Entretien de François Bayrou sur les 4 chaînes d'information en continu
Ce dimanche 31 août, le Premier ministre a accordé une longue interview aux 4 chaînes d'information en continu et a répondu aux questions des journalistes Darius Rochebin (LCI), Myriam Encaoua (Franceinfo), Marc Fauvelle (BFM TV) et Sonia Mabrouk (CNews).
Seul le prononcé fait foi.
MYRIAM ENCAOUA : Bonsoir à tous et bienvenue en direct de l'hôtel de Matignon. Bonsoir Monsieur le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Bonsoir.
Merci de nous recevoir pour cette grande interview inédite. Pour la première fois, les quatre chaînes d'information en continu sont réunies pour vous interroger à huit jours du vote que vous avez sollicité à l'Assemblée. Un vote crucial pour la France et pour vous-même.
SONIA MABROUK : Bonsoir Monsieur le Premier ministre et bonsoir à tous.
FRANÇOIS BAYROU : Bonsoir.
SONIA MABROUK : Dans ce moment politique... inédit, dans ce moment politique déterminant. Les Français ont le droit de savoir si la France, si leur pays a encore son destin en main. Et les dirigeants, vous, François Bayrou, vous avez un devoir de vérité pour nous expliquer comment nous en sommes arrivés là, quelle est la responsabilité des uns et des autres et vers quoi nous nous dirigeons. La première question, François Bayrou, vous est posée par Marc Fauvelle.
MARC FAUVELLE : Bonsoir, monsieur le Premier ministre. Depuis votre annonce surprise lundi dernier, depuis que vous avez demandé la confiance aux députés, on peut dire que rien ne s'est passé comme prévu. Le Rassemblement National puis l'ensemble de la gauche ont dit qu'ils ne vous accorderaient pas leur confiance, ce qui rend vos chances de maintien à Matignon assez faibles, voire nulles. Ma question est donc relativement simple. À qui allez-vous parler ce soir ? Aux députés pour tenter de renverser la vapeur ou aux Français pour leur dire au revoir ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors, sûrement pas au revoir. D'ailleurs c'est pour ça que vous m'invitez, si vous avez monté une émission aussi inédite, comme vous avez dit, aussi différente et aussi originale c'est parce que le sujet est crucial. Et le sujet, la question ce n'est pas le destin du premier ministre ou de François Bayrou et ce n’est même le destin du gouvernement la question c'est le destin de la France. Parce que vous voyez bien ce qui est en train de se préparer de s'affirmer tous les jours. C'est que si le gouvernement tombe, comme le souhaitent certains, comme l'annoncent certains. Et bien ça veut dire qu'on changera de politique : on abandonnera ou on abandonnerait la politique, pour moi, vitale pour le pays.
La politique sans laquelle le pays se place en danger extrême. Qu'on abandonnerait cette politique pour en prendre une autre, plus laxiste, plus abandonnée, plus à la dérive, et on va en parler précisément.
MARC FAUVELLE : On va en parler effectivement, vous dites si le gouvernement, vous avez peut-être entendu les propos d'Olivier Faure, le patron du PS aujourd'hui sur BFM, qui dit : « Notre décision de ne pas voter, même de voter contre la confiance, elle est irrévocable. »
Est-ce qu'il y a une part de testament politique dans cet entretien ?
FRANÇOIS BAYROU : Non.
MARC FAUVELLE : Vous y croyez encore ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors, un, je pense précisément que les jours qui vont venir sont cruciaux. Et deux, si vous imaginez que je peux abandonner les combats que je mène, que je mène ici, que je menais avant depuis des années, et que je continuerai à mener après, vous vous trompez.
Olivier Faure, qu'est-ce qu'il veut ? Il veut être à Matignon. Il l'a dit, il l'a annoncé, il va s'installer ici, avec un gouvernement dont il aurait exclu LFI. Et je ne vois pas où il trouverait d'autres soutiens et d'autres voix, puisqu'il aurait, par hypothèse, il s'apprête à faire tomber le gouvernement. J'imagine que la majorité actuelle puisse considérer que faire tomber le gouvernement et le remplacer par un autre dont Olivier Faure serait Premier ministre serait naturel, normal et affectueux. Donc, ce n'est pas du tout ça. Peut-être qu'il faut s'arrêter au sujet avant de...
SONIA MABROUK : Justement, M. le Premier ministre, parlons-en, parlons des Français. Les Français savent ce qu'est une dette. Ils l'éprouvent et ils le vivent douloureusement à l'échelle d'un ménage ou à l'échelle de leur pays. La quasi-totalité des Français sait parfaitement qu'un pays endetté, c'est un pays qui n'a plus sa souveraineté, qui n'a plus la liberté. Le diagnostic, votre diagnostic, malgré tout, François Bayrou, est largement partagé.
FRANÇOIS BAYROU : Non.
SONIA MABROUK : La question est la suivante, permettez-moi. La question est la suivante, nous reviendrons sur le diagnostic. Est-ce que vous estimez qu'il n'y a pas d'autre solution que la vôtre ? d'autres alternatives que votre budget, que vos pistes, que vos propositions ? Et par exemple, n'est-il pas temps de s'attaquer aujourd'hui à un État obèse qui est souvent dispendieux et parfois injuste ?
FRANÇOIS BAYROU : Ça c'est vrai, j'ai beaucoup affirmé cette vision de la réforme nécessaire, des changements nécessaires, de la réorganisation nécessaire de l'État. Ça c'est vrai ! On a, au fil du temps, laissé s'organiser des multiplications d'organisations, d'organismes, d'actions, parfois de ministères, et c'est très difficile à lire, et c'est donc très difficile à faire avancer. Donc ça c'est vrai, mais la question, si je vous ai dit non, si les Français prennent dans les jours qui viennent la mesure, comme vous dites, en disant : « tout le monde est d'accord. » Si tout le monde est d'accord, il faut agir tout de suite !
SONIA MABROUK : Laissez-moi expliciter l'État obèse, monsieur le Premier ministre. La France a à peu près 500 taxes et impôts. On taxe notre richesse produite aujourd'hui à un peu près 40% chaque année. Les Français, à partir du 15, du 16 ou du 17 du mois, ils ne travaillent plus tellement pour eux, ils travaillent pour l'État. Est-ce que vous dites aujourd'hui, ça suffit, Nicolas qui paye, il n'en peut plus ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, mais vous voyez... Cette affirmation qui est tout à fait juste, c'est une affirmation en réponse, si on est d'accord, sur le diagnostic. Là, vous venez faire œuvre de médecin, d'expert, qui dit « moi j'ai une ordonnance ». Et puis vos voisins, vos cousins sont aussi des médecins experts et ils disent « j'ai une ordonnance ». Ce n'est pas la même, mais on peut en discuter. Ce dont on ne peut pas peut pas discuter, c'est la gravité du mal et la précision du diagnostic.
Et de ce diagnostic, permettez-moi de vous dire un petit mot quand même, parce qu’autrement, on ne sait pas de quoi on parle.
Le diagnostic, c'est quoi ? C'est un bateau qui a un trou dans la coque, qui a une voie d'eau. Et la cale du bateau se remplit d'eau chaque jour qu'il passe et se remplit d'eau pas depuis aujourd'hui, depuis 50 ans. On n'a pas présenté en France, c'est effrayant de dire ça. On n'a pas présenté en France un budget en équilibre depuis 51 ans. Et donc, budget qui n'est pas en équilibre, ça veut dire déficit tous les ans. Et c'est comme dans un ménage, quand on a un déficit, il faut aller emprunter à la banque pour payer le déficit. Et on en est arrivé à une accumulation, je parle d'eau dans la coque, à une accumulation de 3 350 milliards d'euros. On rappelle, milliards, c'est 1 000 millions. 3 350 milliards d'euros accumulés, et on en arrive au point où, c'est comme à la banque, quand vous empruntez, vous devez acquitter les mensualités. Et là, on emprunte pour acquitter les mensualités.
DARIUS ROCHEBIN : Monsieur le Premier ministre, pardon, la voie d'eau continue. Il y a un chiffre qui est méconnu des Françaises et des Français et qui jette un doute, pas sur vous, vous avez toujours dit qu'il faut économiser davantage, mais sur l'État. Pendant cette année où, en théorie, on demande des efforts aux Françaises et aux Français, l'État non seulement n'a pas maintenu, n'a pas baissé, mais a augmenté la masse des salaires des agents de la fonction publique. Ça paraît...
FRANÇOIS BAYROU : Pendant cette année, excusez-moi. Pendant l'année précédente…
DARIUS ROCHEBIN : Oui, c'est ça. Vous étiez déjà là aux affaires, en fin de 2014.
FRANÇOIS BAYROU : Non, non. Excusez-moi, je veux bien que vous me voyiez partout, que vous m'imaginiez en tout temps, mais j'ai été nommé dans cette responsabilité le 13 décembre.
DARIUS ROCHEBIN : Mais c'est le gouvernement que vous souteniez déjà. Monsieur le Premier ministre, pardon. À TF1, vous avez eu cette formule sur les inconscients, en disant ce qu'ils disent, "t'en fais pas, Simone".
FRANÇOIS BAYROU : Oui.
DARIUS ROCHEBIN : Mais ça, c'est « on ne fait pas, Simone » . C'est l'État qui dit « on ne fait pas, Simone » quand on dit, pardon, on augmente, on continue à augmenter la masse salariale. C'est vraiment dire aux gens « faites un effort, mais nous, nous ne le faisons pas ». Et encore une fois, ce n'est pas contre vous, ce n'est pas polémique, mais comment croire que ça va changer ? Expliquez-nous comment c'est possible. Ce n'est pas une association de boulistes, c'est la septième puissance économique du monde. Il y a bien un haut fonctionnaire qui a vu ce chiffre, plus 6,7 %, et qui s'est dit : « ce n'est pas possible. »
FRANÇOIS BAYROU : Eh bien, ces augmentations, elles s'expliquent simplement parce que les années précédentes ont été des années d'inflation. Le Covid et puis la guerre en Ukraine, l'explosion des coûts de l'énergie, l'inflation qui a suivi a fait que dans les deux années précédentes... Tout d'un coup, l'inflation a monté…
MYRIAM ENCAOUA : Mais les crises n'expliquent pas tout, monsieur le Premier ministre. Vous n'avez pas une part de responsabilité ? Honnêtement ? En tout cas, le camp présidentiel, plus 1 000 milliards de dettes depuis 2017. Ça fait 8 ans…
FRANÇOIS BAYROU : Madame, excusez-moi.
MYRIAM ENCAOUA : …L’arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
FRANÇOIS BAYROU : Je vais répondre précisément sur deux points. Le premier, part de responsabilité. Tous les opposants, sans exception, exigeaient qu'on fasse plus. Ils sont montés à la tribune. Vous hochez la tête parce que vous les avez vus, sans exception. Ils montaient à la tribune pour dire : « mais ce n’est pas assez, ça ne suffit pas ». Et deuxièmement, votre formule laisse entendre que c'est les gouvernements qui dépensent l'argent. C'est pas vrai ?
DARIUS ROCHEBIN : C'est l'État alors ?
FRANÇOIS BAYROU : Non.
DARIUS ROCHEBIN : Ici c'est l'État.
FRANÇOIS BAYROU : Non. Ce sont les Français à qui on a mis à disposition pour les retraites, une immense somme, et vous savez que j'ai déployé des trésors d'ingéniosité pour que ce chiffre apparaisse. Les retraites, ça coûte à l'État entre 40 et 50 milliards par an. Deuxièmement, pour la Sécu. Troisièmement, pour aider les entreprises, non pas pour les entreprises elles-mêmes, mais parce qu'une grande partie de ces sommes sont faites pour que des Français qui ne pourraient pas trouver un emploi, on appelle ça l'abaissement de charges, soient reçus.
MYRIAM ENCAOUA: C'est clair. Mais les Français le disent dans les sondages, ils sont inquiets, ils le disent tous. Et avec des réponses, des taux très très élevé, ils veulent de l'action.
FRANÇOIS BAYROU : Excusez-moi.
MYRIAM ENCAOUA: La question maintenant, c'est le choix de votre méthode. On peut s'interroger ?
FRANÇOIS BAYROU ; Non, je ne vais pas vous laisser aller trop vite sur ce sujet. Il est 18h10, on a un peu de temps pour...
MYRIAM ENCAOUA: Bien-sûr. Si rien n'est fait, le niveau va couler.
FRANÇOIS BAYROU : Non, ce n'est pas ça que je dis. Il faut qu'on illustre ce qui se passe. Les Français, l'économie française, tous les ans, ce qu'on appelle la croissance, on produit un peu plus que l'année précédente. On produit 50 milliards de plus. Et produisant 50 milliards de plus, on crée 150 milliards de déficit. On produit 50 milliards de plus, 150 milliards de déficit. La dette, ça fait quoi ? Ça veut dire qu'il faut rembourser tous les mois, tous les ans. Des sommes qui deviennent de plus en plus...
SONIA MABROUK : Mais les Français le savent, M. le Premier ministre. Ils le savent. Vous apparaissez aujourd'hui comme un lanceur d'alerte, pardonnez-moi. En quoi ce n'est pas une fuite en avant ? En quoi ce n'est pas courage, fuyons, alors que le 8 septembre, la messe semble délaite ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous voyez, cette formule-là, les Français le savent. Si les Français le savaient, nous n'en serions pas là.
SONIA MABROUK : Ah bon ?
FRANÇOIS BAYROU : Si les Français le savaient, il y aurait de leur part un mouvement de mobilisation, et de la part des politiques, des députés, un mouvement de mobilisation. Mais ce n'est pas ce qu'ils disent. Le Parti socialiste vient de sortir des propositions hier.
DARIUS ROCHEBIN : Alors parlons-en, parlons de la négociation, et c'est Marc Fauvel qui poursuit, puisqu'on suit cet ordre, mais parlons exactement de ce qui est possible, ce qui peut être discuté pendant la semaine qui vient avec les partis.
MARC FAUVELLE : Le premier chiffre qu'on a retenu dans votre budget, François Bayrou, ce sont les 44 milliards d'euros d'économie que vous souhaitez en 2026 pour faire baisser un peu notre déficit. Le Parti Socialiste, par exemple, qui a présenté hier son contre-budget, a dit qu'il n'y a pas d'urgence, on peut peut-être lisser l'effort sur plusieurs années et revenir sous les fameux 3% un peu plus tard. Est-ce que ce chiffre de 44 milliards d'euros, monsieur le Premier ministre, est tabou ? Ou est-ce que ça pourrait être un peu moins, 35 ou 30 milliards par an ?
FRANÇOIS BAYROU : Non mais il faut expliquer ce qu'est ce chiffre. J'ai entendu un commentateur dans une émission qui disait : « Mais on n'a toujours pas compris ce que sont ces 44 milliards. » Alors, on va l'expliquer.
MARC FAUVELLE : C’est ce qui nous permettra, dans votre plan, de revenir à 3% de déficit en 2029. Je résume.
FRANÇOIS BAYROU : La France s'est engagée, il y a déjà deux ou trois ans, au moment des crises que nous avons évoquées. Elle s'est engagée. On avait dit qu'on ne dépassera pas 3% de la richesse produite tous les ans en déficit. Et la France est engagée à ça.
Et 3% de cette richesse, ça veut dire qu'on doit revenir en 4 ans, si ce n'est pas notre engagement, 2025, 2026, 2027, jusqu'en 2029. Et en 2029, on atteint ce seuil qui n'est pas du tout un seuil théorique, inventé...
MARC FAUVELLE : Un peu né sur un coin de table, Paris match, cette semaine, est allé réinterroger les fonctionnaires de Bercy.
FRANÇOIS BAYROU : Peut-être les fonctionnaires de Bercy ne se rendaient-ils pas compte du travail qu'ils ont fait ?
Journaliste : François Bayrou…
FRANÇOIS BAYROU : Mais moi je m’en rends compte.
SONIA MABROUK : …Au-delà des chiffres, est-ce qu'on peut parler ? Il y a une question importante que vous évitez depuis le début de cet entretien, c'est celle de la responsabilité. Vous avez parlé des députés. Vos députés MoDem, M. Bayrou, ont voté tous les budgets déficitaires depuis 2017. Vous-même, vous avez porté au pouvoir et accompagné, et vous avez eu un rôle actif, un président de la République qui a aujourd'hui précipité la dette : 1 300 milliards depuis 7 ans. Si je remonte à une autre époque, monsieur le Premier ministre, à une époque pas si ancienne, un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, a bataillé pour le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant la retraite, et à l'époque, je me souviens très bien, vous y aviez dit, ce n'est pas comme ça qu'on va trouver des économies. Ma question est simple : Vous nous dites aujourd'hui en sincérité et en vérité que vous avez lutté contre la dette, mais vous avez voté pour la dette. Alors n'êtes-vous pas responsable de la situation en tant que les autres, monsieur François Bayrou ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors si vous croyez que vous allez, avec le sourire et gentiment…
SONIA MABROUK : Le respect qu’on vous doit.
FRANÇOIS BAYROU : …M'entraîner à ne pas répondre à la question que j'avais proposée, à laquelle j'allais proposer une réponse et puis je vous répondrai après.
MARC FAUVELLE : Gravis dans le marbre ou pas les 44 milliards d'euros d'économie ?
FRANÇOIS BAYROU : Si nous devons revenir à en 2029 au seuil qu'on appelle de 3%, qui est simplement le seuil à partir duquel la dette n'augmente plus. Et si la dette n'augmente plus, alors l'activité du pays fait qu'elle devient chaque jour plus supportable. Si on doit en arriver à ça, alors il faut des étapes. On était à presque 6% de déficit. Nous serons cette année, grâce au budget que nous avons fait, adoptés à 5,4%. Et nous avons pris l'engagement d'être à 4,6%, c’est en descendant. L'engagement auprès de qui…
MARC FAUVELLE : Et les 44 milliards d’euros…
FRANÇOIS BAYROU : …J'y viens. L'engagement auprès de qui ? L'engagement auprès de nos partenaires européens. Nous étions, vous vous souvenez bien, vous avez fait des titres, des émissions là-dessus, nous étions placés en déficit excessif. Et puis, grâce au travail que le gouvernement, que j'ai la chance de conduire, a proposé, alors Bruxelles a dit maintenant vous pouvez sortir parce qu'il y a un scénario crédible. Et les 44 milliards, c'est à peu près, si vous me disiez 42, je peux arriver à imaginer...
MARC FAUVELLE : 35 ?
FRANÇOIS BAYROU : Non mais je ne veux pas...
MARC FAUVELLE : C'est l'ordre de grandeur en tout cas, on a compris
MARC FAUVELLE : L'ordre de grandeur, c'est la marche que nous devons suivre pour que notre pays sorte de la malédiction immédiate de la dette.
SONIA MABROUK : Monsieur le Premier ministre...
FRANÇOIS BAYROU : Et si on ne fait pas ça ? Alors vous me dites...
SONIA MABROUK : Je reviens pardonnez-moi…
FRANÇOIS BAYROU : …Vous me dites, les Français le savent…
SONIA MABROUK : La parole est crédible si on comprend vraiment les responsabilités des aînés.
FRANÇOIS BAYROU : …Je vais répondre à la question que vous avez posé. Vous avez dit : « Nicolas Sarkozy a bataillé »…
SONIA MABROUK : C'est un exemple.
FRANÇOIS BAYROU : …Non, ce n'est pas un exemple. C'est le président de la République qui a conduit une politique qui a créé plus de 1 000 milliards de dettes en 5 ans.
SONIA MABROUK : Comme les autres, tous ceux qui ont été au pouvoir. Vous-même, à la tribune de l'Assemblée, l'avez dit.
FRANÇOIS BAYROU : Vous avez le droit de dire comme les autres…
SONIA MABROUK : Vous contestez que M. Hollande et M. Macron n'ont pas augmenté la dette ?
FRANÇOIS BAYROU : M. Hollande, parce qu'il a eu de la chance…
SONIA MABROUK : Vous-même l'avez dit à la tribune de l'Assemblée, M. Bayrou.
FRANÇOIS BAYROU : Écoutez-moi bien, parce que je l'ai déjà… Depuis 1974…
SONIA MABROUK : Pourquoi vous avez voté ?
FRANÇOIS BAYROU : …Tous les gouvernants…
SONIA MABROUK : Pourquoi vos députés ? Pourquoi les ont-ils votés ?
FRANÇOIS BAYROU : Je n'étais pas à l'Assemblée nationale depuis 15 ans.
SONIA MABROUK : Je crois qu'ils vous obéissent au doigt et à l'œil, si je peux me permettre.
FRANÇOIS BAYROU : Non, je ne crois pas qu'ils m'obéissent au doigt et à l'œil. Ce sont des parlementaires estimable…
SONIA MABROUK : Tout à fait.
FRANÇOIS BAYROU : …pour un grand nombre d'entre eux, brillant, en tout cas respectable. Et puis je suis très content qu'il soit là, parce que c'est comme une famille politique. Et donc, pourquoi est-ce que les gouvernements successifs ont voté ? Parce que les Français le demandaient. Parce que quand Nicolas Sarkozy...
SONIA MABROUK : Monsieur le Premier ministre. Ce n'est pas audible aujourd'hui de dire que c'est la...
FRANÇOIS BAYROU : Ça n'est pas audible pour vous, mais c'est audible pour eux.
SONIA MABROUK : Vous pensez que c’était audible pour la plupart des Français ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, absolument.
SONIA MABROUK : Parce qu'ils voulaient une telle situation ?
FRANÇOIS BAYROU : Nicolas Sarkozy a eu à faire face à une crise terrible qu'on a appelé la « Crise des subprimes », c'est-à-dire la crise financière internationale. Et il a fait du quoi qu'il en coûte. Et le président Macron, il a fait lui aussi le choix, au moment du Covid, qu'on ne laisserait tomber personne. Et il a eu raison de le faire…
DARIUS ROCHEBIN : François Bayrou, la courbe, on la voit depuis 1974-1975, vous le disiez, elle monte. Ça ne sert à rien de dire que c'est la faute à Tartempion ou à Tartemuche. En réalité...
FRANÇOIS BAYROU : C'est la faute à tout le monde !
DARIUS ROCHEBIN : Ah la faute à tout le monde, si vous voulez. Donc, vous appelez l'opinion à témoin. Et maintenant, la suite s'écrit avec les partis, et d'une façon ou d'une autre. Il va falloir une forme de compromis parlementaire. Est-ce que vous prenez d'abord le mot compromis ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, moi je trouve que c'est beau le compromis.
DARIUS ROCHEBIN : Parlons-en, s'il vous plaît.
FRANÇOIS BAYROU : Mais je ne suis pas sûr que ça soit possible…
DARIUS ROCHEBIN : Attendez, discutons-en. Pour la première fois, on n'a pas reconnu François Bayrou. Vous êtes un centriste, c'est une espèce très particulière, vous êtes en général des manœuvriers redoutables, qualité ou défaut, et là, par exemple, vous avez laissé passer un été de manière assez étrange, c'est-à-dire que les oppositions, et même parfois certains dans votre camp, disent pourquoi, pourquoi est-ce que pendant un été entier, alors qu'il fallait préparer le terrain... Tout à coup, là, au début, à la rentrée, vous dites « Ah, urgence ! »
FRANÇOIS BAYROU : Vous êtes gonflé, si je puis dire. Parce que je suis venu chez vous pour expliquer le contraire.
DARIUS ROCHEBIN : Oui, mais Mme Le Pen dit, je lui écris, elle montre même, elle dit « Voilà, lettre du 25 juillet » . Elle dit « Vous ne lui répondez pas ».
FRANÇOIS BAYROU : Excusez-moi, j'ai reçu la lettre de Mme Le Pen. Elle a dû arriver dans les services le 29 juillet, c'est-à-dire que... arrivé sur mon bureau…
DARIUS ROCHEBIN : C’est la faute à la poste ?
FRANÇOIS BAYROU : Non.
DARIUS ROCHEBIN : 25, 29, c'est bien. L'avez-vous lu ?
FRANÇOIS BAYROU : Je l'ai lu, je vais vous en parler si vous le voulez.
DARIUS ROCHEBIN : Vous avez répondu ?
FRANÇOIS BAYROU : Mais je n'ai pas répondu, je réponds, j'ai l'intention de la rencontrer, et je la rencontrerai cette semaine.
SONIA MABROUK : Elle n'est plus en vacances, comme vous l'avez sous-entendu.
FRANÇOIS BAYROU : Heureusement qu'elle était en vacances !
SONIA MABROUK : Vous comprenez, monsieur le ministre…
FRANÇOIS BAYROU : Vous aussi vous étiez en vacances ?
SONIA MABROUK : …que ça puisse heurter ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, non. Répondez-moi.
SONIA MABROUK : …Expliquez-nous ce paradoxe. Comment vous voulez rassembler le pays, les Français, sur un sujet aussi grave, et en même temps vous dénigrez des oppositions que vous n’estimez pas la place de son affaire ?
FRANÇOIS BAYROU : Mais vous êtes formidable.
SONIA MABROUK : Je vous remercie.
FRANÇOIS BAYROU : Je n'ai dénigré personne. Personne ? Vous étiez en vacances, vous étiez en vacances, vous étiez en vacances. Le seul qui n'était pas en vacances…
SONIA MABROUK : C’était vous.
FRANÇOIS BAYROU : …C'était moi.
SONIA MABROUK : Donc le seul adulte responsable de cette classe, c'est vous.
FRANÇOIS BAYROU : Mais je n'ai pas dit : « adulte responsable », essayez de ne pas caricaturer. On a devant nous des problèmes qui sont des problèmes majeurs qui seront dans les livres d'histoire.
DARIUS ROCHEBIN : Justement. Pardon, de traiter avec une partie… Ce sont des grands partis de la République, que ce soit d'ailleurs le RN, que ce soit l'LFI, que ce soit tous les partis de cette Assemblée, vous avez toujours dit je les respecte tous. Ça n'est pas très respectueux, disons, les choses qui s'est passées là n'est pas très respectueux que vous ne traitiez pas, que vous ne répondiez pas à leurs objections. Ils ne sont pas très respectueux non plus. Monsieur Bardella dit que c'est parce que vous faisiez la sieste que vous n'avez pas répondu.
FRANÇOIS BAYROU : Je dis qu'ils étaient en vacances. J'ai eu les dirigeants du Parti Socialiste, directement ou par personne interposée, à la même date, à peu près le 30 août. Et il partait en vacances. J'ai eu M. Guedj qui m'a dit…
DARIUS ROCHEBIN : Là, vous avez parlé avec Mme Le Pen ces derniers jours ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, je ne lui ai pas parlé directement. Mais, nous avons reçu sa réponse.
Et M. Guedj dit, mais...
DARIUS ROCHEBIN : Jérôme Guedj, c'est l'un des négociateurs
MYRIAM ENCAOUA : Député de l’Essonne.
FRANÇOIS BAYROU : … « Écoute, je ne suis pas à Paris, je ne vais pas y être pendant longtemps, je pars, je ne sais pas où, à l'étranger. » Et Olivier Faure était aussi. Mais vous vous rendez compte…
MYRIAM ENCAOUA : Monsieur le Premier ministre au-delà du polémique…
FRANÇOIS BAYROU : …à quel point on devient bizarre ? De considérer que, parce que j'ai osé mentionner que tout le monde était en vacances, je peux en attester,
MYRIAM ENCAOUA : Au-delà des polémiques…
FRANÇOIS BAYROU : …à Paris il n'y avait personne. Et donc, franchement, c'est la moindre des choses. On a tout le temps s'ils veulent négocier.
MYRIAM ENCAOUA : Alors il reste huit jours, vous reconnaissez quand même que c'est très très court.
FRANÇOIS BAYROU : Non, pas du tout, pas du tout, vous voyez, c'est précisément ça. Il reste pour négocier plus d'un mois.
MYRIAM ENCAOUA : Plus d'un mois ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui.
MARC FAUVELLE : À condition que les députés accordent leur poursuite.
FRANÇOIS BAYROU : Mais la question, excusez-moi… Vous voyez bien qu'on met le doigt, on arrive au doigt précisément sur l'épicentre de ce qu'est en effet un choix historique. Négocier, ça n'a de sens que si on est d'accord sur le diagnostic.
SONIA MABROUK : Mais qui ne l'est pas ?
FRANÇOIS BAYROU : Que si on est d'accord sur le constat.
MYRIAM ENCAOUA : Vous recevez les chefs de parti, c'est une semaine importante. Vous avez parlé de négociation. Est-ce que cette semaine qui s'ouvre, ce sera de la négociation ?
FRANÇOIS BAYROU : S'ils le veulent, oui.
MYRIAM ENCAOUA : Alors on y va sur les mesures. Pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre, mais vous allez en discuter de cette copie budgétaire. Sur le fond des mesures, il y a une mesure qui cristallise les oppositions. 80% des Français y sont hostiles. Il s'agit des deux jours fériés supprimés. Travaillez gratuitement deux jours de plus. Ils trouvent ça injuste. Alors est-ce que vous pouvez nous dire ce soir que vous êtes prêts à faire un geste ?
FRANÇOIS BAYROU : Mais ce n'est pas à faire un geste. Bien sûr que je suis prêt, je l'ai dit dix fois, y compris le 15 juillet.
MYRIAM ENCAOUA : Ça veut dire concrètement quoi ?
FRANÇOIS BAYROU : Attendez, mais je reprends votre formule. Vous dites travailler gratuitement. Ce n'est pas vrai, c'est travailler tous les Français ; les artisans, les commerçants, ceux qui ne sont pas salariés. Beaucoup ne sont pas salariés et beaucoup sont salariés qui ne sont pas salariés au temps passé. C'est travailler parce que notre pays est au risque et qu'on donne chacun d'entre nous un peu plus.
MYRIAM ENCAOUA : Mais vous comprenez comment que le pouvoir d’achat est un sujet…
FRANÇOIS BAYROU : Pourquoi j’ai choisi cette mesure ?
MYRIAM ENCAOUA : …Que vous voulez justement que le travail paie davantage, cette mesure, elle est rejetée, elle est même critiquée dans votre propre camp. On entend des ministres, clairement, qui n'y sont pas favorables.
FRANÇOIS BAYROU : Elle est tout à fait discutable.
MYRIAM ENCAOUA : Oui.
FRANÇOIS BAYROU : Je vais vous donner les chiffres précis. Elle est tout à fait discutable, cette mesure. Et je vais vous expliquer pourquoi je l'ai choisie. Parce que j'avais envisagé d'autres mesures. J'avais envisagé, par exemple, qu'on passe de 35 heures à 36 heures de travail par semaine. Et puis je ne l'ai pas fait. Pourquoi je ne l'ai pas fait ? D'abord parce que je vois l'ampleur des réactions. Et là, deuxièmement, parce que 35 heures, c'est le seuil à partir, se déclenchent les heures supplémentaires. Et que, comme je veux que le travail paie plus. Après, on peut tout à fait discuter dans chaque entreprise de la manière dont on prend en charge ce surcroît de travail. Mais ça n'est pas une mesure comme les autres.
MYRIAM ENCAOUA : Sur quoi vous êtes ouvert ? Est-ce que vous pourriez renoncer à un des jours fériés ?
FRANÇOIS BAYROU : Je vais essayer de vous répondre.
MYRIAM ENCAOUA : Et lesquels ?
FRANÇOIS BAYROU : Je vais essayer de vous répondre.
MYRIAM ENCAOUA : Je vous écoute.
FRANÇOIS BAYROU : Vous voyez que vous avez réussi à me faire perdre le fil, mais j'y reviens. Cette mesure, ce n'est pas une mesure comme les autres. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas des heures de travail en plus. C'est des journées, deux jours, un jour de travail en plus pour le pays. Le pays qui est arrêté, sauf les commerçants, quelques-uns et puis les activités de loisirs. Le pays qui est arrêté, il passe à l'activité. Et ça n'est pas quelque chose qui se mesure en minutes de travail, c'est de la richesse créée pour le pays. Alors les chiffres précisément que je vous ai promis. Ça représente quoi les jours fériés ?
MARC FAUVELLE : 4 milliards. Un dixième des efforts demandés aux Français.
FRANÇOIS BAYROU : Très bien, c'est ça que je voulais dire.
MARC FAUVELLE : J'ai bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez dit si c'est 42 milliards ou 44.
FRANÇOIS BAYROU : 4 milliards sur 44 milliards, c'est-à-dire 10% de l'effort. Ce qui m'intéresse, c'est les 90 autres %.
MARC FAUVELLE : Donc on aura retenu, et je pense que les Français qui nous regardent ont dit que cette mesure est discutable.
FRANÇOIS BAYROU : Je l'ai dit le jour où j'ai présenté.
MARC FAUVELLE : Cette mesure est discutable François Bayrou.
FRANÇOIS BAYROU : J'ai dit c'est discutable, c'est amendable. Et on peut tout à fait réfléchir à la manière…
MARC FAUVELLE : Et ça pourrait être 1, mais pas 0 pour être très précis.
FRANÇOIS BAYROU : Je pense que ça pourrait être, sans difficulté, si on veut discuter... Je suis ouvert à la discussion. À la condition, qui est une condition impérative, qui est une condition de l'avenir du pays, qu'on considère qu'on ne peut pas ne rien faire.
Or, les propositions, l'PS par exemple, les propositions qu'ils viennent de sortir, ça veut dire qu'on ne fait rien ?
MARC FAUVELLE : Alors, il y a les économies, François Bayrou, et il y a les recettes, si on veut trouver des marges de manœuvre. Le Parti Socialiste, dont vous parliez il y a un instant, a présenté un contre-budget hier. Le PS dit, par exemple : « il faut taxer les Français les plus aisés. Le Parti Socialiste reprend ce qu'on appelle la taxe Zucman, c'est-à-dire qu'on taxe à 2% chaque année les gens qui ont un patrimoine de plus de 100 millions d'euros. Ça fait 0,01% des Français. Je ne vais pas vous demander si vous êtes favorable à la taxe Zucman, je crois connaître la réponse, je crois que c'est non. Mais faut-il exceptionnellement, pour participer à l'effort de redressement des comptes, taxer davantage les Français les plus riches avec un autre dispositif ?
FRANÇOIS BAYROU : J'ai ouvert, dans la conférence que j'évoquais au mois de juillet, non seulement l'idée, mais la perspective du fait que les plus aisés participent davantage à cette affaire-là. Mais derrière ces propositions, avant d'en revenir à cette taxe particulière.
MARC FAUVELLE : 15 milliards par an.
FRANÇOIS BAYROU : Derrière ces propositions, il y a quelque chose d'absolument précis. La question posée, c'est est-ce qu'on va freiner la dépense ou augmenter la dépense ?
Nous, nous avons proposé de freiner la dépense dans les proportions que vous avez indiquées. Si on continue à augmenter la dépense, ça veut dire qu'on augmente l'endettement. Parce que l'argent, nous ne l'avons pas, nous l'empruntons tous les ans…
MARC FAUVELLE : Là, ce sont des recettes.
FRANÇOIS BAYROU …Et sur le dos de qui on emprunte ? On emprunte sur le dos des plus jeunes. Jamais une famille ne ferait ça. J'espère, j'espère. C'est-à-dire, nous décidons de continuer notre train de vie, mais c'est les plus jeunes qui paieront.
SONIA MABROUK : Alors, venons-en.
FRANÇOIS BAYROU : Et c'est la raison pour laquelle j'ai eu tellement de réactions de jeunes après que j'ai prononcé cette phrase sur Boomeur.
SONIA MABROUK : Vous avez aussi des réactions de boomers qui ont vécu France Bayrou comme une profonde injustice.
DARIUS ROCHEBIN : Je suis le seul boomer ici, je crois, de nous quatre, ça s'arrête à 65.
MYRIAM ENCAOUA: Avec le Premier ministre peut-être.
DARIUS ROCHEBIN : Ça fait deux boomers.
FRANÇOIS BAYROU : Je vais répondre précisément.
SONIA MABROUK : François Bayrou, pardonnez-moi. Je voudrais préciser parce que je pense que beaucoup nous regardent et nous écoutent ce soir sur Europe 1. Ils ont travaillé, ils ont cotisé toute une vie, ils ont fait des enfants, ils ont assuré l'équilibre de la sécurité sociale. Ils ont payé souvent avec une retraite, disons, autour de 2000 euros. euros le crédit de la maison. Ils aident leurs enfants, ils aident leurs petits-enfants. Pourquoi, monsieur le ministre, activer ou réactiver aujourd'hui un conflit ou une guerre générale ?
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, vous vous trompez complètement. D'abord, boomers, nous en sommes. Ceux qui sont nés entre 45 et 65, pour simplifier, c'est les enfants du baby-boom. C'est pour ça que les jeunes avaient inventé cette formule boomer. Je vais vous dire la différence entre les boomers et les autres. Quand nous avions 20 ans…
SONIA MABROUK : C'était hier ?
FRANÇOIS BAYROU : …La France. Oui. Peut-être encore maintenant, je me sens encore de cette énergie-là. La France avait zéro dette.
DARIUS ROCHEBIN : Mais une croissance magnifique.
FRANÇOIS BAYROU : Et une croissance magnifique. Quand vous êtes un pays qui n'a pas de dette. Alors vous pouvez lancer des politiques. Dieu sait qu'on en a lancé : le TGV, les avions. Et puis on a trouvé facilement du travail.
SONIA MABROUK : Pardonnez-moi, sur le marché du travail, dans les années 80, pour ceux qui sont rentrés, c'est la plus longue...
FRANÇOIS BAYROU : Excusez-moi, je ne parle pas des années 80…
SONIA MABROUK : Mais pour ceux qui sont nés...
FRANÇOIS BAYROU : …Je parle des boomers.
SONIA MABROUK : Oui, mais monsieur le Premier ministre...
FRANÇOIS BAYROU : Et donc, je peux vous dire que quand nous sommes entrés, quand nous avions 20 ans, un pays qui n'a pas de dette, il peut développer des politiques. Après, il y a eu des crises, il y a toujours des crises et tout ça. Nous n'avions pas cette charge de la dette sur le dos. Et c'est au cours du temps que ça s'est équilibré. Et qu'est-ce que j'ai dit ? Je n'ai jamais dit qu'il fallait cibler les boomers dont je suis.
DARIUS ROCHEBIN : Vous l'avez fait un peu, c'est votre électorat, une grande partie.
FRANÇOIS BAYROU : Non, j'ai dit une chose très précise, très simple et très sérieuse. J'ai dit que cette génération-là, elle devrait être avec moi pour faire baisser la dette des plus jeunes.
SONIA MABROUK : Quelle est la méthode ?
FRANÇOIS BAYROU : …Allons aux solutions parmi nous.
SONIA MABROUK : C'est important, monsieur le Premier ministre…
FRANÇOIS BAYROU : …Ce n'est pas, c'est une chose extrêmement lourde. C'est une génération qui se sent sacrifiée. elle n'arrive pas à trouver de travail facilement, elle n'a pas de CDI, elle n'arrive pas à trouver de logement. La politique du logement doit être, pour moi, une des politiques cardinales, un des chapitres essentiels. Cette génération-là, elle se sent sans destin, sans horizon…
SONIA MABROUK : Il y a les mots pour le dire François Bayrou.
DARIUS ROCHEBIN : Avançons, si vous permettez un peu, parce que regardez, 18h32, on a envie de vous entendre sur les ouvertures. Vous avez répondu en partie à Marc Fauvelle sur l'ouverture, disons les choses, franchement. Une partie de la gauche dit : « pour le minimum, pour le soutien, c'est de faire un effort pour faire payer les plus riches. » D'ailleurs, sur le principe, c'est oui ou c'est non ? On n'a pas très bien compris.
FRANÇOIS BAYROU : J'ai dit oui, je l'ai annoncé le 15 juillet.
DARIUS ROCHEBIN : D’accord, d’accord.
FRANÇOIS BAYROU : Je suis sûr que vous avez été attentif.
DARIUS ROCHEBIN : Non, on a été distrait, pardon. Donc c'est oui.
FRANÇOIS BAYROU Donc je pense qu'il faut...
DARIUS ROCHEBIN : C'est clair. Sur votre droite.
FRANÇOIS BAYROU : …Disons-le sans essayer de mettre en cause...
DARIUS ROCHEBIN : Vous ne voulez pas marchander, on a compris.
FRANÇOIS BAYROU : Non, parce qu'on a besoin aussi que cette partie de la population qui est celle qui investit dans les entreprises. On a aussi besoin qu'elle soit là. Je vais vous dire la vérité, moi ce qui me gêne, ce n'est pas qu'il y ait des riches en France, c'est qu'il y ait des pauvres.
DARIUS ROCHEBIN : Très bien. Monsieur le Premier ministre, maintenant sur votre droite, parce que vous êtes tiraillé de tous les côtés, vous êtes comme l'âne de Buridan, vous devez trouver...
FRANÇOIS BAYROU : Je ne suis pas comme l'âne de Buridan, je suis comme le type qui est pris sous plusieurs feux…
DARIUS ROCHEBIN : Ah bah voilà !
FRANÇOIS BAYROU : …De droite, de gauche, et peut-être d'ailleurs.
DARIUS ROCHEBIN : On va parler de tous les feux. Le feu de droite, la droite libérale, même dans votre camp, qui commence à sortir du bois. Le patronat qui est sorti avec cette étude, le Front économique. Plusieurs propositions, une qui est très provoquante, réduire les agents de fonction publique de 1,5 million, je crois qu'ils sont 5,7, 5,8, sur plusieurs années. Je sais que vous n'allez pas dire ça, vous feriez pendre tout de suite en sortant de Matignon.
Mais, est-ce que vous allez articuler, pour la première fois, on a l'impression que c'est le tabou suprême en France, je ne suis rien contre les fonctionnaires mais un nombre de postes de fonctionnaires que l'État devra accepter pour maigrir. Sonia Mabrouk parlait de l'État obèse, ça passe par là, vous le savez bien, tôt ou tard. Et beaucoup de vos prédécesseurs, quand on leur pose la question, on dit « Ah, c'est compliqué, on ne peut pas… ». Oui, à un moment donné, c'est un chiffre. Eh bien, vous voyez, c'est un désespoir pour moi, parce que ça prouve que je croyais que s'il y avait un journaliste en France qui m'écoutait quand je parlais, c'était vous.
DARIUS ROCHEBIN : Vous êtes bien bon. Mais ce n'est pas une réponse, ça c'est les boomers. Ce n'est pas une réponse. C'est la solidarité des vieux boomers.
FRANÇOIS BAYROU : J'ai dit, lors de la conférence récente, qu'il fallait ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois partant à la retraite. Ça représenterait combien au total ? Un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, tous les ans, ça doit faire, je ne sais pas, peut-être que je me trompe dans les chiffres, 200 ou 300 000. Et donc, on a un engagement. Je suis certain qu'on peut. Mais...
DARIUS ROCHEBIN : Pardon, pardon, pardon.
FRANÇOIS BAYROU : …Non pas pardon, pardon
DARIUS ROCHEBIN : …Mais ça veut dire qu'en 2027, il y aura 300 000 fonctionnaires au moins en France ?
FRANÇOIS BAYROU : Je finis la réponse.
FRANÇOIS BAYROU : Oui. Excusez-moi.
DARIUS ROCHEBIN : Allez-y.
FRANÇOIS BAYROU : Les questions vous appartiennent, mais j'essaie d'avoir la maîtrise des réponses.
DARIUS ROCHEBIN : Comme Georges Marchais.
FRANÇOIS BAYROU : Ça veut dire une réorganisation générale. Et très souvent, ça marche mieux. Je suis à la tête d'une collectivité locale, comme vous savez, qui est formidable, magnifique, et humainement extrêmement riche. Et nous avons, avec l'ensemble des responsables, et des salariés, et des fonctionnaires, et des organisations syndicales, réorganisé, parce qu'il arrive très souvent, vous avez une équipe de sept, vous réorganisez les choses, vous êtes six et ça marche mieux. Pas aussi bien, mieux.
Je suis absolument certain, on vient de réorganiser, vous l'avez sans doute vu, l'organisation locale de l'État sur le terrain. Parce que c'était dispersé, il y avait des administrations, des agences, des ministères, tout ça indépendant les unes des autres. On a dit : « ça ne peut pas marcher comme ça, il faut un responsable ».
MYRIAM ENCAOUA : Justement, on parlait des conditions à droite. La droite réclame plus…
FRANÇOIS BAYROU : Et en France…
MYRIAM ENCAOUA : …des suppressions d’agent…
FRANÇOIS BAYROU : …Les responsables, c'est le préfet. Et donc on a mis la totalité, je dis ça pour ceux qui nous écoutent, la totalité des organismes qui portent l'action de l'État sous l'autorité du préfet, parce que quand vous fermez des classes ou que vous réorganisez la carte scolaire, c'est l'État. Quand vous vous occupez des hôpitaux ou des territoires de santé, c’est l’État.
MYRIAM ENCAOUA : Il y a de l'argent à trouver dans la réforme de l'État.
Monsieur le Premier ministre, on parlait des concessions. On va parler du Rassemblement national, qui a des demandes spécifiques aussi, mais toujours sur la droite. On parlait des boomers. La droite n'est pas d'accord avec les efforts supplémentaires demandés aux retraités. Aucun gouvernement n'a jamais réussi à faire-faire des sacrifices à cette tranche d'âge. Il y a deux mesures dans votre budget. Il y a l'abattement, la suppression de cet abattement de 10% sur les revenus, sur les pensions, ceux qui payent de l'impôt sur le revenu. Et puis, il y a cette année blanche qui va toucher aussi les retraités. On se souvient de ce qui s'est passé avec la volonté de désindexer les pensions de l'inflation.
Vous ne bougerez pas là-dessus ? Vous qui voulez réveiller les aînés au nom des générations futures.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, je veux réveiller les aînés parce que je suis sûr qu'ils sont solidaires avec ce que je dis…
MYRIAM ENCAOUA : Donc vous ne bougerez pas là-dessus ?
FRANÇOIS BAYROU : Attendez, ce sont leurs enfants, ce sont leurs petits-enfants, et vous croyez qu'ils sont indifférents à leur sort ?
MYRIAM ENCAOUA : L'abattement de 10%, vous le gardez ?
FRANÇOIS BAYROU : …Vous ne croyez pas qu'ils sont malheureux quand ils les voient tellement inquiets de leur avenir et tellement avec le sentiment qu'on ne s'occupe pas d'eux ?
MYRIAM ENCAOUA : Vous l'avez bien expliqué.
FRANÇOIS BAYROU : Et donc, moi c'est le contraire.
MYRIAM ENCAOUA : Donc vous tenez à cette mesure ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous dites : « abattement de 10% ». Vous dites : « vous l'avez supprimé ».
MYRIAM ENCAOUA : Vous l'avez proposé…
FRANÇOIS BAYROU : Non.
MYRIAM ENCAOUA : …Enfin, vous l'avez envisagé.
FRANÇOIS BAYROU : Non. Nous avons remplacé l'abattement de 10%. Je rappelle, c'est un abattement pour frais professionnels. Et 100 fois, la Cour des comptes, les grandes associations qui s'occupent d'argent public, 100 fois, ils ont dit : « Franchement, 10% d'abattement. pour frais professionnels, pour des gens qui sont à la retraite, est-ce que c'est bien sérieux ? ». Alors nous n'avons pas supprimé, nous avons remplacé l'abattement par un abattement forfaitaire.
MYRIAM ENCAOUA: Donc, vous y tenez ?
FRANÇOIS BAYROU : Non. Vous n’avez pas écouté. Je vous assure que c'est intéressant. Enfin, j'ai l'impression, stupidement, que c'est intéressant. L'abattement forfaitaire, c'est une évolution de la mesure qui va faire gagner des centaines d'euros aux retraités modestes, aux retraités du bas de l'échelle…
MARC FAUVELLE : Et qui va faire perdre à ceux qui ont un peu plus de 20 000…
FRANÇOIS BAYROU : …Qui va maintenir ce qu'ils sont moyens,
MARC FAUVELLE : À Noël.
FRANÇOIS BAYROU : …Et va être, en effet un peu plus lourd, ou va autoriser une fiscalité juste pour ceux qui sont, et donc un petit effort de l'ordre d'eux. De l'ordre de 200 euros…
MYRIAM ENCAOUA : Un petit effort.
FRANÇOIS BAYROU : …par an pour ceux qui sont au plafond.
MYRIAM ENCAOUA : Vous recevrez aussi le Rassemblement national…
FRANÇOIS BAYROU : Donc, 18 euros par mois. C'est un effort, je ne dis pas le contraire. Mais vous voyez bien que pour ceux qui sont au plafond, c'est-à-dire 4 000 euros de retraite, c'est un effort modeste. Et ceux qui sont en bas de l'échelle y gagnent. Et ça mérite d'être dit. Parce que la justice, c'est la condition de l'effort.
MARC FAUVELLE : François Bayrou, on va parler dans un instant de ce qui va se passer demain, dans huit jours précisément, c'est-à-dire le jour où vous allez demander la confiance à l'Assemblée nationale et arithmétiquement, si on s'arrêtait aujourd'hui, sans doute ne pas l'obtenir. On va en parler dans une minute, mais on a évoqué tout à l'heure la lettre Marine Le Pen vous a adressé à la fin du mois de juillet. On a parlé des délais de la poste, mais regardons aussi ce qu'il y a à l'intérieur.…
FRANÇOIS BAYROU : …Ce qu'il y a à l'intérieur,
MARC FAUVELLE : …C'est intéressant. À l'intérieur, le Rassemblement national vous demandait deux choses au minimum pour négocier le budget. C'était une baisse drastique de la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Ce n'est pas tout à fait nouveau, mais c'était rappelé dans cette lettre. Et moins d'argent pour l'immigration. Ces deux choses-là…
FRANÇOIS BAYROU : Pas seulement.
MARC FAUVELLE : Pas seulement. J'ai dit notamment, je crois. Sinon, je rajoute notamment…
FRANÇOIS BAYROU …Il y avait trois choses.
MARC FAUVELLE : …Est-ce qu'elles sont pour vous négociables ? Ou est-ce que, très concrètement, pour vous, qui avez toujours milité pour l'Europe depuis longtemps, on ne touche pas au budget de l'Union et on ne touche pas à l'argent qui sert aujourd'hui à accueillir des immigrés en France ?
FRANÇOIS BAYROU : D'abord, votre formule est inexacte. Vous avez dit qu'elle demandait ces conditions pour négocier. Jamais ça n'a été le cas. Probablement parce que, évidemment, dans ce cas-là, j'aurais préparé. Mais, je trouve intéressant qu'on discute de ces mesures-là. La contribution à l'Union européenne, c'est un très grand risque si on ne la paie pas. Marine Le Pen a noté dans ses réactions que nous avions déjà réussi à baisser la contribution…
MARC FAUVELLE : C'est vrai.
FRANÇOIS BAYROU : …Par une négociation, et elle a dit, c'est la première fois, donc c'est la preuve qu'on peut, je suis d'accord avec elle pour dire que si on peut, il faut le faire. Mais dire. Nous ne remplirons pas nos engagements, ça a des conséquences extrêmement simples qui sont dans les chiffres. Nous payons, on va payer cette année, quand le budget sera voté, on va payer quelque chose comme 27 milliards de contributions à l'Union européenne. Nous en touchons 32, 31 et demi.
Comment on les touche ? La politique agricole commune, c'est quasiment 10 milliards. Les fonds régionaux, les subventions que les régions donnent quand vous avez sur les travaux des panneaux avec ici la région investie. C'est la région, si j'ose dire, porte-plume de l'Union européenne. Ces fonds régionaux, plus les prêts de la Banque européenne d'investissement…
DARIUS ROCHEBIN : Mais pardon, même les Allemands se plaignent de la gourmandise de Bruxelles. Ils disent que Bruxelles veut vraiment beaucoup de milliards.
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, ils ont raison. Je suis d'accord avec eux.
DARIUS ROCHEBIN : Vous dites la même chose.
FRANÇOIS BAYROU : Je suis d'accord avec eux. Et je suis d'accord pour qu'on expertise. Et je suis d'accord pour qu'on regarde tout ce qu'on peut faire.
SONIA MABROUK : Donc il n'y a pas de sujet de tabou pour François Bayrou.
FRANÇOIS BAYROU : Non.
SONIA MABROUK : Le coût de l'immigration n'est pas un sujet d'abstention.
FRANÇOIS BAYROU : Attendez, j'y viens.
DARIUS ROCHEBIN : Quand vous dites expertiser, vous dites, on peut expertiser la Charte de l’Union Européenne, la revoir.
FRANÇOIS BAYROU : Je suis d’accord, qu’on regarde parce que, comment dire, ça n'est pas une approche négligeable et qu'on peut écarter du revers de la main. Et donc sur l'immigration, il y a infiniment moins d'argent que le Rassemblement national ne le dit.
SONIA MABROUK : On peut préciser de quoi il s'agit quand même, monsieur le Premier ministre, pour ceux qui nous regardent et nous écoutent. C'est l'AME, c'est les allocations et les aides non contributives qui sont versées aux étrangers, ce sont les associations d'aide aux migrants. Est-ce que vous dites ce soir qu'il n'y a pas de tabou à mettre sur la table, ces sujets-là ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors, je n'aime pas qu'on présente la situation du pays comme étant la conséquence de la présence des immigrés.
SONIA MABROUK : Qui le fait ? J'ai pris les chiffres de l'Observatoire de l'immigration, ça coûte 3,4 points de PIB.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, mais je ne suis pas sûr que l'Observatoire de l'immigration n'ait pas... Je suis d'accord…
SONIA MABROUK : Et quel est votre organisme de référence ?
FRANÇOIS BAYROU : …Je suis d'accord pour qu'on regarde. Je suis d'accord s'il y a pour des étrangers. Des avantages, comme le dit le Rassemblement national, dont les Français ne profiteraient pas. Ça ne serait pas juste, et je suis d'accord pour qu'on les regarde. Mais, je ne suis pas d'accord pour qu'on fasse de l'immigration la cause de la situation du pays. Parce que quand le pays va bien, alors l'immigration c'est une machine à intégrer et ça marche mieux. Et je vais vous dire, je suis absolument persuadé qu'il faut que notre politique de l'immigration évolue.
SONIA MABROUK : C’est-à-dire ?
FRANÇOIS BAYROU : Évolue dans deux directions. La première, une capacité à maîtriser les entrées sur le territoire. Une capacité à maîtriser la sortie du territoire. Parce que notre question principale aujourd'hui avec l'immigration... C'est que ceux qui sont indésirables, qui sont frappés d'une obligation de quitter le territoire français, décision juridique OQTF, ne sont pas exécutés pour un certain nombre de pays.
SONIA MABROUK : Monsieur le Premier ministre, pardonnez-moi, on a l'impression que sur ces sujets-là, on est sur du verglas. Qu'est-ce que nous maîtrisons encore ? Est-ce que le pouvoir a vraiment le pouvoir sur ces sujets-là ? Quand on voit le nombre d'entrées, malgré les déclarations du ministre de l'Intérieur, est-ce que très sincèrement, ce soir, les yeux dans les yeux, vous pouvez dire aux Français que leur pays a encore son destin entre les mains. Je le dis avec d'autant plus de certitude que nous avons fait obtenir des décisions européennes qui permettent pour la première fois de mieux maîtriser les flux et ça se voit dans les chiffres. Vous savez bien qu'on a fait adopter des règles européennes qui font qu'on va pouvoir suivre les gens depuis un an, qu'on va pouvoir suivre les gens qui entrent, où sont-ils entrés, où sont-ils et j'espère bien qu'on va pouvoir. en particulier grâce à l'Union européenne, convaincre, je pense à l'Algérie, les pays qui sont en situation de blocage et de rupture.
DARIUS ROCHEBIN : Monsieur le Premier ministre…
FRANÇOIS BAYROU : Non, je corrige une phrase de Sonia Mabrouk. Elle a dit « en dépit des délégations du ministre de l'Intérieur ». Moi, je crois que le ministre de l'Intérieur dit la vérité. Je pense qu'il est…
SONIA MABROUK : Il parle d'immobilisme, il parle d'impossibilisme, le ministre de l'Intérieur. Il dit donc la vérité. S'il dit la vérité, ça veut dire que vous ne pouvez pas faire grand-chose.
FRANÇOIS BAYROU : Vous avez dit, c'est votre phrase exacte.
SONIA MABROUK : Il dit la vérité.
FRANÇOIS BAYROU : C'est mon métier. Votre phrase exacte, c'était sur les chiffres en dépit d’une délégation du ministre de l'Intérieur, on voit bien que, moi je dis le ministre de l'Intérieur dit la vérité.
DARIUS ROCHEBIN : Monsieur le Premier ministre ?
FRANÇOIS BAYROU : Et autrement, il ne serait pas ministre de l'Intérieur dans ce gouvernement.
DARIUS ROCHEBIN : Les choses…
SONIA MABROUK : Simplement une pensée pour Boualem Sansal. Pardonnez-moi, jon sera tous d’accord.
FRANÇOIS BAYROU : Très bien.
SONIA MABROUK : Vous avez parlé de l'Algérie. Pouvez-vous ce soir adresser un mot à la famille de Boalem Sansal ? Nous avons reçu sa fille, pardonnez-moi. Bien sûr. Il y a quelques jours, sa lettre au président de la République n'a reçu aucune réponse. Aucune réponse, monsieur le Premier ministre. C'est un compatriote, c'est un Français amoureux de notre pays. Et de notre langue. C'est quelqu'un qui a la voix. comment dire, douce, mais le verbe haut. On attend de vous des paroles importantes ce soir.
FRANÇOIS BAYROU : C'est d'autant plus important pour moi que le goût qui est le mien pour les lettres, pour la langue française, pour la capacité de romancier ou d'essayiste. Pour moi, Boalem Sansal, bien que n'étant pas français d'origine, il illustre la France. Vous savez, il y a une procédure dans la législation française qui fait qu'on devient français, par exemple quand on a servi dans la Légion étrangère. On dit : « français par le sang versé ». Et bien il y a aussi français par la beauté que l'on crée, par la pensée que l'on crée. Et je ne peux pas croire que la lettre n'ait pas reçu de réponse, en tout cas je vais m'en assurer, et je dis au passage que dans un grand événement à Pau au mois de novembre, qui s'appelle « Les idées mènent le monde » , je recevrai les proches de Boalem Sansal qui vont organiser un événement.
DARIUS ROCHEBIN : Les choses bougent dans le domaine que vous venez d'évoquer, qui est l'immigration en Europe. Même des gouvernements socio-démocrates veulent qu'il y ait une politique plus restrictive. On voit l'Allemagne, on voit la Pologne qui est rétablie et qui est de façon assez durable maintenant le contrôle aux frontières, et qui le développe. Est-ce que ça fait partie des possibilités pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est l'Union qui a décidé de faire son contrôle aux frontières. Mais pour moi, ça ne s'arrête pas là. Vous voyez, je pense qu'une très grande partie de notre politique à l'égard de ces femmes et de ces hommes, plus souvent des hommes et des jeunes hommes, une partie de notre politique est fausse.
DARIUS ROCHEBIN : Mais sur les contrôles, parce que là, Schengen et Dublin sont tout à fait respectés, pour être un peu précis.
FRANÇOIS BAYROU : Je vous assure, sur les contrôles, je suis d'accord pour que, dans le cadre de l'Union européenne, et s'il le faut, on l'a fait plusieurs fois dans le cadre des frontières françaises, On déploie ce qui convient comme contrôle, mais ce n'est pas ce que je voulais aborder comme sujet. Je pense que la situation de ces femmes et de ces hommes, elle devrait permettre que soient précisés les conditions d'intégration, pas seulement les conditions de rejet. Et les conditions d'intégration pour quelqu'un qui est depuis longtemps sur le territoire français, qui est inexpulsable, vous savez que quand vous êtes une jeune femme et que vous avez eu des enfants dans notre pays, on ne peut pas vous expulser en raison des enfants, je pense qu'il faudrait qu'on ait les idées claires sur ce sujet. C'est-à-dire, un, la vraie voie d'intégration, ce n'est pas de vous maintenir dans des logements qu'on paie les yeux de la tête, qui coûtent à l'État 15 000 euros par an par personne, dans des logements qu'on appelle d'urgence et qui ne sont plus d'urgence, parce qu'on ne peut pas accueillir... par exemple des femmes avec enfants, parce qu'on y entre mais on n'en sort jamais. Un, la vraie voie d'intégration, c'est le travail. Deux, c'est la langue. Et trois, c'est l'acceptation de nos principes de vie en commun et de nos coutumes.
SONIA MABROUK : Et vous êtes inquiet sur ce dernier point ?
FRANÇOIS BAYROU : Je suis inquiet sur tous ces points, parce qu'on a l'impression d'une espèce de blocage généralisé. qui fait que les affrontements, c'est pour ou contre les immigrés, pour ou contre, pas seulement l'immigration, mais les personnes. Et ça fait des situations de dingue. Ils sont maintenus dans des lieux d'accueil, d'anciens hôtels, le Formule 1, je parle de ce que je connais le mieux. Interdiction de travailler, les municipalités les font jouer au foot. pour essayer de les occuper, alors qu'ils pourraient travailler, et alors qu'un très grand nombre d'entre eux ne s'en ira pas. Et ceux qui disent qu'ils ne travaillent pas se trompent, parce qu'ils travaillent au noir. Et donc c'est une situation d'abus, c'est une situation de désordre complet.
Préciser l'idée que nous sommes le plus intraitable possible, je parle avec prudence, sur les entrées, que nous sommes le plus efficaces possible sur les sorties, notamment en cas de délinquance, et que la voie d'intégration existe pour ceux qui sont là depuis un moment, il me semble qu'il y a là un équilibre…
DARIUS ROCHEBIN : François Bayrou, revenons, si vous le voulez bien, à la semaine qui commence. Vous avez dit pas de marchandage, et on comprend très bien, il ne s'agit pas de dire je te donne tel ministère, tu me donnes tel soutien, mais quand même, le premier nom que vous avez cité, je crois que c'était M. Faure, pour le tacler un peu.
FRANÇOIS BAYROU : Non, non. C'est parce que c'est vous qui l'avez cité.
DARIUS ROCHEBIN : Quoi qu’il en soit.
FRANÇOIS BAYROU : Alors j'ai dit, il a annoncé qu'il voulait être à Matignon, ce n'est pas moi qui l'ai annoncé.
DARIUS ROCHEBIN : Vous avez besoin, et ce n'est pas un calcul mesquin, il faut élargir le compromis. Vous dites vous-même, il y a un besoin de stabilité. Est-ce qu'il est possible qu'un remaniement ait lieu, ou en tout cas que vous en parliez dès cette semaine avec les partis, et par exemple que des ministres, vous souriez, vous avez raison, que des ministres, par exemple, socialistes, rejoignent le gouvernement de la France ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous êtes un humoriste dans ce genre.
DARIUS ROCHEBIN : Vous croyez ?
FRANÇOIS BAYROU : Le Parti socialiste dit, nous voulons abattre ce gouvernement.
DARIUS ROCHEBIN : Pour l'instant, on dit ça avant de négocier, comme ça et comme moi. Après, quand un ministère se profile c’est autre chose.
FRANÇOIS BAYROU : Si la piste que vous ouvrez est réelle...
DARIUS ROCHEBIN : Sur un programme, bien sûr. Il ne s'agit pas de dire, je te donne Bercy, etc.
FRANÇOIS BAYROU : Excusez-moi de dire, les propositions du Parti socialiste, ce sont les plus éloignées. de toutes celles qui ont été faites sur le champ politique. Pourquoi ? Parce que ce que propose le Parti socialiste, ce n'est pas de freiner la dépense, c'est de laisser repartir la dépense. Et de le faire en créant, selon mes comptes, 32 milliards d'euros d'impôts, principalement sur les entreprises.
MARC FAUVELLE : Il n'y a rien à négocier avec le Parti socialiste ?
FRANÇOIS BAYROU : Je ne dis pas qu'il n'y ait rien à négocier, je ne connais pas leurs arrières-pensées. Je vois...
DARIUS ROCHEBIN : Vous les présumez, vous les présumez.
FRANÇOIS BAYROU : Non, vous êtes plus savant que moi…
DARIUS ROCHEBIN : En ce domaine, je suis sûr que non.
FRANÇOIS BAYROU : …Ou plus intuitif que moi. Je connais des dirigeants socialistes qui me disent « ils sont devenus fous ». Je connais des dirigeants socialistes qui disent « il faut un compromis ».
MARC FAUVELLE : Pardon, mais vous dites le Parti socialiste c'est le plus éloigné de ce que je présente aujourd'hui, plus encore que le RN ou la France Insoumise.
FRANÇOIS BAYROU : Non, je n'ai pas dit. C'est le plus éloigné de tout ce qu'on entend. Je suis persuadé, ou bien qu'ils n'ont pas très bien réfléchi à la manière, ou bien que dans leur fond intérieur. Ils pensent que ce n'est pas possible. Je prends un exemple que vous avez abordé, la taxe Zucman, qu'on appelle taxe Zucman.
MARC FAUVELLE : 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions
FRANÇOIS BAYROU : Par an.
MARC FAUVELLE : Je l'ai dit tout à l'heure, je ne le répète pas.
FRANÇOIS BAYROU : La taxe Zucman, elle est inconstitutionnelle.
DARIUS ROCHEBIN : C'est une folie d'après vous ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est honnêtement une menace sur les investissements en France. Parce que, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Ils vont partir.
SONIA MABROUK : Comme au Royaume-Uni, ça a été le cas. Il y a une politique qui a conduit à cet effet-là.
FRANÇOIS BAYROU : Au Royaume-Uni, ce n'était pas la taxe Zucman au Royaume-Uni, c'était moins grave que ça si j'ose dire. C'était taxer les étrangers, créer sur les étrangers.
MYRIAM ENCAOUA : Monsieur le Premier ministre, Gabriel Zucman, l'économiste, n'est pas sur ce plateau, mais il vous répondrait sur l'exil fiscal qu'il y a un dispositif dans cette taxe, c'est exactement ce que font les États-Unis, l'extra territorialisation de l'impôt. Vous le payez même si vous êtes à l'étranger, même si vous avez quitté la France.
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, c'est que vous n'avez pas regardé, en tout cas…
MYRIAM ENCAOUA : C’est la taxe Zucman aujourd’hui.
FRANÇOIS BAYROU : …Que si vous avez regardé, vous n'avez pas vu les mêmes choses que les miennes. Il se trouve, donc ils disent « ah, mais il n'y a pas de risque que les gens partent parce qu'on ira les choper », pardon, c'est du caractère un peu familier de l'expression, où qu'il soit. Il se trouve que notre pays depuis 50 ans, a conclu 126 conventions fiscales avec 126 pays étrangers. Et l'article premier de ces conventions fiscales, c'est « Si vous changez de pays, c'est le pays qui vous accueille qui prélève les impôts ». Et comme vous savez, parce que vous êtes fine juriste, une convention internationale, un traité international, c'est au-dessus des lois. Et donc il faudrait changer, faire des référendums. Et pendant ce temps, hélas, les gens partent. Parce que désormais, il y a une espèce de, comment on dit, de nomadisme fiscal qui fait que les redevables vont s'installer là où l'Italie est aujourd'hui en train de faire une politique…
MYRIAM ENCAOUA: Donc vous extrêmement septique sur ce que proposent les socialistes ?
FRANÇOIS BAYROU : …de dentine fiscale.
MYRIAM ENCAOUA: Après avoir regardé de près leur contre-projet, vous ne leur tendez plus la main ?
FRANÇOIS BAYROU : Je tends la main à tout le monde. Parce que vous... Pardon de revenir…
MYRIAM ENCAOUA: Y compris aux socialistes, ce soir ?
FRANÇOIS BAYROU : …À la première phrase de notre entretien. La question, c'est est-ce qu'on est d'accord sur le diagnostic ou pas ? Si on n'est pas d'accord sur le diagnostic, aucune politique ne marchera. Ce n'est pas un accord sûr, ce n'est pas un accord minimal sûr la gravité et l'urgence de la situation.
MYRIAM ENCAOUA : Ils vous répondent, mettons-nous d'accord sur les solutions pour parvenir à trouver des économies. Ils vous répondent que vous avez inversé les choses. D'abord la négociation, ensuite le vote. Et ils vous répondent aussi qu'avec ce vote de confiance que vous sollicitez, vous rajoutez de la crise à la crise. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
FRANÇOIS BAYROU : Parce que vous pensez que la crise, elle vient parce que je demande la confiance ou parce qu'on me la refuse ?
MYRIAM ENCAOUA : Peut-être que vous la précipitez, monsieur le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Ni l'un, ni l'autre, oui, mais pas l'un. Le pays est depuis des années plongé dans une espèce de perpétuelle embuscade des uns contre les autres. Et pardon de dire la formule que vous avez utilisée. C'est une formule, je suis sûr que vous allez vous-même accepter cette vision, une formule complètement à l'envers. Quand vous avez un patient, que vous êtes médecin, vous ne dites pas, on va d'abord s'entendre sur les médicaments, on verra après quel est le diagnostic. Vous savez bien que ce n'est pas ça.
MYRIAM ENCAOUA : Mais la procédure que vous avez choisie, l'article 49.1 de la Constitution.
FRANÇOIS BAYROU : Vous êtes d’accord avec ma formule ?
MYRIAM ENCAOUA: Totalement, le diagnostic, la prescription ensuite.
FRANÇOIS BAYROU : Très bien. Le diagnostic d'abord, l'accord minimal d'abord, autrement, je vous dis le fond de ce que je pense. J'ai vu depuis des mois le pays avec des formulations sympathiques de gens qui disent, mais on est tous d'accord sur ça. On n'est pas d'accord du tout. Un très grand nombre de ceux que nous évoquons, eux, leur vision, c'est que c'est pas grave.
SONIA MABROUK : Mais qui sont ces gens, pardonnez-moi, monsieur Bayrou, qui sont ces personnes qui pensent aujourd'hui qu'un pays surendetté est un pays souverain ? Qui sont ces personnes-là ?
FRANÇOIS BAYROU : Je suis vraiment content de vous entendre dire.
SONIA MABROUK : Mais qui sont-ils ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous êtes deux journalistes éminents, et si vous lisez, je veux dire deux qui venaient de vous exprimer, les autres ne se sont pas...
MYRIAM ENCAOUA : Oui, mais il suffit de regarder les sondages. Quand on demande aux Français, 80% répondent que c'est une préoccupation inquiète et qu'ils réclament des solutions.
FRANÇOIS BAYROU : Les autres ne se sont pas exprimés. Vous dites « Il faut être aveugle ». Et vous dites, il faut être aveugle. Et qui sont ces personnes ? Ils sont dingues. Vous avez raison. Et c'est le cœur du sujet dans lequel nous sommes. Et c'est le cœur du sujet, pour moi, pardon, d'une demi-phrase, de revenir à ça. Parce que c'est le sort des jeunes Français qui est en jeu. C'est eux qui sont surchargés dans leur sac à dos, avec de la fonte, des haltères…
DARIUS ROCHEBIN : Monsieur le Premier ministre, pardon.
FRANÇOIS BAYROU : …Ça empêche d'avancer.
DARIUS ROCHEBIN : Vous ne savez pas, les journalistes qui sont éminents, ce sont les Français. Ils sont adultes, ils voient bien les choses. Un point, et je passe tout de suite à voir la Marc Fauvelle pour respecter notre tour, mais vous avez dit ce mot très surprenant, vous avez dit, attention, la dette de la France est possédée en partie importante par les étrangers.
FRANÇOIS BAYROU : 60%.
DARIUS ROCHEBIN : C'est très intéressant parce que longtemps on a dit, ça c'est un propos complotiste, on exagère, c'est pas dangereux, etc. Et là, on a le Premier ministre de la France qui dit « attention, c'est dangereux ». En quoi c'est dangereux ? Expliquez-nous, parce que ça fait lever la roillé de beaucoup de monde.
FRANÇOIS BAYROU : C'est extrêmement simple, c'est la gravité de la situation que je décrivais. On a laissé s'accumuler la dette, et donc la charge de la dette, les annuités qu'on doit payer tous les ans ou tous les mois, si c'était des mensualités, il faut la prélever sur le travail des Français. Et je vous ai dit les chiffres, 50 milliards nouveaux créés, sur lesquels cette année on pique 10 milliards. L'an prochain, 10 de plus, 20 milliards…
DARIUS ROCHEBIN : L'étranger ? Qu'est-ce que ça change, que ce soit des étrangers qui tiennent la France ?
FRANÇOIS BAYROU : 10 de plus, 30 milliards. Eh bien, ça n'est pas de l'argent qui va venir irriguer le pays, c'est de l'argent qui est, comment dire…
DARIUS ROCHEBIN : Détourné ?
FRANÇOIS BAYROU : …dirigé. Non, je ne veux pas dire détourné, ça ne serait pas normal. Dirigé vers des intervenants qui sont des intervenants étrangers, des acteurs économiques qui sont des acteurs économiques étrangers. Ce n'est pas que vous êtes très averti, donc vous savez ce que je vais dire. Au Japon, la dette est beaucoup plus importante que la nôtre en pourcentage du PIB, mais cette dette est détenue à 99% par les Japonais.
SONIA MABROUK : Monsieur le Premier ministre de la France, à de la liquidité. Vous êtes en train de nous dire qu'on pourrait être demain sous tutelle ?
FRANÇOIS BAYROU : Je ne dis pas ça.
MARC FAUVELLE : Il y a eu un débat au sein de votre gouvernement, avec Amélie Montchalin Chalin, la ministre des Comptes publics, qui avait dit il y a quelques mois « on pourrait se retrouver sous tutelle ». Éric Lombard, son patron, son supérieur hiérarchique, à Bercy a dit « absolument pas », cette semaine. Y a-t-il, oui ou non, si votre gouvernement est renversé, un risque financier de krach ou de mise sous tutelle de la France ? Et est-il accentué par ce qui va se passer juste après le 8, le 10, l'appel à bloquer le pays ?
FRANÇOIS BAYROU : Je vois des tas de gens qui disent qu'il n'y a pas de risque. Il y en a ou pas ? Mais j'ai envie de leur dire, excuse-moi Jeannot, va voir en Espagne.
MARC FAUVELLE : Après Simone Jeannot.
FRANÇOIS BAYROU : Il faut bien qu'on essaie d'expliquer les choses comme dans la vie. Le type, il dit, il n'y a pas de risque. Je dis, c'est pas loin l'Espagne. Passe la frontière. C'est pas loin le Portugal. Passe la frontière. Je dis même pas d'aller en Grèce. C'est pas loin la Suède. Il y a quelques années...
SONIA MABROUK : Le risque, est-il échéant ?
FRANÇOIS BAYROU : …C'est pas loin le Canada.
MYRIAM ENCAOUA: Il est imminent ou il est sur le long terme ?
FRANÇOIS BAYROU Le risque, il est imminent dès l'instant que nous... prendront la décision de ne rien faire.
MARC FAUVELLE : Mais quel est le risque, François Bayrou ?
FRANÇOIS BAYROU : Le risque, c'est extrêmement simple.
MARC FAUVELLE : On est sur une dégradation de la note sur l'épargne des Français ?
FRANÇOIS BAYROU : L'explosion des taux d'intérêt, deux, la dégradation de la note, et trois, un jour, les prêteurs vous disent on ne prête plus. Alors on croit que c'est théorique. En Grande-Bretagne, le Royaume-Uni, très grand pays européen, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il y a deux ans et demi, un gouvernement conservateur, c'est-à-dire plutôt du côté de la finance, de la city comme on dit. Un gouvernement conservateur mené par un leader énergique et qui avait une idée précise de ce qu'elle voulait faire, et en général plutôt en phase en 42 jours. En six semaines, jour pour jour, elle a été obligée de démissionner et de s'en aller parce que les prêteurs ont dit qu'on ne prête plus.
SONIA MABROUK : Monsieur le Premier ministre, c'est ce qui rend peut-être votre décision incompréhensible pour certains Français. Et ce soir, c'est peut-être le moment de la clarification, qui n'est d'ailleurs jamais venue véritablement politiquement ni à l'Assemblée, mais peut-être qu'elle viendra de votre part. La situation est donc grave, il n'y a pas de déni.
FRANÇOIS BAYROU : Et urgente.
SONIA MABROUK : Et urgente, nous l'avons compris. Peut-être tomberez-vous le 8 septembre sur le champ d'honneur de la dette. La messe semble dite. Peut-être que vous y croyez encore, mais le trou de souris ressemble aujourd'hui à un trou de fourmis. La question que je voulais poser tout à l'heure, vous n'avez pas répondu, monsieur le Premier ministre. En quoi ce n'est pas une fuite en avant ? Beaucoup, beaucoup de gens reconnaissent que vous êtes un lanceur d'alerte, même si parfois, peut-être, je l'ai dit tout à l'heure, vous avez acquiescé certains budgets. Pourquoi prenez-vous le risque de partir de manière certaine le 8 septembre ?
FRANÇOIS BAYROU : Parce que si je n'ai pas l'assentiment minimal des Français et de ceux qui les représentent. Il n'y a aucune politique courageuse possible. Vous êtes obligé de battre en retraite sur chacune des mesures. On l'a vu dans les gouvernements précédents. Et puis au bout du compte, vous vous trouvez censuré. Et il y a pire pour moi. S'il n'y a pas cet accord, pire alors à titre personnel et de mon histoire personnelle, s'il n'y a pas cet accord minimal, cette entente sur le diagnostic. Alors la situation est présentée comme étant le pouvoir contre les Français, le haut contre le bas. Et toute ma vie, je me suis battu pour qu'au contraire, le bas soit reconnu, les Français de la base soient reconnus et respectés. Je ne veux pas conduire une politique contre eux.
MARC FAUVELLE : Mais on vous écoute depuis toute à l’heure François Bayrou. On a le sentiment que vous avez presque intégré le fait qu'il n'y aura pas d'accord. Et certains vous soupçonnent même d'avoir en quelque sorte appuyé sur le bouton en réclamant votre confiance, en sachant qu'il n'y aurait pas de majorité, de prendre les Français témoins comme vous le faites ce soir, sur ce plateau, en disant il faut réformer ce pays. Et je n'y arrive pas, le projet du Parti Socialiste...
FRANÇOIS BAYROU : Ce n’est pas que je n'y arrive pas !
MARC FAUVELLE : …Tout ça pour être un jour une sorte de recours. Pouvez-vous répondre à cette question par la réponse la plus simple possible en disant si je quitte Matignon ce n'est pas pour briguer par exemple l'Élysée en 2027, donc ce que je fais aujourd'hui c'est pour la France et rien que pour la France.
FRANÇOIS BAYROU : Vous êtes extrêmement sympathique
MARC FAUVELLE : Quand on dit ça en début de réponse généralement.
FRANÇOIS BAYROU : Mais je n'ai aucune envie d'entrer dans les hypothèses dans lesquelles vous voulez qu'on entre. Alors je vais expliquer le trou de souris.
DARIUS ROCHEBIN : Non, non, non, elle est noble.
FRANÇOIS BAYROU : On y revient après. Moi, je veux expliquer le trou de fourmis.
MARC FAUVELLE : Ça lèverait ce scénario.
FRANÇOIS BAYROU : Le trou de fourmis. Je suis absolument persuadé que ça peut bouger.
Comment ? Si les Français, dans la semaine qui vient, disent « mais tout ça est dingue », pourquoi c'est dingue ? On va avoir, pour faire tomber le gouvernement, Tu parles de l'exploit. C'est un gouvernement minoritaire, pas de majorité absolue, pas de majorité relative, qui depuis le premier jour est promis aux accidents les pires…
MARC FAUVELLE : Il risquait de tomber sur la censure de toute façon.
FRANÇOIS BAYROU : …Ceci c'est franchement. Mais comment tombe-t-il par l'alliance de trois partis qui sont non seulement hostiles entre eux, mais haineux entre eux, qui ont, on l'a vu, des propositions et des volontés ? strictement antagoniste.
DARIUS ROCHEBIN : C'est le jeu parlementaire. Le jeu démocratique
SONIA MABROUK : C’est l’Assemblée qu’on choisit les Français.
FRANÇOIS BAYROU : Ce n’est pas le jeu parlementaire. Ça n'est pas le jeu parlementaire. Ce suis moi, depuis très longtemps, acquis à l'idée qu'ont les Allemands que quand on fait tomber un gouvernement, il faut se mettre d'accord sur le gouvernement suivant. C'est terriblement dangereux la période dans laquelle on peut entrer.
SONIA MABROUK : Pour qui ? Est-ce que le roi est nu, monsieur le Premier ministre ? Le Président de la République ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est pas de roi. On parle de peuple. C'est le peuple français qui est en danger. Parce que si on entre, comme ça risque beaucoup d'être le cas, dans une période de désordre, de chaos, que certains cherchent.
SONIA MABROUK : Qui ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous savez bien.
SONIA MABROUK : Non. La situation est assez grave pour que vous les nommiez, M. le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, il y a des forces politiques en France qui veulent le chaos.
SONIA MABROUK : Lesquelles ? Et qui pensent que c'est sur le chaos qu'on construit la révolution. Et qui ne s'en cache pas. Jean-Luc Mélenchon a dit dix fois que le chemin c'était de tout conflictualiser, a-t-il dit, c'est-à-dire de transformer toute tension en affrontement, tout affrontement en guerre civile et qu'après il n'y a plus que...
DARIUS ROCHEBIN : François Bayrou, c'est facile d'attaquer les oppositions. Dans votre propre camp, Edouard Philippe, qui est censé vous soutenir, en tout cas dans votre logique, qui vous pousse dans l'escalier, qui dit la dissolution est inéluctable.
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, je ne crois pas ça, la dissolution.
DARIUS ROCHEBIN : Qu'est-ce que vous lui répondez ?
FRANÇOIS BAYROU : La dissolution, on l'a vécue. On ne peut pas dire, le président de la République dit ça chaque fois qu'on en parle, on ne peut pas dire que la dissolution était une clarification magnifique. Et comme on n'a pas changé le mode de scrutin, je suis persuadé qu'il faut le faire. Et j'ai un projet prêt qui peut être présenté avec à la fois les avantages du scrutin de circonscription et les avantages du scrutin proportionnel comme nos voisins allemands l'ont. Tant qu'on ne change pas le mode de scrutin, vous avez beau dissoudre, vous allez retrouver exactement les mêmes divisions, les mêmes difficultés, les mêmes forces, les mêmes désordres, la même incapacité d'action.
SONIA MABROUK : Pourquoi l'histoire va se répéter forcément ? Le Front républicain va se répéter forcément ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, je ne crois pas. Je pense que le Front républicain deviendrait impossible. Mais je pense que si vous imaginez que la progression de l'extrême droite vers une majorité relative, parce qu'on ne pense pas qu'il puisse en être autrement, ferait avancer les choses, je ne le crois pas.
DARIUS ROCHEBIN : Précisez cela s’il vous plait, c'est très important ce que vous venez de lâcher, parce que ça a été une circonstance déterminante, qu'on soit pour ou contre le barrage anti-RN, ça a été une circonstance déterminante. Pourquoi dites-vous que cette fois-ci, il n'aurait pas lieu ?
FRANÇOIS BAYROU : Parce que vous voyez bien la tension entre les forces qui présentaient le front dit républicain. Cette tension, elle est extrême. Je disais qu'ils se haïssent. Cette semaine…
DARIUS ROCHEBIN : Donc le RN progresserait ?
FRANÇOIS BAYROU : …Je ne remonte pas dans le temps. Cette semaine, aux universités d'été de LFI. Ce qui était chanté par toute la foule en chœur, c'était « tout le monde déteste le PS » . Et qu'a dit Faure ce matin ? Il a dit « je ferai un gouvernement », il imagine qu'il est à Matignon. Mais il n'y aura pas de LFI dans le gouvernement. Vous trouvez qu'on est devant des cohérences dans les temps mauvais comme on est, la stabilité. C'est une chose essentielle. C'est la réponse à votre question. Je me bats pour ça. La stabilité, c'est une chose essentielle. La possibilité de partager avec les citoyens la vision du pays et d'une situation, c'est une chose essentielle. La capacité à rassembler des forces, même différentes. Vous savez ce que pensent beaucoup de Français qui nous écoutent ? Pourquoi vous ne vous entendez pas ? Ils sont plus prêts de penser comme vous que comme moi qu'il y a un diagnostic partagé. Le problème, je crois, c'est qu'il n'y a pas de diagnostic partagé.
SONIA MABROUK : Mais vous avez donné des gages ce soir, M. Bayrou. Il est important de les résumer.
FRANÇOIS BAYROU : Je n'ai pas donné de gages, j'ai dit la vérité de ce que je pense.
SONIA MABROUK : Très bien. Sur la réforme de l'État, vous pouvez avancer. Sur certaines propositions, dispositions énoncées et résumées par le Rassemblement national, la porte n'est pas fermée. Ce sont quand même des mesures, des annonces qui sont assez importantes pour la semaine qui s'ouvre ?
FRANÇOIS BAYROU : Ni pour la question, ni pour le PS. Un certain nombre de questions d'organisation et un certain nombre de questions qui touchent même à la fiscalité. La porte n'est pas fermée.
SONIA MABROUK : Sur les hauts revenus ?
FRANÇOIS BAYROU : Sur les hauts revenus, peut-être sur d'autres organisations pour le patrimoine aussi. Mais pensez qu'on va résoudre les problèmes du pays avec 31 milliards d'impôts supplémentaires qui portent sur les entreprises. Pour moi…
DARIUS ROCHEBIN : Mais Monsieur le Premier ministre, quitte à y aller avec panache, vous dites, ok, vous ouvrez les portes à tout le monde. On sent bien que vous avancez un peu masqué, parce que si vous étiez trop d'un côté, comme vous le dites, vous êtes sous le feu de l'autre. Pourquoi ne pas prononcer les mots qu'on a beaucoup entendus dans d'autres pays quand il y a eu de grandes réformes, c'est-à-dire sacrifice, rigueur, austérité ? On a l'impression que vous dites, « je suis monsieur vérité, mais, je m'arrête à un certain stade parce que je n'ose pas prononcer ces mots ». Pourquoi ?
FRANÇOIS BAYROU : J'ai déjà dit que vous étiez gonflé ? Alors je le répète, excusez-moi de vous dire, je suis depuis huit jours sous le feu continu des adversaires et d'un certain nombre d'observateurs parce que j'ai osé dire qu'il y avait un problème vital avec la question de la dette. J'ai osé dire qu'il fallait le résoudre maintenant.
DARIUS ROCHEBIN : C'est pas ça. Ces mots qui font mal à la bouche souvent des politiques…
FRANÇOIS BAYROU : Parce que ça n'est pas vrai. Si on veut vraiment sortir des 3000 milliards et quelques, si, c'est ça.
FRANÇOIS BAYROU : Eh bien, Darius Rochebin, il faut changer de métier. Il faut arrêter de faire l'observateur. Il faut que vous veniez de mon côté de la table.
DARIUS ROCHEBIN : Vous avez raison.
FRANÇOIS BAYROU : Venez de mon côté de la table. Et au lieu de dire, vous n'osez pas dire les mots que, pourquoi je ne dis pas austérité ? Parce que ce n'est pas de l'austérité.
MYRIAM ENCAOUA : C'est de la rigueur.
FRANÇOIS BAYROU : Non, c'est du sérieux. Encore une fois, des chiffres. Moi, j'aime bien les chiffres. Je suis un faux littéraire, comme vous le savez. Les chiffres. On a dépensé l'an dernier 100. Si on laisse les choses aller, on va dépenser 104 ou 105. Et nous, on dit qu'il faut dépenser 101, 101,5 parce qu'on freine la dépense. Ce n'est pas de l'austérité.
DARIUS ROCHEBIN : Mais vous savez bien que ça n'est qu'un début. François Bayrou, j'ai interviewé le chancelier d'Allemagne hier. Il me disait, il avait cette formule terriblement cruelle : « Nous, 40 milliards, ce n'est pas beaucoup d'argent pour nous, eux vont investir 500 milliards parce qu'ils ont été vertueux pendant des années et des années. » Donc, même vos 44 milliards, en réalité, ça n'est qu'un début. Et vous le savez très bien. Ça n'est qu'un début parce qu'il faudra l'an prochain faire des efforts du même ordre. Mais si nous avons réorganisé le pays, si nous avons trouvé une efficacité plus grande, si nous avons libéré les énergies comme on a l'habitude de le dire, alors à ce moment-là, l'activité du pays va répondre.
MYRIAM ENCAOUA: Donc vous allez vous battre jusqu'au bout, François Bayrou. On va essayer d'imaginer le jour d'après. Si vous êtes renversé, c'est pour l'heure le scénario qui semble écrit ce soir. Vous n'obtenez pas la confiance, vous présentez votre démission au président de la République, vous refuserez s'il vous renommait ?
FRANÇOIS BAYROU : D'abord, si vous voulez examiner le jour d'après…
MYRIAM ENCAOUA: Dans cette hypothèse.
FRANÇOIS BAYROU : S'il vous plaît, commencez par examiner le jour d'après si on gagne. Parce qu'à mes yeux, le jour d'après, si on gagne, l'horizon s'ouvre. On aura, on aurait franchi un obstacle considérable, et tout d'un coup des gens diraient, « mais ce pays qu'on croyait complètement déchiré, en fait, parce qu'il y a eu une prise de risque », et pour moi, la mission des politiques, on soupçonne toujours de vouloir se mettre à l'abri, éviter les obstacles, conserver leur rang et leurs privilèges, on aura montré là qu'on est capable de prendre des risques. Et les gens diraient, « grâce à cet épisode alors peut-être les choses peuvent changer ». Et comment faire ? Et bien, tous ceux qui nous écoutent, là, ils ont des réseaux, les jeunes, beaucoup dont c'est la vie qui est en jeu, et à qui on demande de se laisser surcharger encore de choses.
MYRIAM ENCAOUA : Mais vous l'avez expliqué longuement, François Bayrou.
FRANÇOIS BAYROU : Pour moi, l'hypothèse...
MYRIAM ENCAOUA : Vous ne répondez pas à ma question.
FRANÇOIS BAYROU : …Mais je vais répondre à votre question, ne vous inquiétez pas. Première hypothèse c'est que oui, en effet, on passe l'obstacle et ça change tout dans la conception même de la vie publique en France.
MYRIAM ENCAOUA : Si ça ne passe pas ?
FRANÇOIS BAYROU : Et si ça ne passe pas la constitution elle est simple, le Premier ministre remet sa démission au Président de la République.
MARC FAUVELLE : Il peut être renommé dans la foulée, est-ce que vous accepteriez ou pas ?
FRANÇOIS BAYROU : Ça dépend du Président de la République et je pense que le Président de la République, il ne fait pas des choses sans y réfléchir et sans penser aux conséquences. Quand vous êtes renversé, excusez-moi de le dire, vous êtes renversé.
MARC FAUVELLE : C'est fini dans ces cas là.
FRANÇOIS BAYROU : Non ce n’est pas fini…
MARC FAUVELLE : Il peut y avoir un Bayrou deux ?
FRANÇOIS BAYROU : …Commence le militantisme, commence la bagarre.
MARC FAUVELLE : La question n'est pas s’il y avait une vie après Matignon. Il peut y avoir deux vies à Matignon.
FRANÇOIS BAYROU : Commence la rencontre avec les Français. Je n'ai pas été Premier ministre toute ma vie. J'ai passé un certain nombre d'années respectables à ne pas être en situation de responsabilité.
MARC FAUVELLE : Mais pardon… est-ce qu’il y a des solutions de remplaceMyriam Encaouant ?
SONIA MABROUK : François Bayrou, pardonnez-moi, il y a votre sort. Parlons des français parce que cela fait je vous le dis, je sais que cela vous tient à cœur. Nous parlons d'un sujet majeur qui est celui de la dette. Peut-être qu'à l'issue de cet entretien, et d'autres que vous donnez, cette prise de conscience sera salutaire. Il y a d'autres sujets, monsieur le Premier ministre, et vous les connaissez très bien. Vous avez parlé d'un pays déchiré. Déchiré sur l'insécurité, déchiré sur la montée de la délinquance, déchiré aussi après un été marqué par des actes antisémites intolérables, inacceptables. La France ne serait pas la France sans les Juifs. Sauf que cette phrase, le président de la République ne l'a pas prononcée. Vous parlez, monsieur le Premier ministre, on vous entend beaucoup, on n'entend pas le président de la République. Il est muet, il ne parle pas, il est enfermé à l'Élysée sur des sujets majeurs, dont la dette et dont les autres. Est-ce que vous êtes capable de dire la même chose sur l'insécurité, sur la lutte contre l'antisémitiSonia Mabrouke ? Sur la délinquance et sur les autres sujets régaliens, qu'est-ce que vous venez de dire sur la dette depuis plus d'une heure ?
FRANÇOIS BAYROU : Absolument, et peut-être vous m'avez entendu au Crif, où j'ai prononcé un discours qui a été, je crois, salué par ceux qui étaient là. Je suis un défenseur de l'unité de la France, de l'unité du pays, de l'unité de la société française. Je suis un défenseur de cette unité au-delà de tout et, j'ai dit dans ce discours, l'âme juive. Elle fait partie intégrante de l'identité de notre pays qui s'est construite au travers du temps. Le nombre de savants. le nombre de créateurs, le nombre de ceux qui participent à la vie intellectuelle du pays et qui appartiennent à cette immense histoire et à cette communauté essentielle. Ils sont l'âme de la France en même temps. Et je n'ai jamais séparé le pays en communautés. J'ai écrit, comme vous savez, plusieurs livres sur ce sujet-là. L'un d'entre eux, le livre que j'ai consacré à Henri IV, que j'ai appelé « Le roi libre », il y a en suscriptions cette phrase « Ce livre est dédié aux amoureux de la réconciliation ». Pour moi, il n'y a rien de plus, comment je peux dire, bouleversant que le moment où ceux qui se sont combattus se réunissent. Je sais très bien ce qu'est la force de l'antisémitisme. Il y a des antisémitismes de toute nature dans la société. Et aujourd'hui, en effet, en raison de ce qui s'est passé le 7 octobre, du pogrom du 7 octobre et de la suite du Liban, de l'Iran, de Gaza, aujourd'hui, la communauté juive est ciblée parce que ceux qui la ciblent croient que c'est Israël, que c'est la même chose. Et pour moi, communauté juive, Israël, politique d'Israël, ce n'est pas la même chose. Donc je suis, pas seulement par les déclarations, je suis un militant de l'Union des Français. Et j'ai tout à fait l'intention de l’être. Et ça passe par la sécurité. Je suis à la tête d'une collectivité locale où l'on fait baisser la délinquance. Il n'y en a pas beaucoup. Comment on a fait ? On a mis des caméras de surveillance contre mes oppositions qui prétendaient qu'il y avait là une atteinte aux droits de l'homme. On a mis une police municipale, nombreuse, On a mis une police municipale qui a même des groupes de police avec des chiens. On fait en sorte que jour et nuit, police municipale et police nationale travaillent ensemble. Et dans la lutte contre la drogue, c'est essentiel. Je vous dis un fait très simple. Tous les jours, 365 jours par an. en moyenne tous les jours. La justice nous demande des images de ce qui s'est passé dans les rues. Et grâce à ça, on arrête des assassins, des violents, des chauffards, et on fait une ville plus sûre. C'est un droit de l'homme, et c'est un droit des plus fragiles.
DARIUS ROCHEBIN : Monsieur le Premier ministre, nous arrivons au terme, je ne sais pas si les caméras peuvent montrer cet endroit extraordinaire, c'est évidemment votre bureau qui a été un peu réaménagé.
FRANÇOIS BAYROU : Non, c'est le bureau du Premier ministre. Très bien, vous avez raison. Et on verra après le 9 ce qu'il en sera.
DARIUS ROCHEBIN : Ce sont des lieux chargés d'histoire. Je recommande, on peut aller sur l'INA, il y a des très beaux messages que De Gaulle, il arrive ici en 58 et il dit aux Français le régime des partis s'est terminé pour les grands choix de la nation, recours au peuple, grandes élections, présidentielles, référendums, etc. Est-ce qu'au fond, c'est la logique de ce que nous vivons aujourd'hui ? Vous avez dit depuis le début de l'émission, c'est très grave, c'est très urgent. Quand on est à ce degré de gravité, Est-ce que la logique, l'esprit de la Ve République ne commanderait pas d'aller voir demain Emmanuel Macron, lui dire, « Vous serez président de la République, il faut dissoudre parce que c'est le peuple français qui doit choisir. » Et ça n'est pas, respect à eux, mais ça n'est pas le président de tel parti, le président du sous-groupe, c'est le peuple français qui doit choisir. Si vous devez regarder dans les yeux les Françaises et les Françaises, on est solennels, mais comment leur expliquer : vous allez rester chez vous et ce sont les partis entre eux, qui, dans la semaine qui vient, au coin d'une table, vont dire... « Écoute, là-dessus, tu es d'accord, moi, je suis pas d'accord. » Que dire à ça ?
FRANÇOIS BAYROU : Pourquoi est-ce que j'ai fait tout ça, Darius Rochemin ? J'ai fait tout ça pour que les Français s'en soient saisis, directement. On n'a jamais parlé de ce sujet comme on en parle depuis huit jours. Avant, c'était silence et on parle des mesures.
DARIUS ROCHEBIN : Parler, c'est une chose.
FRANÇOIS BAYROU : Voter. Oui. Et donc, c'est parce que les Français doivent en être saisis. Aujourd'hui, c'est au président de la République de l'apprécier. C'est sa décision. C'est sa prérogative et son pouvoir. Et il en est, je vous assure, absolument conscient avec gravité. Et il a raison de l'être, c'est sa prérogative. Mais les Français sont les arbitres. Quand vous vous trouvez avec des règles électorales qui conduisent inéluctablement à la situation dans laquelle nous sommes, au contraire de ce que tout le monde racontait, vous vous souvenez de ce temps où les gens disaient « mais votre idée est absurde parce que le scrutin majoritaire fait des majorités, le scrutin proportionnel fait des divisions ». Jojo regarde la situation comme elle. Et donc oui, je pense que si on était raisonnable, on changerait la règle électorale, parce que changer la règle électorale, comme vous en êtes un spécialiste en Suisse, changer la règle électorale, avoir la proportionnelle partout, ça veut dire des ententes entre les formations politiques. Et aujourd'hui en France, avec le mode de scrutin impitoyable que nous avons, avec la guillotine du scrutin majoritaire. Il faut être pour ou contre, alors les gens choisissent d'être contre, parce que la prochaine élection arrive.
DARIUS ROCHEBIN : Merci beaucoup. Est-ce qu'on dit bonne chance en béarnais ? Vous parlez béarnais.
FRANÇOIS BAYROU : Oui un tout petit peu.
DARIUS ROCHEBIN : Comment est-ce qu'on dit ?
FRANÇOIS BAYROU : « Continuons le combat ».
DARIUS ROCHEBIN : Ah bien, continuons à le combattre.
SONIA MABROUK : C'est clair pour les Français.
DARIUS ROCHEBIN : Merci, monsieur le Premier ministre. Merci au nom des quatre chaînes que nous représentons ici, et avec Europe 1 qui nous diffusait. Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont piloté cette émission, et merci évidemment à vous qui nous suivez ce soir. Excellente soirée à toutes et à tous.