Marc Fesneau : « À la fin, ce texte sur l'énergie est populiste et démagogue »
Par Isabelle Ficek
Dans un entretien aux « Echos », Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale et premier vice-président du MoDem, annonce que son groupe votera ce mardi contre la proposition de loi de Daniel Gremillet. Avec les amendements adoptés, notamment par LR et le RN, « l'équilibre économique a laissé place à une véritable chimère énergétique ».
Mardi a lieu le vote solennel sur la proposition de loi (PPL) Gremillet. Votre groupe était favorable à ce texte à son arrivée à l'Assemblée. Après de nombreux changements en séance, que va faire le groupe Modem ?
Je vais proposer à mon groupe de voter contre ce texte au vu de ce que nous avons sous les yeux. Nous avions initialement un texte voté au Sénat à l'initiative du sénateur LR Daniel Gremillet avec des objectifs sur le nucléaire et les énergies renouvelables, ainsi qu'un bouclage financier et énergétique qui pouvait ressembler à ce qu'on attend d'une loi de programmation.
Désormais, le texte amendé est totalement désarticulé, sans aucune perspective et sans aucune trajectoire.
Quels points vous ont fait basculer ?
On veut faire 200 TWh d'énergies renouvelables mais on supprime le photovoltaïque et l'éolien… Comment va-t-on procéder ? Avec des barrages hydrauliques sur la Seine ? Soyons sérieux. On propose de rouvrir Fessenheim alors qu'on est sur une unité en train d'être démantelée et qu'il est strictement impossible de faire machine arrière ! C'est du jamais-vu.
On prive EDF de 20 à 25 % de ressources en sortant du marché européen de l'énergie, ce qui ferait augmenter fortement le prix de l'électricité pour les Français.
L'équilibre économique a laissé place à une véritable chimère énergétique. Il n'y a plus aucune raison de soutenir ce qui n'est plus un texte mais une incohérence à lui tout seul.
Il peut arriver, comme avec le projet de loi sur la simplification, qu'un texte contienne une disposition que l'on souhaite voir ensuite disparaître mais qu'il garde sa cohérence. Là, ce n'est pas le cas, nous voterons contre.
(...)
Comment en est-on arrivé là et comment expliquer la démobilisation du bloc central ?
Nous avons un problème : il y a des gens au sein des forces qui soutiennent le gouvernement qui donnent l'impression de ne pas prendre leur part de responsabilité. Le socle gouvernemental, c'est 200 voix mais quand 40 à 50 députés au sein de ce bloc votent contre vous et que le scrutin est perdu à quelques voix, cela démotive. Sur les textes à venir, nous avons besoin de nous mettre d'accord et en effet de nous remobiliser. Et parce que nous faisons partie du même gouvernement, il y a besoin d'un minimum de solidarité.
Les LR de l'Assemblée nationale n'ont pas tenu de ligne cohérente sur ce texte. La loyauté, elle doit être réciproque, sinon ce bloc ne tient plus.
J'ai toujours défendu ce principe, pas seulement depuis que François Bayrou est Premier ministre, mais déjà sous Michel Barnier. Le MoDem a souvent été plus solidaire que des députés de sa propre famille politique.
Ne faisons pas passer l'intérêt général du pays après les ambitions de 2027.
A la fin, ce texte est populiste et démagogue. Voilà ce qui arrive quand on laisse faire les populistes. La filière des énergies renouvelables, c'est plus de 100.000 emplois industriels. Il va falloir que les députés qui ont fait cela l'assument dans leur circonscription et devant les Français !
Demandez-vous à vos partenaires de Renaissance et Horizons de voter contre ce texte ?
Je n'ai pas de consigne à donner. Ce serait mieux d'aboutir à une position commune pour éviter d'ajouter de la dispersion à la démobilisation. Je comprends que notre ligne est partagée.
Redoutez-vous la censure du gouvernement si le décret sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est bien publié avant la fin de l'examen de la PPL Gremillet ?
Je ne me détermine pas sur la peur de la censure : la peur n'évite pas le danger. Et le gouvernement doit tenir compte du vote du Parlement. Soit le gouvernement ne demande pas l'avis du Parlement et l'assume, soit il lui demande de débattre mais alors il doit l'écouter. Ce qui me conforte d'ailleurs dans l'idée de voter contre ce texte.
Je comprends qu'il y ait urgence sur ce sujet mais l'avenir énergétique de la France, c'est un dossier majeur, chacun doit prendre ses responsabilités.
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