"Je ne fais pas confiance au Président Ianoukovitch"

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Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem, qui s'est rendue à Kiev, a déclaré hier au micro de BFM TV ne "pas faire confiance" au président Viktor Ianoukovitch sur l'accord de sortie de crise.

Retrouvez ici le discours prononcé par Marielle de Sarnez place Maïdan jeudi soir dernier.

BFM TV - Bonsoir Marielle de Sarnez, députée européenne et vice-présidente du MoDem.

Marielle de Sarnez – Bonsoir.

Vous rentrez d’Ukraine il y a quelques instants à peine. Ce soir un accord de sortie de crise a été trouvé entre pouvoir et opposition, il a été signé : élections anticipées, formation d’un gouvernement d’unité nationale et retour à la Constitution de 2004, ce qui veut dire un peu moins de pouvoir pour le Président. Avant de parler de cet accord, vos impressions, vous étiez là-bas quelques heures, vous avez pu rencontrer des élus, quelle était l’atmosphère ?

J’étais sur Maïdan hier soir, évidemment c’était une atmosphère très différente de celle que l’on aperçoit aujourd’hui. C’était une atmosphère à la fois d’immense tristesse, et d’immense colère. Il y avait eu dans la journée près de 100 morts, c’était tout un recueillement, nous y sommes allés tard dans la nuit avec Guy Verhofstadt, nous avons pris la parole l’un comme l’autre sur la place de Maïdan, et il y avait en même temps une détermination farouche à ne rien céder. C’est extraordinaire de voir ces hommes et ces femmes qui sont là, prêts à risquer leur vie, simplement pour que leur pays soit demain une démocratie.

Et en 24h, tout a changé ou presque, le Parlement a voté tout d’abord cette loi permettant la libération de Ioulia Timochenko.

En fait le Parlement a pris le pouvoir dans la nuit. Moi j’ai vu les parlementaires vers 3h du matin, mais ce qui était intéressant, c’est que l’opposition hier est devenue majoritaire au Parlement.

Le vote de cette loi, est-ce que c’est une bonne nouvelle et pourquoi ?

Oui, bien sûr que c’est une bonne nouvelle. Donc ils ont voté une résolution cette nuit, il y a beaucoup de députés du Parti des régions - c’est le parti du Président - qui les a rejoints, c’est-à-dire qui ont rejoint l’opposition, donc qui sont aujourd’hui majoritaires. Ioulia Timochenko va pouvoir probablement sortir de prison, peut-être aller en Allemagne, ce qui était déjà prévu d’ailleurs dans l’accord de partenariat que nous devions signer avec l’Ukraine, si le Président ratifie ce vote du Parlement.

Ce n’est pas encore complètement fait.

Non, il faut être très vigilant, mais on est dans une sortie de crise possible.

Ce compromis de sortie de crise dont on a parlé, est-ce que c’est un bon accord ?

Oui, je crois que oui. Alors après, on peut dire que l’on a trop attendu. Moi j’étais là-bas le 8 décembre dans la manifestation monstre, une semaine après les premiers événements tragiques qui avaient eu lieu le 25 novembre quand des gens qui manifestaient tout à fait pacifiquement s’étaient fait agresser et qu’il y avait déjà des blessés et de très nombreuses personnes en prison. J’ai trouvé que la médiation européenne était une bonne chose, je l’ai vraiment vu et dit dès hier quand on a vu qu’elle passait cinq heures déjà avec le Président Ianoukovitch, on s’est dit qu’il y avait quelque chose qui partait. J’ai trouvé qu’était une bonne chose aussi le fait que pour une fois le Conseil européen, c’est-à-dire les responsables européens, disent tous ensemble « nous prenons une position », « nous allons prendre des sanctions tous ensemble, contre l’Ukraine ».

Mais à quel prix Marielle de Sarnez ? 100 morts, rien qu’hier...

Je viens de vous le dire, cela est terrible. J’aurais préféré que l’on intervienne avant bien évidemment. 

Pourquoi cela n’a pas été fait ?

Les chefs d’Etat et de gouvernement il y a un moment où ils sont là, mais où dans la crise le dénouement est impossible. C’est abominable, ces 100 morts hier. Vous savez toute la journée hier, moi je regardais la télévision d’opposition avec tous ces corps alignés dans la rue et les snipers qui tiraient, et les gens qui était là tout à fait pacifiquement… C’est atroce, c’est une barbarie, c’était une guerre hier à Kiev. Donc bien sûr que si on avait pu l’éviter, ça aurait été mieux pour tout le monde.

La guerre hier et la paix aujourd’hui, est-ce qu’on peut faire confiance…

Il faut que l’on soit très vigilant ! Il faut que l’Union européenne continue d’être là, d’être présente.

Justement, est-ce qu’on peut faire confiance au Président ukrainien ce soir ?

Non, le Président Ianoukovitch, je ne lui fais pas confiance. Alors c’est un accord qui est signé à plusieurs avec des témoins, il y a aussi un envoyé de Poutine, mais vous savez quand un Président ordonne à son armée, à ses militaires ou à ses policiers de tirer sur son peuple, de tirer sur ses enfants, comment voulez-vous qu’il puisse ensuite être légitime dans son pays ?

Alors, qu’est-ce que peut faire l’Europe ce soir pour s’assurer que l’accord soit respecté, que tout se passe bien ?

Continuer à faire monter la pression, prendre les sanctions possibles, comme on l’a dit : gel des avoirs et des visas de ceux qui ont notamment organisé la répression. Alors il y a eu des gages qui ont été donnés aujourd’hui par le pouvoir, c’est-à-dire que dans le nouveau gouvernement il n’y aura plus de ministre de l’Intérieur, il n’y aura plus le Procureur. Il faut que l’on soit extrêmement vigilant, je pense que Vladimir Poutine n’a pas non plus intérêt à ce que la situation se soit déstabilisée en Ukraine.

J’ai une communication de la Russie justement à l’instant : « elle n’a pas signé l’accord de sortie de crise conclu sous médiation européenne mais cela ne signifie pas qu’elle ne soutient pas un compromis ». C’est ce que disent les Russes à l’instant même.

Je pense que les Russes ont intérêt à ce que la situation se stabilise en Ukraine, que nous avons intérêt nous Européens à être très vigilants, à aider le pays qui est par ailleurs dans une très mauvaise position économique. Il faut un redressement de son économie, un redressement de son agriculture, il aura besoin de notre aide. On aura besoin aussi de travailler avec la Russie, on ne peut pas écarteler comme ça l’Ukraine mais il faut comprendre que tous les Ukrainiens regardent vers l’Europe parce que pour eux c’est une perspective de progrès démocratique.

C’est quand même un pays qui reste divisé.

Non, il est divisé parce que certains sont russophones, parlent russe, d’autres à l’ouest ne parlent pas russe, ils parlent ukrainien, mais en même temps ils sont comme les Russes dans leur propre pays, ils ont envie des valeurs européennes.

Comment on aide l’Ukraine ? Est-ce qu’il faut intégrer l’Ukraine à l’Europe ? Je sais que l’on n’en est pas encore là mais…

Non, il ne faut pas intégrer l’Ukraine à l’Europe, ce n’est pas à l’ordre du jour. Je pense qu’il faut arrêter les adhésions à l’Union européenne, reprendre la question de l’intégration de l’Union européenne.

28, c’est déjà trop ?

Oui, il faut repartir de la zone pour reconstruire quelque chose et après il faut procéder par cercle concentrique. Nous sommes voisins avec l’Ukraine, nous partageons un même continent avec l’Ukraine, ils sont à la frontière de l’Union européenne, donc il faudra un jour que dans ces cercles concentriques on puisse avoir une politique de voisinage, qui ira d’ailleurs jusqu’à la Russie. Mais l’Europe intégrée, elle doit se refaire à moins.

Aujourd’hui, vous êtes députée européenne, qu’est-ce que peut, qu’est-ce que doit faire l’Europe pour aider l’Ukraine à se relever ?

Elle doit aider financièrement, mais elle doit aider aussi en expertise.

Vous savez que les Russes dépensent beaucoup d’argent…

Non, ce n’est pas vrai. Les Russes, ils annoncent toujours qu’ils vont donner parce qu’en fait les Ukrainiens doivent à Gazprom de l’argent, ils doivent 3 milliards donc les Russes disent on va donner 3 milliards, et puis cet argent, il ne faut pas qu’il aille dans la poche des oligarques. Vous savez que l’Ukraine c’est un des pays les plus corrompus de la planète. On n’en parle pas, mais la première fois que j’étais là-bas – j’y avais été en 2004, mais quand j’y suis retournée – le premier des slogans c’était « dehors les bandits », c’est-à-dire « non, à la corruption ». Ils veulent vivre dans un Etat de droit les Ukrainiens, ils veulent vivre en paix, et ils veulent vivre dans un État qui ne soit plus corrompu. Il faut aider, il faut que l’on soit un levier de modernisation pour le pays, qu’on les aide à rentrer dans un État de droit, dans une démocratie, c’est pour ça que le changement de Constitution est très important, c’est un pays qui est diverse avec une diversité entre l’est, l’ouest, le nord, le sud, il faut donc que l’on ait un système parlementaire et non  présidentiel.

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