Vœux à la Presse de François Bayrou

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, présente ses vœux à la Presse ce mercredi 25 janvier 2023 à 11h00.

Bonjour à tous et merci d'être aussi nombreux.

Il y a longtemps que les vœux n'avaient pas eu autant de succès de la part des informateurs que vous êtes.

Ce sont des vœux à la presse, donc je commence par vous. Je commence par vos vies personnelles, que partagent avec moi tous les responsables de notre mouvement qui sont là, les ministres qui sont tous là. Les parlementaires. Les députés, on est 51 maintenant dans notre groupe à l'Assemblée nationale. Les Sénateurs, ils sont une grosse dizaine. Les parlementaires européens, ils sont six.

Donc c'est un mouvement qui a désormais une assise dans le débat national dont nous sommes conscients et qui nous donne une responsabilité.

Puis ce sont des vœux aussi, au nom de tous ceux qui, sur le terrain, forment notre mouvement, qui sont des militants, des animateurs du débat local et qui ont aussi, eux, une très grande responsabilité et qui le savent. Je dirai un mot tout à l'heure des des mutations auxquelles ils sont confrontés.

Ce sont des vœux partagés et qui sont, cette année encore, particulièrement dirigés vers la mission qui est la vôtre. Je disais tout à l'heure, en entrant devant vos confrères qui m'interrogeaient, dans ce travail très important de conviction pour l'opinion. Convaincre pour entraîner, dans ce travail très important, les politiques ont naturellement leurs responsabilités, tout leur rôle, mais ils ne sont pas les seuls. Et les médias aussi. Les journalistes aussi ont une part de responsabilité.

Je défendrai tout au long de ce propos l'idée que nous ne nous appelons pas Mouvement Démocrate par hasard.

Ce courant politique a été fondé - l'année prochaine, on fêtera le 100ᵉ anniversaire - a été fondé en 1924, et à toutes les étapes de son histoire, il y a toujours eu le mot démocrate ou républicain dans son nom, parce que la démocratie ce n'est pas seulement un mode de fonctionnement. La démocratie, c'est aussi un idéal.

Ce n'est pas le mécanisme qui fait que les citoyens choisissent leurs dirigeants. Ça en fait partie. C'est une étape indispensable et il y a beaucoup de pays dans le monde comme vous savez, qui n'ont pas cette chance là.


Mais la démocratie, c'est plus encore que ça, c'est l'idée qu'on peut partager la responsabilité des décisions avec les citoyens, pas seulement l'apanage des dirigeants, pas seulement leur pouvoir, mais que toutes les décisions qui commandent l'orientation d'un pays, on puisse les partager avec les citoyens, avec l'opinion que j'appelle non pas publique mais civique.

C'est un mode de fonctionnement complètement différent, y compris complètement différent de ce qu'on a l'habitude de faire depuis des décennies. Je pense qu'une des raisons des difficultés que nous avons, c'est que précisément, on n'a pas appliqué cette méthode ou cet idéal que je considère comme essentiel. On en parlera naturellement dans la question des retraites.

Mes vœux, nos vœux personnels pour chacun et chacune d'entre vous, pour votre vie personnelle et nos vœux personnels, pour la mission qui est la vôtre dans un monde dont chacun d'entre nous vérifie tous les jours à quel point il est soumis à des ébranlements, à des remises en cause qui étaient totalement inattendus il y a encore un an.

Je rappelle qu'il y a un an, la guerre en Ukraine n'était pas déclarée. On entendait parler de l'installation de troupes, mais la guerre n'était pas déclarée il y a un an. Mesurez tout ce que ça a, au travers du temps, créé comme comme remise en cause politique et géopolitique.

L'idée que désormais on était revenu au temps où un État pouvait en attaquer un autre pour en prendre le contrôle, ce qu'on n'avait pas connu en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Ce que ça comme conséquences sur la crise de l'énergie. Ce que ça a comme conséquences, Monsieur le ministre Marc Fesneau, sur les risques de crise alimentaire. Ce que ça a eu comme conséquence dans le déclenchement de la vague inflationniste. Et ça, c'est pour l'Europe, c'est à dire la partie du monde qui apparaissait la plus stable, la plus paisible, porteuse - au fond - d'une civilisation que personne ne remettait en question.

C'était il y a moins d'un an. Mais on regarde aussi ce qui se passe en Chine, et qui est naturellement, là encore, un sujet de préoccupation incroyable lié. On en reparlera de la démographie. La Chine est devant la perspective, qui est une certitude, qu'elle va perdre des centaines de millions d'habitants, je répète des centaines de millions d'habitants, dans les 30 ans qui viennent, une population presque égale à la population de l'Europe actuelle.

Et puis avec un modèle économique et social, qui lui aussi est en cause, on voit ce qui se passe du côté des Etats-Unis avec l'immense effort d'investissement que les Etats-Unis consentent pour leur économie, pour leur industrie et en même temps les crispations sociales qui, tous les jours ou presque, avec des des massacres d'innocents, traduisent le mal être d'une société dans laquelle reviennent les plus anciennes détestations et les plus anciens complexes, avec ce que nous vivons en Afrique, avec la question du climat très présente dans nos débats.

Nous qui sommes émetteurs de 1 % des gaz à effet de serre. C'est très bien qu'on s'en occupe et c'est très bien qu'on se mobilise, et c'est très bien qu'on innove. Mais la question, c'est les 99 autres pourcents. Si vous regardez les émissions la courbe des émissions de la Chine ces dernières décennies, elle est presque verticale et les investissements qu'il faudrait consentir, et je ne parle même pas de l'Afrique qui est le continent tout entier qui se trouve devant une explosion démographique et la perspective de participer à ces émissions de manière évidemment très considérable puisqu'ils sortent de la situation pour entrer vers le développement et le développement c'est naturellement de l'activité et de l'activité émettrice.

Alors nous nous faisons des efforts, Marc Fesneau, je le disais comme ministre de l'Agriculture, la décision qui a été prise sur les néonicotinoïdes est une décision incroyablement courageuse de la part d'un pays comme le nôtre, mais qui va entraîner naturellement des soucis, des prises de responsabilité que tu as annoncées, mais qui sont considérables.

C'est dans ce cadre que nous réfléchissons. Et naturellement, ce cadre, c'est la question des retraites. L'acte dans lequel nous sommes entrés, et l'acte parlementaire qui va s'ouvrir est naturellement très important.

Alors, nous sommes dans une situation où nous, notre mouvement, nos groupes parlementaires, dans une situation très claire, un, nous savons qu'il faut une réforme.

On entend des interventions diverses, variées, parfois surprenantes, qui, au fond, laissent entendre qu'on pourrait se passer de faire une réforme. Notre certitude documentée, ce n'est pas une opinion, c'est une certitude assise sur des analyses, et je vous renvoie à la note que j'ai signé pour le plan sur ce sujet. Contrairement à ce qu'un certain nombre d'interventions semblent laisser entendre, la responsabilité qui est la nôtre ne peut pas être éludée dans le sens de la réforme des retraites.

Je répète les chiffres pour que tout le monde les ai en tête. Nous vivons avec l'idée que nous sommes dans un système par répartition, un système par répartition comme vous le savez, c'est le principe selon lequel ce sont les actifs qui, en cotisant, assument les pensions des retraités. Et ce n'est plus du tout la situation du pays, la somme des pensions des retraités l'année dernière, c'était 345 milliards. Et sur ces 345 milliards, l'Etat, le contribuable en donne 143, c'est à dire plus de 40% des recettes de notre système de retraite est fourni par l'Etat, à trois titres.

Le premier titre, qui est absolument normal, c'est celui d'employeur : Les fonctionnaires, les contractuels de l'Etat, des collectivités locales et des hôpitaux fournissent l'équivalent de 25 milliards. 

Et puis il y a un deuxième titre qui est tout à fait normal : chaque fois que l'Etat délibère sur des avantages, des facilités, des allègements de charges par exemple, les années supplémentaires pour familles pour enfants par exemple, l'allègement des charges des bas salaires par exemple, les incitations à l'emploi... Chaque fois qu'il délibère sur ses facilités ou sur ses exigences, il compense auprès des caisses. C'est absolument normal. C'est sa décision et il l'assume.

Ca fait 90 milliards. Et puis il reste 30 milliards qui sont la participation de l'Etat au régime de retraite, à l'équilibre des régimes de retraite. Et permettez moi de rappeler que 30 milliards, le chiffre passe comme ça, c'est 30 000 millions d'euros par an, 30 000 millions d'euros à apporter tous les ans.

Ces 30 000 millions d'euros si nous les avions, ce serait une décision soutenable. Mais nous ne les avons pas, donc nous les empruntons tous les ans, ce qui fait qu'on est dans la situation, Madame la ministre de la Jeunesse, on est dans une situation à mes yeux, absolument insupportable, On met à la charge des plus jeunes, de ceux qui travailleront dans les années qui viennent, les pensions des retraités d'aujourd'hui.

On fait payer non pas par les actifs mais par les futurs actifs, les pensions de retraite des retraités d'aujourd'hui. Et une société qui met à la charge de ses enfants les retraites des seniors est une société à mon sens irresponsable. C'est une société qui ne fait pas face aux responsabilités, que des parents, des mères, des pères, des éducateurs doivent assumer.

C'est d'ailleurs vrai en partie pour les feuilles de sécu aussi. Et donc vous voyez bien qu'il y a là une source de déficit et d'endettement incroyable pour le pays. Et à mon sens, si nous sommes des citoyens conscients et responsables, nous ne pouvons pas ne pas poser cette question. Alors je vous indique au passage qu'il y a une petite finesse : nous parlons, quand nous établissons ces bilans, des déficits actuels, alors que le débat se concentre sur les déficits futurs. Si on ne pose pas la question de l'ensemble des déficits, alors évidemment l'irresponsabilité de génération, la rupture générationnelle qui fait que ce sont les jeunes qui vont assumer ces charges, sont évidentes, patentes et insupportables.

Voilà pourquoi nous, nous pensons qu'il faut une réforme des retraites, et même nous souhaiterions, je l'ai dit à plusieurs reprises, que cette réforme des retraites prenne en compte non pas seulement les déficits futurs, mais les déficits actuels aussi, pour aller progressivement avec le temps, avec un plan - j'aime beaucoup l'idée de plan - pour la nation, pour aller progressivement vers une recherche de l'équilibre et qui soit les yeux ouverts.

Première certitude pour nous, si nous sommes responsables, si nous ne voulons pas mettre les plus jeunes d'entre nous et ceux qui vont naître, en situation d'avoir à assumer des charges indues, alors il faut une réforme des retraites.

Est-ce que cette réforme des retraites est, pour aucun des intervenants, y compris pour le gouvernement, y compris, j'en suis sûr, pour le président de la République, est-ce que c'est l'idéal ?

Nous avions, pendant la législature précédente, bâti un système beaucoup plus large, beaucoup plus ambitieux, à mon sens juste, qui était, comme vous le savez, le système de retraite universel par points que dans cette salle même j'ai défendu devant vous depuis 20 ans, depuis l'élection présidentielle de 2002, pour ceux qui ont de la mémoire de notre vie politique, et nous étions les premiers à l'époque à proposer ce système.

Les événements ont fait que le gouvernement a choisi une réforme qui porte davantage sur l'urgence, et qu'on dit, comme vous le savez, paramétriques, c'est-à-dire qu'on fait bouger les critères du système actuel. Nous nous inscrivons dans cette perspective de l'urgence. Nous savons qu'il faut agir. Et si le gouvernement a décidé, nous sommes présents à ce rendez-vous en voyant toutes les difficultés et avec la certitude que je voudrais exprimer devant vous que naturellement, il faut que le débat qui vient soit utile parce que nous pensons que c'est améliorable.


Il y a des sujets, des questions, je vais en citer quelques unes, la question de l'équilibre financier, la question - je voudrais insister particulièrement - de la situation des femmes dans cette réforme et la question de l'équité hommes-femmes étant donné que, comme vous le savez, les femmes ont souvent à assumer des carrières hachées, des interruptions, et donc cette question des femmes mérite d'être précisée et d'être améliorée.

Nous sommes particulièrement attachés à la perspective d'options dans les dernières années, de carrières sur le temps partiel, l'équilibre entre "On va travailler seulement une partie du temps pour préparer la transition, et on acquerra des droits", ce qui est une nouveauté positive du texte qui n'est soulignée par personne, mais qui pour nous est très importante. Et puis les scénarios sont ce qu'ils sont, mais vous voyez bien que ces scénarios - je l'ai d'ailleurs souligné dans la note du plan - la première arme pour rééquilibrer le système de retraite, c'est le plein emploi et la progression de la productivité.

Ce qui veut dire que tout se tient, et ce qui veut dire aussi, comme il y a des questions à préciser, que nous souhaitons que le débat parlementaire ait lieu, pas qu'il soit court-circuité par ce que l'on appelle en anglais du flibustering, c'est-à-dire toutes les manœuvres et tactiques qui sont faites non pas pour examiner le texte mais pour empêcher que le texte soit examiné.

Nous nous inscrivons dans l'idée qu'il n'y a pas de fatalité au blocage parlementaire. Nous pensons qu'on peut améliorer, préciser, travailler le texte, et donc nos groupes parlementaires, Monsieur le Président et chacun et chacune des députés qui sont là, Monsieur Vanlerenberghe au Sénat et les sénatrices et sénateurs qui sont là, nous voulons que cette période et que ce débat soit utile, et nous ferons tout ce que nous pouvons à la mesure de nos forces pour y participer et pour le tenir équilibré.

Mais nous savons très bien que cette question des retraites, en réalité dissimule d'autres débats, et c'est le troisième point que je voudrais traiter devant vous, il y a un débat qui apparaît aujourd'hui particulièrement fort. C'est la question du rapport des Français au travail et la question du rapport des plus jeunes au travail. Et la question, Monsieur le Ministre, des évolutions du travail : le numérique et la question de l'accès de tous, Madame la Ministre, notamment de ceux qui sont en situation de handicap au travail.

Vous savez quelle est l'étymologie du mot travail ? Le mot travail c'est vient d'un mot latin qui est tripalium, qui a été conservé presque intégralement en béarnais, ce qu'on s'appelle le tribay. Tripalium, c'est le supplice, et donc l'idée que le travail soit à classer dans la catégorie de ce qui, au fond, est difficile à assumer, alourdit la vie, cette idée est au fond assez présente.

J'écoutais les jeunes étudiants qui étaient interviewés, avec toutes les limites de l'exercice, mais leur appréhension du travail, c'était que c'était quelque chose que si on pouvait en éviter le maximum, ce serait mieux. Et ceci est en contradiction profonde avec la société que nous avons construite et avec un idéal que nous défendons, qui est le travail comme épanouissement, le travail comme prise de contrôle de sa vie et prise de contrôle du monde.

Cette question là est ouverte et elle était à ouvrir. Alors vous voyez bien qu'elle se pose de manière différente, en fin de carrière, le rapport au travail et l'articulation sur la retraite, et en début de carrière et même avant la carrière, cmment on peut dire, l'appétence du travail ? En tout cas, c'est une société qui est profondément en rupture avec l'idéal qu'elle a cultivé pendant longtemps.

Cette question doit être traitée et prise en compte par notre démocratie. Vous voyez que nous avons constamment cherché, et nos parlementaires ont constamment cherché, à donner plus de liberté aux salariés et aux non-salariés aussi, dans l'articulation avec la retraite. C'est pourquoi nous aimions beaucoup l'idée de la retraite par points, qui est aussi une retraite à la carte : je choisis quand je pars en fonction du montant de pension que je peux espérer.

Mais ce n'est pas la seule question qui se pose à propos des retraites. Il y a une immense question qui est la question de la démographie, que j'ai traité comme vous le savez dans ce rapport du plan l'an dernier, en faisant observer qu'il y a deux sortes de sociétés dans le monde développé : il y a les sociétés dans lesquelles on considère que les services, chacun les gagne pour lui-même : l'école, on la paye, la santé, on la paye, vous voyez à quelle société je fais allusion ? Toute société qui nous entoure, y compris en Europe et dans le monde.

Et puis nous sommes dans la minorité des sociétés qui considère que les services publics, c'est le contrat social qui les fournit aux familles et aux individus : l'École gratuite quasiment de la maternelle à l'université, la santé assurée à tous gratuitement, les assurances contre les difficultés de la vie, le chômage par exemple assuré à tous, la retraite assurée à tous.

Toutes ces services là, l'organisation de la société française, en réalité, les traitent de la même manière, c'est à dire par la répartition. C'est le prélèvement sur l'activité de tous qui garantit les droits de chacun. C'est tous pour un, et il faut aussi un pour tous. Nous sommes un modèle de société absolument unique qui est originale de ce point de vue.

Il y a des pays scandinaves qui ne sont pas loin de notre modèle, mais le reste de l'Europe et le reste du monde est à mille lieues de tout ça. Et permettez-moi de dire que si chacun est en charge au fond de garantir ses services, alors la question qui se pose, c'est combien sommes-nous pour assurer les services pour tous ?

C'est pourquoi la démographie est la garantie, pas seulement des retraites comme on le dit, bien sûr il faut des générations nouvelles pour payer les pensions, et les contribuables pour équilibrer le système, mais la vérité est que pour tous nos services publics, il faut une démographie vivante. Et si la France a pu développer ça, c'est parce qu'elle a eu pendant longtemps, la meilleure démographie de toute l'Europe.

À telle enseigne que j'avais souligné ça dans un livre qui a déjà sept ou huit ans, d'ici 30 ans, la France peut être le pays le plus peuplé de l'Union européenne parce que les Allemands ont le même problème démographique accentué que je décrivais en Chine. C'est une immense question et c'est une question qui est évidemment reliée à la politique familiale parce qu'on a observé - alors là vraiment c'est pas la peine de prendre une loupe - on a observé que le jour où les gouvernements ont décidé d'amputer la politique familiale d'une partie de son action, à l'instant la démographie s'est effondrée.

Reconstruire une politique familiale, c'est plus vite dit que fait, et donc, là encore, on est devant un immense défi. Puis-je dire au passage que ce défi est un défi global ? Parce que si on a une certitude, la Chine s'effondre démographiquement, l'Europe est en situation critique démographiquement, mais il y a d'autres parties du monde qui, elles, sont en explosion démographique, et l'Afrique en particulier.

L'idée qu'on peut, qui ne s'est jamais produit dans l'Histoire, qu'ayant des déséquilibres démographiques, on a réussi à empêcher les vases communicants, cette idée là il n'y a aucun livre qui s'est intéressé à l'Histoire qui pourrait la défendre. Parce que c'est les grandes invasions, l'effondrement de l'Empire romain, tout cela, c'est absolument lié à des questions démographiques, et donc nous sommes devant un immense défi de ce point de vue, et la nécessité de rebâtir ce que nous avons perdu, que nous avons laissé s'effacer, et donc une question absolument essentielle.

Ces questions ouvertes par le débat sur les retraites, elle s'accompagne d'une autre question, c'est est-ce qu'en France nous pouvons trouver une méthode de réforme qui ne soit pas une méthode d'affrontement, de confrontation, d'explosion entre le mouvement de réforme et la société ?

Ceci est la question que j'évoquais dans mon introduction, de la démocratie. Nous, nous croyons à une démocratie de co-responsabilité. Nous pensons que quel que soit notre rôle dans la société, si on est dans la politique, majorité comme opposition, si on est dans le domaine social, syndicats comme patronat, et pouvoir comme citoyens, nous sommes tous coresponsables de l'avenir du pays.

Cette idée de coresponsabilité est une idée qui n'est jamais ou presque jamais défendue en France.

En France, la démocratie dans l'esprit de nos concitoyens, ça consiste à élire quelqu'un, une équipe mais rarement, et à s'en remettre totalement à lui pour prendre des décisions ou proposer des décisions, et à se révolter contre lui dès l'instant que les décisions ne plaisent pas. Quelqu'un que nous avons bien connu disait "T'as voulu y être et maintenant occupe toi de tout".

Ceci n'est pas notre conception et nous considérons que cette vision réductrice à laquelle la France est habituée est une des raisons pour lesquelles nous sommes en situation de blocage dans la démocratie française. Face à la réforme, nous pensons, nous, au contraire, que l'on peut partager avec les citoyens l'ensemble des raisons qui font qu'on est obligé de changer, de proposer des mouvements, d'aller de l'avant, de reconstruire à intervalles réguliers.

Et ceci est très difficile à conduire, et il est parfois assez difficile d'en convaincre les dirigeants. C'est pourquoi j'ai, au nom de mes amis, si souvent insisté sur le mot n'est pas bon, mais sur la pédagogie. Parce que la pédagogie, ça s'adresse plutôt à des à des enfants, et nous, nous voulons nous adresser à des citoyens. Mais si on voulait reprendre l'étymologie, ça donnerait démagogie et je ne souhaite pas qu'on aille dans ce sens là.

Le travail d'élaboration civique, de réflexion partagée, d'information sincère et complète, mise à la disposition des citoyens, on a un exemple parfait avec le financement des retraites, on en vient à la situation où une large part des citoyens croient que ce n'est pas nécessaire et qu'en tout cas, ce n'est pas urgent, qu'on pourrait faire autrement,  simplement parce qu'on n'a pas donné l'information et que même les organismes spécialisés hésitent, si j'ai bien compris, à donner l'information.

Encore une fois, les chiffres que j'ai donné il y a un instant et qui sont établis dans la note du Plan, n'ont été contredits par personne. Ce sont les chiffres mêmes extraits de la note du COR. Pour nous, la construction de cette méthode de coresponsabilité, d'association des citoyens aux décisions majeures, bien sûr, nous pensons que c'est un idéal mais j'ai jamais récusé qu'il y ait une part d'idéalisme dans notre engagement, je pense que c'est nécessaire.

Je pense qu'il n'y a pas d'engagement civique sans un certain idéalisme, mais nous pensons aussi que c'est la seule possible, que toutes les autres aboutissent à des blocages et à des reculs, et que donc nous sommes devant une confrontation de méthode, et nous comptons défendre cette démarche, parce que ce sera mon dernier point, parce que la société française tout entière, dans tous ses piliers, se trouve aujourd'hui devant les mêmes difficultés.

L'ensemble des mutations qui sont devant nous impose une méthode démocratique différente.

Je vais citer l'Éducation nationale, avec l'inquiétude si profonde suscitée chez les parents d'élèves, chez les enseignants,et chez tous les acteurs conscients de la société par les effondrements que nous connaissons depuis 25 ans, c'est à dire depuis la date où j'ai quitté le Ministère de l'éducation nationale - c'est une plaisanterie stupide - mais enfin il est évident que le dernier quart de siècle a été un échec généralisé, contre lequel des ministres, des responsables ont essayé de bâtir des politiques mais pour l'instant on n'y est pas.

Et même s'agissant du niveau scientifique de la nation, s'agissant du niveau de maîtrise de la langue, une maîtrise de la lecture et de maîtrise de l'équilibre, on en est très très loin. Alors c'est dans les grandes mutations dans la société, la société des écrans à laquelle vous participez pour beaucoup d'entre vous, joue évidemment un rôle qui participe à ce déséquilibre.

Mais les questions de l'Éducation nationale ne sont pas des questions qui pourront être traitées dans la confrontation entre le sommet et la base. Elles ne pourront être traitées que par une démarche de coresponsabilité.

La question de la santé. La France a été le pays du monde qui a eu le système de la santé le plus performant, le plus reconnu, le plus le plus ouvert. Puis des décisions tragiques ont été prises au sommet. Je vais simplement évoquer le numerus clausus, il y a longtemps, il y a 40 ans, 35 ans, et ces questions ont apporté aujourd'hui des conséquences tragiques.

Tout le monde sent bien qu'il y a à rebâtir dans le monde de la santé. Et cette reconstruction, elle ne pourra se faire que par la méthode de coresponsabilité que je défends devant vous. L'action publique, l'Etat, les collectivités locales, les superpositions, les questions de la dépense publique, les finances publiques, la confrontation n'ouvrirait rien.

La question de la production, l'affaiblissement de la production dans notre pays, agricole, industriel, intellectuel et artistique, je ne veux pas dire que tous ces domaines sont sinistrés, mais il y a beaucoup de questions qui se posent, et dans le domaine du numérique en particulier. Et puis naturellement, les questions sociétales, et même je finirai sur ce sujet, la question de l'engagement.

Je ne me réjouis pas de la crise des partis politiques que nous vivons aujourd'hui et dont nous vivons aujourd'hui des épisodes profondément déstabilisants. J'ai milité parfois assez seul, et pendant longtemps, contre le monopole qui était exercé par les deux partis politiques du Parti socialiste et de l'UMP de l'époque.

Je me réjouis pas de la situation à laquelle on est arrivé. Je l'avais analysée, prédite, parce que je voyais bien qu'il n'y a pas de mouvement politique qui puisse survivre s'il n'a pas, certains disent une idéologie je dirai plus facilement une philosophie, une vision du monde, quelque chose qui inspire et qui est qui donne une cohérence à l'action, et pendant très longtemps, j'ai vu avec un regard navré que tout ceci était en train de s'échapper, ça se perdait dans le sable.

Ne nous dissimulons pas les choses, il y a une crise générale de l'engagement. C'est vrai pour les partis politiques, c'est vrai pour les syndicats, c'est vrai pour les associations. Il y a une crise du bénévolat, encore que les associations soient ceux qui tiennent le mieux le pays. C'est là qu'on s'engage, parce qu'on a le sentiment, ou dans les ONG, qu'on va faire des choses utiles, non enrégimentées.

Et la question pour les mouvements politiques, c'est construire une volonté de changer les choses sans enrégimenter les citoyens, ceux qui viennent, celles qui viennent, pour bâtir quelque chose. C'est un sujet que nous traiterons.

Voilà pourquoi j'étais heureux de vous présenter ces vœux. Parce que le chantier est très important. Vous avez compris ce que nous avions comme ligne de conduite, je vais les résumer en quatre mots : 

  • optimisme : on ne fait rien si on ne croit pas qu'on peut, selon les expressions, sauver le monde, reconstruire le monde, réconcilier le monde. Pour ça, il faut une dose d'optimisme profonde. Il faut croire un peu qu'on n'y arrivera. Et donc optimisme.
  • lucidité : je déteste qu'on mette la poussière sous le tapis. On l'a fait en France pendant 30 ans, 40 ans. Il y a eu une stratégie générale d'évitement des problèmes, de refus de les nommer, et de refus de les voir. Pour moi, c'est très important que cette lucidité soit une de nos lignes de conduite.
  • créativité : j'ai entendu des responsables très importants nous taxer de créativité. Je ne suis pas sûr que c'était un compliment, et d'ailleurs, je ne suis pas sûr que le compliment eût été mérité. Mais bien sûr, il faut que nous soyons, si nous pouvons modestement, les imaginatifs du système, ceux qui ont une capacité d'ouvrir des chemins nouveaux.
  • et enfin vision à long terme. C'est un des combats de ma vie, comme vous le savez, j'ai souvent répété que la Chine mettait au point des politiques à 30 ans, et nous, je ne suis pas sûr que ce soit à 30 jours, parce que la pression de l'actualité, des sondages, des événements est telle qu'on pallie au plus pressé. Si on n'a pas de vision à long terme, si on ne sait pas quelle société on veut construire, si on ne sait pas pourquoi on se bat et vers où on va, on n'a aucune chance d'y arriver.

Ces quatre noms, optimisme, lucidité, créativité, vision à long terme, c'est ce qui nous définira, je l'espère, dans l'année qui vient.

Tous ensemble, nous vous souhaitons une très bonne année 2023.

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