Marc Fesneau : « La démagogie ambiante est toxique »

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(© Marc Fesneau)

Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par Marc Fesneau à La Tribune Dimanche ce 25 mai 2025.

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Propos recueillis par Ludovic Vigogne 

LA TRIBUNE DIMANCHE — Que change l'élection triomphale de Bruno Retailleau à la tête de LR pour le socle commun  ?

MARC FESNEAU — C'est une clarification. LR a désormais un chef. Ce résultat nous permet de sortir d'une campagne parfois caricaturale ayant donné lieu à des surenchères qui ont eu des conséquences sur la vie gouvernementale. Finalement, les adhérents LR ont largement validé le choix de la responsabilité et de la participation au gouvernement. C'est positif. Sur les lignes de fond, cela ne change rien  : il existe des sujets sur lesquels nous trouvons des points d'accord avec LR et des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Fidèles à l'esprit de responsabilité, nous devons avancer sur les premiers. Les seconds seront tranchés lors de la présidentielle, puisqu'il n'y a pas de majorité.

Gabriel Attal, Gérald Darmanin ou Édouard Philippe ont multiplié les propositions dures en matière régalienne ces derniers jours. Qu'est-ce que cela vous inspire  ?

Il y a manifestement une surenchère croissante sur les sujets régaliens. Cela me gêne beaucoup, et je ne suis pas le seul. Cette surenchère n'est d'abord absolument pas bordée juridiquement, puisqu'elle n'est souvent pas conforme au cadre européen ou à notre droit constitutionnel. Or, comment peut-on proposer une mesure en s'extrayant totalement de notre socle républicain  ? Une des différences fondamentales entre nous et les populistes d'extrême droite comme d'extrême gauche est la prise en compte, dans la conduite de l'action publique, des règles élémentaires de droit.
Plus grave, cette surenchère vient stigmatiser, antagoniser, fracturer. Enfin, plus grave encore, dans le bloc central, on en vient à porter les discours, les thèses, les propositions de la droite, voire de l'extrême droite. Mais ce n'est pas ça, le centre  ! Ce n'est pas ça l'aventure que nous avons voulu construire avec Emmanuel Macron en 2017  ! La promesse initiale était alors l'éloge de la pondération, du rassemblement, de la réconciliation. Cette dérive n'y correspond plus en rien. C'est une forme de trahison du projet d'Emmanuel Macron.

Comment expliquez-vous  cette  surenchère  ?

Les intérêts personnels en vue de 2027 invitent à l'excès. Ne l'oublions pas  : les ­Français préfèrent toujours les originaux à la copie, et à la fin on donne le point d'une part au RN, qui peut dire « vous voyez bien que j'avais raison », et d'autre part à LFI, qui peut dire « vous voyez bien qu'ils sont à l'extrême droite ». Pour ma part, je préviens très clairement  : au MoDem, nous ne soutiendrons pas des propositions démagogiques qui ne viennent rien résoudre aux problèmes d'entrisme, de radicalisation, de respect de la laïcité. Nous ne sommes pas centristes pour finir démagogues  ! Et je ne crois pas que ce soit l'ambition non plus des parlementaires et sympathisants de l'espace central.  Ni ce qu'attendent les Français.

N'est-il pas logique que ceux qui sont intéressés par la compétition présidentielle commencent à se faire entendre  ?

La présidentielle est dans deux ans. Les Français attendent qu'on réponde à leurs difficultés d'aujourd'hui. Ce sont le pouvoir d'achat, la santé, le logement, la sécurité, les évolutions du monde qui les préoccupent, pas la question des prétendants à la tête de l'État. Ne faisons pas des deux années qui viennent une course de précampagne, mais plutôt un moment utile, sinon, il est garanti que nous perdrons tous. Cherchons comment bâtir un budget pour 2026 et comment relancer la croissance  ! Avançons sur les sujets régaliens, comme l'efficacité de nos procédures d'expulsion des personnes en situation irrégulière, et en recherchant des dispositifs réalistes et efficaces  !
En agissant autrement, en abîmant les fondements de la République, les principes constitutionnels, le respect des religions, le concept de laïcité, le débat politique, la vie démocratique, on ne fait qu'ouvrir une brèche aux deux extrêmes, qui peuvent se retrouver face à face au second tour de 2027. Nous ne laisserons pas faire. Je sais qu'au sein du bloc central beaucoup expriment des doutes. Soyons nombreux pour ramener tout le monde à la raison. Parce que la démagogie ambiante est toxique.

C'est pourtant un centriste, François Bayrou, qui est à Matignon et est censé être le chef de la majorité. Il est dépassé lui aussi par cette surenchère  ?

Il n'y a pas de majorité. François Bayrou est le chef du gouvernement, ses marges de manœuvre sont par nature compliquées. C'est aussi à nous de réguler ces dérives, pas seulement au gouvernement.

Faudra-t-il un seul candidat issu du  socle commun, qui réunit Renaissance, LR, le MoDem et Horizons, sur la ligne de départ de 2027  ?

Les rassemblements de la droite républicaine jusqu'à la gauche réformiste sont souhaitables, sous réserve que nous nous mettions d'accord pour construire l'avenir que la France mérite. S'il y a trop de différences, je pense même qu'il vaut mieux les assumer. Mais, avant cela, il me semble qu'il y a un autre préalable  : que le bloc central fasse émerger une candidature commune. Si nous ne le faisons pas, l'espace central que nous avons construit depuis plus de trente ans disparaîtra.

Édouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin... Au sein de ce bloc central, un candidat vous semble-t-il déjà s'imposer  ?

Je ne sais pas répondre à cette question. Au centre, nous pensons de longue date que le candidat qui s'imposera est celui qui réussira à réunir les grandes forces démocratiques du centre, de gauche et de droite derrière lui.

Parmi les sujets qui divisent le socle commun, il y a la mise en place de la proportionnelle aux législatives. LR, Horizons comme une bonne partie de  Renaissance sont contre. N'est-ce pas une mauvaise manière que vous leur faites en voulant l'imposer  ?

D'abord, je vous ferai remarquer que tous les présidents de la République qui se sont succédé depuis Jacques Chirac ont promis une dose de proportionnelle. Et pourtant, Nicolas Sarkozy, François Hollande, ­Emmanuel Macron étaient tous d'obédiences différentes. Ensuite, il faut dépassionner le débat et ne pas dramatiser l'enjeu plus que de raison. Nous n'avons pas la même approche sur la meilleure façon de faire vivre la démocratie. Dont acte  ! Nous souhaitons que le pluralisme, qui est la véritable expression du pays, soit enfin respecté au sein de notre vie publique et au sein du Parlement.  Qu'on mette ce débat à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et qu'elle le tranche.

Voterez-vous mardi 27 mai la proposition de loi sur la fin de vie autorisant l'aide active à mourir  ?

Je n'ai pas encore décidé de mon vote. Je voudrais en tout cas saluer la très bonne qualité des débats, notamment grâce à ­Olivier Falorni. Il faut légiférer avec prudence sur la vie et la mort. Ce texte marque quand même une rupture avec l'histoire de l'humanité. Pour ma part, j'ai deux bornes. Ce texte, s'il était voté, devrait rester une exception encadrée, sans être une porte ouverte à des assouplissements futurs. Par ailleurs, personne ne doit se sentir une charge, y compris en fin de vie, pour la société. Dans l'extrême fragilité des derniers instants, le message humaniste doit être « ta vie compte pour nous ».

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