Jean-Luc Lagleize : "Ne nous tirons pas une balle dans le pied avec des mesures ciblant juste les compagnies et le territoire français. Ces sujets doivent définitivement être traités à l’échelle européenne !"

Jean-Luc Lagleize
(© Assemblée nationale)

Jean-Luc Lagleize, député de Haute-Garonne, a été nommé rapporteur de la mission d’information de la Commission des affaires économiques sur l’avenir du secteur aéronautique en France. Interview. 

Vous avez été nommé rapporteur de la mission d’information de la Commission des affaires économiques sur l’avenir du secteur aéronautique en France. Quels sont enjeux clés pour le secteur ?

La filière aéronautique française représente 300 000 emplois et 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est une industrie d’excellence et le premier secteur excédentaire de notre balance commerciale. Grâce à ses capacités d’innovation technologique, la France est en outre le seul pays du monde, avec les États-Unis, qui dispose d’une filière capable de développer, produire et commercialiser des aéronefs civils ou militaires. Ce n’est pas rien, l’enjeu est donc économique, social, mais aussi stratégique !

Nous devons donc déployer tous les moyens possibles pour sauver, protéger et relancer cette industrie, son savoir-faire et ses emplois !

Comment le secteur a-t-il été impacté par la crise sanitaire ? Quelles aides ont été mises en place, notamment au niveau européen, pour pallier des manques très importants ?

La COVID-19 a cloué au sol la majeure partie de la flotte aérienne mondiale. En 2020 uniquement, près d’une quarantaine de compagnies aériennes ont fait faillite à travers le monde, dont des compagnies importantes. Les compagnies qui ont survécu n’ont pu le faire que grâce à des aides publiques.

Air France-KLM par exemple a perdu 7,1 milliards d’euros en 2020, un effondrement de son chiffre d’affaires de 59 % par rapport à 2019. C’est du jamais vu ! Le gouvernement a consenti un effort important de 7 milliards d’euros pour notre compagnie nationale en 2020. Le gouvernement néerlandais s’est également engagé à hauteur de 3,4 milliards d’euros.

Cette chute du transport aérien a logiquement entraîné une baisse d’activité tout aussi importante dans le secteur aéronautique.

Heureusement, le Gouvernement a été au rendez-vous avec un plan de soutien à l’aéronautique qui représente un effort de plus de 15 milliards d’euros d’aides, d’investissements, de prêts et garanties, ainsi que des fonds dédiés aux fournisseurs et sous-traitants de la filière. Ce plan aéronautique doit ainsi permettre d’investir et de transformer durablement cette filière industrielle.

Comment le constructeur aéronautique Airbus s’est-il adapté, ainsi que les compagnies aériennes parapubliques ou privées comme Air France ?

Le secteur aérien et aéronautique s’est certes adapté tout au long de cette crise sanitaire, mais l’a surtout subi. De nombreux salariés ont été placés en activité partielle pendant plusieurs mois et certains le sont même encore !

Si les mesures mises en place par le Gouvernement et que nous avons votées à l’Assemblée nationale ont permis de préserver ce secteur jusqu’à présent, je regrette qu’en parallèle des mesures soient prises pour détricoter ce secteur. Je pense notamment à plusieurs mesures du projet de loi "Climat Résilience", issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui visent à interdire certaines liaisons aériennes, à restreindre l’extension des aéroports et à ajouter des coûts et des contraintes supplémentaires pour les compagnies aériennes.

Ne nous tirons pas une balle dans le pied avec des mesures ciblant juste les compagnies et le territoire français, des mesures qui viennent à contre-courant de notre politique de soutien ! Ces sujets doivent définitivement être traités à l’échelle européenne !

Le low cost court et moyen-courriers peut-il s’en sortir plus facilement à titre de comparaison ?

Le modèle économique des compagnies aériennes traditionnelles reposait jusqu’à présent en grande partie sur les revenus tirés de la classe « affaires ». Or, avec la crise sanitaire et l’émergence de nouveaux comportements, dont la visioconférence, les voyages professionnels risquent de ne pas reprendre de sitôt. Et lorsqu’ils reprendront, ils seront probablement moins nombreux qu’auparavant.

À l’inverse, la clientèle des compagnies « low-cost » est essentiellement touristique, donc ces compagnies vont pouvoir redécoller beaucoup plus vite, et c’est d’ailleurs ce que nous observons en ce début d’été.

Comment accompagner au mieux le secteur dans une nécessaire transition écologique ?

Il faut commencer par souligner que les acteurs du secteur travaillent de longue date sur leur transition écologique. Chaque nouvelle génération d’aéronef est par exemple beaucoup plus sobre énergétiquement parlant que la précédente. Par rapport à leurs prédécesseurs, les nouveaux Airbus A321neo consomment 15 % moins de carburant, atténuent de 50 % le bruit et réduisent de 50 % les émissions de gaz à effet de serre NOx.

Airbus a aussi annoncé récemment la mise en service d’un avion de ligne à hydrogène décarboné en 2035, et de nombreux constructeurs intermédiaires comme Aura Aéro sont déjà lancés dans la course à l’avion électrique, avec des prototypes qui volent déjà et d’autres en cours d’étude qui permettront d’inventer à l’avenir un nouveau transport aérien régional électrique.

Mais pour que ces projets aboutissent, le secteur doit avoir une bonne santé financière afin d’investir en R&D, c’est pourquoi le soutien public et la relance du secteur sont absolument primordiaux jusqu’à ce que le transport aérien reparte et permette de générer des revenus suffisants pour les investissements du futur.

L’« avion vert », notamment à hydrogène, est-il une piste de sortie de crise et un enjeu à long terme ?

L’« avion vert » n’est pas une sortie de crise en lui-même, car la sortie de crise dépendra de la gestion de la pandémie au niveau international, et donc de la vaccination. Mais la décarbonation du secteur aérien peut effectivement permettre de réconcilier une partie de la population avec ce moyen de déplacement, de développer une nouvelle appétence pour un mode de transport qui a toujours été à la pointe de la technologie et qui fait rêver petits et grands.

Même si cet « avion vert » pourra permettre de répondre à certains tenants du « flygskam » (honte de prendre l'avion en suédois), nous devons avant tout objectiver le débat et rétablir les faits sur le véritable impact environnemental du transport aérien. C’est un enjeu impérieux pour le débat démocratique et c’est d’ailleurs l’une des priorités de cette mission d’information.

Quels ont été les impacts de la crise dans le secteur aéronautique pour la métropole toulousaine ?

La filière aéronautique représente environ 90 000 emplois, soit près de 40 % de l’emploi industriel de la région Occitanie et 27 % des effectifs totaux de la filière. Notre région souffre donc énormément car au-delà des salariés du secteur qui ont été placés en activité partielle ou qui ont perdu leur emploi, c’est toute l’économie toulousaine qui en a pris un coup : des sous-traitants aux entreprises de l’événementiel, en passant par les commerçants.

Mais, au-delà de l’Occitanie, la filière aéronautique est présente sur l’ensemble des régions françaises, puisqu’elle dispose d’une empreinte territoriale très marquée dans certains territoires, comme en Île-de-France (30 % des effectifs de la filière), la Nouvelle-Aquitaine (10 %) ou encore les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Pays de la Loire (7 % chacune). Nous nous rendrons donc dans plusieurs de ces territoires dans le cadre de cette mission d’information, au plus proche des acteurs de terrain.

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