Sarah El Haïry : "Une nouvelle ère s'ouvre pour la commission inceste"

Par Agnès Leclair pour Le Figaro
Sarah El Haïry

Feuille de route, gouvernance... La ministre chargée de l'Enfance, de la Jeunesse, et des Familles, Sarah El Haïry, dévoile les nouveaux contours de la Ciivise dans les colonnes Le Figaro.

LE FIGARO. - Avez-vous pensé à arrêter la Ciivise après la démission de deux coprésidents ? Ou à faire revenir le juge Édouard Durand, emblématique premier président de l'instance ?

Sarah El Haïry. - Il n'a jamais été question d'arrêter les travaux malgré les turbulences. Depuis trois ans, pour la première fois, et à l'initiative du président de la République, un tabou a commencé à se fissurer. Il faut continuer à le briser. Le juge Durand a produit avec sa coprésidente, Nathalie Mathieu, et tous les membres de la commission un rapport de grande qualité. Mais la Ciivise, ce n'est pas qu'une histoire de « casting » , c'est d'abord la responsabilité de notre société de mieux prévenir et prendre en compte les dégâts de l'inceste et des violences sexuelles. Une nouvelle ère s'ouvre pour la Ciivise. Je pense avant tout aux personnes à l'origine des 30 000 témoignages reçus et qui ont parlé, non pour elles-mêmes mais pour que les enfants d'aujourd'hui ne vivent pas la même chose. J'ai voulu prendre le temps de construire une organisation, une gouvernance, pour répondre aux besoins d'aujourd'hui. Nous devons passer de la culture de la révélation à la culture de l'accompagnement des victimes, de #MeToo à l'implication de nous tous.

Comment va fonctionner la nouvelle Ciivise et qui sera à sa tête ?

Les quarante membres de la Ciivise ont réfléchi à la gouvernance pour la suite des travaux. Nous avons retenu le format d'un « collège directeur » , composé de quatre personnalités - deux femmes et deux hommes - aux profils complémentaires. Maryse Le Men Régnier, présidente de la Fédération France Victimes, apportera son expertise de magistrate. Il nous a aussi semblé essentiel de nommer un médecin quand on sait à quel point les violences sexuelles posent la question des psychotraumatismes. Ce sera Thierry Baubet, chef du service de psychopathologie de l'enfant à l'hôpital Avicenne (AP-HP). Solène Podevin, présidente de Face à l'inceste et qui a un parcours d'engagement extraordinaire, apportera une expérience associative précieuse. À leurs côtés, Bruno Questel, ancien député et ancien maire, qui a eu le courage de prendre la parole dans l'Hémicycle pour révéler qu'il avait, enfant, subi un viol, a un regard d'élu qui me semble également important.

Quelle sera la nouvelle feuille de route de la Ciivise?

Sa feuille de route a été orientée vers les nouveaux besoins identifiés. Il faut pouvoir former les professionnels à l'accueil de cette parole. L'enjeu est que la protection des enfants soit effective en tout lieu. La question des enfants en situation de handicap, plus vulnérables encore, doit encore être approfondie. Tout comme celle des auteurs mineurs. Comment prendre en charge une famille, une fratrie dont un des enfants a agressé une soeur ou un frère plus jeune ? Comment accompagner une classe quand un élève révèle qu'il a subi des attouchements ? Par ailleurs, les victimes de violences sexuelles ont un long parcours pour se reconstruire. Souvent, elles ont grandi dans le silence, le déni, et elles ont enfoui profondément ces souffrances qui viennent fracasser leur vie. Aujourd'hui, ce parcours de reconstruction est trop long et trop cher, jusqu'à 30 000 euros. C'est une double peine. La Ciivise va travailler avec des médecins et des inspecteurs des affaires sociales, pour proposer un parcours de santé mieux construit, plus accessible. Enfin, le suivi des 82 recommandations du rapport de la Ciivise est toujours à l'ordre du jour. Certaines viennent d'ailleurs d'aboutir. La loi Santiago, visant à mieux protéger les enfants victimes de parents violents, en particulier incestueux, a été adoptée. Elle élargit la suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale au parent poursuivi ou mis en examen pour agression sexuelle ou viol.

La doctrine « On vous croit, on vous protège » guidera-t-elle encore l'instance ? Les réunions publiques de la Ciivise vont-elles reprendre?

« On vous croit, on vous protège » , ce n'est pas qu'une doctrine. Protéger les enfants, cela doit être la philosophie qui guide l'action de l'ensemble des adultes qui accompagnent les enfants et de toute la société. Si vous faites un dîner avec dix amis, il y a toutes les probabilités pour que l'un d'entre eux ait été victime de ces violences. Quand on ouvre les yeux, on réalise qu'il s'agit de l'affaire de tous. Les réunions publiques de la Ciivise ont permis de donner le courage de la révélation. Mais dire aux victimes : « Tu as parlé, c'est bien » , ce n'est plus suffisant. De plus, toutes ne pouvaient pas s'exprimer dans ce contexte, je pense notamment aux personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, la parole doit continuer à se libérer et être accueillie partout. Des associations mettent en place des groupes de parole en plus petit cercle pour 6accompagner les victimes avec plus de proximité, et je veillerai à ce que cela soit mieux mis en lumière, pour que les victimes sachent où s'exprimer. La ligne téléphonique (1) reste par ailleurs ouverte.

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