François Bayrou : « Nous interdisons tout de suite la vente d'armes blanches aux mineurs »
François Bayrou, Premier ministre et Président du MoDem, était l’invité du 20h de TF1 ce mardi 10 juin.
Seul le prononcé fait foi.
Gilles Bouleau : Bonsoir Monsieur le Premier ministre.
François Bayrou : Bonsoir.
Gilles Bouleau : Merci d'avoir accepté notre invitation. Les Français, après le drame terrifiant d'aujourd'hui, veulent des réponses claires, notamment concernant l'achat des armes blanches. Quand allez-vous prendre des mesures efficaces, rapides, concrètes pour interdire la vente de ces armes blanches à des mineurs de moins de 18 ans ?
François Bayrou : Quand allons-nous l'interdire ? Tout de suite.
Gilles Bouleau : Tout de suite ?
François Bayrou : Tout de suite. Au mois de mars, on a eu des premiers drames comme ça. 7 ou 8 drames qui s'enchaînent. On a eu le jeune Elias, on a eu la jeune fille Lorraine, on a eu 7 ou 8 Benoît, etc. 7 ou 8 drames de cet ordre, c'est-à-dire des mineurs qui assassinent leurs…
Gilles Bouleau : camarades de classe ?
François Bayrou : Camarades, compagnons, rivaux, dans une bande, à l'arme blanche. Et on a l'impression, on n'a pas seulement l'impression, on a la certitude qu'on est devant une épidémie. Alors il y a deux choses à regarder. La première, c'est les armes. Est-ce qu'on fait ce qu'il faut pour que les armes soient mieux contrôlées, mieux maîtrisées et plus interdites ? Pas encore, on va le faire, je vais vous rendre compte de ce point. Et deuxièmement, ceux qui portent les coups, les adolescents qui sont forcément avec des déséquilibres : Qu'est-ce qu'on peut faire pour rétablir cet équilibre ou en tout cas empêcher les dérives ?
Gilles Bouleau : Sur le port d'armes, notre reporter aujourd'hui même, Ignacio Bornassin, a acheté en ligne une arme extrêmement dangereuse, on ne lui a jamais demandé son âge.
François Bayrou : Il a raison.
Gilles Bouleau : C'est encore possible en 2025 en France ?
François Bayrou : Oui, c'est possible en 2025, notamment de l'acheter sur Internet, et c'est ce à quoi nous allons mettre un terme.
Gilles Bouleau : Contrôle d'identité ?
François Bayrou : Avec deux mesures très importantes. La première de ces mesures, c'est qu'on va élargir la liste des armes, pour l'instant il n'y a que les poignards, pour simplifier, qui sont interdits. Et on va interdire tout couteau qui peut constituer une arme. On a vu aujourd'hui que ça peut être un couteau de cuisine, hélas.
Gilles Bouleau : Mais sur le contrôle de l'âge, monsieur le Premier ministre ? C'est très important.
François Bayrou : Sur le contrôle de l'âge, on est en train, vous le savez, sur les sites pornographiques, de proposer ce contrôle de l'âge. Il va être étendu là. Et lorsque...
Gilles Bouleau : Avant l’été ?
François Bayrou : Lorsqu’il n’y aura pas de contrôle de l'âge et que les armes seront des armes de cette nature, il faudra qu'un adulte signe la réception. C'est-à-dire, on contrôlera au moment de la livraison du colis, on contrôlera quel est l'âge de celui qui signe la réception du colis. Et vous voyez qu'on a là quelque chose de beaucoup plus efficace et de beaucoup plus immédiat que la vérification en ligne de l'âge qui n'est encore pas tout à fait au point.
Gilles Bouleau : Quand cela va-t-il entrer en vigueur ? Vous disiez demain. Avant l'été ? Très bientôt ?
François Bayrou : Tout de suite. L'élargissement de la liste des armes blanches, des couteaux, c'est tout de suite. Et l'imposition, que ce soit une vérification d'âge de celui qui reçoit le colis, c'est tout de suite aussi.
Gilles Bouleau : Vous disiez cet après-midi que vous étiez favorable à l'expérimentation, la généralisation des portiques de sécurité dans les établissements scolaires. Même question que pour les armes. C'est pour quand ?
François Bayrou : Avant cela, il y a une deuxième chose qu'il faut affronter, c'est l'interdiction du port d'armes.
Gilles Bouleau : Oui.
François Bayrou : Parce que le couteau, c'est une chose, mais le port d'armes, celui qui détient un couteau dans son sac ou sur lui, ça doit être strictement interdit et ça doit être contrôlé. Ça n'empêchera pas tous les drames. Parce que ce que vous avez sous les yeux, ce qu'on a vu là, juste avant que cette jeune femme soit arrachée à la vie et aux siens, à son petit garçon, juste avant, ce qu'on a vu là, on était en plein contrôle des sacs par les gendarmes.
Gilles Bouleau : Précisément.
François Bayrou : Et donc ça n'empêche pas, ça va tellement vite, le fait de sortir un couteau et de porter les coups mortels. Mais il n'empêche que nous avons fait, vous l'avez rappelé, 6500 contrôles depuis qu'au mois de mars, j'ai demandé qu'on élargisse ces contrôles. C'est donc efficace et multiplié. 6500 contrôles et on a saisi près de 200 couteaux dangereux et 200 autres armes, points américains par exemple, qui sont dangereuses.
Gilles Bouleau : Les portes de sécurité, y êtes-vous favorable ? Et si oui, quand allez-vous commencer à les installer ? Je comprends bien que ça ne se fait pas du jour au lendemain.
François Bayrou : Alors, c'est une question très controversée.
Gilles Bouleau : Mais vous, personnellement, vous y êtes favorable ?
François Bayrou : Moi, personnellement, je suis favorable à ce que, en tout cas dans les établissements dans lesquels il y a du désordre, on expérimente les portiques, comme ceux qu'on a dans les aéroports, mais vous voyez l'inconvénient. Cela ralentit l'entrée des élèves au moment de l'entrée dans l'établissement.
Gilles Bouleau : Mais ça peut sauver des vies.
François Bayrou : Et en tout cas, ça va participer à quelque chose que nous avons le devoir de faire, c'est-à-dire le répandre dans l'esprit de tous les élèves et de leurs parents. L'idée que le couteau est interdit. Et le couteau est interdit parce qu'il est dangereux, y compris pour celui qui le porte. Et tout à l'heure, un de mes amis me racontait que son fils de 10 ans lui a dit « Papa, quand est-ce que je pourrais avoir un couteau pour aller à l'école ? » C'est en train de se répandre et c'est contre cette culture du couteau qu'on prend pour se défendre pour les uns, pour faire le macho pour d'autres, pour s'affirmer comme un adolescent. Et donc, c'est contre cette culture-là qu'il faut que nous nous battions et que nous allions un stade plus en avant encore, qui est le repérage des difficultés de santé mentale.
Gilles Bouleau : On va y venir dans un court instant. Un rapport vous a été rendu il y a quelques jours, et ce rapport précise qu'il serait très bien, très efficace, d'installer systématiquement, obligatoirement, des caméras de vidéosurveillance dans tous les établissements. Même question, allez-vous le faire ? Et si oui, quand ?
François Bayrou : Je suis très partisan de la vidéosurveillance, quand on est un maire…
Gilles Bouleau : À Pau.
François Bayrou : …de ville qui a placé plusieurs centaines de caméras et qui vérifie tous les jours à quel point c'est utile. Mais vous voyez bien que dans un drame comme aujourd'hui, la vidéosurveillance n'aurait pas eu de sens. Les gendarmes étaient là. Les gendarmes étaient à l'entrée de l'établissement en train de vérifier les cartables des élèves. D'ailleurs, s'ils n'avaient pas été là, peut-être le drame aurait-il été encore beaucoup plus important. Donc la vidéosurveillance est utile, mais peut-être que l'on peut une seconde rappeler où nous sommes. Nous sommes à Nogent, dans la Haute-Marne, un chef-lieu de canton de 3500 habitants, dans un collège de 320 élèves. C'est-à-dire le cadre le plus familial qu'on puisse imaginer, qu'on puisse trouver. C'est un élève, Elisabeth Borne le disait tout à l'heure, qui ne présentait pas de profil de dangerosité particulière.
Gilles Bouleau : Il a quand même été exclu deux fois de l'établissement, peut-être pour des broutilles, l'enquête le déterminera. Mais vous parliez tout à l'heure à l'Assemblée nationale des problèmes massifs de santé mentale chez les jeunes. Pardon de cette question extrêmement terre-à-terre. Ne faudrait-il pas embaucher bien davantage d'infirmières scolaires ? Il y en a aujourd'hui une pour 1000 élèves ou une pour 1500 élèves.
François Bayrou : Les infirmières, ou infirmiers d'ailleurs, les psychologues, les psychiatres, on manque cruellement de tout ça.
Gilles Bouleau : Et donc ? Allez-vous faire en sorte qu'ils soient embauchés ?
François Bayrou : Il y a une chose qui est prioritaire, par rapport même à ce que nous pouvons proposer comme parcours d'analyse et de traitement. Il y a une chose, c'est que toute la communauté scolaire, tous les professeurs, tous les surveillants, tous les parents si possible, commencent à acquérir la connaissance des signes qui permettent de penser qu'un adolescent ne va pas bien. Ça ne servira pas seulement contre la violence. Vous savez que la première cause de mortalité chez les jeunes, hélas, ce n'est pas la violence, c'est le suicide. Et le harcèlement, alors c'est tout à fait... On sait bien que les accidents peuvent se multiplier. Ce garçon-là était ce qu'on appelle un référent harcèlement. On a une politique de lutte contre le harcèlement scolaire et dans chaque école, dans chaque collège, il y a des jeunes garçons ou filles qui sont repérés parce qu'ils sont de bons conseils. On les appelle des référents harcèlement. Il était référent harcèlement. Et donc, repérer les signes qui permettent de penser qu'une personnalité est en danger et fragile, c'est la première chose à faire nécessaire. Nous allons avoir une politique de formation de tous ceux qui sont dans la communauté éducative pour qu'on fasse attention à un élève qui se renferme sur lui-même, qui ne parle plus à ses proches, qui a des attitudes. Et là, on proposera une étude psychologique.
Gilles Bouleau : Merci, monsieur le Premier ministre, d'avoir répondu à nos questions et à celles de nos téléspectateurs.