Jean-Louis Bourlanges dans le Figaro : l'antidote au déclinisme

Bourlanges

Le président de la commission des affaires étrangères, député et fin observateur de la vie politique française évoque dans un entretien au Figaro l'importance du débat qui s'instaure dans l'opinion publique en vue de la présidentielle. Entre défense de la promesse républicaine et décryptage du danger de l'illibéralisme ambiant, Jean-Louis Bourlanges nous propose des clés de compréhension.

LE FIGARO. - Comment expliquez vous la percée inattendue d’Éric Zemmour?

Jean-Louis BOURLANGES. - La percée médiatico-électorale d’Éric Zemmour est impressionnante. Elle l’est d’autant plus que l’intéressé n’a ni le profil, ni le projet, ni le discours, ni l’expérience ni les équipes qu’on serait en droit d’attendre d’un candidat à la magistrature suprême sous la Ve République. Plus qu’à un simple mouvement d’opinion, nous sommes confrontés à la réaction vitale et politiquement incontrôlée d’une France traditionnelle, catholique et bourgeoise plus encore que populaire, saisie de rage et d’effroi par l’avènement d’un monde qui la marginalise et prétend effacer tous ses repères culturels, politiques et religieux. C’est l’explosion du mouvement woke et de la «cancel culture» qui a mis le feu aux poudres. Zemmour s’adresse aux Français qui en ont par-dessus la tête du procès en illégitimité historique qui leur est de plus en plus violemment intenté au nom d’une idéologie approximative et haineuse qui érige l’expiation du passé et la fragmentation nationale en dogmes rédempteurs.

Qu’est-ce qui vous dérange dans le zemmourisme?

Le zemmourisme me semble être une triple impasse intellectuelle, gouvernementale et morale. En identifiant, de façon tragiquement réductrice, le mal français à la présence sur notre sol de gens pratiquant une religion réputée incompatible avec ce que sont les Français, Zemmour prend le risque d’offrir de la crise nationale une interprétation abusivement réductrice pour ne pas dire franchement erronée. Stigmatiser les mal assimilés de l’islam et faire de l’élimination par expulsion ou conversion forcée de ce corps étranger le grand remède au malheur national revient à prendre l’effet pour la cause. Il est faux d’imaginer que l’immigration soit la cause première du mal français même si elle en est une manifestation éclatante. Les immigrés sont dans le problème, ils ne sont pas le problème. La balkanisation de notre système affecte toute la société et travaille toutes sortes de minorités, ethniques, religieuses, sexuelles, localistes, véganistes et pas seulement musulmanes. Ce dont nous souffrons, c’est d’une crise générale du modèle républicain. Nous n’avons pas besoin de boucs émissaires pour voir que chez nous la puissance publique a raté bien des choses: la révolution démocratique à l’école, l’urbanisation et l’aménagement du territoire, la couverture judiciaire et policière du territoire, la décentralisation et le rééquilibrage des pouvoirs et que le vivre ensemble se porte au plus mal.

Le choix de Zemmour est celui d’une rupture intérieure de la société française par rejet - la mise en cause des prénoms musulmans en est le symbole - hors de la communauté nationale de gens pratiquant une religion jugée incompatible avec la condition de Français. Il est de même nature que celui de ses adversaires: le zemmourisme est un wokisme à l’envers. Son grand retranchement mettrait au ban de la nation cinq à six millions de personnes — excusez du peu. Zemmour ne voit pas que la loi du talion - «œil pour œil, dent pour dent» à laquelle il se réfère explicitement, est une tentation nationalement suicidaire car elle détruit l’idée même d’un «bien commun» aux membres de la société française telle qu’elle est…

On ne sauvera pas l’identité française sur la négation et le saccage des principes républicains, la liberté, l’égalité et la fraternité, qui la fondent. Comme Maurras, Zemmour se fait de la France une idée artificielle et rétrécie et passe par pertes et profits ces trésors nationaux que sont le libéralisme républicain, l’esprit de modération et le souci de l’inclusion sociale. Mesure-t-il qu’on insulte en profondeur une certaine idée de la France en s’alignant sur l’illibéralisme autoritaire d’Orban, en célébrant l’inégalité des femmes et des hommes chère aux islamistes qu’il prétend combattre et en excluant de la fraternité républicaine les millions de fidèles d’une grande religion?

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