂ©dible.

Cependant, au final, ce genre de tribune qui pourrait ĂȘtre commune entre vos dĂ©putĂ©s et les siens



 ce n'est pas une tribune commune qu'il faut, ce sont des actions communes. Ce ne sont pas des protestations publiques avec des tambours, des trompettes et des violons. Ce n'est pas comme cela qu'il faut faire.

PrĂ©cisĂ©ment, d’oĂč ma question : ne vous ĂȘtes-vous pas fait un peu avoir ? Le Modem a-t-il eu son compte ?

Je vois que vous voudriez me le faire dire, mais je ne peux pas vous dire oui, parce que je ne le pense pas. Je vais aller encore un peu plus loin : la VĂšme RĂ©publique, ce n'est pas un marchandage. Ceux qui croient qu’il s’agit de rapports de force dans lesquels l'un va obliger l'autre n'ont rien compris Ă  la VĂšme RĂ©publique, qui est une adhĂ©sion.

Quelqu'un est Ă©lu par une l'Ă©lection Ă  laquelle vous participez, puis vous ĂȘtes dans un rapport de confiance, pas dans un rapport d’épreuve de force. Il n'y a pas ceux qui tordent le bras et les autres, en aucune maniĂšre. La VĂšme RĂ©publique part de la base et pas d'un sommet qui voudrait imposer sa vision. En tout cas, c'est ma vision.

Il y a nĂ©anmoins des choses que vous n’avez pas obtenues et qui, pour vous, Ă©taient essentielles.

Des choses que nous n'avons pas obtenues pour l'instant et, comme je l'ai dit, je n'ai jamais pensé que les batailles étaient finies.

Vous n'avez donc pas renoncĂ©, et peut-ĂȘtre le second quinquennat sera-t-il le bon, s'il est rĂ©Ă©lu ?

Nous verrons.

Ces quatre annĂ©es ont Ă©tĂ© jalonnĂ©es par quelques difficultĂ©s, tout de mĂȘme, notamment des difficultĂ©s personnelles, nous allons y revenir. La souffrance d'avoir perdu une de vos trĂšs proches, Marielle de Sarnez, des difficultĂ©s juridiques Ă©galement, judiciaires. Vous deviez ĂȘtre l'homme de la justice, mais, aujourd'hui, on le voit bien, la justice est trĂšs mal vue par une grande partie des Français, or, le garde des Sceaux aurait dĂ» ĂȘtre vous.

Cela s'est arrĂȘtĂ© en raison de cette enquĂȘte sur la question du dĂ©voiement des financements de l’Union EuropĂ©enne qui, au lieu d’ĂȘtre utilisĂ©s pour des personnes qui travaillaient vĂ©ritablement pour l'Europe et le Parlement europĂ©en, auraient Ă©tĂ© utilisĂ©s au profit du parti le Modem. Le journal Le Monde rĂ©vĂšle, cette semaine, que l'enquĂȘte est allĂ©e jusqu'au bout et que, l'information judiciaire et les enquĂȘteurs ont mis Ă  jour, je cite « un systĂšme ancien et plus ou moins informel visant Ă  utiliser les fonds du Parlement europĂ©en afin de permettre le maintien de l'activitĂ© du parti et le niveau de rĂ©munĂ©ration des salariĂ©s de l'UDF MoDem. »

Que répondez-vous ?

Je rĂ©ponds une chose simple : ce n’est pas vrai. Regardez dans mes yeux : ce n’est pas vrai. Et le jour oĂč on voudra s’intĂ©resser aux preuves, on verra, on constatera, que ce n’est pas vrai. D’ailleurs, il se trouve que j’ai lu ce rapport et il me semble que cela progresse un peu parce que toutes les phrases que l’on dit « un systĂšme alĂ©atoire, informel, et on ne peut pas quantifier  » : Cela veut dire qu’il n’y a pas d’élĂ©ments probants qui ont Ă©tĂ© trouvĂ©s. Il y a des soupçons. Ils sont infondĂ©s. Et le jour oĂč il faudra, ce sera prouvĂ©. C’était mon premier point.

DeuxiĂšme point : ces accusations-lĂ , reposent-elles sur quoi que ce soit de rĂ©prĂ©hensible moralement ? Pas seulement pour nous, mais pour les formations politiques - il y a le RN, les Insoumis, 


En fait, vous dites que ce n’est pas si grave.

Ce n’est pas que ce n’est pas si grave. Un parlementaire, c’est quelqu’un qui est Ă©lu grĂące Ă  un parti politique. Et le fait de travailler avec son parti politique, c’est le b.a.-ba. Si on ne le fait pas, c’est lĂ  que l’on est immoral.

Sauf que c’est quand mĂȘme les rĂšgles du jeu.

Quelles rÚgles du jeu ?

L’argent de l’UE est utilisĂ© pour l’UE.

Excusez-moi, ce n’est pas l’argent de l’UE, ce sont les moyens mis Ă  disposition des parlementaires europĂ©ens. Je vous rappelle que je ne suis pas parlementaire europĂ©en. Les moyens mis Ă  disposition des parlementaires europĂ©ens pour qu’ils s’en servent pour leur action politique. Ce n’est pas pour aller faire bombance. Les moyens sont mis Ă  disposition des parlementaires europĂ©ens pour qu’ils travaillent leur action politique.

Il faut changer la rÚgle ?

Ce n’est pas changer la rĂšgle. Il faut respecter les principes. Ils ne le sont pas. Il y a des jours oĂč on essaiera de comprendre pourquoi il y a des manƓuvres de cet ordre, ce sera intĂ©ressant.

C’est quoi ces manƓuvres ? Qui a intĂ©rĂȘt Ă  finalement vouloir crĂ©er que


La journaliste, c’est vous.

Oui mais vous, vous assumez vos propos. Qu’est-ce que vous sous-entendez ?

Moi je dis qu’il n’y a rien de plus normal - et j’ajoute, de plus moral - pour un parlementaire que d’apporter son aide et son soutien au parti politique qui l’a fait Ă©lire. Mais vous avez bien compris, cela, c’est une dĂ©claration de principes. Il se trouve que pour nous, au Mouvement DĂ©mocrate, nous ne l’avons pas fait et qu’on peut le prouver. On ne l’a pas fait en partie parce que Marielle dont vous avez citĂ© le nom, a fait tout ce qu’elle pouvait scrupuleusement pour que jamais ces accusations ne nous atteignent.

Vous l'Ă©voquiez, Marielle de Sarnez, votre complice de toujours, votre bras droit, comme on disait, mais c'Ă©tait mĂȘme bien plus que cela. Vous Ă©tiez insĂ©parables. Elle a Ă©tĂ© terrassĂ©e par une leucĂ©mie en janvier dernier. Comment allez-vous ?

Moi, je vais trÚs bien. Cette conversation dépasse un peu
 Mais nous rencontrons tous la mort.

J'ai la chance de penser que la mort, ce n'est pas la disparition. J'ai la chance de penser, ou de sentir - et ce n’est pas rĂ©cent, j’ai toujours pensĂ© ainsi dans ma vie - que ceux qui sont passĂ©s de l'autre cĂŽtĂ©, ceux qui ont quittĂ© le fil du temps, sont lĂ , ils sont avec nous, ils manquent, mais ils sont avec nous et, mĂȘme je crois qu'ils sont agissants. Moi, je les sens agissants.

Cela n’empĂȘche pas le chagrin et, au fond, c'est bien, parce que s'il n'y avait pas de chagrin, cela signifierait que toutes ces choses sont vaines. J'ai perdu, ces derniĂšres annĂ©es, deux de mes bras droits, un bras droit Ă  Pau et Marielle, Ă  Paris - et mĂȘme plusieurs bras droits Ă  Pau - le combat continue, la vie continue, la vie ensemble continue, c'est ce que je ressens. Peut-ĂȘtre est-ce une illusion, mais


Vous croyez à la résurrection des morts ?

Oui, c'est mĂȘme le credo de


Que vous dites chaque dimanche Ă  la messe.


de ma foi, en tout cas.

J'ai perdu mon pÚre trÚs jeune, je n'ai jamais cessé de ressentir sa présence. J'ai perdu, forcément, des personnes que j'aimais, je n'ai jamais cessé de ressentir leur présence et, évidemment, la sienne également, puisque nous étions soudés. Je n'ai jamais cessé de ressentir cela.

Vous me direz que c'est stupide ou bizarre, mais je veux bien accepter d'ĂȘtre bizarre et, aprĂšs tout, mĂȘme si c'est stupide, je sais que les choses fortes que nous formons dans les liens entre les humains - les hommes, les femmes, les enfants - tout cela a du sens et cela n'aurait pas de sens - pardon, c'est une confidence intime que l’on ne devrait pas faire dans une interview politique - cela n'aurait pas de sens si cela disparaissait.

Merci beaucoup, François Bayrou de vous ĂȘtre confiĂ©, ici, Ă  Pau, et d'avoir acceptĂ© mon invitation. Cet entretien, comme tous les autres, est Ă  retrouver sur bfmtv.com.

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