Marie-Pierre Vedrenne : "L’avortement est un droit fondamental qui doit être gravé dans le marbre"

Marie-Pierre Vedrenne
(© Jacques Giaume)

Le 7 juillet, les députés européens se sont prononcés en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Marie-Pierre Vedrenne, Députée européenne et coprésidente de la délégation Renaissance, livre son analyse. Entretien.

Que vous inspire la décision de la Cour suprême sur le droit à l'avortement ?

Cette décision de la Cour suprême américaine nous rappelle que malheureusement les droits des femmes ne sont pas acquis et qu’ils sont toujours menacés.

Huit États américains ont d’ores et déjà interdit l’avortement, vingt-six pourraient à termes en faire de même. N’oublions jamais qu’interdire l’avortement ne fait pas cesser les pratiques d’avortement. Cela les rend simplement illégales et dangereuses pour les femmes.

Cela signifie que les femmes les plus aisées pourront aller dans d’autres États, parfois à des milliers de kilomètres pour avorter dans des conditions médicales sûres. Pour les plus modestes, cela ne signifie le recours à des avortements clandestins dans des conditions sanitaires souvent précaires et dangereuses pour la vie des femmes.

Comment accepter qu’avec ce retour en arrière de 50 ans, une jeune fille de dix ans victime de viol ne puisse pas avoir accès à une interruption volontaire de grossesse ?

Nous devons reprendre le combat de Simone Veil, mais aussi de nos mères et grands-mères pour que les femmes puissent disposer de leur corps. Simone de Beauvoir disait : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis." C’est terrible mais sa mise en garde se confirme aujourd’hui.

Nous devons plus que jamais continuer ce combat pour un accès légal et sûr à l’avortement !

Cette décision fait-elle courir des risques en dehors des États-Unis ?

Cette décision n’est pas seulement une terrible nouvelle pour les américaines. Elle est un signal d’alarme à toutes les femmes dans le monde, notamment en Europe. Cela renforce et donne de la légitimité aux discours réactionnaires et conservateurs qui pullulent en Europe aussi.

Il suffit de regarder le résultat du vote de jeudi sur la résolution du Parlement qui condamne la décision américaine et demande un accès légal et sûr à l’avortement dans tous États membres pour comprendre que rien n’est acquis ; bien au contraire. 193 députés ont refusé de soutenir une telle résolution ou se sont abstenus. Les lois sur l’IVG peuvent être défaites par des majorités conservatrices, à nous de graver dans le marbre ce droit, qui est un droit humain d’accès à la santé.

Quelle est l'évolution du droit à l'avortement en Europe ?

La situation en Europe est toute aussi inquiétante. Le gouvernement polonais des ultra-conservateurs du PiS et de Jarosław Kaczyński a quasiment de facto interdit l’avortement dans son pays. Malgré une mobilisation exceptionnelle des polonais et notre condamnation la plus ferme, les femmes polonaises sont les victimes de politiques réactionnaires, bien souvent menées par des hommes.

Malte interdit également l’avortement sous couvert de principes religieux. En Italie, alors que ce droit est protégé et inscrit dans la loi, sept gynécologues sur dix sont objecteurs de conscience et refusent de pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Cela réduit considérablement de facto l’accès à l’avortement.

Même en France, le Rassemblement national demeure un adversaire du féminisme. Malgré les discours de façade en soutien aux droits des femmes, les députés européens issus de cette extrême droite française n’ont pas pris part aux votes sur cette résolution alors qu’ils étaient présents.

Un véritable bal des hypocrites qui éclate au grand jour. Front national ou Rassemblement national, ils ont changé de nom, de président, de discours mais ils n’ont pas changé de ligne : contre le féminisme et le droit des femmes.

Des femmes sont mortes en Pologne et même à Malte à cause de complications médicales qui auraient nécessité un avortement. Comment peut-on accepter que des femmes en Europe au XXIème siècle meurent parce que privées d’accès à des soins ?

Que va permettre l'inscription du droit à l'avortement comme droit fondamental ?

Il est temps d’acter que l’interruption volontaire de grossesse est un droit fondamental. Le 19 janvier dernier, le Président de la République, Emmanuel Macron, plaidait au Parlement Européen à Strasbourg pour l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des Droits fondamentaux.

Cette annonce forte, en défense des droits des femmes, s’inscrit dans ce que porte notre délégation au Parlement européen avec le Pacte Simone Veil. Nous voulons que les femmes européennes voient leurs droits protéger par l’Union européenne selon le principe défini par Gisèle Halimi de « clause de l’Européenne la plus favorisée ». Cela signifie que nous devons assurer une convergence vers le haut pour les droits des femmes et assurer que si une femme suédoise bénéficie d’un accès sûr à l’avortement, cela doit être le cas pour une femme italienne.

L’inscription dans la Charte des droits fondamentaux permettrait de rendre opposable juridiquement au niveau européen le droit à un avortement légal et sûr. Concrètement, les lois nationales de chacun des États membres doit respecter la Charte. Et si ce n’est pas le cas, les citoyens européens seraient en mesure d’attaquer leur État en justice pour qu’il se mette en conformité avec les principes de la Charte.

L’Union européenne est avant tout une Union de valeurs. L’avortement est un droit fondamental qui doit juridiquement et légalement être reconnu et gravé dans le marbre à sa juste valeur.

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