François Bayrou : « Ma méthode, c’est "jamais sans les Français", jamais sans la base, jamais sans ceux qui sont au travail »

François Bayrou, Premier ministre et président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Apolline de Malherbe sur BFMTV et RMC ce mardi 27 mai. 

Apolline de Malherbe : Il est 8h20 et exceptionnellement ce face-à-face qui commence tout de suite parce que nous avons une heure. Une heure. 

Bonjour François Bayrou. 

François Bayrou : Bonjour. 

Apolline de Malherbe : Parce qu'il y a de très nombreux sujets. Vous êtes Premier ministre depuis bientôt six mois et vous avez donc accepté de répondre à toutes mes questions sur BFM TV et RMC. D'abord merci d'avoir choisi le face-à-face. Les colères sociales qui s'accumulent et qui virent parfois au blocage, le déficit qui est abyssal. On est en train de « perdre le contrôle », c'est même le mot de la Cour des comptes. Inquiétude aussi sur le front de la sécurité, du narcotrafic, révélation du rapport sur l'entrisme des frères musulmans et puis la loi sur la fin de vie, la loi sur la fin de vie dont le vote solennel devrait avoir lieu dans la journée. Le tout dans un pays fébrile et avec une majorité fragile. Le macronisme qui s'essouffle, les ambitions qui se réveillent à l'approche de 2027. On a donc une heure et je voudrais commencer par ces 40 milliards à trouver. Parce qu'au fond, je me dis peut-être qu'en une heure, on va y arriver, ces 40 milliards. Mais quand je regarde que sur les 40 milliards, vous voudriez déjà commencer avec simplement 300 millions d'efforts à demander au taxi et que ça bloque, je me dis que ce n'est pas gagné. 

François Bayrou : Oui, si c'était gagné, depuis longtemps, ça ne serait pas notre équipe qui serait au gouvernement. Parce que comme vous savez, nous sommes arrivés, il n'y avait pas de budget. Le gouvernement de Michel Barnier avait été renversé. Il n'y avait pas de majorité et pas de perspective. Les Français disaient « Ce gouvernement ne durera pas deux semaines ». Le plus profond, le plus important, c'est la situation du pays.

Comme vous l'avez dit, depuis des décennies, on a laissé, tous courants politiques confondus, s'accumuler les déficits. On a laissé s'accumuler une montagne de dettes. Le pays est en situation de surendettement. Et plus grave, à mes yeux encore, si on peut dire plus grave, c'est que la France est un pays qui ne produit pas autant que ses voisins. Et donc vous vous trouvez dans une situation où tous les mois, on dépense 10% de plus que ce qui rentre dans les caisses. Et comme vous savez, cette situation-là pour les familles, pour les entreprises, c'est une situation insupportable et qui ne peut pas durer. Le gouvernement a choisi d'affronter les yeux ouverts cette situation. Et donc j'ai indiqué, comme vous savez, on a fait 

Apolline de Malherbe : Vous avez fait une grande conférence pour dire aux Français quelle était la situation sur les comptes…

François Bayrou : Pour dire aux Français quelle était la situation avec un horizon qui est au début du mois de juillet. Je proposerai aux Français un plan de retour à l'équilibre des finances publiques sur trois ou quatre années, un plan pluriannuel. 

Apolline de Malherbe : Mais encore une fois François Bayrou, on va prendre le temps de tout ça, mais quand on regarde là ce qui se passe dans la rue, vous avez rendez-vous tout à l'heure avec des taxis, il y a encore une réunion, vous les avez vus samedi. Les taxis, vous leur demandez, c'est simple, 300 millions d'économies. La Sécurité sociale dit que le transport sanitaire, c'est 6,8 milliards d'euros, dont 3,1 milliards pour les taxis conventionnés. Ça a augmenté de 45% en 5 ans. Et l'économie que vous leur demandez, donc dans ces milliards, c'est en réalité 300 millions sur 3 ans. Donc ça va commencer par 150 millions avec un forfait de prise en charge. En fonction des départements, ce ne serait plus au compteur. Et ça bloque. Ça bloque, on en est au tout petit début. 

François Bayrou : Est-ce que vous voulez me laisser m'expliquer ? Est-ce que vous voulez me laisser expliquer cette situation-là ? Donc je dis, le gouvernement va proposer aux Français un plan de retour à l'équilibre des finances publiques. Et ce plan de retour à l'équilibre des finances publiques, il va demander un effort à tous les Français. Le plus juste possible, mais un effort suffisant pour que la France sorte de cette situation dans laquelle on est montré du doigt et qu'on a laissé grandir au travers du temps. Peut-être vous vous souviendrez qu'il y a un homme politique, un seul, qui a essayé de faire du sujet de la dette un grand sujet national. 

Apolline de Malherbe : Vous. C'est le ‘’for compliments’’ comme on dit, « vous faites la pêche au compliment ». 

François Bayrou : Apolline de Malherbe…

Apolline de Malherbe : Mais c'est tout à fait vrai, et je me souviens bien que pendant les différentes campagnes présidentielles, vous avez toujours dit « la dette, la dette, la dette ». Sauf que là, vous avez les manettes, et vous n'arrivez pas à faire 300 millions d'économies. Est-ce que vous vous ferez mieux que les autres ? 

François Bayrou : Est-ce qu'on pourrait faire une interview dans laquelle... On écoute les réponses quand on a posé la question. 

Apolline de Malherbe : Je les écoute, mais sur les taxis, je ne vois pas comment vous allez vous en sortir. 

François Bayrou : Très bien, vous avez fini de poser la question. Alors je vais vous répondre de la manière la plus simple. Il n'est pas question de ne pas aller vers cette économie-là. Mais les taxis disent « Mais pourquoi ne nous a-t-on pas associés à la décision qu'il faut prendre ? ». Et cette méthode-là, qui est une méthode que je résume en quatre mots, « Jamais sans les Français », jamais sans la base, jamais sans ceux qui sont au travail, cette méthode-là, c'est la seule qui permet d'avancer. Est-ce que nous allons maintenir la date d'application de cet effort ? Pour les taxis, oui. Ce qui était prévu, c'était le 2 octobre, le 1er ou le 2 octobre. Le 1er ou le 2 octobre, le plan sera en place, je vous le dis. 

Apolline de Malherbe : Ce sera appliqué au 1er octobre, vous ne repoussez pas ? 

François Bayrou : Non, mais parce que c'est bien qu'on écoute. 

Donc, 1er ou 2 octobre, le plan sera en place. Est-ce que ce plan va demander moins d'efforts que ce qui était prévu avant-hier ? Non. Je suis persuadé qu'on peut faire mieux…

Apolline de Malherbe : Vous allez atteindre plus d’économies ? 

François Bayrou : …Qu'on peut atteindre des économies qui seront plus substantielles encore que ce qui avait été demandé dans le premier plan. Mais nous aurons travaillé avec eux à la meilleure manière de faire les choses. Les taxis disent « Mais nous on veut bien faire des économies ». Alors je sais bien, les taxis n'ont pas bonne presse. Il n'y a pas grand monde qui les soutient. Et moi je regarde ces femmes et ces hommes qui travaillent, qui bossent des heures, beaucoup plus importantes que beaucoup d'autres, qui ont monté des entreprises, et je veux les écouter. Jamais sans les Français. 

Apolline de Malherbe : Mais j'ai du mal à comprendre.

François Bayrou : Mais vous allez comprendre. 

Apolline de Malherbe : Vous allez leur demander plus d'efforts, vous allez faire effectivement la réforme au 1er ou au 2 octobre, comme prévu, et vous pensez que ça va bien se passer ? 

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : Qu’ils vont accepter, et qu’ils vont même d'eux-mêmes vous proposer davantage d'économies ? 

François Bayrou : Oui, absolument. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire moins de sous pour eux. Je ne vois pas comment ça peut... 

François Bayrou : Non, mais parce que on n'écoute pas ce que ceux qui connaissent la situation disent et ce qu’eux disent. Est-ce qu'il faut lutter contre des fraudes ? Oui, il y a probablement des gens qui abusent de la situation. Parce qu'on les a laissés faire aussi. Et donc, cette question de la convention avec la Sécurité sociale, est-ce qu'on peut transporter, répondre à la demande des patients et en même temps ne pas gaspiller l'argent public ? Ma réponse est oui. Je pense qu'on peut faire plus d'économies que ce qui avait été prévu. Mais on va définir ces économies avec eux. Mais ce n'est pas leur seul problème, les taxis. Je dirais même que ce n'est probablement pas le problème le plus important qu'ils rencontrent. 

Apolline de Malherbe : C'est un problème important pour certains qui ont la majorité de leur chiffre d'affaires qui repose désormais sur ce transport sanitaire, notamment en province.

François Bayrou : Oui, c'est important. Et je répète, cette convention-là, on peut tout à fait obtenir une situation, c'est ma conviction, j'ai passé trois heures avec eux, on peut tout à fait obtenir une situation dans laquelle on obtienne les économies demandées et même davantage que ce qui était demandé. Ils sont d'accord pour ça. Ils sont d'accord pour proposer des idées. Et j'ai moi-même des idées. Je ne suis pas sans idée en face de la situation. Je pense qu'une méthode de gouvernement, de conduite des affaires différente… Ils ont tous dit pendant la réunion « Mais c'est la première fois qu'on nous écoute comme ça, que le Premier ministre vient, que les ministres viennent ». Jamais sans eux. Et donc première question. Ils ont une deuxième question qui est très lourde pour eux. 

Apolline de Malherbe : Le rapport notamment aux Uber, aux VTC…

François Bayrou : Oui comme on dit, aux véhicules de tourisme avec chauffeur, au VTC, dont ils disent que les règles qui ont été fixées par la loi ne sont pas respectées. Par exemple, ils disent « Il y a des organisations qui ne paient pas de charges et ne paient pas d'impôts ». Est-ce que c'est acceptable ? Non, ça ne l'est pas. Ils disent « Mais il y a des organisations qui…

Apolline de Malherbe : Les plateformes devront payer leurs impôts en France. 

François Bayrou : Mais égalité de traitement pour tous. On le demande pour les agriculteurs, mais on va le demander aussi pour eux. Il n'y a aucune raison de ne pas faire respecter les règles qu'on a fixées. Et donc, ce travail-là, nous allons le conduire avec eux dans les trois ou quatre semaines qui viennent. Et je vous dis, l'engagement du gouvernement, c'est qu'on obtiendra les économies attendues et que même, je l’espère, on obtiendra plus avec eux, pas contre eux. 

Apolline de Malherbe : C'est donc le début de ces fameux 40 milliards. Donc, on est d'accord. Vous nous dites, les 300 millions d'efforts demandés au taxi, ce sera même un minimum. Et vous le ferez simplement avec une autre méthode de dialogue. On va revenir aussi tout à l'heure sur la trajectoire financière hors de contrôle de la sécurité sociale. C'est ce que nous dit la Cour des comptes. Mais vous avez dit, je viens de l'entendre, « Je vais demander en juillet un effort à tous les Français ». 

François Bayrou : Sans exception, oui. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire quoi ? Ça va passer par quoi ? Un effort, ça veut dire quoi ? C'est plus d'impôts ? C'est des niches fiscales qui seront réduites ? 

François Bayrou : Ça veut dire qu'au début du mois de juillet, avant le 14 juillet, le gouvernement proposera aux Français de manière transparente… C’est sans précédent. D'habitude, les budgets, ça se fait au mois de septembre, au début octobre. C'est là que le Parlement fait sa rentrée et qu'on rencontre les débats habituels sur le budget. Nous avons décidé de prendre de l'avance sur ce calendrier pour que tout le pays réfléchisse à la situation dans laquelle on se trouve. On ne peut pas en rester là. Je ne sais pas si tout le monde entend ce que je dis. Il serait irresponsable, il serait scandaleux et il serait une traîtrise de l'intérêt du pays qu'on en reste à la situation actuelle. Et le gouvernement est prêt. Vous savez, j'avais évoqué l'idée d'un référendum, qui est une décision du président de la République. 

Apolline de Malherbe : Je n’ai pas compris sur le référendum. Est-ce que c'était pour nous faire plaisir aux Français en nous disant « Je vais vous consulter » ou est-ce que vous y avez vraiment cru ? 

François Bayrou : Mais d'abord, j'y crois. 

Apolline de Malherbe : Vous y croyez toujours ? 

François Bayrou : Oui, alors je pense que c'est une décision du président de la République….

Apolline de Malherbe : Il n'a pas l'air convaincu. 

François Bayrou : Qu'est-ce que je cherche en évoquant cette idée ? Je cherche la prise de conscience des Français. Ma certitude que j'ai exprimée cent fois, c'est que ce sont des problèmes si graves que si on veut les résoudre contre les Français, sans s'occuper d'eux, en leur imposant par l'épreuve de force, on n'y arrivera pas. Et donc, le seul allié que le gouvernement puisse avoir dans cette affaire-ci, si difficile, si exigeante, si impressionnante, j'ai évoqué l'idée d'un Himalaya vous savez, quand j'ai été nommé dans cette fonction… 

Apolline de Malherbe : Et depuis vous avez dit « Je vais y aller colline par colline ». Donc ce n’est pas tout de suite un Himalaya quand même…

François Bayrou : Un peu de géographie Apolline de Malherbe, parce qu'il n'y a pas que la littérature française. 

Apolline de Malherbe : Non tout à fait, vous savez que la géographie me passionne, mais en l'occurrence je pense que c'est surtout de la politique. 

François Bayrou : L'Himalaya c'est une chaîne de montagne. Et l'Himalaya est composé d'une dizaine peut-être de sommets de plus de 8 000 mètres. Et donc ce n'est pas « colline » comme vous avez dit. Ce sont des défis qui sont des défis impressionnants. Et ces défis-là, nous allons les affronter un à un. Et nous n'allons en négliger aucun. Et on va faire le tour de ces défis-là. 

Apolline de Malherbe : Mais j'ai besoin de comprendre, François Bayrou, vous nous avez dit, et ça fait partie aussi, je pense, de ce que vous voulez que les Français entendent « Vous allez tous faire des efforts ». Tout le monde va faire des efforts. Et on n'a pas le choix. Concrètement, ces efforts, c'est quoi ? J'ai l'impression qu'à chaque fois que des pistes ont été évoquées, elles ont toutes été refermées. Par exemple, sur la niche fiscale, l'abattement fiscal des retraités de 10%. Est-ce que ça, ça pourrait être mis sur la table ? 

François Bayrou : Je ne ciblerai pas une catégorie de Français à l'exclusion des autres. Dire, « on va concentrer sur les uns »... 

Apolline de Malherbe : Je ne dis pas concentrer, mais si vous pouvez faire ça et d'autres choses. 

François Bayrou : Excusez-moi. 

Apolline de Malherbe : Donc vous ne toucherez pas les retraités ? 

François Bayrou : Non, vous ne m'attirerez pas dans ce genre de déclaration. Je vous dis, tout le monde va devoir faire des efforts. La situation du pays, vous avez utilisé les mots qui ont été utilisés hier lundi, par la Cour des comptes… 

Apolline de Malherbe : Qui parle d’une situation qui est « hors de contrôle ». 

François Bayrou : La Cour des comptes sur la situation de la sécurité sociale dit « C'est aujourd'hui hors de contrôle ». Les dépenses dérapent. Je vais vous dire une règle simple : un pays comme le nôtre ne devrait pas pouvoir dépenser plus que la croissance. S'il y a une croissance de 1,5%, on ne devrait jamais dépenser plus. 

Apolline de Malherbe : Sauf qu’au moment où on se parle, la croissance elle sera sans doute en plus de 0,5, 0,6 grand maximum. 

François Bayrou : Non, parce qu'il y a l'inflation en plus. Donc on ajoute les deux. Et donc cette règle-là, nous ne pouvons pas dépenser plus que ce qui rentre dans les caisses, nous ne pouvons pas avoir une croissance des dépenses plus grande que la croissance des recettes… Et ceci est une orientation élémentaire de bon sens que chaque famille et que chaque entreprise a en tête au moment où l'année commence. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, vous dites « Tout le monde va devoir participer, mais je ne veux cibler personne plus que les autres ». La TVA ?

François Bayrou : Non, tout le monde. 

Apolline de Malherbe : Non mais la TVA est un impôt qui toucherait tout le monde. 

François Bayrou : Est-ce que vous pouvez me donner acte de ce que je vous ai dit ? C'est au début du mois de juillet que je donnerai, dans un plan d'ensemble, les choix que nous faisons pour revenir en 3 ou 4 ans à un certain équilibre. 

Apolline de Malherbe : Vous ne pouvez pas nous dire ce matin, « Vous allez tous faire un effort », très bien, et en même temps, « je ne ciblerai personne ». Parce que ça crée presque une angoisse. 

François Bayrou : Est-ce qu'on peut se mettre d'accord sur une chose ? Je ne déforme pas ce que vous dites, ne déformez pas ce que je dis. Je répète. Je ne dis pas que je ne ciblerai personne. Je dis que je ne prendrai pas une catégorie de Français que je prendrai pour cible en épargnant les autres. Et donc, je dis que c'est un plan d'ensemble dont je ne ferai pas fuiter les mesures et les décisions parce que c'est l'ensemble du plan qu'on a besoin de prendre en compte. 

Apolline de Malherbe : J'ai parfaitement compris. 

François Bayrou : Est-ce que c'est clair ? 

Apolline de Malherbe : C'est clair qu'il faudra faire un effort, c'est clair que ce sera un effort qui ne sera ciblé sur personne en particulier. Évidemment, moins spontanément, vous pourrez refuser d'y répondre, mais j'entends éventuellement CSG, TVA, c'est-à-dire une sorte d'assiette large qui permet que tout le monde contribue d'une manière ou d'une autre. Il y a une autre option, François Bayrou, qui est le fait de dépenser moins, et donc d'avoir aussi un modèle social qui soit peut-être revu. Est-ce que c'est une autre option ? 

François Bayrou : Le rééquilibrage des dépenses publiques pour l'action publique et des dépenses sociales, nous ne pouvons pas y échapper. J'ai dit une chose lorsque j'ai fait la conférence de presse que vous avez évoquée. J'ai dit « Aucun gouvernement, ni celui-ci, ni ceux qui viendront nécessairement après, ne pourra désormais éluder la situation créée ». Et mon but, c'est que chacun des Français qui nous écoutent ou nous écouteront se dise « Mais c'est vrai, on ne peut pas faire autrement ». La question qui est posée, c'est « Quel peuple nous sommes ? ». Est-ce que nous sommes des individus qui décident que peut-être il y a un effort nécessaire, mais pas pour eux ? Ce qui est répété à longueur de temps par tous mes interlocuteurs. Ils viennent et ils disent « Bon, vous avez raison de faire des économies, mais alors pas pour moi, pas chez moi, pas dans mon secteur. Ça n'est pas possible pour nous ». Eh bien, il faut que tout le monde ait en tête, et je le dis, ceci est un enjeu national, c'est-à-dire que nous n'avons aucune possibilité comme gouvernement ou comme société. 

Apolline de Malherbe : Mais lorsqu' Emmanuel Macron, François Bayrou, « Il faut revoir le financement de notre modèle social, ça ne peut pas peser uniquement sur le travail », qu'est-ce que vous vous dites ?

François Bayrou : Il a raison, intégralement. Et c'est ce qu'il aurait fallu faire depuis longtemps. Et lorsque les partenaires sociaux sont autour de la table, vous savez que je leur ai demandé de travailler sur la question des retraites dans ce qu'on a appelé un conclave. On ne savait pas que, historiquement, ça serait un moment où ce mot…

Apolline de Malherbe : Il avance ce conclave ? 

François Bayrou : Oui !

Apolline de Malherbe : Moi je me souviens, vous aviez dit, « Il n'y aura pas de tabou ».

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : Y compris sur l'âge. Depuis, il y a un tabou sur l'âge. 

François Bayrou : Mais non, mais il n'y a pas de tabou. Il y a une règle qui est simple, que nous avons déterminée ensemble, c'est qu'on allait sauvegarder l'équilibre du système de retraite. Il n'y aura pas de réforme du système de retraite si on sort de l'équilibre. Et les entreprises d'un côté, et les salariés de l'autre, les organisations de salariés, ont dit « D'accord, ceci est notre règle ». Et ça ne s'accommode donc pas d'un retour à la situation d'avant la réforme des retraites. Mais on peut adapter, on peut réfléchir à la manière dont ça va s'appliquer, à condition que l'équilibre soit en 2030 garanti. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, sur la question du financement de notre modèle social, est-ce qu'on maintient notre modèle social tel qu'il est ? Ou est-ce qu'on en change simplement le financement en faisant moins peser ce financement sur les cotisations salariales et patronales ? 

François Bayrou : En tout cas, c'est nécessaire. Le travail en France n'est pas récompensé comme il devrait l'être. Et les partenaires sociaux disent cela. Ils disent même, si je les entends bien, mais ils me l'écriront, « On est prêt à revoir la totalité de la question du financement du modèle social français. On est prêt à revoir la question de la place du travail dans le financement du modèle social français ». Et je dis, c'est une bonne idée. Pourquoi c'est une bonne idée ? Toujours pour la même raison, c'est parce que ça ne peut pas être le pouvoir politique qui prend seul la responsabilité d'un défi.

Apolline de Malherbe : Donc jamais sans les Français ? 

François Bayrou : Jamais sans les Français. 

Apolline de Malherbe : Ce que je vous propose François Bayrou, ce matin, j'ai Xavier qui m'a appelé. Xavier, il m'a appelé de Menton. Il est jardinier, paysagiste à la tête d'une entreprise qu'avait créée d'ailleurs son père. Ils étaient à une époque 7 salariés, ils ne sont plus que 4 et il va vous expliquer pourquoi. 

Bonjour Xavier. 

[Visio] Xavier : Bonjour, bonjour Monsieur le Premier ministre. 

Apolline de Malherbe : Le Premier ministre vous écoute. 

[Visio] Xavier : Bonjour Monsieur le Premier ministre. Voilà, j'ai juste une question simple, c'est quand est-ce qu'allez-vous comprendre que les entrepreneurs en France et les chefs d'entreprises n’en peuvent plus ? Nous sommes chargés au maximum. Et si on doit faire encore plus d'efforts, ça sera encore plus difficile pour les entreprises. 

Apolline de Malherbe : Il me disait tout à l'heure, Xavier, qu'il avait parfois même l'impression de travailler pour l'État, et pas pour ses salariés, et pas pour ses clients. 

François Bayrou : Alors, prenons note de cela. Ce qu'il faut sauvegarder, c'est les entreprises. Je disais les efforts pour tous les Français, mais en même temps, là où se crée la richesse, là où se crée l'activité, là où on a besoin que les Français soient en confiance, c'est précisément dans cet environnement de l'entreprise. Parce que c'est là que se résoudra la question si importante que j'évoquais en commençant, il y a les finances publiques, mais il y a une question au moins aussi importante, c'est la production du pays. La France est un pays où la production nationale, si on la divise par le nombre des habitants, est une des plus faibles. Si vous prenez tous nos voisins, nos voisins des Pays-Bas, nos voisins allemands, nos voisins italiens même, tout le monde a une production par personne qui progresse. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, est-ce qu'on peut être encore plus concret ? Xavier qui nous écoute, est-ce que vous êtes en train de lui dire, demain, vous pourrez réembaucher, parce que oui, les charges salariales et patronales vont baisser ?

François Bayrou : Les entreprises doivent être mises à l'abri pour le long terme, pour que chacun puisse se dire, « Je me projette dans l'avenir, je vais créer une activité, je vais créer des salaires, je vais embaucher ». Et ça ne peut pas se faire si on a le sentiment d'une menace qui pèse sur chacune des entreprises. 

Apolline de Malherbe : Pouvez-vous lui dire que nous allons vers cet allègement de charges ?

François Bayrou :  Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que les partenaires sociaux sont prêts à réfléchir ensemble, à prendre ensemble la question du financement du travail. Et pour moi, on peut même aller encore plus loin. On peut imaginer qu'à l'avenir, les partenaires sociaux soient les responsables. 

Apolline de Malherbe : Mais vous le savez bien, la question c'est de rapprocher ce qu'on appelle le brut du net. C'est la question, tous les chefs d'entreprise vous le diront, et je pense que Xavier ne me contredira pas, si vous voulez augmenter de 100 euros, ils sont obligés eux de sortir 200 euros, et à la fin ça ne fait même pas 100 euros dans la poche du salarié. Et donc il y en a qui renoncent. 

François Bayrou : Et donc, vous répétez en d'autres termes ce que je dis, et ce que les partenaires sociaux disent. Nous avons un problème de financement de notre modèle social. Ce problème repose trop sur le travail et nous allons apporter des réponses à cette question, y compris avec la participation des partenaires sociaux. 

Apolline de Malherbe : Vous allez encore me dire non, mais la TVA sociale qui était quand même une idée qui a régulièrement été avancée, l'idée de faire payer davantage sur la consommation que sur le travail, on va vers ça ? En tout cas, si les partenaires sociaux s'emparent de cette question-là, vous les soutiendrez ? 

François Bayrou : Je souhaite que les partenaires sociaux puissent s'emparer de cette question. Je souhaite que tous ceux qui ont la responsabilité du monde du travail, du monde de l'entreprise et du monde des salariés acceptent de poser ensemble cette question. Vous remarquerez au passage qu'il y a combien de décennies que ça n'a pas été fait. Il y a combien de décennies qu'on a laissé ces questions s'enliser, déraper, que personne n'a eu le courage de les poser ?

Apolline de Malherbe : Vous ne serez pas opposé à une augmentation de la TVA pour pouvoir alléger les charges sur le travail ? 

François Bayrou : Non, je ne suis pas opposé et je suis même favorable à ce qu'on cherche un financement différent de notre modèle social. Vous demandiez « Est-ce que notre modèle social, on peut l'abandonner ? ». Non, je ne crois pas qu'on puisse l'abandonner. Je pense que la France, elle est en partie dans ce modèle social. 

 

Apolline de Malherbe : Il n'est pas trop généreux aujourd'hui ? 

François Bayrou : Il est très généreux. Et c'est même le plus généreux. 

Apolline de Malherbe : Non, ma question n'était pas est-ce qu'il est très généreux, c'est est-ce qu'il est trop généreux ? 

François Bayrou : Oui, j'espère que non, mais je sais que la situation est extrêmement exigeante. Je reviens à la question. Le modèle social, c'est une partie de ce que la France a voulu faire. Depuis la maternelle jusqu'à l'université, pour ce qui est de l'école et de la formation, depuis la santé jusqu'à ce qui est les retraites et l'assurance chômage, nous sommes le seul pays dans le monde qui a réussi à faire, ou qui a construit un modèle dans lequel la puissance publique prend tout en charge.

Apolline de Malherbe : On a commencé cette interview il y a un peu plus de 20 minutes, François Bayrou. Je n'ai pas le début des 40 milliards. 

François Bayrou : Non mais vous êtes gentille, mais vous n'êtes pas la Cour des comptes.

Apolline de Malherbe : La Cour des comptes, elle dit qu'il y a urgence. Elle parle d'une trajectoire financière hors de contrôle. Elle parle d'une situation où on pourrait faire face à une crise de liquidité. 

François Bayrou : Excusez-moi, je suis venu chez vous pour mettre un certain nombre de choses au point. 

Apolline de Malherbe : Oui, mais je pense que les Français ont vraiment besoin de réponses. Vous leur dites qu'on va faire 40 milliards d'euros d'économie et on ne sait pas où.

François Bayrou : Alors, vous m'écoutez, donc je vous donne le calendrier de ce que nous allons faire. La situation est telle que nous ne pouvons que mettre en place un plan sérieux de retour à l'équilibre des finances publiques. Vous avez reçu combien... 

Apolline de Malherbe : J'ai compris l'objectif, j'ai compris la méthode. Je n’ai toujours pas compris où. 

François Bayrou : Depuis le temps que vous êtes derrière ce micro, combien avez-vous reçu de ministres de l'Économie et de Premiers ministres ? 

Apolline de Malherbe : Très nombreux qui m'ont fait beaucoup de promesses. 

François Bayrou : Voilà.  Et donc vous ne leur avez pas posé la question de cette manière-là. Moi, je vous dis, avant le 14 juillet, et le gouvernement a besoin, et les partenaires sociaux ont besoin de ce temps de préparation pour mettre au point un plan qui n'a jamais été présenté devant les Français. Jamais. Et donc, j'ai tout à fait l'intention de le faire sans subir la pression de ceux ou celles qui voudraient que j'annonce des décisions avant même que ces décisions n'aient été préparées, négociées et mesurées dans l'ensemble de la collectivité nationale. 

Apolline de Malherbe : Et éventuellement mis en référendum, puisque vous ne renoncez pas à cette idée de référendum pour pouvoir impliquer les Français

François Bayrou : Alors encore une fois, le référendum ça appartient au président de la République et c'est à lui de prendre une décision de cet ordre.

Apolline de Malherbe : Sur proposition du Premier ministre.

François Bayrou : Je pense que la question que nous posons là, ça n'est pas une question pour le monde politique, ce n’est pas une question pour le monde social, c'est une question pour chacun des foyers français. Pour chacun des travailleurs et pour chacun des retraités. Et cette question-là, je veux la traiter avec eux. Ça signifie une prise de conscience nécessaire. Alors après, nous avons besoin que, dès cette année, on ait une décélération des dépenses. Nous avons besoin, dès cette année, un rééquilibrage entre recettes et dépenses. 

Apolline de Malherbe : Vous imaginez, François Bayrou, voir demander aux Français, « Êtes-vous prêts à faire des efforts », 40 milliards, et qu'ils vous répondent oui ? 

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : Et qu'ils répondent oui à cette question du référendum ? 

François Bayrou : C'est exactement ce que je crois. Et si ça n'est pas par le vote direct des Français, il y aura forcément les représentants des Français au Parlement qui vont s'exprimer. Et donc, oui, je pense que la clé de la situation, c'est que ce sujet devienne si important dans l'esprit des Français, dans l'esprit public, qu’eux disent « Oui, nous acceptons les efforts. Oui, nous allons chacun prendre notre part de cette remise à l'équilibre ».

Apolline de Malherbe : Vous dites, « Sinon ce seront les représentants des Français ». On le sait, cette majorité est extrêmement fragile. Vous allez à nouveau faire face à une motion de censure cette semaine, puisque LFI a annoncé hier soir qu'ils allaient tenter d'en déposer une. Pensez-vous pouvoir durer ? 

François Bayrou : Ça, ça dépend du Parlement. C'est entre les mains des parlementaires. Mais en réalité, c'est entre les mains des Français. Vous parlez de motion de censure, je ne sais pas si elle aura lieu, mais je sais avec certitude que ça sera la septième. Depuis que nous sommes arrivés, c'est-à-dire espèce de record du monde des motions de censure. 

Apolline de Malherbe : Vous en avez vu d'autres ? 

François Bayrou : J'en ai vu d'autres. Et donc on en a déjà surmonté six de ces motions de censure et ce serait la septième. Ça n'a aucune importance. Si les Français, au fond d'eux-mêmes, comme citoyens, comme femmes et hommes au travail, si les Français sont persuadés que oui, on ne peut pas faire autrement, que oui, il est d'intérêt national pour leurs enfants, parce que le plus, j'allais dire, le plus dégueulasse dans cette affaire, c'est qu'on laisse s'accumuler les déficits, on laisse s'accumuler la dette, et qui va payer la dette ? 

Apolline de Malherbe : Ce sont nos enfants, ce sont nos petits-enfants, ce sont les générations qui viennent.

François Bayrou : Non, non, non. Ce sont d'abord ceux qui sont au travail, qui vont devoir assumer une charge accrue sur leurs revenus. Et ce sont ensuite ceux qui, au fur et à mesure des générations, vont prendre leur place dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans. Eh bien, un pays, une famille, qui décide qu'elle va continuer à vivre dans la facilité, mais que ce sont ses enfants qui un jour paieront la dette accumulée, n'est pas digne de ce nom, n'est pas digne de ses responsabilités. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, il est 8h50, j'ai encore de très nombreuses questions à vous poser. Sur les agriculteurs, d'abord ce paradoxe : vos députés ont rejeté leur propre texte pour mieux l'adopter, pour échapper à ce qu'ils ont estimé être une obstruction du débat, les 3000 amendements qui avaient été déposés notamment par LFI et par les écologistes. C'est un 49-3 déguisé ? 

François Bayrou : Non. C'est tout simplement le dérapage continu auquel on a assisté de la situation parlementaire française.

Il y a une Assemblée nationale, il y a un Sénat. C'est à l'Assemblée nationale que se concentrent ces difficultés-là. On ne peut plus examiner des textes sans qu'il y ait une obstruction généralisée. 3 500 amendements avaient été déposés. Pourquoi ? Pas pour corriger le texte. 3 500 amendements avaient été déposés pour empêcher l'examen du texte. Parce que, comme il faut au moins deux minutes par amendement, alors on se trouve avec des jours et des jours d'examen, ce qui fait qu'on ne peut pas examiner un seul autre texte. Donc on est dans le blocage généralisé. Il y a d'autres textes qui sont en attente.

Apolline de Malherbe : On va y revenir puisque c'est aujourd'hui notamment qu'aura lieu le vote solennel sur la loi sur la fin de vie. 

François Bayrou : Et donc l'obstruction qui consiste non pas... à utiliser le Parlement pour exprimer des idées, des analyses, pour faire changer les orientations, mais pour l'empêcher d'examiner les textes. 

Apolline de Malherbe : Est-ce que la France est devenue ingouvernable ? 

François Bayrou : Non, je ne crois pas ça. 

Apolline de Malherbe : Non ? 

François Bayrou : Je ne serais pas là autrement. Je ne crois pas ça. Je pense que depuis des décennies, on est entré dans une vision bloquée de la situation. La société française est entièrement fracturée, les uns contre les autres. 

Apolline de Malherbe : Mais ils vous ont tous mis des lignes rouges. Chacun vous observe. Chez vos partenaires, notamment LR, ils ont mis des lignes rouges. S'il y a la moindre augmentation d'impôts, ils disent « Nous sortirons ». Est-ce que vous pensez qu'ils vous suivront sur les 40 milliards, sur les efforts, par exemple, que vous vous apprêtez à demander aux Français ? 

François Bayrou : Je ne demande pas qu'on me suive, je demande qu'on suive l'intérêt national. Je ne demande pas qu'on me suive, moi, ce n'est pas une question personnelle. Ça n'est même pas une question partisane. Nous sommes devant une situation de menace immédiate sur l'avenir du pays. 

Apolline de Malherbe : Mais je crois, François Bayrou, que Michel Barnier tenait le même discours. 

François Bayrou : Bien, peut-être la méthode est-elle différente ? Je vous rappelle que nous, nous avons réussi à faire adopter les budgets. Et Michel Barnier est un homme que j'estime et que je connais depuis longtemps, chacun après l'autre apporte sa pierre à cet édifice. Cet édifice, c'est la prise de conscience par les Français.

Apolline de Malherbe : Vous ferez la proportionnelle ? 

François Bayrou : Oui, en tout cas, je proposerai à l'Assemblée nationale, qui est souveraine qu'elle examine cette question qui traîne depuis des décennies. Vous voyez, si on s'arrête un quart de seconde, tout ce que nous traitons là, il y a des décennies que la question est posée et que personne ne la traite. 

Apolline de Malherbe : Sur la question de la proportionnelle, du scrutin à la proportionnelle, ça a déjà été fait, ça a été fait notamment en 86, avec une prime au premier. 

François Bayrou : Non. 

Apolline de Malherbe : Alors, est-ce que vous, vous seriez favorable à une prime au premier pour qu'il y ait une majorité plus solide ? 

François Bayrou : Non, il n'y avait pas de prime au premier en 1986. 

Apolline de Malherbe : Et donc, vous feriez pareil ? 

François Bayrou : Et le texte qui a été adopté en 1986 est peut-être un des textes d'arrivée sur lequel on puisse trouver un accord de l'Assemblée nationale. 

Apolline de Malherbe : C’est ce que vous souhaitez ? Vous souhaitez une possibilité de cette proportionnelle équilibrée, qui ne donne pas prime au premier, qui ne donne pas une surmajorité au premier ? 

François Bayrou : Exactement. 

Apolline de Malherbe : Pour que tout le monde comprenne bien. 

François Bayrou : C'est très simple, la proportionnelle, parce que c'est des mots un peu abstraits tout ça, qu'est-ce que c'est ? C'est, on vous donne le nombre de sièges que vous donne le nombre de voix que vous avez obtenues. Il n'y a pas de ces vagues d'un côté ou de ces vagues de l'autre qu'on a connues trop souvent. Et ça oblige à réfléchir différemment à la politique. Vous savez, il y a 27 pays dans l'Union européenne. Tous les autres en dehors de la France ont un scrutin proportionnel. Est-ce qu'ils marchent moins bien que la France ? Si vous regardez les résultats actuels, tous les pays qui nous entourent, quel est leur niveau d'équilibre des finances publiques, quelle est l'ambiance…

Apolline de Malherbe : Ils ont souvent été plus courageux que nous là-dessus. 

François Bayrou : Eh bien pourquoi ont-ils été plus courageux ? C'est votre réflexion. Pourquoi ont-ils été plus courageux ? Parce qu'ils avaient un système politique qui permettait le courage. Quand vous êtes au scrutin majoritaire, la question c'est est-ce que vous êtes pour ou contre ? Et c'est tellement plus confortable d'être contre. Dans le problème que nous exposons ce matin ou par lequel nous avons commencé ce matin, problème des finances publiques et problème de la production du pays, dans ces problèmes-là, bien sûr ça demande des changements. Et c'est tellement plus simple de dire « Moi je suis contre ».

Apolline de Malherbe : Donc François Bayrou, vous ferez en sorte qu'il soit possible d'aller vers la proportionnelle, au risque éventuellement d'avoir une majorité RN, vous prenez ce risque ?

François Bayrou : Pourquoi une majorité RN ? 

Apolline de Malherbe : Et pourquoi pas ? 

François Bayrou : La majorité à la proportionnelle, elle est donnée à ceux qui ont le plus de voix. Ceux qui ont, si vous avez 35% des voix, vous avez 35% des sièges, ça n'est pas une majorité. 

Apolline de Malherbe : Si en partant, François Bayrou, si après votre mandat, c'est le RN qui arrive au pouvoir, Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Comment vous le vivrez ?

François Bayrou : Je le vivrai comme la poursuite d'un échec qui est entretenu depuis des années, sur lequel les réponses n'ont pas été apportées, mais je suis persuadé que le seul scrutin qui permette de ne pas basculer dans les extrêmes, c'est précisément le scrutin proportionnel. 

Apolline de Malherbe : C'est une réponse pour vous, précisément ? Pourtant le RN le demande, alors il le demande avec effectivement une prime au premier, ce que vous refusez pour l'instant de faire. Est-ce que le macronisme c'est fini ? 

François Bayrou : Ce sont des mots que je ne partage pas. D'abord, je ne suis pas sûr que faire un isme avec un nom propre, en dehors du gaullisme qui honnêtement était un ressaisissement national porté au travers de l'Histoire. Je n'ai jamais fait de la politique en référence à des hommes. Je fais de la politique, je l'ai souvent dit au président de la République, qui sait très bien ce que je pense de ce sujet, je fais de la politique en référence à des principes, à des idées politiques… 

Apolline de Malherbe : Les volontés d'Emmanuel Macron pourront-elles lui survivre ? 

François Bayrou : Je suis persuadé que le président de la République, il appartient au courant politique auquel je crois le plus, c'est-à-dire la démocratie, le courant démocrate. C'est-à-dire ceux qui pensent que le progrès d'un pays, il dépend de la responsabilité des citoyens. 

Apolline de Malherbe : Avoir dans votre gouvernement, François Bayrou, une porte-parole du gouvernement qui, elle, dit « Au fond, on arrive au bout du macronisme », un ministre de l'Intérieur comme Bruno Retailleau, dont on voit bien que son élection à la tête de LR, est une étape qui va vers une ambition présidentielle, est-ce que tout cela, c'est une force ou c'est une faiblesse ? 

François Bayrou : C'est une force. Alors, je n'approuve pas les déclarations déséquilibrées. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous n'appréciez pas les déclarations de la porte-parole de votre gouvernement ? 

François Bayrou : Je lui ai dit que ce n'étaient pas les déclarations les plus justes qu'on pouvait trouver. La ligne politique du gouvernement, c'est une ligne politique qui a deux caractéristiques. Elle est centrale et elle est de rassemblement. Elle veut s'appuyer sur les Français pour porter les réformes du pays. La définition de ce courant démocrate auquel j'appartiens et dont j'ai porté le drapeau dans ma vie pendant longtemps, cette définition a été donnée par un philosophe qui s'appelle Marc Sangnier. Et il a dit « La démocratie, c'est l'organisation de la société qui permet de porter au plus haut la conscience et la responsabilité des citoyens ». On s'arrête à ces deux mots, la conscience, la prise de conscience que j'évoquais, et la responsabilité des citoyens. Il y a des gens qui pensent que pour faire bouger un pays, il faut le faire par l'obligation. On va les forcer à bouger, par l'épreuve de force. Je ne crois pas ça. 

Apolline de Malherbe : On l’a bien compris, c'est à la fois « jamais sans les Français » d'un côté, et de l'autre, dans le dialogue. Mais lorsque vous entendez un Marc Fesneau qui est proche de vous, qui dit, chez nos confrères de la Tribune Dimanche, qu'il estime qu'il y a aujourd'hui une surenchère régalienne, une forme même de trahison de l'esprit du départ. Vous partagez cette idée ? 

François Bayrou : D'abord, c'est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'estime et d'affection. Et donc forcément quand je l'entends, je suis proche de ce qu'il dit. 

Apolline de Malherbe : Plutôt en harmonie ? 

François Bayrou : Oui, plutôt en harmonie avec ce qu’il dit.

Apolline de Malherbe : Donc il y aujourd’hui une surenchère ?

François Bayrou : J’approuve pas le mot régalien. Régalien, c'est très important, c'est très noble…

Apolline de Malherbe : C’est la défense, la sécurité…

François Bayrou : C'est ce que l'État doit faire pour les citoyens. 

Apolline de Malherbe : Il faut comprendre, qu'est-ce qu'il dit derrière quand il dit régalien ? Il dit Retailleau ? 

François Bayrou : Non, pas du tout. 

Apolline de Malherbe : Non ? Ah non, c'est pas là la surenchère pour vous ? La surenchère régalienne, ce n'est pas Retailleau ? 

François Bayrou : Je pense que ce n'est pas du tout ce qui est visé. 

Apolline de Malherbe : Ah bon. Darmanin, alors ? 

François Bayrou : Non, je ne crois pas. Mais vous lui poserez la question…

Apolline de Malherbe : Darmanin, alors ? 

François Bayrou : Non, je ne crois pas. Mais vous lui poserez la question, il est beaucoup mieux à même que moi de répondre. 

Apolline de Malherbe : Oui, tout à fait, mais enfin il se trouve que vous êtes Premier ministre et je vous ai face à moi ce matin. 

François Bayrou : Qu'est-ce qu'il veut dire ? Il veut dire qu'il ne faut pas perpétuellement se livrer à des surenchères qui dressent les Français les uns contre les autres. Et Dieu sait que ces temps-ci, l'air est plutôt saturé, les ondes sont plutôt saturées de ce genre de surenchère. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le rapport sur l'entrisme des frères musulmans, vous ne l'auriez pas rendu public ? 

François Bayrou : Il a été rendu public et c'est un rapport qui présente des faits inquiétants dont je pense qu'on peut regarder tous ensemble quelle est l'ampleur de ces risques-là. De quoi il s'agit ? Il s'agit de l'idée qu'il y a des organisations qui cherchent à imposer à la France une loi qui est une loi religieuse, ou d'essence religieuse. Or, ceci n'est pas la laïcité. J'aime beaucoup le mot de laïcité. Laïcité, ça veut dire le peuple. Laos, en grec, le mot de la racine de laïcité, c'est le peuple. Qu'est-ce que ça veut dire ? 

Apolline de Malherbe : Mais concrètement, on fait quoi ? 

François Bayrou : Non, mais attendez... Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que nous sommes là pour vivre tous ensemble. Et qu'il y a une loi en France, qu'il y a une règle en France, un principe en France : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. 

Apolline de Malherbe : Est-ce que les conclusions de ce rapport vous laissent entendre que cette laïcité est aujourd'hui menacée ? 

François Bayrou : En tout cas, si ces faits sont confirmés... 

Apolline de Malherbe : Vous en doutez ? 

François Bayrou : Si ces faits sont confirmés, je pense qu'il est nécessaire d’avoir les réactions de précaution et de limitation qui s'imposent. 

Apolline de Malherbe : Mais vous en doutez ? Vous doutez des conclusions de ce rapport ? Qui a quand même été mené pendant un an par deux hauts fonctionnaires qui ont fait 200 auditions dans tout le territoire ? 

François Bayrou : Je n'ai pas envie de faire de l'islam un sujet de fixation de la société française. Je sais que c'est la mode. Je sais que ça a probablement du succès dans un certain nombre de cercles, mais nous devons vivre ensemble. 

Apolline de Malherbe : C'est la mode ? 

François Bayrou : Oui, je pense que c'est un peu ce que Fesneau disait, non ? Et que vous citiez. 

Apolline de Malherbe : Cette surenchère régalienne.

François Bayrou : Surenchère. Je pense qu'en France, les athées, les chrétiens, les musulmans, les juifs, les bouddhistes, et je ne sais quoi, nous allons devoir vivre ensemble. 

Apolline de Malherbe : Mais précisément, est-ce que ce rapport... 

François Bayrou : Or tous ceux qui entretiennent la montée des tensions sur l'origine, sur – je ne sais pas - la couleur de peau, sur la religion…

Apolline de Malherbe : Donc les coupables c'est l’entrisme des frères musulmans ou c'est ceux qui veulent utiliser ce rapport ? 

François Bayrou : Je pense que tous ceux qui veulent faire que la loi religieuse devienne plus importante que la loi civile, cela ne respecte pas les principes français. 

Apolline de Malherbe : Donc il faut faire quelque chose ?

François Bayrou : Et donc il faut le prendre en compte et l'empêcher. 

Apolline de Malherbe : Lorsqu'Emmanuel Macron dit « je suis saisi par la gravité des faits établis et je demande au Premier ministre François Bayrou et à son équipe de formuler de nouvelles propositions pour un prochain Conseil de défense début juin ». Avez-vous de nouvelles propositions ? 

François Bayrou : Les propositions, elles ont été exposées dans le Conseil de défense. Et elles étaient des propositions sérieuses. Et je suis sûr que le président de la République le sait. On peut aller plus loin, on peut le rendre plus concret d'un certain nombre de ses orientations. Mais Bruno Retailleau, qui portait une partie de ses propositions, a tout à fait proposé, annoncé un certain nombre de décisions. 

Apolline de Malherbe : Il a votre confiance, Bruno Retailleau, pour régler ces questions-là ? 

François Bayou : Oui, il est membre du gouvernement. Il a ma confiance. 

Apolline de Malherbe : Lorsque Gabriel Attal dit qu'il faut aller jusqu'à interdire le voile aux jeunes filles de moins de 15 ans, c'est là la surenchère ? 

François Bayrou : Je ne sais pas ce que ça veut dire. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire quoi « je ne sais pas ce que ça veut dire » ? 

François Bayrou : Je travaille beaucoup avec Gabriel Attal. Comment vous faites ? Ça veut dire que dans la rue, les policiers disent à une jeune fille, montrez-moi votre carte d'identité pour savoir si vous avez l'âge ? Donc je ne crois pas, et je crois que Bruno Retailleau a dit à peu près la même chose que vous citiez tout à l'heure, je ne crois pas que ce soit en dressant sur des sujets qui sont des sujets d'irritation et de montée des tensions, je ne crois pas que ce soit de cette manière qu'on puisse traiter de la question de la vie en commun des différentes communautés et différentes sensibilités religieuses en France. 

Apolline de Malherbe : Donc celui qui était visé, ce n'était ni Bruno Retailleau, ni Gérald Darmanin, mais bien Gabriel Attal ? Il fait de la surenchère ? Vous ne comprenez même pas d'où ça sort en fait. 

François Bayrou : Je comprends qu'un certain nombre d'observateurs, dont vous êtes en ce moment le porte-parole, essaient de dresser les uns contre les autres, les membres du gouvernement, les communautés religieuses... 

Apolline de Malherbe : Je ne dresse personne n'est un contre les autres, François Bayrou. Je constate simplement ce que vous dites, on a fait des propositions, elles sont sages…

François Bayrou : Sérieuses.

Apolline de Malherbe : En revanche, celles-ci, ce n’est même pas que vous la rejetez, c'est que vous ne comprenez même pas. 

François Bayrou : Oui, je ne comprends pas comment, pratiquement, on peut poser cette question. 

Apolline de Malherbe : Et lorsque Bruno Retailleau dit qu'il souhaite inscrire dans la Constitution, je cite cette phrase, « que nul ne peut se prévaloir de sa religion, de ses croyances, de ses origines pour échapper à la règle commune ». Est-ce que vous considérez que c'est une piste sérieuse ? 

François Bayrou : Non, je pense que c'est déjà dans la Constitution. 

Apolline de Malherbe : Donc on n'a pas besoin de le rajouter ? 

François Bayrou : C'est dans les principes français. 

Apolline de Malherbe : Donc il n'y a pas besoin de le rajouter ? 

François Bayrou : Je vais vous dire, je ne prends pas de leçons sur ce sujet. Celui qui a interdit le voile à l'école, c'est moi. Et il y a une très bonne étude d'un sociologue qui s'appelle Éric Morin qui dit que c'est par la circulaire que j'ai prise dans les années 90, que le voile a disparu dans les écoles. Et on a fait ça sans avoir à mettre un affrontement entre les différentes sensibilités. Je veux que la France conserve ses principes et je veux que ces principes-là ne servent pas à l'affrontement entre les uns et les autres. Vous comprenez ce que je veux dire parce que c'est... 

Apolline de Malherbe : Vous aviez dit d'ailleurs, François Bayrou, vous aviez dit je veux lancer un grand débat sur ce que cela signifie d'être Français. 

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : On en est où ? 

François Bayrou : Eh bien le Conseil économique et social et environnemental a pris la responsabilité de l'organiser et je l'aiderai de toutes mes forces. 

Apolline de Malherbe : Donc ce débat aura lieu ? 

François Bayrou : Il aura lieu. 

Apolline de Malherbe : Sous quelle forme ? 

François Bayrou : Partout en France, organisé par les conseils économiques et sociaux et par les conseils économiques et sociaux régionaux. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, je précise pour ceux qui nous rejoignent, il est 9h08, on est bien sur RMC et BFM TV et vous répondez à toutes mes questions. Il y a des questions aussi sur la sécurité, cette annonce par exemple d'une prison en Guyane avec un quartier de très haute sécurité. Vous disiez « jamais sans les Français ». Les élus guyanais disent on n'a pas été consultés. Était-ce la mauvaise méthode ? 

François Bayrou : En tout cas, je sais qu'il faut les consulter. Alors, reprenons les choses, parce qu’il y a eu plein d'interprétations. Je vous dis ce que j'ai compris après avoir parlé avec le garde des Sceaux. Il y a une prison en construction en Guyane qui fait 500 places ou 550 places. Sur les places de cette prison, on peut en prendre quelques dizaines pour faire un quartier de haute sécurité. Est-ce que c'est possible ? Oui. Est-ce qu'il faut en discuter avec les élus de Guyane ? Assurément. 

Apolline de Malherbe : Il vous avait prévenu, vous ?

François Bayrou : Non, mais il est dans l'exercice de sa mission. 

Apolline de Malherbe : Donc, en tout cas, vous y êtes favorable. Si c'est fait en accord avec les Guyanais ?

François Bayrou : Si c'est fait en accord avec les élus et dans le projet de cette prison qui est en construction, qui commence à peine. Vous voyez, une des difficultés que nous avons... 

Apolline de Malherbe : La méthode, quand même, François Bayrou, c'est-à-dire que... Vous vous dites « jamais sans les Français ». Mais il y a certains de vos ministres qui font des trucs sans le Premier ministre. 

François Bayrou : Oui. Sans, non. Ils avancent des idées et puis on regarde après si ces idées sont acceptées et comment on les fait entrer dans la réalité. 

Apolline de Malherbe : Mais cela vous convient ? Vous avez confiance en lui ? 

François Bayrou : L'idée qu'un gouvernement, c'est des sensibilités différentes. Et ces sensibilités différentes, elles doivent pouvoir vivre ensemble, là encore. Et qu'on fait en sorte que les idées soient validées une fois qu'elles sont lancées, c'est une méthode nécessaire. 

Apolline de Malherbe : Et pardon, mais j'en profite, quelle est votre méthode avec Emmanuel Macron ? 

François Bayrou : Bah il est président de la République, je suis Premier ministre…

Apolline de Malherbe : Ça, je sais bien.

François Bayrou : Nous nous connaissons depuis longtemps. Il est dans l'exercice de ses responsabilités, je suis dans l'exercice des miennes, et nous avons une relation pas seulement de confiance, mais une vision en commun de ce que doit être l'avenir du pays. 

Apolline de Malherbe : Mais je me dis qu'au fond, la cohabitation, elle n'est peut-être pas entre vous et le président, mais elle est peut-être entre vous et vos ministres. 

François Bayrou : Pas du tout. 

Apolline de Malherbe : Pas du tout ? 

François Bayrou : Pas du tout. J'ai voulu des ministres poids lourds. Et j'ai voulu que ces ministres poids lourds puissent s'exprimer. Parce qu'ils portent chacun une part de la sensibilité du pays. Simplement, lorsque le moment de la décision vient, pas de la proposition, de la décision vient - vous avez vu qu'il y a eu beaucoup d'annonces sur l'économie, les finances, les impôts, et que j'ai rappelé que ce n'était pas la multiplication des annonces qui était nécessaire. C'était qu'on vérifie la faisabilité de tout ça, avec des principes. Et donc, chacun existe dans le gouvernement avec sa sensibilité, mais il y a un chef du gouvernement et il y a une équipe. 

Apolline de Malherbe : Vous avez lu la lettre de la mère d'Elias ? 

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : Elias, c'est ce jeune garçon qui est mort le 24 janvier dernier, tué par deux autres adolescents à peu près du même âge, dans le 14e arrondissement de Paris. Elle l'a écrite le jour de la fête des mères, elle dit : « mais qui s'est moqué d'Elias ? Est-ce ces deux adolescents de 16 et 17 ans qui en toute impunité depuis 2021 réitèrent des vols avec violence ? Ces deux adolescents qui malgré une interdiction juridique d'entrer en contact se retrouvent régulièrement autour du stade Jules Noël pour commettre des délits ? Est-ce leurs parents et l'instabilité des cellules familiales ? Est-ce cette mère, M-A-I-R-E, qui n'a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade qu'elle savait pourtant mal fréquenté ? Est-ce les médias qui n'ont pas eu l'honnêteté d'écrire les mots « machette » et « hachette » qui ont tué son fils ? Est-ce au fond les juges ? Les juges des enfants qui ordonnent à deux reprises en 2023 et en 2024 une interdiction d'entrer en contact de deux délinquants sans même vérifier leurs adresses et sans s'apercevoir qu'ils habitent dans la même résidence ? Les différents ministres de la Santé, de l'Éducation nationale, de la Justice de l'Intérieur qui n'ont pas pris la mesure depuis des années de la dérive d'une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l'impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence » ? Qui s'est moqué d'Elias ? 

François Bayrou : Je suis du côté de sa maman. Et vous aussi, quand on lit ces mots-là, et qu'on pense au jeune garçon qu'il était, et à qui la vie a été arrachée par arme blanche. 

Apolline de Malherbe : « Je dirais les mots de machette et de hachette qui sont utilisés ». 

François Bayrou : On a laissé faire tout ça, n'est-ce pas ? 

Apolline de Malherbe : Est-ce que ça va changer ? 

François Bayrou : Oui, ça va changer. En tout cas, j'ai réuni sur l'arme blanche des décideurs différents et nous allons prendre un certain nombre de décisions, ne serait-ce qu'une décision d'interdiction. Qu'il ne soit plus accepté que des adolescents puissent se promener avec des couteaux, des lames, des hachettes ou des machettes. C'est la France qui est en jeu. Et donc, oui, nous allons avoir - le groupe de travail va me rendre ses conclusions dans les heures qui viennent. 

Apolline de Malherbe : Vous pouvez dire cela ce matin à la maman d'Elias ? 

François Bayrou : En tout cas, je peux dire à la maman d'Elias que sur ce sujet-là, sa parole, son cri de douleur et de rage ne seront pas inutiles. Mais évidemment, j'ai même proposé... 

Apolline de Malherbe : Mais une France à peu près, où les choses ne sont pas vraiment appliquées, où les choses ne sont pas vraiment vérifiées. 

François Bayrou : Une France, un monde à peu près. 

Apolline de Malherbe : Enfin là, en l'occurrence, c'est la France. 

François Bayrou : Non, mais ce n'est pas seulement la France. 

Apolline de Malherbe : Est-ce que quand vous dites ça, il n'y a pas une manière de se déresponsabiliser, de dire, bon, c'est l'époque ? 

François Bayrou : Quand la maman d'Elias dit, les réseaux sociaux... 

Apolline de Malherbe : Oui, mais quand elle dit les juges qui, en 2024, ne vérifient pas les adresses, disent qu'ils n'ont pas le droit de se parler, mais ils habitent à 20 mètres. 

François Bayrou : Elle a intégralement raison. Mais la société dans laquelle on vit, est une société de violence perpétuelle. Et tout le monde y participe, y compris les réseaux sociaux, y compris les médias. Parce que ce qu'on préfère mettre en valeur, c'est évidemment ce qui est le plus brutal et ce qui est le plus plein d'affrontements. 

Apolline de Malherbe : Là, en l'occurrence, c'était l'inverse. Nous avions minimisé. Nous n'avons pas utilisé les mots « machette » et « hachette ». On aurait dû le faire.

François Bayrou : Oui, parce qu'on ne l'a pas su. 

Apolline de Malherbe : Je ne suis pas sûre. 

François Bayrou : Moi, en tout cas, j'ai demandé le rapport et ces mots n'étaient pas dans le rapport. 

Apolline de Malherbe : Ce mots n'étaient pas dans le rapport. Je voudrais qu'on pose aussi la question de la sécurité. Je voudrais que vous écoutiez Thierry. Thierry, il est gérant d'un magasin d'articles de golf avenue Marceau, dans le quartier des Champs-Élysées. Alors, pourquoi Thierry ? Parce que son magasin, il a déjà été dégradé, il y a trois semaines, après la qualification du PSG, par des individus cagoulés qui étaient venus, dit-il, fêter la qualif’. Il redoute que ça recommence samedi. Et je voudrais que vous l'entendiez et qu'on se pose la question simplement de savoir si on peut se réjouir autrement qu'en allant casser des vitrines. Écoutez. 

[Vidéo] Thierry : Voilà l'outil qui a été utilisé pour vandaliser notre vitrine. C'est un pavé qui fait pas loin de 3-4 kilos. Différents commerçants ont retrouvé également devant leur commerce ce type de pavé. Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : pouvez-vous nous garantir que l'avenue sera suffisamment protégée pour que nous n'ayons pas à craindre d'un autre acte de vandalisme dans notre commerce ? Et quelles sont les ressources que vous souhaitez mobiliser pour éviter que les commerçants soient à nouveau impactés par ce vandalisme ? 

Apolline de Malherbe : Vous pouvez le rassurer ?

François Bayrou : Je peux garantir que l'avenue sera protégée. Je peux garantir que les services de police, la préfecture de police et la sécurité sont mobilisés pour éviter ce genre d'insupportable désordre. Et je lui dis que oui, mais je sais très bien que partout, c'est pas seulement l'avenue Marceau, n'est-ce pas ? C'est que partout, hélas, ce genre de choses se produit. On a mobilisé des milliers de policiers. Le ministre de l'Intérieur, le préfet de police, ont mobilisé des milliers de policiers pour que l'ordre soit maintenu. Mais on a affaire à forte partie, n'est-ce pas ? Et donc, je ne prétends pas que tout soit réglé. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas de risque. Je dis que nous nous préparons au risque. 

Apolline de Malherbe : « Nous nous préparons au risque ». Mais vous ne pouvez pas garantir à 100%, c'est-à-dire que vous avez quand même l'impression qu'il y a quelque chose d'un peu hors de contrôle dans cette façon de se réjouir, entre guillemets. 

François Bayrou : Chaque fois qu'il y a ce genre de célébration, si j'ose dire, chaque fois vous avez des incidents de cet ordre. Chaque fois, il y a des black blocs. Chaque fois, on les arrête. Chaque fois, on les met en prison et puis ils ressortent de prison. Et donc, cette nécessité, cette exigence de sécuriser, elle n'est pas sans aucun risque. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, aujourd'hui aura lieu le vote en première lecture des deux textes sur la fin de vie. Vous avez d'ailleurs voulu deux textes. Un premier texte sur l'accès aux soins pour soulager la souffrance, les soins palliatifs. Un autre texte pour autoriser un droit à mourir. Est-ce que vous souhaitez que ces deux textes soient adoptés ? 

François Bayrou : Ces deux textes sont soumis au vote séparément pour que nul ne soit obligé de voter pour l'un pour obtenir l'autre. Et c'est le sens de la décision que j'ai prise de séparer les deux textes. Le texte sur la fin de vie, je pense qu'il devrait être adopté à l'unanimité, ou en tout cas la plus large majorité possible. Pourquoi ? Parce que les soins palliatifs c'est un devoir à l'égard des malades, à l'égard de la société. 

Apolline de Malherbe : Vous avez dit le texte sur la fin de vie, non, vous vouliez dire le texte sur les soins palliatifs ? 

François Bayrou : J'ai dit le texte sur les soins palliatifs, je pense qu'il devrait être adopté à l'unanimité. 

Apolline de Malherbe : Vous le souhaitez ? 

François Bayrou : Je le souhaite. Et l'autre texte, je pense qu’il commence son parcours parlementaire. Le débat a été extrêmement digne, extrêmement intéressant, et a, d'une certaine manière, honoré le Parlement dans les temps où ça n'arrive pas tous les jours. Après, il y a des questions qui continuent à se poser. 

Apolline de Malherbe : Lesquelles ? 

François Bayrou : Une question très simple. Est-ce que toutes les précautions sont prises pour que le texte, pour que ce type de pratique ne devienne pas très large ? Je vous donne un chiffre. Le Canada a adopté un texte comme celui-là et on disait qu'il y aura à peu près 200 personnes par an qui seront l'objet de cette fin de vie. 

Apolline de Malherbe : Et aujourd'hui c'est 5 217. 

François Bayrou : Non, aujourd'hui c'est 15 000. 

Apolline de Malherbe : Et c'est même 15 000 en tout. Et c'est près de 10% aujourd'hui, 10% des morts, des décès sont aujourd'hui sur ce point au Québec. 

François Bayrou : Et aux Pays-Bas, c'est 10 000, ce qui pour la France voudrait dire 35 000. 

Apolline de Malherbe : Ça pour vous, ça n'est pas souhaitable ? 

François Bayrou : Je pense qu'il y a une question. Et que cette question, les parlementaires se la sont posée, qu'ils vont continuer à se la poser. Les décisions qui vont être prises, elles vont partir au Sénat, et le Sénat apportera lui-même sa lecture, puis elles reviendront à l'Assemblée. J'ai confiance dans la démarche parlementaire pour que toutes les interrogations soient levées. Mais vous sentez bien que ce que j'exprime, c'est qu'il y a là quelque chose d'infiniment précieux pour l'idée que nous nous faisons de la vie et de la mort. Et autrement dit, pour l'idée que nous nous faisons de la nature humaine, ça n'est pas parce que tu es malade que tu es moins digne de soins, d'attention, de respect. Ça n'est pas parce que tu es handicapé que tu es moins digne de soins, d'attention et de respect. Chez nous, la vie, elle est honorée comme la chose la plus précieuse. 

Apolline de Malherbe : Si je vous entends, François Bayrou, j'entends un doute chez vous. 

François Bayrou : Je ne dis pas un doute, j'ai des interrogations sur ce texte. 

Apolline de Malherbe : Et quand il y a des interrogations sur un texte, est-ce que vous vous dites : bon, dans le doute j'y vais quand même, ou dans le doute j'y vais pas ? 

François Bayrou : Non, je me dis, heureusement le Parlement dans son organisation va pouvoir poser toutes ces questions. Il y a une deuxième question qui se pose autour d'un mot dont je crois qu'il est ambigu : le délit d'entrave. On a sanctionné sévèrement l'entrave. Qu'est-ce que ça veut dire ? Et qu'est-ce qu'avaient en tête ceux qui vont voter le texte ? C'est, vous vous souvenez, ces agressions qui ont eu lieu contre les services d'IVG. Et ça, ça n'est pas acceptable. Une fois que c'est entré dans la loi, ça n'est pas acceptable. Mais ça n'est pas une entrave que d'essayer de persuader quelqu'un de vivre. Et les services de soins palliatifs, tous les jours, par milliers en France, ils tiennent la main de ceux qui sont au bout de leur vie et qui voudraient cependant continuer à vivre. Et ce souci du plus faible, ce souci du plus fragile, ce souci de celui qui est seul, c'est ça la marque de la société que je souhaite pour la France. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire, François Bayrou, que tenter de convaincre quelqu'un, même s'il a exprimé une fois, deux fois son souhait de mourir, ça n'est pas une entrave ? 

François Bayrou : Tenter de convaincre, ça n'est pas une entrave. 

Apolline de Malherbe : Il faut pouvoir tenter de convaincre. Vous avez vu les mots des évêques d'Ile-de-France qui se sont adressés aux députés hier et qui disent qu'à leurs yeux, le problème c'est que la mort va désormais apparaître presque comme un soin. Et ils parlent des unités de soins palliatifs, ils disent dans ces unités de soins palliatifs, des femmes et des hommes qui demandaient à mourir changent d’avis. On est exactement sur ce que vous dites à l'instant. Parce qu'ils sont regardés non pas comme des presque morts, mais comme des toujours vivants, à écouter, à soigner, à soutenir et à soulager dans leurs douleurs et leurs angoisses. Le problème, c'est que vous avez fait deux textes. Mais aujourd'hui, au moment où on se parle, est-ce que vous pouvez dire, François Bayrou, que tous les malades français dont on pourrait soulager la souffrance, on le fait vraiment ? 

François Bayrou : Non. 

Apolline de Malherbe : Non ? 

François Bayrou : Non. 

Apolline de Malherbe : Donc est-ce que la liberté du choix est réelle ? 

François Bayrou : Il y a une trentaine de départements, si ma mémoire est fidèle… 

Apolline de Malherbe : Il y en a 22 départements en France où il n'y a pas de services palliatifs. 

François Bayrou : … où il n'y a pas de services de soins palliatifs. 

Apolline de Malherbe : Et les autres il y a des services de soins palliatifs, mais qui sont souvent déjà saturés. 

François Bayrou : Oui, c'est vrai. Mais c'est déjà un immense progrès. J'ai beaucoup travaillé avec les médecins et les infirmiers de soins palliatifs. Ils sont ce que l'humanité fait de plus compréhensif, de plus généreux. Et je ne veux pas qu'ils se sentent abandonnés. Alors j'entends très bien ceux qui disent « mais moi, dans mon état, je veux pouvoir accéder à la mort si je ne peux plus faire autrement. » Je comprends ça. Et il y a eu de très grands combats dans l'humanité pour tout ça. Mais simplement, ce que je veux, c'est qu'il n'y ait pas de détournement de la loi pour faire de ce qui devrait être un acte ultime, un acte normal et banal. 

Apolline de Malherbe : Si je vous écoute, François Bayrou, en l'état, vous, député, vous ne le voteriez pas ? 

François Bayrou : Non, ce n'est pas ce que je dis. 

Apolline de Malherbe : Ce soir, je veux dire. Vous le feriez évoluer éventuellement, mais tel qu'il est aujourd'hui, non ? 

François Bayrou : Je pense que ce soir, je m'abstiendrai, oui. 

Apolline de Malherbe : Voilà. Ce soir, vous ne le voteriez pas. 

François Bayrou : Je pense que c'est le début d'un processus. Je pense que les soins palliatifs, on doit les organiser partout, que ça devrait être une obligation morale de la nation. Et pour ce qui est de l'intervention pour faire mourir quelqu'un, y compris à sa demande, y compris avec les vérifications nécessaires, alors il faut qu'il n'y ait plus d'ambiguïté sur le sujet. Et j'ai absolument confiance dans le Sénat, et puis le retour à l'Assemblée, pour que les deux questions que j'ai posées, c'est-à-dire que ça ne devienne pas un acte de régulation de la société, un service public. 

Apolline de Malherbe : Certains disent, Claire Fourcade, qui est à la tête des représentants de certains soins palliatifs, dit qu'il y a même un enjeu économique. C'est-à-dire qu'à un moment, la question pourrait se poser, face aux dérives des comptes publics…

François Bayrou : Il y a des gens qui disent ça ! 

Apolline de Malherbe : …de se dire, au fond, ça coûtera moins cher que quelqu'un…

François Bayrou : Absolument. 

Apolline de Malherbe : …on cesse de le soigner mécaniquement que de devoir, pendant des années, lui apporter des soins très coûteux. 

François Bayrou : Il y a des gens qui disent ça. Ils ont même un calcul économique. Ils disent, ce qui coûte le plus cher à la sécu, c'est les six derniers mois de la vie humaine. Et donc, si on peut raccourcir après tout, pourquoi ne le ferait-on pas ? Je suis en désaccord complet avec une approche aussi instrumentalisée. Je ne veux pas employer de mots excessifs. La vie humaine, c'est ce que nous avons de plus précieux et c'est ce dont nous avons la charge. La vie des malades, la vie des handicapés, la vie des fragiles, la vie de ceux qui ne peuvent plus… On est là pour les aider. J'ai beaucoup aimé la phrase que Jean Leonetti, l'auteur de la première loi, a eue. Il a dit « cette loi, elle dit deux choses très simples. Un, on ne te laissera pas tout seul. Et deux, on ne te laissera pas souffrir ». Et c'est sur cette ligne que je suis. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, vous avez été entendu par la commission sur Notre-Dame de Bétharram. Vous avez dit que vous n'aviez pas menti. Est-ce que vous avez malgré tout des regrets ? 

François Bayrou : J'ai des regrets que cette affaire ait été instrumentalisée. Que cette affaire, qui est un drame pour des dizaines et des dizaines... Partout en France maintenant, on sait bien qu'il y a des exemples partout en France. C'est un drame pour eux. Et ça a été instrumentalisé comme une affaire politique. 

Apolline de Malherbe : Mais votre premier regret, François Bayrou, ce n'est pas de ne pas avoir vu ? 

François Bayrou : J'ai vu et je suis intervenu. 

Apolline de Malherbe : Suffisamment ? 

François Bayrou : Vous savez, j'ai mis en ligne, peut-être on peut s'arrêter une seconde à ça, j'ai mis en ligne tous les documents... 

Apolline de Malherbe : Je sais ce que vous allez me dire, j'ai cliqué dessus. 

François Bayrou : Oui, voilà. 

Apolline de Malherbe : Ça ne s'ouvre pas, ça bug. Donc vous nous dites que vous avez mis les documents, mais j'avoue, je n'y ai pas accès.

François Bayrou : Mais parce que vous ne m'écoutez pas. Alors si vous m'écoutez, je vous explique ce qui s'est passé. Nous avons mis ces documents en ligne vendredi soir. Et puis dimanche, il y a eu une attaque massive, une cyberattaque massive pour faire sauter le site bayrou.fr. 

Apolline de Malherbe : Pour faire sauter le site bayrou.fr ? 

François Bayrou : Et le site a sauté. Et puis on l'a remis en ligne et il y a eu une attaque encore beaucoup plus massive. 

Apolline de Malherbe : Mais qui fait ça ? 

François Bayrou : Et notre hébergeur, hier, nous a dit « je ne peux pas continuer à héberger votre site parce que tous mes clients sont victimes des attaques qui sont dirigées contre vous. » 

Apolline de Malherbe : Mais qui attaque votre site ?

François Bayrou : Je n'en sais rien. Pourquoi ? Parce que ça doit gêner quelqu'un. Puisque j'ai mis en ligne la preuve absolue par des documents que toutes les accusations étaient fausses. 

Apolline de Malherbe : Donc, vous dites ce matin que c'est un bug, c'est une attaque informatique ? 

François Bayrou : Je ne dis pas, j'affirme, et nous allons porter plainte. J'affirme que ce site qui était simplement la mise en ligne de tous les documents a été l'objet d'une cyberattaque pour faire sauter le site. 

Apolline de Malherbe : Vous allez porter plainte ? Vous pensez quoi ? Que c'est vos opposants politiques ? 

François Bayrou : Je ne sais pas. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, ça me frappe quand même. Je vous demande si vous avez des regrets. Vous me dites, je regrette que ce soit instrumentalisé. Vous dites, j'ai vu, j'ai fait ce qu'il fallait. Pour votre fille, vous n'avez pas vu. Comment vous avez vécu ça ? Comment vous, vous l'avez vécu ? Comment vous en avez parlé avec elle depuis ? 

François Bayrou : D'abord, je n'ai jamais cessé de parler avec mes enfants. Y compris quand les enfants se taisent et elle, elle s'est tue. 

Apolline de Malherbe : Elle le dit, en effet. 

François Bayrou : Et pas seulement elle, mais dans toutes les familles, il y a des enfants qui se taisent. Vous savez, vous vous souvenez des mémoires de Marcel Pagnol ? Un des mémoires d'enfance de Marcel Pagnol. Un des trois volumes s'appelle « Le temps des secrets ». Il faut des secrets quand on est adolescent, quand on est enfant, c'est naturel. Mais les secrets ne devraient pas toucher les atteintes à l'intégrité. 

Apolline de Malherbe : Est-ce que si on vous avait dit, vous pensiez… Si elle vous avait dit, vous l'auriez entendue, vous l'auriez sortie de cette école ? Vous auriez en l'occurrence du camp de vacances dans lequel elle était ? 

François Bayrou : Oui, sans aucun doute. Je crois d'ailleurs qu'elle n'y est pas retournée. 

Apolline de Malherbe : Pour vous, vous avez tout dit ? Vous n'avez plus rien à cacher ?

François Bayrou : Mais je n'ai jamais rien caché. Peut-être c'est pour ça que ces attaques font que notre site saute. Vous vous rendez compte dans quel pays on vit, dans quelle démocratie on vit ? Un responsable politique, Premier ministre de surcroît, qui est attaqué ignominieusement pendant des mois avec des gens qui prétendent qu'il a caché, qu'il a protégé le pire du pire du pire et qui apporte la preuve que tout ça est faux. Et vous avez des gens qui montent des attaques numériques massives pour qu'ils ne puissent pas montrer les documents. Qu'est-ce que c'est ce pays-là ? C'est du totalitarisme. 

Apolline de Malherbe : Vous estimez que c'est du totalitarisme ? 

François Bayrou : J'estime que ce genre d'attaque... 

Apolline de Malherbe : Demander des preuves, des éléments, c'est du totalitarisme ? 

François Bayrou : Non, vous ne m'avez pas écouté, n'essayez pas de détourner. 

Apolline de Malherbe : Non, le fait qu'on vous demande, qu'on vous redemande... 

François Bayrou : Je dis que les cyberattaques qui sont conduites, et pas seulement ça... parce que des attaques numériques, il y en a mille sur les réseaux sociaux. Je dis qu'empêcher un homme et un responsable politique d'apporter les preuves... 

Apolline de Malherbe : Donnez-les-nous. François Bayrou, donnez-moi les preuves. Donnez-les-moi, moi je les montrerai sur BFM, je les montrerai sur RMC. Si votre site internet bug... Ce que je veux dire, c'est que si votre site internet bug, il y a d'autres moyens de les donner. Ce pays n'empêchera pas que des documents puissent être remontrés. 

François Bayrou : Et bien je vous transmettrai la totalité des documents et vous les mettrez en ligne aussi. 

Apolline de Malherbe : Très bien. Je m’y engage.

François Bayrou : Et vous donnerez tous les textes et tous les documents. 

Apolline de Malherbe : Que les choses puissent être vues, dites et commentées. 

François Bayrou : Vues, dites et montrées à tous pour montrer que toutes ces attaques-là étaient absolument le contraire de la vérité et de la réalité. Je donne tous les documents, je donne toutes les preuves de l'action que j'ai conduite, y compris comme ministre, à l'égard de tout ça. 

Apolline de Malherbe : Et nous nous engageons à les montrer. 

François Bayrou : Et pourquoi veulent-ils empêcher qu'on les montre ? Pourquoi ? 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, vous pensez quoi ? Qu'est-ce que vous dites ? 

François Bayrou : Je pense que ce qu'il ne supporte pas, c'est que la vérité s'impose. Ce qu'il, je ne sais pas qui est « il », français ou extérieur, mais il ne supporte pas que la vérité s'impose. 

Apolline de Malherbe : Ou extérieur, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça peut être une ingérence extérieure ? 

François Bayrou : On a l'habitude maintenant. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, ça fait une heure dix que vous répondez à mes questions, très nombreuses questions, et notamment en effet, puisque vous estimez que c'est le nerf de la guerre sur la question du budget, si j'ai bien compris, vous ouvrez le débat sur la TVA sociale ou en tout cas sur un financement autre que par le seul travail pour le modèle social, mais on... 

François Bayrou : Pour améliorer le rendement du travail, pour que le travail paie plus et que les entreprises ne soient pas limitées dans leur développement. 

Apolline de Malherbe : Et avant le 14 juillet…

François Bayrou : Oui. 

Apolline de Malherbe : …vous donnerez ce plan et tous les Français, mais vous arriverez à les en convaincre, accepteront de faire des efforts. 

François Bayrou : Alors ça, votre dernière phrase est quand même assez optimiste. Tous les Français, j'espère une majorité de Français, j'espère un nombre substantiel de Français, mesureront qu'on ne peut pas continuer comme ça et que les seuls alliés qu'ils trouvent dans la situation présente, c'est ceux qui leur disent on va en sortir. On va revenir en trois ou quatre ans à un pays estimable qui fait face à ses obligations et notamment à ses obligations à l'égard de ses enfants. 

Apolline de Malherbe : Allez-vous tenter à nouveau de convaincre Emmanuel Macron d'un référendum sur les finances ? 

François Bayrou : Je vous promets que je vais en parler avec lui. 

Apolline de Malherbe : Écoutez, ce sera déjà pas mal. Merci beaucoup François Bayrou en tout cas d'avoir répondu à mes questions ce matin et d'avoir accepté d'y répondre sur RMC et BFM TV.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par