Sarah El Haïry : « Cette aide sociale à l'enfance, c'est la responsabilité de tous »
Invitée de Public Sénat, Sarah El Haïry, Haute-commissaire à l'Enfance et vice-présidente du MoDem, a abordé avec gravité des drames récents qui touchent des enfants et des familles : violences, dérives numériques, dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance. Entre volonté de vérité et appel à la justice, elle défend une politique de protection lucide et exigeante.
Violences : « Il n’y a pas de hiérarchie entre les victimes »
Interrogée sur deux faits divers récents, Sarah El Haïry, appelle à la retenue, à la justice, et à ne jamais opposer les douleurs.
Concernant le meurtre d’un fidèle dans une mosquée à La Grand-Combe, elle évoque un « crime effroyable » qui a bouleversé « une famille endeuillée, une communauté choquée, une ville meurtrie ». Elle se refuse à tout commentaire précipité :
Aujourd'hui, on a eu un crime dans notre pays. Il est effroyable. La justice doit être la plus ferme possible. La lumière doit être faite sur les circonstances
Tout en appelant à laisser travailler la justice, elle rappelle une ligne claire : « Il n’y a pas de hiérarchie entre les victimes. (...) Quand un acte est fait contre un musulman, c'est un acte islamophobe. Quand un acte est fait contre une personne juive, c'est un acte antisémite. Quand un acte est fait contre une personne du fait de son orientation sexuelle et parce qu'il est ou elle est homosexuel, c'est un acte homophobe. »
Je suis universaliste. Et par essence, je ne fais pas la différence entre les gens en fonction de leur religion, de l'absence de religion, de leur orientation sexuelle.
Elle a également réagi au meurtre d’une adolescente dans son lycée à Nantes, sa ville d’origine. Un drame qui a « beaucoup bouleversé » :
L'école est un sanctuaire. On y va avec de l'apaisement, avec de l'insouciance. Et ce drame est plus que bousculant.
Elle insiste sur la nécessité d’une réponse à la fois sécuritaire et éducative : portiques, fouilles, renforcement de la présence policière autour des établissements, mais aussi prévention des violences dès le plus jeune âge.
Ce qu'on voit là, ce sont des situations de violence. C'est un acte qui est abjecte, qui a pris la vie, qui a blessé d'autres jeunes dans l'établissement, qui pose un certain nombre de questions de sécurité.
Une mission confiée aux ministres et à une députée qui doivent remettre des propositions dans les semaines à venir.
Écrans : « L'exposition aux écrans est partout dans notre société »
Sur l’usage des écrans dès le plus jeune âge, la ministre l'affirme : « C'est vraiment une des priorités majeures. » Langage, sommeil, motricité, relations sociales : les conséquences, prouvées scientifiquement, peuvent être durables.
La question n'est pas strictement exclusivement l'interdiction. Elle est plus large que ça.
Mais pas question pour elle de culpabiliser : « Il faut être aux côtés des parents. Il faut les accompagner. » Elle se félicite des avancées déjà faites, comme l’adoption de la loi Marcangeli, qui interdit l’inscription des mineurs sur les réseaux sociaux avant 15 ans, mais déplore qu'elle n'est aujourd'hui pas assez respectée. Elle appelle également à agir au niveau européen afin d'être plus efficace dans le protection de nos enfants.
Jamais je ne jugerai un parent parce que, dans le fond, il fait comme il peut, vraiment comme il peut.
Elle appelle aussi à un changement culturel plus large : « on construit une société qui est plus bienveillante. » Et pour ça, elle sait que les solutions ne se trouvent pas dans les ministères :
Aujourd'hui, les solutions, elles sont aussi à l'extérieur. Elles sont avec les collectivités, qu'elles soient communes ou départements. Elles sont avec des professionnels qui sont libéraux, mais aussi de la médecine hospitalière.
ASE : « Une plus grande égalité entre les territoires »
Alors que les alertes se multiplient sur les dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance, Sarah El Haïry souligne les avancées qui ont pu être faites : interdiction de « l'aide des enfants dans des hôtels », « le parrainage et le mentorat de ces enfants » qui est devenu obligatoire ou encore des « évolutions législatives pour permettre et faciliter l'adoption »...
La priorité aujourd'hui de l'aide sociale à l'enfance, c'est de permettre qu'il y ait une plus grande égalité entre les territoires.
La ministre pointe néanmoins des difficultés dans la politique de prévention :
La politique de prévention, de soutien à la parentalité, avant qu'on décide un placement, c'est finalement quasiment la jambe la plus atrophiée. C'est celle qui est la moins forte.
Dans le cadre de sa fonction, elle souhaite donc agir sur l'application des lois déjà votées, comme celles Taquet et Limon, afin de toujours répondre à son objectif premier : respecter l'intérêt de l'enfant.
L'aide sociale à l'enfance, simplement, on a l'impression que c'est pour les autres. Sauf que c'est notre responsabilité d'accompagner les enfants, d'inverser la tendance.
Bétharram : « Nous avons besoin de briser le silence »
Interrogée sur l'audition de François Bayrou dans le cadre de l'enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans une institution religieuse des Pyrénées-Atlantiques, Sarah El Haïry se montre grave : « Ce qui est certain, c'est que nous avons besoin de briser le silence. » Elle appelle vivement à faire reculer ce silence en alertant, notamment grâce au numéro 119, pour protéger et préserver les victimes.
Ma mission, c'est de lutter contre ces violences et de faire que la politique de prévention de ces violences soit plus forte.
« Libérer la parole, accompagner les professionnels », appelle-t-elle, afin de mettre fin à ces violences, en proposant notamment la « généralisation des certificats d'honorabilité » pour mieux contrôler les professionnels. Elle s'attarde également sur la perception de la victime :
Mais aujourd'hui, vous savez le poids qui est sur les épaules des victimes alors que ce n'est pas leur responsabilité.
Ainsi, la ministre appelle aussi à écouter davantage les enfants eux-mêmes et à changer la culture du signalement.
Accompagner les enfants sans se dire, aujourd'hui, qu'on l'a toujours fait de la même manière, oui, c'est une évolution, et c'est une évolution absolument essentielle.