Jean-Noël Barrot : "La Droite républicaine n’a pas gagné les élections !"

Jean-Noël BARROT

Jean-Noël Barrot, président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale et vice-président du Mouvement Démocrate, dénonce dans les colonnes du JDD la menace d’une « surveillance » du Rassemblement national sur le nouveau gouvernement Barnier et met en garde contre les ambitions de la Droite républicaine, qu’il juge disproportionnées.

Le JDD. Le gouvernement Barnier est en cours de constitution. Craignez-vous que la pression du Rassemblement national s’en ressente dans sa composition et ses orientations ?

Jean-Noël Barrot. Je connais Michel Barnier et la clarté de sa position vis-à-vis du RN, qu’il a toujours combattu.

Ni la composition ni l’orientation du gouvernement ne doivent être sous influence de l’extrême droite.

Si les Français ont très majoritairement rejeté l’idée de confier le pouvoir au RN il y a trois mois, ce n’est pas pour voir le nouveau gouvernement se placer sous sa surveillance, bien au contraire. Et je pense que le Premier ministre en a parfaitement conscience.

Plusieurs ministres sortants ont fait savoir qu’ils souhaitaient rester. Rachida Dati, Gérald Darmanin… Et vous ?

Depuis le 20 juillet, je travaille pour ma part à la rentrée de la commission des Affaires étrangères qui prendra toute sa place dans la période troublée que nous vivons. J’ajoute que les questions de personnes importent moins que la capacité du nouveau gouvernement à rassembler largement autour d’un projet conçu pour répondre aux attentes immenses exprimées par les Français en juillet. J’ai fait savoir, lorsqu’on me l’a demandé, ce qui me semblait devoir être porté par le gouvernement dans les mois à venir.

La ligne d’abord, les personnes ensuite.

La Droite républicaine de Laurent Wauquiez revendique Beauvau, la Justice, Bercy… Comprenez-vous la nécessité de donner des gages à des partenaires essentiels dans la nouvelle configuration de l’Assemblée ?

Il est bienvenu pour le pays qu’après y avoir été hostiles, les responsables de la Droite républicaine consentent désormais à participer pleinement au rassemblement sous l’autorité de Michel Barnier.

Mais ni la Droite républicaine ni son projet n’ont gagné les élections.

Il n’y a donc ni quota ni « domaine réservé » qui vaille pour les Républicains. Pour garantir l’équilibre du nouveau gouvernement et lui assurer stabilité et longévité, le poids de ce courant politique ne saurait excéder celui de son groupe à l’Assemblée nationale.

Redoutez-vous qu’entre Horizons, Renaissance et les LR, le MoDem en soit réduit à quelques strapontins ?

Un gouvernement qui ferait l’impasse sur le centre serait condamné à l’échec.

Pour réussir, le nouveau gouvernement devra fonder son action sur le socle le plus large possible.

Les formations politiques qui en sont issues ont donc vocation à figurer dans la nouvelle équipe. Il y a au MoDem des talents pouvant prétendre à des ministères de tout premier plan.

Sans compter qu’il serait sain de confier à des personnalités de gauche quelques gros ministères…

Sain et salutaire.

Car seule une majorité allant de la gauche modérée à la Droite républicaine en passant par le centre permettra au pays d’écarter durablement le péril des extrêmes, et au gouvernement d’agir au service des Français.

Cela suppose de travailler différemment, de composer sans se renier. Il suffit de se pencher sur les programmes présentés par les uns et les autres pour s’apercevoir qu’en dépit de désaccords profonds, des convergences existent sur les constats comme sur les propositions. Je souhaite donc vivement que ces ponts puissent être établis avec la gauche modérée. Le MoDem y travaillera activement.

La proportionnelle est le moyen de rendre le pouvoir aux Français

François Bayrou a regretté que la proportionnelle n’ait pas été instaurée avant les législatives anticipées. Aujourd’hui, le RN réclame un changement de scrutin en ce sens, avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. Vous signez ?

François Bayrou a raison.

Si notre démocratie est à bout de souffle, c’est en partie du fait d’un mode de scrutin qui donne aux électeurs le sentiment que leur voix ne compte pas. Instaurer la proportionnelle est le moyen de rendre du pouvoir aux Français, de renforcer la légitimité de l’Assemblée nationale et de substituer à la culture du conflit celle du compromis.

Ce principe recueille désormais une large majorité dans le paysage politique français, et c’est heureux. L’hypothèse d’une prime majoritaire ne doit pas le dénaturer.

Michel Barnier n’exclut pas de rouvrir la réforme des retraites. Redoutez-vous un retour en arrière avec, à la clef, une aggravation des déficits ?

Le Premier ministre s’est dit ouvert à l’examen de ce qui pourrait être amélioré dans la réforme sans pour autant tout remettre en question. J’y suis favorable, notamment sur les carrières longues.

Je continuerai de militer, comme le font les démocrates depuis longtemps, pour l’instauration d’un régime par points qui concilie la liberté de choix avec l’équilibre financier du système.

Mais je me battrai contre les marchands de rêves qui font fi des réalités démographiques. Ils mettent en risque l’acceptabilité à terme de la retraite par répartition, héritage majeur de notre histoire sociale et fondement de la solidarité intergénérationnelle.

Chacun a ses lignes rouges, Gabriel Attal semble conditionner le soutien de son groupe qui n’a rien d’acquis. Sur quels points durs le MoDem se montrera-t-il inflexible ?

Devant les députés MoDem cette semaine, le Premier ministre s’est montré ouvert à soutenir des combats que nous avons livrés sans parvenir à convaincre nos partenaires jusqu’à présent : conférence sociale sur les salaires et les conditions de vie au travail, justice fiscale, proportionnelle, évaluation des politiques publiques.

Ce sont des signaux positifs qu’il faut consolider. Ces engagements, entre autres, décideront à mon sens de notre soutien durable à la politique gouvernementale.

(...)

 

Lire l'entretien complet dans le JDD

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