Marc Fesneau : "Le sujet de la proportionnelle à l'Assemblée pour les prochaines législatives n'est pas abandonné. L'idée n'est pas de fracturer la société, s'il y a un consensus pour remettre ce débat au goût du jour, nous l’examinerons."

Marc Fesneau

Jeudi 28 janvier 2021, Marc Fesneau, ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, a accordé une interview à Sud Radio où il est revenu sur le sujet de la proportionnelle, et sur la situation épidémique actuelle. 

PATRICK ROGER

Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU

Bonjour.

PATRICK ROGER

Qu’est-ce qu’on doit comprendre par la formule prononcée hier à l’issue du Conseil des ministres, « confinement très serré » ?

MARC FESNEAU

Il y a deux choses à comprendre. D’abord dire que… qu’est-ce qui interroge le gouvernement, comme l’ensemble de ceux qui nous écoutent, l’ensemble des Français, c’est qu’on a un variant anglais, et on a des variants, d’autres, sud-africain, qui sont manifestement beaucoup plus contagieux et qui font porter le risque d’un rebond et d’un re-saut épidémique qui est très fort. Nous avions, je crois, par les mesures qui avaient été prises en octobre, novembre, à la fois permis de passer les fêtes et en même temps de maintenir l’épidémie, à haut niveau, mais quand même de la maintenir. Malheureusement l’introduction, si je puis dire, en population si je peux dire, de ces variants, pose une situation qui est une situation nouvelle, et donc le gouvernement est face à la réflexion suivante, c’est de regarder quelles sont les mesures complémentaires qu’il faut prendre pour essayer d’éviter une propagation qui soit de nature à constituer une vague épidémique trop importante. Confinement très serré, le Premier ministre s’exprimera, il reçoit, et je serai avec lui cet après-midi, les présidents de groupes, les responsables des associations d’élus, pour analyser la situation et leur faire état des données épidémiologiques, on attend d’ailleurs une autre série de données pour regarder la présence de ces variants en population générale, c’est de regarder comment, plus serré ou serré, c’est de regarder s’il y a des mesures complémentaires à faire pour faire en sorte qu’on évite la contamination. C’est un peu quelque chose que nous avons déjà vécu malheureusement, ce qui, au fond, je le comprends assez volontiers, désespère tout le monde parce qu’on avait le sentiment que la vaccination, que les mesures qui avaient été prises, et que les bonnes pratiques des Français, parce que c’est à eux qu’il faut rendre hommage d’abord, avaient permis de tenir ce virus, et manifestement ces variants posent des problèmes qui sont des problèmes nouveaux, et donc c’est avec ça qu’il faut travailler. La nature de ce que veut dire le plus serré sera plutôt déterminée dans les jours qui viennent.

PATRICK ROGER

 Oui c’est ça, parce qu’en fait la formule, quand même, est un peu étrange, « confinement très serré », etc., enfin, on ne sait pas ce que ça veut dire, c’est, par exemple, ce qu’on a vécu au mois de mars, c'est-à-dire on ne bouge pas entre régions, pas d’école par exemple, ou au mois d’octobre où il y avait de la souplesse, des possibilités un peu de se déplacer et les écoles ouvertes quoi !

MARC FESNEAU

A vrai dire, pour avoir assisté à un certain nombre de ces réunions, avec les élus, avec les parlementaires, on a toujours eu toutes les options sur la table.

Pourquoi ? Parce que malheureusement ce virus se joue - le terme n’est pas très joli « se joue », mais en tout cas chacun comprendra – se joue de nous en permanence, dans ses rebonds épidémiques, dans ses apparitions de variants, dans des interrogations scientifiques qui demeurent sur un certain nombre de sujets. Tout a toujours été sur la table au fond, pour essayer de regarder comment on pouvait limiter les contaminations entre humains. Donc, à ce stade, évidemment, ce n’est pas précis, mais ça le deviendra à partir du moment où on va avoir des éléments…

PATRICK ROGER

Et donc, du coup, Emmanuel Macron, chef de l’Etat, devra s’exprimer quand alors, la semaine prochaine ?

MARC FESNEAU

Je n’ai pas de date, mais vous voyez bien que la pression épidémique monte et qu’il y aura forcément, à un moment, une expression, dans des conditions qu’il appartient au président de la République, pour exposer aux Français la situation.

PATRICK ROGER

C’est ça. Alors, il y a cette période de vacances de février, des vacances scolaires, qui pourrait permettre justement d’essayer de tout regrouper autour, par exemple, de trois semaines de vacances. Ça c’est une hypothèse assez sérieuse ?

MARC FESNEAU

Mais c’est, je répète… une hypothèse elle doit être prise pour ce qu’elle est, c'est-à-dire on regarde l’ensemble des pistes qui sont à notre disposition pour essayer de tenir cette épidémie. La difficulté, ça aussi ça peut être une difficulté, c’est que les vacances scolaires de février s’étalent sur trois ou quatre semaines, et que donc vous n’avez pas au même moment les populations, donc ça voudrait dire qu’il y aurait une forme de différenciation, voyez le sujet que ça pourrait poser, c'est-à- dire que pendant 15 jours…

PATRICK ROGER

Non, mais on pourrait rallonger les vacances d’une semaine, ou quinze jours.

MARC FESNEAU

Oui, mais… alors là, pour le coup, c’est une action continue du gouvernement depuis le mois de mars, c’est de faire en sorte, au mois de mars on n’a malheureusement pas pu le faire, mais il y avait une forme de continuité pédagogique, c’est quand même d’essayer jusqu’au bout de garder les écoles ouvertes.

PATRICK ROGER

Donc là vous allez être avec le Premier ministre et vous allez voir un petit peu l’ensemble des autres élus, c'est-à-dire que vous avez compris un peu les leçons, enfin, les élus de terrain vont être associés quand même ? Parce que sur la vaccination, quand même, ils vous reprochent beaucoup de choses, comme sur les masques.

MARC FESNEAU

Oui, je trouve que…on fait défaut à la cause collective. Moi je suis resté un élu local, avec l’idée qu’en permanence on devrait nourrir des querelles entre l’Etat et les collectivités, tout ça c’est l’unité de l’action publique. Il faut que chacun se mette autour de la table. J'ai été élu local, je reste élu local, je sais à peu près comment tout ça fonctionne, je sais à quoi ressemble un préfet et un ARS, je sais la nécessité de dialogue, parfois la confrontation, mais il n’y a pas d’un côté ceux qui savent faire de l’action publique et d’autres, parce qu’ils seraient forcément…

PATRICK ROGER

Bon là il va y avoir de la discussion en tout cas !

MARC FESNEAU

Il y a de la discussion. Après, moi je ne demande pas l’impossible à nos interlocuteurs, la vérité c’est que c’est au gouvernement de prendre sa responsabilité, parce que l’idée n’est pas non plus… quand on dialogue trop on nous dit « vous voulez vous décharger de votre responsabilité sur nous, ce n’est pas à nous de décider », ce qui est vrai au fond. L'important c’est qu’on puisse en débattre avec les élus, avec les parlementaires, pour regarder l’état de la situation. Au fond moi je crois que notre devoir collectif, c’est de faire en sorte que nous ayons un discours. On peut ne pas être d’accord, mais que nous ayons un discours qui soit coordonné avec les citoyens, parce que 1 an, bientôt, de crise Covid, et les uns et les autres, vous comme moi, comme ceux qui nous écoutent, ils se demandent toujours, et de plus en plus, à quel moment on va en sortir, et donc je pense que collectivement c’est notre responsabilité d’apaiser les choses et de dire ce qu’on va essayer de faire pour en sortir.

PATRICK ROGER

Alors justement, apaiser, Marc Fesneau, parce que le taux d’acceptabilité de nouvelles mesures baisse au fur et à mesure qu’on avance. Est-ce que le gouvernement craint la désobéissance civile, l’initiative, par exemple, de ce restaurateur à Nice hier midi ?

MARC FESNEAU

Ecoutez, moi je… nous sommes face à deux choses. C’est vrai qu’on a entendu beaucoup, au moment de la première vague épidémique, des gens qui s’exprimaient, qui étaient en colère, et on peut le comprendre, et au fond nous sommes l’un des pays qui a le mieux respecté son confinement, donc c’est le paradoxe français si je peux dire, c’est qu’on est à la fois à dire en permanence « on n’est pas d’accord avec ce que fait l’Etat central, le nôtre, ou le gouvernement », et puis en même temps je trouve que les Français ont été très respectueux, les fêtes de Noël et du jour de l’An ont été faites dans des conditions…

PATRICK ROGER

Oui, c’est vrai.

MARC FESNEAU

Moi j’ai plutôt assisté, je vis à peu près comme tout le monde dans ces moments-là, à des gens qui étaient responsables, qui faisaient attention. Donc, oui, on est en vigilance parce que, moi je comprends le désespoir, la colère, l’état d’exaspération que peuvent vivre les gens…

PATRICK ROGER

Et puis en plus on n’a peut-être plus les moyens, sur un plan économique, aussi de passer par un confinement strict, non ?

MARC FESNEAU

Moi je reprends la terminologie qu’avait prise le président de la République, qui lui avait été reprochée, mais je pense que c’était à tort. Quand vous êtes dans une situation de guerre face à un virus, c’est une économie de guerre, et une économie de guerre elle échappe aux académiques de l’économie classique, des temps normaux.

PATRICK ROGER

Oui, mais il y en a certains qui sont ruinés, qui risquent la ruine, la faillite.

MARC FESNEAU

Non, mais là vous dites des choses, vous dites d’un point de vue budgétaire, on essaye de faire en sorte justement de ne pas se trouver dans la situation de mettre les gens en situation de faillite et de ruine, ça coûte beaucoup d’argent, mais je crois que c’est très normal. Mais après, quand vous êtes restaurateur, votre volonté ce n’est pas de toucher des aides de l’Etat, votre volonté c’est de pouvoir travailler, donc c’est cette perspective-là dans laquelle il faut essayer de se retrouver. Sauf que, malheureusement, ce virus nous crée des situations, et à chaque fois des virages, qui, à chaque fois que l'on voit la perspective arriver, il y a quelque chose… on a l’impression qu’elle s’éloigne, donc il y a quelque chose de très angoissant, et donc il faut continuer d’accompagner ceux qui souffrent et qui sont plus impactés, je pense aux restaurateurs, aux indépendants, à tous ceux qui, dans leurs métiers, au quotidien, ne peuvent plus travailler à cause de cette affaire de virus.

PATRICK ROGER

Marc Fesneau, que se passe-t-il à l’Assemblée ? Il y a eu une grogne des députés de l’opposition, la mission d’information sur le Covid est terminée depuis hier. L’opposition justement est vent debout, elle s’estime mise devant le fait accompli, elle dénonce même un déni de démocratie, un coup de force institutionnel. Qu’est- ce que vous répondez ?

MARC FESNEAU

D’abord il appartient au Parlement de prendre ses décisions, le gouvernement ne se mêle pas de ce genre de choses. Je rappelle que les missions…

PATRICK ROGER

 Non, mais vous êtes en charge, quand même, des Relations avec le Parlement.

MARC FESNEAU

Ce n’est pas parce que je suis en charge que je ne rappelle pas les règles, ça fait un peu académique et constitutionnaliste, ce n’est pas très marrant le matin, mais il faut quand même toujours le rappeler. Les missions d’enquête elles ont vocation à durer six mois, c’est comme ça que c’est prévu, et donc… je me souviens d’ailleurs du débat qu’il y avait eu quand cette commission d’enquête avait été lancée, certains avaient dit, dans la majorité, « mais pourquoi vous la commencez maintenant, parce que vous allez la finir, que la pandémie ne sera pas terminée. » Et donc, cette mission d’enquête est terminée, parce que c’est comme ça que ça se passe une mission d’enquête, une commission d’enquête. Est-ce que ça empêche le Parlement d’interroger le gouvernement, d’interroger rudement le gouvernement, de poser des questions en continu au gouvernement ? Non. Donc, on ne peut pas dire…

PATRICK ROGER

Elle a été transformée, pourquoi on ne la maintient pas en la transformant de nouveau cette mission de suivi ?

MARC FESNEAU

 Mais, il appartiendra… sans doute il y aura, à mon avis, le Parlement, enfin l’Assemblée nationale, décidera peut-être de prolonger différemment ses travaux, le Sénat…

PATRICK ROGER

Ah, il y a une porte de sortie donc ! Vous répondez à l’opposition ce matin, il y a une possibilité ?

MARC FESNEAU

Ce n’est pas à moi d’en décider, mais… vous ne me trouverez pas devant vous ce matin à dire qu’on ne veut pas dialoguer avec les oppositions, mais on ne va pas faire des commissions d’enquête tous les six mois, jusqu’à quand ? Une commission d’enquête, elle a un début, elle a une fin. Au Sénat d’ailleurs, je le dis, et ça a fait beaucoup moins d’affaires, le Sénat a terminé ses travaux de commission d’enquête, c’est comme ça que ça se passe. Est-ce que ça clôt… dire que le travail d’investigation, au sens parlementaire et politique du terme, est clos parce que la commission d’enquête est close, c’est faux, et donc je trouve que c’est une vaine polémique que de faire ça. Quand je disais ce que je vous disais c’est, l’Assemblée nationale, sous toutes autres formes, ils peuvent auditionner le ministre des Solidarités, qui est déjà allé des dizaines, sans doute, de fois, devant l’Assemblée nationale pour répondre aux questions, mais à un moment, une commission d’enquête, elle a un début, elle a une fin, c’est ça qui a été acté hier.

PATRICK ROGER

Marc Fesneau, vous êtes ministre, mais aussi du MoDem.

MARC FESNEAU

C’est exact.

PATRICK ROGER

Le MoDem qui, par la voix de François Bayrou, réclame de la proportionnelle à l’Assemblée, pour les prochaines législatives. Le projet est visiblement enterré par la majorité. Est-ce qu’il y a la possibilité d’un débat à l’Assemblée sur le sujet, comme le demande par exemple Patrick Mignola… ?

MARC FESNEAU

Pardon, ne préemptez pas un débat qui démarre, le sujet n’est pas enterré.

PATRICK ROGER

D’accord.

MARC FESNEAU

Alors, il y a toujours l’affaire du calendrier parlementaire, mais là aussi j’essaye de vous épargner cette question qui n’est pas très marrante non plus le matin. La question c’est, François Bayrou pose quelque chose qui, dans la famille politique à laquelle j’appartiens, est un élément qui est un élément d’importance, qui n’est pas un élément, contrairement à ce qu’on pourrait croire, qui tient principalement à ce qu’est le MoDem et à sa survie politique. Nous pensons, depuis longtemps, que la proportionnelle est un moyen à la fois d’assurer une meilleure représentativité des Français et un moyen, par ailleurs, d’essayer de trouver, et c’est d’autant plus vrai sans doute en situation de crise, des coalitions qui permettent de dépasser l’habituelle opposition entre la majorité et l’opposition, parce que, au fond, on voit bien que le débat parlementaire, une fois que l’élection législative est acquise, il se réduit à « je suis dans l’opposition, je m’oppose, je suis dans la majorité, je vote les yeux fermés », et donc c’est une question institutionnelle. François Bayrou a reposé le débat, dans l’atmosphère si je peux dire, eh bien il faut regarder comment les choses se nouent, que chacun puisse s’en saisir. L’idée n’est pas de fracturer la société sur le sujet. Si, d’aventure, il apparaissait qu’il y a une forme de consensus, pas un consensus absolu, on sait qu’il y a des forces qui sont contre, pour remettre ce débat au goût du jour, à ce moment-là on regarderait, on examinera les choses…

PATRICK ROGER

Donc ce n’est pas enterré, c’est ce que vous dites !

MARC FESNEAU

Non, mais par nature un débat politique, dire devant un micro, ou hors d’un micro, qu’un débat politique est enterré, je trouve que c’est une erreur, parce que la seule question c’est, est-ce qu’il y a un certain nombre de gens qui veulent se saisir de la question, et c’est ça qu’il faut regarder, parce que je pense que c’est une vraie question importante…

PATRICK ROGER

Allez, dernière question avec Cécile de Ménibus.

CECILE DE MENIBUS

 Oui, le député Jean-Louis Touraine a déposé une proposition de loi pour ouvrir le droit à l’assistance médicalisée à mourir, est-ce que vous êtes favorable à l’ouverture de ce débat, et surtout en ce moment ?

MARC FESNEAU

La réponse est non.

CECILE DE MENIBUS

Dans les deux cas ?

MARC FESNEAU

Oui, c’est un avis personnel et par ailleurs un avis de pratique. D’abord on a un texte sur la bioéthique qui continue sa navette parlementaire, qui ne traite pas de ces questions-là. Il avait d’ailleurs été décidé qu’il ne traiterait pas de ces questions- là, et Jean-Louis Touraine le sait parfaitement puisqu’il a été rapporteur de ce texte, c’était de dire on traite des sujets de PMA, etc., de filiation, mais on ne traite pas de ces sujets de fin de vie. Deuxième élément, c’est des débats qui nécessitent du temps, parce que ça renvoie chacun à son expérience, à ce qu’on a pu vivre…

CECILE DE MENIBUS

A l’émotion.

MARC FESNEAU

A ses croyances, à son émotion, tout ça est beau au fond, si je puis dire les choses comme ça, et donc ça mérite quand même un débat qui soit suffisamment long. Vous voyez bien, on est le 1er février, le débat sur la bioéthique c’est une procédure dite normale, c'est-à-dire non-accélérée, ça fait presque 24 mois. On aura fini le travail de lecture de ce texte au bout de 24 mois, vous voyez bien qu’à 1 an d’échéances présidentielles, il ne me semble pas qu’il faille rouvrir ce débat, c’est des débats qui sont très lourds…

PATRICK ROGER

Ce n’est pas le moment, c’est ce que vous dites Marc Fesneau.

MARC FESNEAU

 Est-ce qu’on a besoin, sur ce sujet-là comme sur d’autres, je ne dis pas que ce n’est pas un sujet qui est légitime…

PATRICK ROGER

Oui, oui, mais en tout cas ce n’est pas le moment.

MARC FESNEAU

C’est des sujets qui renvoient à chacun plein de choses, et je ne suis pas sûr qu’on ait besoin de fracturer la société.

PATRICK ROGER

Merci Marc Fesneau, ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement d’avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.

MARC FESNEAU

Merci à vous.

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