François Bayrou : « Les jeunes générations ne sont absolument pas condamnées. Mon propos est un propos qui ouvre l’avenir »
Dimanche 7 septembre à 12h00, François Bayrou était en direct sur Brut pour répondre aux questions de Rémy Buisine et des internautes. Le Premier ministre s'est exprimé avec précision sur des sujets majeurs : la dette publique, l'éducation, l'économie, la santé mentale des jeunes ou encore l'écologie pour son dernier entretien avant d'engager sa responsabilité et celle de son gouvernement devant l'Assemblée nationale.
RÉMY BUISINE : Bonjour à tous et bienvenue sur Brut en ce dimanche midi à 24h d'une échéance politique majeure où le gouvernement de François Bayrou va donner sa responsabilité finalement face aux députés. Ce vote il aura lieu demain et pour en parler, François Bayrou, le Premier ministre, est notre invité aujourd'hui. Il accorde sa dernière interview à Brut, donc avant ce vote qui aura lieu demain et aussi ce discours. Bonjour à vous Monsieur le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Bonjour.
RÉMY BUISINE : Merci d'avoir accepté notre invitation. Pas mal de questions qui se posent. Alors évidemment, je salue aussi toute la communauté Brut parce que je sais qu'il y a eu énormément de commentaires. Et durant ce live, on va essayer de prendre toutes les questions, en tout cas la synthèse des questions des personnes dans les commentaires. Donc l'occasion également de dire qu'on est diffusé en live sur TikTok, Instagram, Twitter et beaucoup d'autres réseaux. Mais justement, à 24 heures, j'avais envie de vous poser cette question de timing. Est-ce que vous avez encore des contacts ces dernières heures avec les autres formations politiques ?
FRANÇOIS BAYROU : J'ai des contacts avec des représentants des formations ou avec des députés des formations. J'ai surtout des contacts avec les Français parce que c'est ceux qui sont en fait au centre des décisions. Alors c'est leurs députés qui votent. Mais normalement les députés sont destinés à représenter les Français. Et les députés en fait sont libres de leur vote. Ils ne devraient pas être prisonniers des mots d'ordre, des formations politiques. Donc je m'adresse plutôt aux gens directement. qu'ils soient citoyens ou députés.
RÉMY BUISINE : Et c'est ce qu'on va faire durant cette interview, pendant un quart, et je salue les gens qui nous regardent, n'hésitez pas à agir dans les commentaires. Mais si je vous pose cette question, c'est qu'on est quand même à un moment donné, à 24 heures de ce vote-là, où il y a eu les tractations, enfin en tout cas les rencontres en début de semaine, c'est de se dire finalement, est-ce que vous actez que c'est terminé et que vous allez partir demain ?
FRANÇOIS BAYROU : Absolument jamais je ne déclare que c'est terminé, parce que d'abord, c'est comme ça que je vis. Et puis c'est comme ça qu'il faut affronter ces questions. L'idée que toutes les formations politiques ont dit qu'elles allaient abattre le gouvernement.
RÉMY BUISINE : Elles l'ont dit ?
FRANÇOIS BAYROU : Toutes.
RÉMY BUISINE : Si on se fie à ce qu'elles ont dit, c'est fini ?
FRANÇOIS BAYROU : En dehors des formations qui sont membres du gouvernement, elles disent toutes qu'il faut abattre le gouvernement. Et à quoi ça sert d'abattre le gouvernement ? Voilà des formations politiques qui, non seulement, ne sont d'accord sur rien, mais bien pire que ça, sont en guerre civile ouverte les unes avec les autres et en haine les unes avec les autres. Et elles se mettent ensemble pour abattre le gouvernement.
RÉMY BUISINE : Vous parlez de guerre civile entre les formations politiques ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, entre LFI et le Rassemblement National, c'est quoi ? C'est de la guerre civile. y compris parfois dans l'hémicycle physique, les députés des uns qui refusent d'accorder un regard ou de serrer la main aux députés des autres, même quand ce sont des jeunes députés. Ce sont des formations qui sont hostiles jusqu'aux racines les unes aux autres et qui vont s'allier pour abattre le gouvernement sur une question assez simple, c'est est-ce que la situation du pays est grave et urgente ? Et donc ils disent tous, la main sur le cœur, « oui, bien entendu, on est tous d'accord pour dire que c'est grave ». Mais chaque fois qu'on propose une solution, une décision, ils disent, « ah ça non, pas pour nous ». Et cette espèce de système de dénégation et de refus généralisés, ça n'est pas l'intérêt de la France aujourd'hui. L'intérêt de la France est de regarder en face la situation du pays, la situation du monde, et d'apporter des réponses.
RÉMY BUISINE : On aura l'occasion justement d'apporter beaucoup de réponses et justement de questions que les gens se posent. Mais quand j'entends vos termes, est-ce que ça ne veut pas dire quelque part que durant ces neuf mois, vous avez été présent notamment régulièrement à l'Assemblée nationale pour répondre aux questions des députés.
FRANÇOIS BAYROU : Chaque semaine, oui.
RÉMY BUISINE : Est-ce que vous n'avez pas eu, je ne sais pas, une forme de dégoût, ce n'est peut-être pas le terme, mais quand j'entends vos termes, on sent quand même une forme de colère par rapport à ce que vous avez pu voir ces derniers mois dans l'hémicycle.
FRANÇOIS BAYROU : La colère, ce n'est pas la mienne seulement. Interroger cette semaine dans un sondage pour demander aux Français si les formations politiques étaient à la hauteur de la situation. La réponse des Français a été à 85% non.
RÉMY BUISINE : Et votre sentiment à vous ?
FRANÇOIS BAYROU : Je pense qu'il y a un vrai problème de se mettre à la hauteur des temps que nous vivons. Un vrai problème de dire, bon, on a des différences, on a parfois des divergences, mais on ne peut pas transformer ça en affrontement perpétuel. On peut ne pas être d'accord avec telle ou telle mesure. J'attends de voir quelle autre mesure sera présentée. On peut ne pas être d'accord, ce n'est pas une raison pour abattre un gouvernement, pour que la France se retrouve, et dans quelles conditions, et peut-être avec des difficultés pour la suite, pour abattre un gouvernement. Donc oui, l'idée que je me fais des formations politiques, et j'en ai construit une, j'en préside une, j'ai de l'affection pour l'engagement politique. Mais l'idée que ce qui doit l'emporter, c'est la guerre entre les uns et les autres, et que la mission d'un parti doit être d'abattre ceux qui essaient de faire quelque chose, ça je ne le comprends pas, je ne suis pas le seul à ne pas le comprendre. Pour ceux qui aiment l'histoire, dans ceux qui vous écoutent, De Gaulle sait exactement ce qu'il a vécu. Il venait de libérer la France en 1945. Il a conduit la guerre contre l'Allemagne nazie, il libère la France, on lui confie le pouvoir et en 12 mois, en 13 mois, il s'en va parce qu'il dit que les formations politiques ne sont pas capables de s'entendre.
RÉMY BUISINE : Vous dites le terme « abattre », c'est vraiment le ressenti que vous avez eu quand vous avez rencontré les formations politiques cette semaine ? C'est-à-dire qu'en fait, ils ne sont pas du tout préoccupés par le fonds que vous évoquez, c'est-à-dire la dette, l'avenir du pays, et ils sont juste dans une guerre de partis à voir les échéances électorales à l'avenir ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors, il y a trois choses, il y a trois éléments. Le premier, c'est les déclarations. Ils disent, oui, on sait bien que la situation est grave, mais il ne faut pas essayer de la corriger trop vite. Le bateau coule, soyez prudents. N'essayez pas de réparer les choses trop vite, ça pourrait faire des efforts. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est que les relations sont courtoises avec la plupart. J'ai des relations, je connais assez bien et depuis longtemps les formations politiques, leur histoire et leurs responsables. Et la troisième chose, c'est que ceux qui le plaident, le plus souvent, c'est précisément ce qui va nous conduire, ils veulent que nous continuions dans la manière et les méthodes qui nous ont conduits à la catastrophe. Et c'est ça pour moi le plus frappant.
RÉMY BUISINE : Parce qu'eux à l'inverse, ils disent, on a été reçu, mais pas du tout entendu, écouté, c'est, ok François Bayrou il nous reçoit, mais il est inflexible. Il n'a rien à nous proposer.
FRANÇOIS BAYROU : D'abord, je suis tout à fait prêt à discuter des solutions. Et j'ai dit que c'était ouvert.
RÉMY BUISINE : Vous avez dit « pas de marchandage », hier.
FRANÇOIS BAYROU : Si vous les regardez, c'est très simple. Le Rassemblement National dit « il faut faire payer les immigrés ». Il y a tout cet argent qu'on gaspille pour les étrangers. Et c'est là-dessus qu'il faut aller chercher. Et le Parti Socialiste dit, vous avez cette semaine pris une décision pour que l'aide médicale d'État qui s'adresse aux étrangers en situation irrégulière soit corrigée, précisée. Par exemple, il y avait qu'on pouvait prendre en charge la balnéothérapie. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens le faisaient, mais quand même, vous voyez, il y a quelque chose d'un peu choquant. Vous aurez observé d'ailleurs que les deux auteurs, un de tradition gaulliste et même de droite, et l'autre socialiste qui avait ensemble écrit un rapport sur ce sujet, Stefanini et Evin. Stefanini a dit « c'est la première fois qu'un gouvernement prend en charge cette question », il a dit ça cette semaine. Donc quand on fait ça le Parti Socialiste dit « nous avons été scandalisés que vous osiez toucher à l'aide médicale d'État » . Ils sont radicalement en opposition et en hostilité les uns avec les autres. Qu'est-ce qu'on construit de bon en additionnant des gens qui ne s'entendent sur rien pour abattre un gouvernement qui essaie de faire face à la question la plus importante du temps ?
RÉMY BUISINE : On a quelques questions d'actualité à vous poser mais je vais quand même vous relancer sur l'état d'esprit. On se parle en toute franchise durant cette 1h15. Est-ce que vous avez conscience que c'est probablement vos dernières 24 heures à Matignon ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, il y a pire dans la vie que d'être à la tête d'un gouvernement et que ce gouvernement rencontre des difficultés et qu'il soit renversé. Je vous assure qu'il y a beaucoup pire. La maladie d'un enfant, c'est bien pire. Le fait de se retrouver au chômage, c'est bien pire. Le fait d'avoir des mésententes dans une famille …
RÉMY BUISINE : Donc vous vous abordez à cette situation avec sérénité.
FRANÇOIS BAYROU : C'est bien pire. Et oui, je n'ai pas d'angoisse sur ce sujet. Je fais, je crois en tout cas, je fais ce que je suis certain qu'il fallait faire. Parce que vous avez vu se dérouler le processus depuis cinq mois que j'ai lancé cette question.
RÉMY BUISINE : Vous avez acté que c'est fini ?
FRANÇOIS BAYROU : Pourquoi ? En aucune manière. Si vous croyez que vous avez en face de vous quelqu'un qui baisse les bras...
RÉMY BUISINE : Non, je ne dis pas baisser les bras, mais c'est une situation qui est quand même...
FRANÇOIS BAYROU: Et qui cède, et qui va pleurer des larmes de crocodile sur une situation politique, vous vous trompez d'interlocuteur. Ce n'est pas ma nature. J'y ai aucun mérite.
RÉMY BUISINE : Je parle du fait factuel. Alors, l'idée n'est pas du tout de dramatiser, mais d'être très factuel, et de regarder ce que les formations politiques ont dit. Enfin, je veux dire, demain...
FRANÇOIS BAYROU : Eh bien, mon...
RÉMY BUISINE : Il n'y a pas beaucoup de suspense.
FRANÇOIS BAYROU : …Ma vision du monde et ma mission, c'est de faire que les Français entendent ce que j'ai à dire. Je reprends ce que je vous disais. Le processus qu'on a vu pendant l'été, depuis le printemps, c'est quand j'ai alerté sur la gravité de tout ça, et ce n'est pas d'aujourd'hui que je le fais, comme vous le savez. Quand j'ai alerté sur la gravité de tout ça, il y a des gens qui ont dit « oui, bon, probablement ». Mais tout l'été, ils ont passé leur temps à s'opposer à chacune des mesures qui pouvaient être avancées pour en sortir. Grosso modo, comme vous avez compris, mais je sais que ceux qui vous regardent sont avides de précision, nous sommes dans une situation où la dette fait peser sur le pays, l'endettement, le surendettement fait peser sur le pays, et notamment sur les plus jeunes du pays, une menace qui est impossible à détourner. Si on veut sortir de cette situation, il faut avoir un plan. Le plan, il est simple. En quatre ans, on revient au seuil où, non pas la dette disparaît, mais où elle n'augmente plus. Si on arrive au seuil où la dette n'augmente plus, c'est-à-dire à peu près, comme on dit, 3% du déficit par rapport à la production du pays, si on arrive à ce seuil où la dette n'augmente plus, alors après, le travail du pays peut remettre à flot. Mais pour arriver à ce seuil, il faut quatre marches. Et la première marche, elle nous conduit à économiser 44 milliards à peu près. Si on m'avait dit 42 ou 46, je peux tout à fait examiner ça.
RÉMY BUISINE : En dehors des partis politiques, s'il vous plaît, monsieur le Premier, c'est notre occasion de rentrer dans les détails, si vous me permettez, un petit peu plus tard, justement, avec des questions concrètes, justement, notamment des jeunes sur la crainte de la dette et ce que ça peut faire peser sur eux. Mais j'aimerais vous poser, s'il vous plaît, plusieurs questions d'actualité. J'imagine que vous avez probablement vu cette vidéo en Seine-Saint-Denis qui a été filmée le 28 août, qui a fait beaucoup réagir, qui a fait des dizaines de millions de vues sur les réseaux sociaux, où on voit un policier qui va gifler un jeune homme et ensuite lui cracher dessus. Ça vous suscite ? Quelle réaction en tant que Premier ministre ?
FRANÇOIS BAYROU: Alors, cette attitude-là, je n'ai aucun des détails de cet affrontement.
RÉMY BUISINE : Il y a plusieurs enquêtes en cours.
FRANÇOIS BAYROU: Oui, il y a plusieurs enquêtes en cours. Mais je n'ai aucun détail.
RÉMY BUISINE : On parle d'un contrôle de routine où il n'y a pas forcément d'affrontement.
FRANÇOIS BAYROU : Si tout cela est vérifié, c'est inadmissible et il va y avoir sanction. Et donc je suis de ce point de vue-là absolument clair et ferme sur la position qu'il faut avoir. Après, je n'oublie jamais aussi, quelle est la situation des policiers chez nous ? La manière dont ils sont regardés, dont ils sont traités, parfois agressés, parfois assassinés. Et je pense à des compatriotes. Et donc, je fais attention à ne pas laisser penser que les forces de sécurité sont...
RÉMY BUISINE : Tiens, ne pas créer de généralité à partir d'une vidéo, c'est ça ?
FRANÇOIS BAYROU: Oui, d'abord il faut vérifier. S'il y a faute, il faut sanctionner, durement. Mais essayons de ne pas généraliser pour ne pas participer à cette montée des tensions entre le pays et les jeunes. On a évidemment des choses à dire sur ce point. C'est vrai qu'il y a plus souvent des contrôles selon la situation, le quartier, la couleur de la peau. Je ne dis pas le contraire. Mais je pense que les forces de sécurité sont vitales pour un pays, vitales pour sauver des gens tous les jours chez nous. Et donc, j'essaie aussi de penser à elles.
RÉMY BUISINE : Vous parlez des contrôles officiels, c'est ça, quelque part ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, sûrement. Non, je n'ai pas de doute qu'un certain nombre de jeunes dans certains quartiers sont contrôlés plus souvent que d'autres jeunes dans d'autres quartiers.
RÉMY BUISINE : Vous évoquez le contexte, on rappelle pour ceux qui nous regardent que la préfecture a annoncé à Brut qu'une enquête administrative était ouverte du côté de la préfecture de police et que le parquet local a également ouvert une enquête suite à ces violences.
On parle aussi de toute autre chose, c'est le mouvement du 10 septembre. Alors avant peut-être d'en parler sur le fond, sur les revendications. J'ai envie de vous poser la question en tant que Premier ministre, quels moyens de l'État vont être mobilisés mercredi face à ces mobilisations et aux craintes éventuelles de débordement ?
FRANÇOIS BAYROU : Tous les moyens nécessaires pour la sécurité.
RÉMY BUISINE : C'est-à-dire concrètement ?
FRANÇOIS BAYROU : Tous les moyens qui sont mobilisés, mobilisables, parce qu'on a un certain nombre de moyens outre-mer. Tous les moyens mobilisables...
RÉMY BUISINE : Par exemple, ça se concrétise comment vous avez un nombre d'effectifs mobilisés ?
FRANÇOIS BAYROU : Je n'ai pas le nombre d'effectifs en tête, mais tous les moyens mobilisables sont mobilisés. pour éviter le blocage du pays et les violences.
RÉMY BUISINE : Quand vous dites tous les moyens, c'est-à-dire que vous craignez des débordements importants ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, c'est parce que je pense que l'État est là pour prendre des précautions en toutes circonstances.
RÉMY BUISINE : En toutes circonstances. Donc, pour mercredi, vous craignez quoi concrètement ? Peut-être que le terme « crainte » n'est pas forcément ce que...
FRANÇOIS BAYROU : Le terme « crainte » n'est pas juste. Mais je vais vous dire, on est un pays en très grande difficulté, économique et sociale. et financière, comme je le dis tous les jours. C'est un pays qui produit moins que ses voisins. C'est la raison pour laquelle les salaires sont plus bas qu'ils ne devraient l'être et les ressources de l'État plus basses qu'elles ne devraient l'être. Produit beaucoup moins que ses voisins. 15% de moins par habitant que l'Allemagne, presque 35%, 30% en tout cas de moins que les Pays-Bas. Vous voyez, c'est des voisins proches. Un pays comme celui-là qui a des difficultés, est-ce que la réponse est de le bloquer ?
RÉMY BUISINE : Alors il y a des fois aussi des manifestations dans ces pays-là, chaque pays...
FRANÇOIS BAYROU : Non, non, non, non, je dis pour la France aujourd'hui, le pays est en difficulté, tout le monde le voit, il a affaire à un immense chantier de reconstruction, est-ce que la solution est de le bloquer ?
RÉMY BUISINE : Est-ce que vous comprenez aussi leurs revendications ?
FRANÇOIS BAYROU : Quelles revendications ?
RÉMY BUISINE : Les revendications notamment liées au pouvoir d'achat en disant aujourd'hui...
FRANÇOIS BAYROU : Les revendications ont été « bloquons tout ».
RÉMY BUISINE : Alors derrière il y a quand même des messages qui sont portés.
FRANÇOIS BAYROU : Le mot d'ordre, oui il y en a beaucoup moins structuré que dans d'autres.
RÉMY BUISINE : C'est-à-dire que pour vous, ce mouvement, il est inopportun ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, je…
RÉMY BUISINE : Non mais c'est intéressant quand même d'avoir ce ressenti.
FRANÇOIS BAYROU : Ce sont des Français. Moi, je n'utilise pas des mots qui creusent le fossé et qui antagonisent les gens. il y a une expression d'un mécontentement, d'un sentiment de ras-le-bol des difficultés du temps. Est-ce que de bloquer le pays, ça résout les difficultés du temps ? Répondez-moi.
RÉMY BUISINE : Alors, ce n'est pas à moi de répondre à ça. C'est aux gens qui regardent. Moi, je reste dans mon rôle de journaliste. Ce n'est pas à moi de donner mon avis. Mais je vous poserai la question. C'est plutôt la forme qui vous dérange, mais peut-être que le fond vous pouvez peut-être le comprendre sur le terme de la colère des gens. On sait que notamment en 2018, et pourtant en 2018 il y a eu aussi des opérations de blocage, vous avez tendu parfois la main au mouvement des Gilets jaunes.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, c'est ma nature.
RÉMY BUISINE : Là vous n'êtes pas dans la même configuration, vous pensez ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, mais ce n'est pas ça la question. Je pense qu'il y a, devant les difficultés du pays, il y a deux attitudes. La première, c'est de dire qu'on va tous participer à redresser les choses, reconstruire. On voit bien qu'il y a un immense mouvement de reconstruction. L'école est à reconstruire, l'école de la maternelle à l'université, la production est à reconstruire. C'est un pays génial et qui a des difficultés de pays en retard, sur des choses basiques. On sait faire des miracles en spatial, en aviation, en génétique, en mathématiques, on est parmi les premiers du monde, on est partout au sommet de la pyramide. Et on est très en retard sur ce qui est la base de la pyramide. Et c'est un paradoxe incroyable. Et donc, on est devant ça...
RÉMY BUISINE : Est-ce que vous pensez qu'il y a une forme de déclin, justement, dans notre pays ? C'est ce que parfois peuvent ressentir les gens. On parlait du mouvement des Gilets jaunes, moi je l'ai couvert en 2018 pendant 31 samedis d'affilée. Ce que disaient les gens, c'était, « on a l'impression de moins bien vivre que nos parents ».
FRANÇOIS BAYROU : Oui, je ne suis pas absolument sûr que ce soit...
RÉMY BUISINE : La question du pouvoir d'achat, d'accès à la propriété, de vivre, de son travail, des services publics. Mais c'est à coup sûr le ressenti. Est-ce que c'est un ressenti ou une réalité ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est une réalité, pourquoi ? Parce qu'on produit moins que les autres. On ne peut distribuer que ce qu'on a produit, que ce qu'on a créé.
RÉMY BUISINE : Et quand vous dites concrètement que ça passe que par le travail, c'est-à-dire que quand vous parlez de productivité, c'est dire en fait les Français, vous ne travaillez pas assez, il faut travailler plus.
FRANÇOIS BAYROU : Ça passe par le travail. Et qui parle par…c'est pas travailler plus, j'ai dit produire plus. C'est-à-dire probablement travailler mieux.
RÉMY BUISINE : C’est un peu pareil.
FRANÇOIS BAYROU : Non, ça n'est pas pareil.
RÉMY BUISINE : Travailler mieux que travailler plus.
FRANÇOIS BAYROU : Travailler mieux, travailler sur des produits nouveaux, avoir des créations qui soient des créations que les autres pays non pas. Mais la question du pouvoir d'achat, comme la question des ressources de l'État, c'est la même. Des ressources des familles ou des ressources de l'État, la question est la même. C'est, est-ce que nous produisons assez ? Nous ne produisons pas assez, nous sommes très en retard sur la production. Ça, c'est la première chose. Mais, vous avez dit tout à l'heure, les services publics, il y a des réorganisations. très importante à conduire. Et ces réorganisations, l'avantage, c'est qu'elles ne doivent pas coûter plus cher. Parce que de l'argent public, il n'y en aura plus. Abondant comme autrefois, gratuit comme autrefois. Tout ça est fini parce qu'on est écrasé sous une pyramide de dettes.
RÉMY BUISINE : Quand vous parlez de productivité, ça veut dire qu'il faut augmenter le temps de travail. Là, on l'a vu, par exemple, vous avez proposé la suppression de jours fériés. Alors, Justement dans un but de récupérer 4 milliards d'euros, mais vous avez vu que les Français...
FRANÇOIS BAYROU : Non, pas dans un but de récupérer 4 milliards d'euros. 4 milliards d'euros, c'est une conséquence. Pourquoi j'ai proposé les jours fériés ?
RÉMY BUISINE : Vous avez vu que les Français, derrière, quand on leur dit, on va supprimer 2 jours fériés, c'est peut-être le point qui a cristallisé le plus de tensions.
FRANÇOIS BAYROU : Les Français ne sont pas d'accord et les forces politiques trouvent là un sujet facile pour...
RÉMY BUISINE : Pour le coup, ils ont suivi ce que les Français partagent ce point-là.
FRANÇOIS BAYROU : Pourquoi les jours fériés ? J'avais envisagé, je l'ai dit, je crois de passer la semaine de travail de 35 à 36 heures, certains disaient même 37 heures. Pourquoi je ne l'ai pas fait ? Parce que 35 heures, c'est le seuil de déclenchement des heures sup. Et que donc, les Français qui choisissent de travailler un peu plus,
RÉMY BUISINE : Ça touche leur rémunération.
FRANÇOIS BAYROU : Ils ont une rémunération. Et je n'étais d'ailleurs pas ennemi que les jours fériés, on puisse aussi regarder avec les entreprises, comment les rémunérer. Mais ce n'est pas ça la question principale. Les jours fériés, pourquoi ? Entre un pays qui est à l'arrêt complètement et un pays qui, ce jour-là, est ouvert au travail, administration, commerce, la production du pays. Je ne parle pas de la production individuelle. La production du pays, eh bien, elle augmente pour chaque jour à peu près 0,5%. C'est donc du produit en plus, du produire en plus, de la richesse en plus pour le pays. Et cette richesse-là, on peut en effet penser à la redistribuer. Par exemple, pourquoi on a pensé à ça ? Parce que, comme vous savez, l'armée est dans une situation où elle a besoin, on le voit bien avec les menaces russes, avec le langage américain, avec ce qui se passe du côté des autres pays européens, on a besoin d'investir encore davantage que ce qu'on avait commencé à faire. C'est à peu près ça, l'équivalent de ces deux jours fériés, c'est à peu près ça ce qu'il va falloir mettre en plus dans les deux ans qui viennent.
RÉMY BUISINE : Il y a pas mal de questions des gens, notamment aussi la jeune génération qui a posé pas mal de commentaires, et ça me permet de vous poser cette question. Les jeunes sont-ils condamnés à rembourser la dette générée par les politiques depuis 40 ans ?
FRANÇOIS BAYROU : Hélas, oui. C'est pour ça que je suis en colère. Je n’utilise pas le mot de colère souvent, parce que tout le monde prétend la colère universelle. Mais pourquoi est-ce que j'ai fait tout ça ? Et pas depuis aujourd'hui, comme vous savez, depuis au moins 20 ans. Parce qu'il n'y a rien de plus immoral, de plus inacceptable, que de voir des générations organiser leur vie, leur remboursement de feuilles de sécu, le paiement de leur retraite, leur service public et leurs avantages…
RÉMY BUISINE : C'est-à-dire que c'était quoi une génération qui était égoïste vis-à-vis de ses enfants et de ses enfants ?
FRANÇOIS BAYROU : …Organiser leur vie. en reportant sur ses enfants la charge de l'argent qu'elle dépense en plus de ses ressources.
RÉMY BUISINE : Est-ce que ça a été de l'égoïsme finalement vis-à-vis des plus jeunes ? On se parle franchement parce que ça traduit un peu ça votre propos quelque part, de dire finalement il y a des gens qui dépensent plus que ce qu'ils n'ont et puis ils vont dire...
FRANÇOIS BAYROU : Je n’aime pas cette idée de cibler les uns. J'ai d'ailleurs dit que je ne ciblerai personne, que tout le monde participerait. Mais la vérité...
RÉMY BUISINE : Vous avez quand même évoqué le terme de boomer qui a quand même fait beaucoup réagir.
FRANÇOIS BAYROU : Bah oui...
RÉMY BUISINE : Et du coup ça cible, c'est pas...
FRANÇOIS BAYROU : J'en suis un. Un Boomer, ça veut dire enfants du baby-boom. C'est comme ça que le mot a été inventé par votre génération. Donc je ne vais pas dire que je ne suis pas un enfant du baby-boom, je suis plein, plein peau, pile, poil dans le baby-boom. Et donc ces générations, c'est les générations de l'après-guerre.
RÉMY BUISINE : Il y a un choc générationnel sur ces questions. Justement, quand vous donnez cette phrase, je la cite pour ceux qui n'ont peut-être pas suivi l'actualité politique, vous dites « les jeunes devront payer la dette pour le confort des boomers ». Alors il y a certains qui sont...
FRANÇOIS BAYROU : Non, je n'ai pas dit, mais mettons...
RÉMY BUISINE : Pour finir, excusez-moi ma question, il y en a certains qui se sont sentis visés, ont pu penser que vous les accusiez d'être des privilégiés. Vous avez beaucoup commenté cette phrase tout au long de la semaine, mais je voulais vous parler de ce sondage, justement, vous parlez beaucoup de sondage, je l'ai vu durant vos différentes interviews, et c'est assez intéressant de voir que s'il y a 70% des gens qui ne partagent pas votre avis, il est plutôt partagé par les 18-24 ans, 63%, et les 25-34, 55%, et quelque part donc il y a une fracture dans l'opinion.
FRANÇOIS BAYROU : Exactement et c'est cette fracture que je veux combattre. Quel est le sens de ce que j'ai dit ? Encore une fois c'est absolument précisé, daté. Le dernier budget en équilibre de la France c'est 1974. Le dernier budget Pompidou. Vous voyez qu'il y a un bail. 51 ans de déficit accumulé. Et donc oui, il y a des générations successives, 50 ans, 5 décennies de génération, qui ont accepté, et pardon de le dire, revendiqué, qu'on dépense toujours plus même si on n'avait pas les ressources. Ça, je décris là la situation exacte telle qu'elle se présente.
RÉMY BUISINE : C'est très factuel, mais permettez-moi de se prouver, c'est très factuel, vous l'avez dénoncé à plusieurs reprises. J'ai vu pas mal de vos discours, vous parliez de la dette, même on ne fait pas campagne sur la dette, etc. Tout au long de votre carrière politique. Mais derrière, on se dit, vous dénoncez depuis de nombreuses années la situation de la dette en France, mais en même temps, votre formation politique, le MoDem, il a quand même voté ces budgets-là. C'est pas un peu d'être « pompier pyromane » de se dire, bon, on dénonce quelque chose et en même temps on vote ses propres budgets qui conduisent à la situation aujourd'hui ?
FRANÇOIS BAYROU : Toutes les formations politiques, sans exception, ont toutes demandé des dépenses supplémentaires. Souvenez-vous le nombre de formations politiques...
RÉMY BUISINE : Mais vous, vous avez voté, enfin, pas vous directement, mais votre formation a voté ses budgets.
FRANÇOIS BAYROU : Le nombre de formations politiques qui se sont opposées, n'ont pas toujours voté les budgets. jusqu'en 2017 en vote contre, parce qu'on est dans l'opposition.
RÉMY BUISINE : Oui, avec François Hollande. Et donc, allons plus loin.
FRANÇOIS BAYROU : Toutes les formations politiques qui se sont succédées au pouvoir ont toutes assumé de dépenser plus que leurs ressources. Dépenser plus pour qui ? Pas pour elles-mêmes. C'est pas les gouvernements qui profitent de tout ça. Ce sont les Français. Ce sont les Français dans leur responsabilité, quand ils appartiennent à la fonction publique d'État ou locale ou hospitalière. Ce sont les Français qui sont à la retraite, les retraites. C'est à peu près la moitié de ces sommes qui ont été dépensées. Parce que tous les ans, il faut mettre, vous savez que je suis, je crois, le premier à avoir levé le voile publiquement sur le fait que notre système de retraite n'était pas équilibré.
RÉMY BUISINE : Il y a plein de jeunes, par exemple, qui se disent, d'ailleurs, la retraite, on ne l'aura jamais.
FRANÇOIS BAYROU : Tous. Allez. 80% des jeunes pensent qu'ils n'auront pas de retraite.
RÉMY BUISINE : C'est un truc qu'on entend tout le temps.
FRANÇOIS BAYROU : Et c'est très profondément inquiétant. Et en même temps...
RÉMY BUISINE : C'est inquiétant, mais est-ce que c'est une réalité ? Si on continue comme ça, est-ce qu'il y a une crainte de ce modèle ?
FRANÇOIS BAYROU : Je pense qu'on peut sauver tout ça. Le sens de mon action, c'est qu'on peut s'en sortir.
RÉMY BUISINE : C'est-à-dire quoi ? Travailler plus ? Se porter l'âge de la retraite à 67, 68 ans ?
FRANÇOIS BAYROU : Il y aura probablement des adaptations qui se feront au travers du temps.
RÉMY BUISINE : Donc un rallongement de la durée de travail ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est extrêmement simple. Avant, il y avait 2, 3 cotisants pour un retraité. Ça faisait que chacun portait le tiers d'une retraite. Puis il y a eu deux cotisants pour un retraité. Chacun portait la moitié d'une retraite. Ça commençait à peser. Aujourd'hui, on va être à 1,3 actifs pour un retraité.
RÉMY BUISINE : Donc, factuellement, ça passe par ça ?
FRANÇOIS BAYROU : Et qui pense qu'on puisse avoir un système comme ça sans l'adapter ? À la réalité. Et donc, oui, je pense que l'adaptation se fera, qu'elle sera nécessaire et utile, parce que nous sommes devant une réalité qui est très profonde. La France ne fait plus le nombre d'enfants qu'elle faisait. Et pour la première fois cette année, dans notre pays, il y a eu en France plus de décès que de naissances. La première fois dans l'histoire depuis très très longtemps. Et donc tout ça remet en cause la sécurité sociale. Sécurité sociale, le mois prochain...
RÉMY BUISINE : Ça pose aussi la question des jeunes qui peut-être une fois ne font pas d'enfants parce que...
FRANÇOIS BAYROU : Il y a 80 ans. Il y a 80 ans qu'elle existe. Et c'est la première fois qu'on se trouve devant un tel déséquilibre entre les actifs et les retraités, et le grand âge qui arrive. Et évidemment, dans le grand âge, le poids de la santé est plus important. Donc tout ça, c'est du réel. Et ce que je demande, c'est qu'on regarde le réel, et pas le contraire.
RÉMY BUISINE : Et le réel, justement, c'est aussi les questions des Français. C'est quelque chose que j'ai pu entendre de nombreuses fois sur le terrain, qui s'est aussi traduit dans les commentaires. Je vous cite cette question de Laetitia qui nous dit « Pourquoi toujours demander aux citoyens et aux entreprises de se serrer la ceinture, de payer plus de taxes ou travailler plus, sans envisager une vraie réduction des dépenses et avantages de l'État lui-même, quand le gouvernement donnera-t-il l'exemple ? »
FRANÇOIS BAYROU : Comme vous savez, j'ai lancé ce mouvement-là en deux étapes. On a besoin, je vous le disais tout à l'heure, de réorganiser l'action de l'État. Nous avons déjà réorganisé dans les neuf mois qui viennent de s'écouler l'action de l'État sur les territoires, ce qui avait un nombre incroyable d'organisations, d'administrations, d'agences.
RÉMY BUISINE : Alors ça c’est la bureaucratie. Mais sur le concret, dans les ministères, vous savez, il y a souvent des gens qui disent que les ministres sont toujours en déplacement, le train de vie des ministères, les salaires parfois qui sont aussi pointés du doigt. C'est très concret, vous l'avez sûrement aussi entendu d'un point de vue local. Les gens parfois vont dire, mais comment ça se fait que ces élus ont ces avantages-là ?
FRANÇOIS BAYROU : Et c'est la raison pour laquelle j'ai confié à M. Dosière, qui est, comme vous le savez, quelqu'un qui a été député socialiste et qui s'est spécialisé sur les dépenses excessives des États, de l'État, dans toutes ces... Je lui ai confié une mission, en disant, écoutez, on va tirer tout ça au clair.
RÉMY BUISINE : Et ça va faire quoi ?
FRANÇOIS BAYROU : Un, je lui ai donné jusqu'au 1er décembre.
RÉMY BUISINE : Donc ça veut dire que ça n'ira pas à son terme ?
FRANÇOIS BAYROU : Si, ça va aller à son terme. Non mais le gouvernement, la mission est confiée. Donc ça va aller à son terme. Ayons le cœur net de tout ça. Est-ce que les ministres français sont payés plus qu'ils ne devraient, plus que leurs homologues européens, et plus qu'on ne l'est dans le privé ?
RÉMY BUISINE : J'ai envie d'avoir votre avis. Vous, votre avis, à vous, c'est quoi ?
FRANÇOIS BAYROU : Nous allons avoir la réponse.
RÉMY BUISINE : Et vous, vous en pensez quoi ?
FRANÇOIS BAYROU : Je pense qu'à l'étranger, dans les pays qui nous entourent, les avantages et les salaires des ministres et des parlementaires sont à peu près du même ordre ou au-dessous de ce que nous avons en France. Vous vous souvenez que François Hollande avait baissé les salaires de 30% du président de la République, du Premier ministre et de tous les ministres.
RÉMY BUISINE : C’est-à-dire si je vous écoute là en faisant cette comparaison européenne, il ne faudrait pas trop bouger grand-chose.
FRANÇOIS BAYROU : Mais si, il faut bouger tout ce qui doit être bougé. Combien ça représente le train de vie de l'État, comme on dit, sur la dépense publique de 1000 euros ? Combien ça représente ?
RÉMY BUISINE : Alors, je ne vais pas jouer au jeu de l'élève, mais ça ne va pas représenter forcément énormément, mais c'est la symbolique aussi.
FRANÇOIS BAYROU : Et la symbolique est ce que j'ai dit, s'il y a des choses excessives, on les supprimera. Alors on dit les avantages des anciens, président de la République ou Premier ministre. Ils en ont à mon avis assez peu, c'est-à-dire qu'ils ont des gardes du corps, et puis ils ont un chauffeur. Moi je n'y aurais pas droit, en aucune manière.
RÉMY BUISINE : Donc la question c'est une question qui est revenue dans les commentaires. Est-ce que vous, voilà, imaginons demain ça s'arrête, est-ce que vous renoncez à tous vos avantages en tant qu'ancien Premier ministre ?
FRANÇOIS BAYROU : Mais je n'en ai aucun. Il n'y a pas de retraite. de ministre ou de premier ministre, contrairement à ce que tout le monde croit. Et je n'aurais droit, on avait droit autrefois à un secrétariat. Je ne prendrai pas de secrétariat. J'ai été commissaire au plan, j'ai exercé cette fonction de manière bénévole. Le jour où je suis devenu ministre ou premier ministre, j'ai renoncé à toutes les indemnités d'élus locales qui étaient les miennes, et donc je n'aurai aucun avantage. Peut-être, j'aurai droit à un garde du corps, peut-être, parce que c'est comme ça au moins qu'on assure la sécurité pendant un certain temps.
RÉMY BUISINE : Donc vous, c'est le seul avantage que vous avez ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui.
RÉMY BUISINE : Oui, non mais c'est intéressant, c'est aussi de la transparence, d'un avis démocratique, parce que les gens se posent la question.
FRANÇOIS BAYROU : Parce que personne ne le croit. Tout le monde sait qu'il y a des privilèges, tout le monde croit qu'il y a des privilèges et des avantages. et notamment des avantages pécuniaires. Ce n'est pas vrai. Rien. Et ce qui n'est pas le cas dans les autres pays, ce qui n'est pas le cas dans les pays étrangers. Mais est-ce que le train de vie de l'État peut être réduit ?
Oui. Je vais prendre un exemple assez simple. Je suis à Matignon depuis neuf mois, et pendant ces neuf mois, ce que représentaient les dépenses du cabinet du Premier ministre, pour le Premier ministre et pour tous ses collaborateurs, ont baissé par rapport à mes prédécesseurs de 30%. Je ne vais pas crier sur les toits parce que j'aime, je trouve qu'il y a quelque chose de vain à dire, regardez comme ce que je fais est formidable.
RÉMY BUISINE : Oui mais ça parle au français quelque part.
FRANÇOIS BAYROU : Maintenant que vous me posez la question, 30% de moins. Est-ce que j'ai fait des réceptions ? Non. Est-ce que j'organise de grands raouts, comme on dit, pour les uns et les autres, telle ou telle catégorie sociale, non.
RÉMY BUISINE : Vous, ces réceptions-là, vous vous êtes dit, parce que c'est vrai que c'est quelque chose qui est assez courant à l'Élysée, mais aussi parfois à Matignon, c'est un principe, vous vous êtes dit, en arrivant, moi, ce côté un peu fastueux, qui parfois donne une image un peu d'écart entre...
FRANÇOIS BAYROU : Moi, je suis pour un État frugal. D'abord parce que j'aime la frugalité. Et parce que je trouve que c'est bien de penser, quand on est aux responsabilités, à ne pas gaspiller l'argent public. J'ai toujours tenu à la bonne gestion. Je suis à la tête d'une collectivité locale importante dans les Pyrénées. Et on a, nous, une baisse continue. de ce genre de frais inutiles. Nous ne faisons pas de frais inutiles. On ne fait pas de réception, on n'organise pas de fêtes somptuaires, on ne fait pas des dîners avec des centaines de personnes qui coûtent les yeux de la tête. On ne fait rien de tout ça. Et quand on fait une réception, on met du jus de fruits et du jurançon parce que comme vous le savez, c'est le meilleur vin du monde. Mais avec des prix à la bouteille absolument raisonnables.
RÉMY BUISINE : Ça pose des questions dans les commentaires et je salue toutes les personnes qui nous regardent actuellement. Si je regarde la tablette, ce n'est pas que vos propos m'en disent, c'est justement pour écouter aussi ce que disent les gens. Regardez les commentaires et d'accompagner justement cette interview et on salue toute la communauté brute. Il y a notamment cette question qui a été posée par Armel, justement, qui pose cette question, qui accompagne un peu les questions qu'on évoquait précédemment, et qui nous dit « comment expliquez-vous que les Français payent toujours plus d'impôts et que les services publics ferment ? » C'est-à-dire, quelque part, on paye beaucoup, on est énormément taxés.
FRANÇOIS BAYROU : Ce n'est pas vrai que les services publics ferment. C'est même depuis les dernières années, depuis l'élection d'Emmanuel Macron, c'est plutôt le contraire.
RÉMY BUISINE : Alors concrètement, des fois, dans les zones rurales...
FRANÇOIS BAYROU : Je dis précisément que tout le monde comprenne.
RÉMY BUISINE : Je vais vous prendre un exemple très concret. Par exemple, un bureau de poste qui pouvait être ouvert tous les jours de la semaine, on va mettre une permanence le mercredi, on va dire aux gens, vous devez faire 6 km pour aller dans le village d'à côté.
FRANÇOIS BAYROU: Parce que les gens n'allaient plus au bureau de poste.
RÉMY BUISINE : Il y en a qui y allaient encore, il y a des personnes âgées qui vivent dans ces lieux.
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, les personnes âgées, elles ont aujourd'hui des antennes des bureaux de poste où elles peuvent aller, en plus grand nombre parfois. Et comme vous savez, on a ouvert ce qu'on appelle les maisons France Service, qui sont une réussite formidable, qui sont près de 3000, je crois, de mémoire en France, dans laquelle vous pouvez trouver tous les services. Vous pouvez demander des renseignements sur les impôts. Vous pouvez demander des renseignements sur la retraite, sur la sécurité sociale. Qu'est-ce qui se passe ? Ça change, ça s'adapte. Ça n'est plus comme avant où il y avait pléthore de fonctionnaires pour des services rendus qui étaient des services rendus assez faibles. Et je vous dis quelque chose pour aller plus loin. Ça doit continuer à changer. Je suis persuadé, allez, je vais vous dire les choses. Je vais prendre des risques. J'ai l'habitude, comme vous savez. Je pense qu'on peut réduire le coût de l'action publique en France pour le même service et même pour un meilleur service entre 10 et 15%. J'explique ce que je veux dire. Vous êtes dans une collectivité locale importante. Vous avez un service dans lequel il y a 7 fonctionnaires. Si vous organisez bien les choses, si vous regardez qu'il n'y ait pas de doublons avec d'autres services, si vous faites en sorte que...
RÉMY BUISINE : Ça a toujours été un point sensible quand même, la suppression de certains postes de fonds.
FRANÇOIS BAYROU : Si vous êtes attentif et si vous travaillez avec les gens qui sont sous votre responsabilité pour améliorer leurs conditions de travail, pour faire en sorte qu'ils soient plus contents de leur sort. Si vous faites tout ça, vous passez sans difficulté de 7 à 6.
RÉMY BUISINE : Mais vous dites prendre des risques, vous ne les avez pas mis dans votre budget pour l'année prochaine.
FRANÇOIS BAYROU: Si, si, absolument.
RÉMY BUISINE : La suppression ?
FRANÇOIS BAYROU : Au contraire, on a supprimé dès cette année, et après j'ai dit suppression d'un fonctionnaire sur trois, d'un poste de fonctionnaire sur trois qui part à la retraite. Qui part à la retraite. Et donc c'est absolument dans le programme. Vous étiez sept, vous organisez le service pour que ce soit six, et croyez-moi, ça marche mieux. Pas aussi bien, mieux, parce que les gens ont pris confiance en eux-mêmes, ils sont dans un rapport de confiance avec leurs collègues, et ça marche souvent mieux. Pour ça, on fusionne des services, par exemple, et on fait en sorte que la nouvelle organisation, elle soit plus complète et plus frugale, plus légère.
RÉMY BUISINE : On parle des services publics, on peut aussi penser à l'hôpital public. On a vu des images quand même assez choquantes ce matin dans l'hôpital à Mantes-la-Jolie, dans un état très compliqué, avec des fuites d'eau. Je pourrais élargir notamment tout ce que j'ai pu voir ces dernières années en étant sur le terrain pour Brut, au contact des soignants, qui nous font part de situations très compliquées. On a même parfois l'impression de ne pas être dans la 7ème puissance mondiale, en voyant justement des hôpitaux avec des dizaines de personnes qui attendent pour être traitées. Voilà pendant des heures où le personnel médical doit parfois faire des horaires à rallonge avec des salaires qui sont quand même assez bas quelque part.
FRANÇOIS BAYROU : Qui se sont beaucoup améliorés.
RÉMY BUISINE : Qui se sont améliorés, qui ont été augmentés mais qui étaient quand même très bas.
FRANÇOIS BAYROU : Qui ont été augmentés par nos gouvernements.
RÉMY BUISINE : Oui mais on partait d'un niveau très bas par rapport au niveau de l'OCDE.
FRANÇOIS BAYROU : C'est-à-dire ce qu'on a appelé les ségur, c'est-à-dire les décisions d'augmenter les fonctionnaires, ça a beaucoup amélioré la situation.
RÉMY BUISINE : Alors concrètement améliorer la situation c'est pas ce que disent les soignants aujourd'hui. Quand on regarde l'état de l'hôpital public aujourd'hui, très concrètement, les gens parlent d'un état de délabrement.
FRANÇOIS BAYROU: D'abord, ce n'est pas vrai. La plupart des hôpitaux, je suis président d'un hôpital...
RÉMY BUISINE : Quand on dit délabrement, ce n'est pas forcément le matériel, c'est la qualité d'accueil, c'est le manque de personnel.
FRANÇOIS BAYROU : …On est en train de refaire, sur lequel on va dépenser des centaines de millions d'euros, et qui en avaient besoin, mais il n'y a pas de délabrement. On a créé des blocs chirurgicaux entièrement modernes, des blocs cardiologiques d'avant-garde, une capacité de faire de la radiologie interventionnelle. Alors après, il y a des EHPAD, il y a des établissements plus difficiles.
RÉMY BUISINE : Je veux vraiment revenir sur ces images. Je ne sais pas si vous avez pu voir ces images à Montes-La-Jolie.
FRANÇOIS BAYROU : Non, je n'ai pas vu.
RÉMY BUISINE : En gros, on y voit vraiment un hôpital avec des fuites d'eau, vraiment dans les couloirs, dans les bâtiments. Ça traduit quand même quelque chose, en plus.
FRANÇOIS BAYROU : Je ne crois pas que ce soit la règle générale. Mais je vais aller...
RÉMY BUISINE : Ça reste un hôpital de trop si c'était le cas. Il y en a d'autres.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, mais si c'est le cas, il faut absolument intervenir d'urgence. Et le ministère a eu précisément des crédits pour des interventions d'urgence de cet ordre auquel j'ai veillé. Mais je veux aller plus loin. Pourquoi est-ce que la situation est différente chez nous des autres pays ? Vous avez essayé de vous faire soigner aux États-Unis ?
RÉMY BUISINE : Non.
FRANÇOIS BAYROU : Non. Vous savez ce qui se passe quand vous allez vous faire soigner aux Etats-Unis ?
RÉMY BUISINE : Vous recevez la facture.
FRANÇOIS BAYROU : Non, la première des choses qu'on vous demande à l'entrée, c'est votre carte bleue. Oui, on parlait justement de ça. Et ça coûte des dizaines de milliers de dollars pour des opérations qui sont en France entièrement et intégralement gratuites. J'ai une amie qui m'a raconté hier soir, elle a subi une opération relativement compliquée, difficile. Elle est allée à la sortie vers le service, vers la banque, comme on dit, dans lequel elle faisait enregistrer sa sortie. Elle dit « combien je vous dois ? » et on lui a dit « vous nous devez 7 euros pour la location de la télévision ». Elle dit « mais vous vous rendez compte ce que... » Et elle dit, est-ce que je pourrais savoir, est-ce qu'on pourrait me donner le compte rendu de ce que ça coûte vraiment ? Je trouve que c'est une bonne idée. Vous avez en France un système de santé...
RÉMY BUISINE : Donc vous pensez qu'en sortant de l'hôpital pour responsabiliser les gens, on devrait leur donner une facture qui montre ce qu'il reste à payer, et au-dessus on liste ce que l'État a payé ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est pas l'État, c'est l'État, la sécurité sociale. Oui, je pense que ça serait pédagogique. Je pense que l'idée que tout est gratuit, je sais que je vais me faire mal voir en disant ça, l'idée que tout est gratuit est une idée dévalorisante. C'est une idée qui fait que tout le monde considère que cet immense effort de la nation, on ne doit pas en tenir compte. Je pense que savoir ce qui est prise en charge par la puissance publique, par notre organisation de sécurité sociale, ça mérite qu'on y fasse attention. Et ça mérite qu'on considère qu'un pays dans lequel l'école est quasiment gratuite, de la maternelle jusqu'à l'université, dans lequel le système de santé est gratuit, dans lequel les retraites sont garanties, dans lequel l'assurance chômage est garantie, c'est un pays dont on ne devrait pas parler comme d'un perpétuel échec.
RÉMY BUISINE : Après les gens cotisent aussi pour ça, quand on ne cote pas gratuit, on a l'assurance chômage, tous les mois sur la fiche de paie, les gens le payent.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, les gens cotisent, sauf qu'au bout du compte, il y a leur cotisation, leurs taxes, leurs impôts et un déficit de 10%. Chaque fois que l'État dépense, l'État, la puissance publique, au sens le plus large du terme, chaque fois que la puissance publique dépense 10, il y a 1 euros…
RÉMY BUISINE : Oui. Mais si je vous entends là, c'est quoi ? C'est la fin d'un modèle social pour la France ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est en tout cas un modèle social qui va devoir être pris en charge et changé.
RÉMY BUISINE : Parce que quand on entend les faits...
FRANÇOIS BAYROU : Laissez, ne m'enlevez pas de l'explication, vous l'avez tout à l'heure eu, mais vous regardez la tablette...
RÉMY BUISINE : Je vous écoutais quand même, j'arrive à faire des choses en même temps.
FRANÇOIS BAYROU : Et donc, nous sommes un pays qui ne fait plus d'enfants et dont la population vieillit énormément. Vous vous rendez compte du déséquilibre que ça crée ? Du déséquilibre que ça crée. Et donc ça veut dire en effet qu'il faut entrer dans une vision de réorganisation complète, non seulement pour maintenir les services publics mais pour qu'ils soient meilleurs, et pour que les équilibres soient restaurés.
RÉMY BUISINE : Il y a la question de la fiscalité qui est énormément revenue dans les commentaires via l'appel à la question hier, qui parle d'un terme qui est souvent utilisé, plutôt à gauche, Par exemple, de justice sociale.
FRANÇOIS BAYROU : Non, moi, j'utilise ce terme.
RÉMY BUISINE : Voilà. Alors, vous l'utilisez aussi, mais concrètement...
FRANÇOIS BAYROU : Social et fiscal.
RÉMY BUISINE : Les gens vont dire que ce n'est pas forcément appliqué, parce qu'on a beaucoup entendu parler des mesures vis-à-vis des classes populaires ou classes moyennes, quand on parle du gel de l'impôt sur le revenu, quand on parle du gel des prestations sociales. Évidemment, ça ne va pas forcément toucher les plus hauts revenus. Concrètement, moi, je voulais vous poser cette question.
FRANÇOIS BAYROU : Attendez, arrêtez-vous à cette phrase parce que parfois même si on ne fait pas attention, on dit des trucs qui méritent d'être... Le gel, quand il y a gel, ça veut dire que les charges n'augmentent pas, que les impôts n'augmentent pas.
RÉMY BUISINE : Mais ça veut dire que des personnes vont passer, parce qu'il y a l'inflation aussi dans le pays.
FRANÇOIS BAYROU : On n'a jamais eu une inflation aussi faible depuis des années.
RÉMY BUISINE : Alors, on n'a pas d'inflation aussi faible depuis des années, mais en parallèle, on a quand même des produits de première nécessité qui ont énormément augmenté depuis 3-4 ans et qui ne sont pas revenus à leur prix d'avant.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, ça dépend desquels.
RÉMY BUISINE : Quand vous allez au supermarché aujourd'hui, il y a quand même beaucoup plus de personnes qui se font à regarder un prix, un paquet de pâtes à 1,10€, un paquet de pâtes à 90 centimes, et certains sont tombés dans cette logique-là, deux par leur situation.
FRANÇOIS BAYROU : Et donc, ça c'est vrai, mais pour dire que l'effort, quand on dit on va pendant un an faire en sorte que les dépenses augmentent le moins possible. Cet effort est limité. Par exemple, si vous êtes fonctionnaire...
RÉMY BUISINE : Mais moi, je voulais quand vous poser une question, excusez-moi M. le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Laissez-moi finir ma phrase. On a le temps, vous m'avez dit on a le temps. On peut s'expliquer, m'avez-vous dit.
RÉMY BUISINE : Si on peut déborder, il n'y a pas de soucis. Vous faites comme vous vous voulez.
FRANÇOIS BAYROU : Dans l'année blanche, on a dit on n'augmentera pas le point d'indice de la fonction publique. Mais on laissera se faire les progressions de carrière, les progressions à l'ancienneté, ce qu'on appelle... C'est un terme ; Le GVT, glissement, vieillesse, technologie, tout ça, ça sera accepté et pris en compte. Et donc, il n'est pas vrai que ce soit insupportable, c'est acceptable, c'est un effort. Si on décide de le faire, qui sera acceptable ? Si on ne le fait pas, alors vous allez avoir des accidents. Et les accidents feront que, comme chez tous nos voisins, Espagnol, c'est pas loin l'Espagne, portugais, italien, grec, les sacrifices à consentir seront beaucoup plus importants. Et je ne dis pas ça pour impressionner les gens, je ne dis pas ça pour faire peur, je dis ça parce que c'est la vérité stricte. Si vous connaissez, ceux qui nous écoutent, si vous connaissez des Espagnols, des Portugais, des Italiens, posez-leur la question. Et ces pays-là ont, grâce ou à cause d'efforts immenses, ces pays-là ont réussi à rétablir leur situation et se trouvent aujourd'hui dans un équilibre qui est au moins aussi bon que le nôtre.
RÉMY BUISINE : Alors ça me permet de terminer le fond de ma question justement sur les ultra-riches. C'est le terme qui est souvent employé, qu'on a souvent lu dans les commentaires, en disant, en substance, ce que je disais au début, on nous demande les efforts à nous, mais qu'est-ce que vous allez faire justement par rapport aux ultra-riches ? Parce que vous avez été très précis dans votre programme justement sur certaines mesures, mais à partir par exemple de quel montant vous considérez qu'on ait un haut salaire et qu'il faut être plus taxé que ça n'est actuellement ? Concrètement, un chiffre par an, c'est quel salaire annuel ?
FRANÇOIS BAYROU : Jusqu'à des salaires de 500 000 euros, quand on est dans la tranche supérieure, c'est 49%, 50% qu'on prélève sur vos...
RÉMY BUISINE : Et vous, vous voulez faire quoi ?
FRANÇOIS BAYROU : Je pense que sur les très hauts revenus et sur les très hauts patrimoines...
RÉMY BUISINE : Très hauts revenus, donc au-dessus de 500 000 euros ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, mais parce que 500 000...
RÉMY BUISINE : Non, mais il faut être très concret dans les chiffres, justement, avoir des précisions.
FRANÇOIS BAYROU : Non, mais j'essaie d'être précis.
RÉMY BUISINE : Oui.
FRANÇOIS BAYROU : À l'heure actuelle, jusqu'à des salaires comme ceux que j'évoque, on a une progression de la fiscalité qui est importante. Comme vous savez, les salaires moyens sont autour de 25 à 30% de prélèvements, et ces salaires-là, on passe à 50%. Au-dessus, il n'y a pas beaucoup de progression. Il y a des gens qui disent « il faut créer une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu ». Je pense que les patrimoines aussi doivent être pris en compte. Les hauts patrimoines. Et il faut lutter contre l'évasion fiscale.
RÉMY BUISINE : Vous dites hauts revenus, hauts patrimoines. Concrètement, un chiffre, c'est quoi pour vous un haut revenu ? Ou il faudrait peut-être créer une tranche supplémentaire ?
FRANÇOIS BAYROU : Je l'ai dit, jusqu'à 50%. C'est 49%, je pense qu'on pourrait jusqu'à 500 000 euros. C'est des salaires très importants. C'est pas des salaires de la fonction publique.
RÉMY BUISINE : C'est très rare.
FRANÇOIS BAYROU : Non, il n'y en a aucun dans la fonction publique.
RÉMY BUISINE : Non, c'est très rare même dans la population globale.
FRANÇOIS BAYROU : Les salaires les plus hauts de la fonction publique, c'est 300 000 euros par an ou 400 000 euros par an.
RÉMY BUISINE : C’est est assez loin. Mais justement, vous dites aujourd'hui...
FRANÇOIS BAYROU : Les ministres, eux, sont infiniment plus bas que tout ça. Je le dis pour ce que ça intéresse.
RÉMY BUISINE : Mais par exemple, si on parle concrètement, ça veut dire que pour vous, au-dessus de 500 000 euros de revenus annuels, il faudrait taxer davantage.
FRANÇOIS BAYROU : On pourrait créer une tranche supplémentaire, oui.
RÉMY BUISINE : Au-dessus de 500 000 euros. Haut patrimoine, ce serait quel chiffre ?
FRANÇOIS BAYROU : Et je l'avais dit. Lorsque j'ai présenté le plan, j'ai dit qu'avec les commissions parlementaires et avec les groupes parlementaires, on fixerait ce point.
RÉMY BUISINE : Et un haut patrimoine pour vous, ça vous dirait combien ?
FRANÇOIS BAYROU : Un haut patrimoine, c'est plusieurs millions d'euros.
RÉMY BUISINE : C'est quoi, 2, 3 ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, ce genre-là, c'est à fixer avec les parlementaires.
RÉMY BUISINE : Donc là, on dit concrètement, au-dessus de 500 000 euros aux nouvelles tranches, et des patrimoines qui seraient au-dessus de 2 millions d'euros environ.
FRANÇOIS BAYROU : 2 millions, 2, 3 millions d'euros, tout ça se calcule. Il faut une participation. Mais je suis contre l'idée qu'on va cibler les entreprises et les investisseurs. Vous avez compris ce que, vous avez retenu ce que j'ai dit au début. La France est un pays qui ne produit pas assez. Qu'est-ce qui produit ? C'est l'entreprise qui produit. Je ne dis pas que la fonction publique ou le service public ne joue pas de rôle, il en joue. Mais ce qui produit l'activité, c'est les entreprises. Si vous frappez les entreprises, vous frappez l'activité. Si vous frappez la production, vous frappez ce qui nous permet de créer des richesses. Tous les ans. Je vous donne un chiffre pour qu'on ait ensemble une idée de ça. Ce que la France produit tous les ans, en plus de ce qu'elle produisait l'année précédente, la progression, c'est à peu près 50 milliards. Et la charge de la dette cette année, c'est 65 milliards. Et l'année prochaine, 75 milliards. Et la Cour des comptes dit « 107 milliards à la fin de la décennie ». Ça veut dire que toute la production nouvelle du pays, elle est captée par la dette. Et la dette, qui est-ce qui la détient ? À 60%, c'est des étrangers. Donc on accepte, on a mis en place un système dans lequel la richesse du pays, la richesse créée tous les ans par le pays, cette richesse-là, elle est envoyée à des activités qui ne sont créatrices ni de services, ni d'aide au pays, ni d'équipements nouveaux pour le pays. Tout ça est envoyé à des dépenses improductives. Ça ne vous frappe pas, ces chiffres-là ?
RÉMY BUISINE : Évidemment, c'est des chiffres marquants, j'imagine, pour ceux qui nous regardent actuellement.
FRANÇOIS BAYROU : Vous vous rendez compte ? On crée 50 milliards. Et si on ne fait rien à la fin de la décennie, ça ne sera même pas la moitié de ce qu'il faut dépenser pour payer l'annuité de la dette. On est fou, non ? Et personne ne dit rien. Et on laisse passer ça comme si c'était habituel et simple et banal, finalement. on est moi je trouve que qu'il y a là, et on condamne les plus jeunes à ça. Et on aura l'occasion de parler justement en détail de la situation des jeunes.
RÉMY BUISINE : Justement quand on parle des jeunes, il y a cette question de Charlotte, qui nous dit très franchement, « êtes-vous pour le vote à 16 ans ? » Et qui justifie en disant, « est-ce que c'est normal que des boomers décident de l'avenir des jeunes sans qu'une partie de la jeunesse ne puisse donner son avis ? »
FRANÇOIS BAYROU : Non, je suis pour 18 ans.
RÉMY BUISINE : Pourquoi 18 et pas 16 ?
FRANÇOIS BAYROU : Mais parce qu'il faut mûrir dans une vie.
RÉMY BUISINE : Vous pensez qu'à 16 ans on n'a pas le...
FRANÇOIS BAYROU : Parce qu'on pourrait dire pourquoi 16 et pas 14 ? Vous savez, il y avait des gens qui avaient proposé qu'on ait autant de bulletins de vote qu'on a d'enfants. Moi, ça m'en ferait beaucoup.
RÉMY BUISINE : Mais ça pose la question, c'est peut-être un décalage avec ce que vous dites. Justement, vous dites les jeunes qui vont devoir se retrouver à payer peut-être des égarements des générations précédentes. Et là, il y a des jeunes qui disent, nous, on a aussi notre mot à dire par rapport à ça. Parce qu'au final, quand on a 16 ans, c'est nous qui allons-nous retrouver pendant peut-être 70 ans à payer des bulletins.
FRANÇOIS BAYROU : Vous voyez bien, 18 ans. C'est l'âge de la fin des études secondaires.
RÉMY BUISINE : Donc vous pensez qu'il n'y a pas la maturité nécessaire pour ces… ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, c'est pas que je pense que... Je pense que il y a une enfance, il y a une adolescence, il y a un moment, à 18 ans, où le bac, le permis de conduire, maintenant on peut aussi...
RÉMY BUISINE : À 17 ans, on avait annoncé sur Brut à l'époque.
FRANÇOIS BAYROU : Bon, tout ça fait une entrée dans l'âge, non pas adulte, mais de la jeunesse engagée.
RÉMY BUISINE : Donc 18 ans pour avoir une pleine conscience pour voter, pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, enfin, je ne suis pas sûr que la pleine conscience pour voter, elle dépende de l'âge. Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait même pas des gens avancés en âge qui aient une pleine conscience pour voter.
RÉMY BUISINE : De plus en plus, on le voit.
FRANÇOIS BAYROU : Mais c'est très simple, on entre dans la communauté civique à 18 ans. Alors il y aura toujours des gens pour dire mais il faut aller beaucoup plus loin. Moi en tout cas je pense que 18 ans c'est raisonnable.
RÉMY BUISINE : Il y a une question qui est posée par Inès qui nous dit « la seule dette qui nous amène vraiment dans le mur c'est la dette écologique mais ça personne n'en parle ».
FRANÇOIS BAYROU : Si, au contraire j'en parle chaque fois que je m'exprime et je le ferai encore. Nous sommes la France le seul pays qui a vraiment pris au sérieux cette question. On est le pays du monde. presque le seul pays du monde dans lequel l'énergie, et notamment l'énergie électrique, est presque entièrement décarbonée. On n'émet pas de CO2, de gaz à effet de serre, qui accroisse le réchauffement climatique. Dans un monde où les États-Unis ont tourné le dos complètement à tout ça, l'Inde assume de continuer à avoir des centrales à charbon et d'en construire tout le temps. La Chine fait des efforts, mais pour autant, elle a beaucoup plus de centrales à charbon que les nôtres. Mais nous, parce qu'on maîtrise le nucléaire... Pardon. Les centrales nucléaires, et parce qu'on a de l'hydroélectricité, et parce qu'on fait du renouvelable en même temps, dans cet équilibre-là, dans lequel je voudrais ou je veux que la géothermie occupe une place importante, parce qu'on a les pieds sur une chaudière inépuisable et gratuite, qui produit des calories et qui peut même recevoir, produire du frais, produire de la climatisation. Et donc, oui, tout ça est en voie, la France est le seul pays dans lequel on peut imaginer d'avoir de ce point de vue-là, à quelques années, un moment où on n'émet plus de gaz à effet de serre. Donc, la dette écologique, il faut s'en charger, mais pas seulement pour ça, si vous me permettez un mot. Moi, je veux qu'on ait une politique de restauration des sols. de vie des sols, de nourrissage des sols, ce qui pourra permettre en même temps de faire des puits pour capter le CO2 dans l'atmosphère. Par exemple, après une céréale, après du maïs ou après du blé, il faut mettre un couvert végétal. Vous faites pousser de l'herbe et l'herbe capte le CO2 avec la lumière et l'eau et ça permet d'améliorer. d'apurer l'atmosphère de la Terre. Et il faut se battre pour la biodiversité. La biodiversité, c'est les haies, c'est la présence de biotopes, qu'ils soient des biotopes favorisants. Et tout ça, ça fait un plan général pour la dette écologique.
RÉMY BUISINE : Quand on parle d'écologie, ça préoccupe les jeunes.
FRANÇOIS BAYROU : Mais, pardon, il faut ajouter une chose. La France, c'est 1% de la planète. On est les plus avancés dans une planète où une grande partie et une partie croissante des autres pays et des autres peuples se fichent de l'écologie. Donc on a une mission d'exemplarité.
RÉMY BUISINE : La précision justement sur la dette écologique, elle touche aussi parfois la santé mentale sur ce sujet-là et d'autres. On pourrait penser aux crises économiques, le contexte international, les guerres. Le contexte que vous décrivez, finalement, qui évoque quand même un avenir qui est quand même plutôt sombre pour les jeunes. Vous êtes inquiet pour le moral et la santé mentale des jeunes ?
FRANÇOIS BAYROU : Je suis très préoccupé des questions de santé mentale. J'ai produit plusieurs rapports sur ce sujet. Et je pense que notre organisation doit changer de ce point de vue-là. Et doit changer notamment pour ce qui touche au repérage précoce des difficultés. Et pour tout ce qui touche à un sujet auquel je fais très attention, vous m'avez entendu déjà en parler, qui est la solitude. Je trouve que les temps que nous vivons, alors il y a les réseaux, il y a Internet, on a l'impression...
RÉMY BUISINE : Mais, ce n’est pas un contact humain
FRANÇOIS BAYROU : On a l'impression que c'est des temps où on se rencontre, où on partage. Et en réalité, la solitude est de plus en plus grave, notamment pour les plus jeunes, je dis toujours parce que je pense à eux, que ceux qui sont harcelés dans la cour de récréation, c'est de la solitude.
RÉMY BUISINE : Harcèlement scolaire.
FRANÇOIS BAYROU : Ceux qui sont dans des situations précaires, je pense à cette jeune femme qui s'est suicidée. et tant d'autres, et les élèves aussi harcelés. Et donc, c'est de la solitude. Et je pense que la société, elle devrait être organisée pour que la prise en charge de la solitude soit générale. Et dans la ville dont j'ai la responsabilité, à Pau, nous avons mis en place depuis déjà six ans un plan anti-solitude qui fait que dans la vie de tous les jours on repère et on prend en charge le plus souvent qu'on le peut les gens qui sont en situation de...
RÉMY BUISINE : Vous évoquez cette difficulté, M. le Premier ministre. Est-ce que ça veut dire que ces difficultés, est-ce que cette génération finalement est condamnée à vivre moins bien que celle de ses parents ?
FRANÇOIS BAYROU : Absolument pas. Absolument pas. Elle n'est condamnée à rien.
RÉMY BUISINE : C'est la première note d'optimisme que j'entends parce que depuis tout à l'heure avec la dette on se dit on va...
FRANÇOIS BAYROU : Non, mais écoutez, le type qui est à bord du navire. Vous êtes à bord du navire. Il y a le capitaine qui dit « Attention, on a une voie d'eau, il faut qu'on s'y mette tous pour étancher cette voie d'eau. » Et les gens disent « Mais vous êtes pessimiste, monsieur. » Mais le capitaine qui dit il y a un accident qui nous gâte, il n'est pas pessimiste. C'est le meilleur ami que vous avez, c'est le plus protecteur, et c'est celui qui veut que vous ayez un avenir alors que les autres vous condamnent à ne pas en avoir. Donc je suis fondamentalement optimiste. Mon propos est un propos fondamentalement de reconstruction. Mon propos est un propos où on ouvre l'avenir. On ouvre les années qui viennent. Vous croyez qu'avec les incroyables progrès que nous rencontrons, qu'on va vivre moins bien ? Non, on va vivre mieux. Mais il y a des problèmes à prendre en charge.
RÉMY BUISINE : Il y a quand même les jeunes aujourd'hui, quand on les regarde sur le terrain, ils nous disent j'ai des difficultés d'accès au logement. Parfois on a des jeunes qui nous disent je suis obligé de sauter un repas. Parce que j'ai pas les moyens de nourrir, ça arrive quand même régulièrement.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, je... Il y a plein de difficultés. Vous ne croyez pas que la guerre c'était des difficultés ?
RÉMY BUISINE : Bien sûr.
FRANÇOIS BAYROU : On est en train, aujourd'hui même, là, d'honorer la mémoire, il y a pas longtemps, hein, c'est il y a 110 ou 111 ans, de jeunes de 18, entre 18 et 35 ans, qui étaient tués au nombre de…Écoutez bien, ouvrez bien vos oreilles : 1 300 000 jeunes Français, jeunes hommes Français ont été tués pendant la guerre de 1914. Et près de 5 millions, en tout cas 4 millions, gravement blessés. Vous ne croyez pas que c'était plus dur ? Bien sûr que c'était difficile.
RÉMY BUISINE : Vous pensez qu'aujourd'hui, il y en a qui se plaignent plus que de raison ?
FRANÇOIS BAYROU : Vous ne comprenez pas ce que je dis. Vous m'avez demandé est-ce qu'ils sont condamnés à vivre plus mal ? Est-ce que c'est une génération sacrifiée ? Est-ce qu'ils n'y arriveront pas ? Moi, je vous dis qu'on y arrivera. A une condition, c'est la lucidité.
RÉMY BUISINE : La lucidité ?
FRANÇOIS BAYROU : Si vous acceptez d'arracher le bandeau qu'on a mis sur les yeux à tant de gens, et que vous disiez, écoutez, ces difficultés-là, c'est moins grave que la guerre, c'est moins grave qu'une épidémie de peste qui emportait les gens, ou de tuberculose comme c'était le cas, avec des dizaines de milliers de morts par an, ces difficultés-là, nous avons tout ce qu'il faut pour y faire face, à une condition : le vouloir.
RÉMY BUISINE : Vous évoquez la lucidité, il y a pas mal de commentaires qui sont revenus aussi sur ça, dans ce temps de crise politique. Est-ce que le système démocratique français tel qu'on le connaît est arrivé à bout de souffle ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est une question très difficile, mais j'espère que non. Je vais essayer de vous répondre sur ce point. Le système que nous avons c'est un système dans lequel on a pris l'habitude, et c'est absolument le sens de la démarche que je conduis en ce moment, et qui est une démarche, je reconnais, un peu idéaliste ou un peu optimiste. On a pris l'habitude que les décisions difficiles, il ne fallait pas y associer les Français, il fallait les prendre contre eux. Et il y a des responsables politiques dont le modèle est Mme Thatcher, vous savez, qui a été Premier ministre en Grande-Bretagne, et qui est passé en force jusqu'à laisser mourir des mineurs qui faisaient la grève de la faim.
RÉMY BUISINE : Mais concrètement, si on parle sur le sol français, ce serait quoi ? Changer de république ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, non, je pense qu'on a tout ce qu'il faut à condition d'avoir en tête précisément qu'il faut que les Français participent, soient directement informés, soient directement associés. Et ce que je suis en train de faire là…
RÉMY BUISINE : Vous voyez sur le terrain, on le voit, moi je le vois aussi en tant que journaliste, l'écart il se creuse de plus en plus. entre les politiques et les Français.
FRANÇOIS BAYROU : Ça c'est vrai.
RÉMY BUISINE : On entend de plus en plus de gens qui disent mais ces gens-là, ils ne nous représentent pas, ils sont dans leur tour d'ivoire, ils ne nous regardent pas.
FRANÇOIS BAYROU : Je vous ai... Ce n’est pas un reproche qu'on puisse qu’on puisse me faire...
RÉMY BUISINE : Je ne parle pas à vous-même, je parle de façon générale ce que les gens vont dire de la classe politique.
FRANÇOIS BAYROU : Je vous ai donné le sondage tout à l'heure de cette semaine. Près de 85% des Français pensent que le monde politique n'est pas à la hauteur. Et ce que je fais, c'est précisément essayer de me situer à la hauteur de l'événement. De dire, cette politique-là que je viens de vous décrire, qui est indispensable pour les raisons essentielles que j'ai dites, cette politique-là, on ne peut la faire qu'avec vous. Et donc, je remets le destin du gouvernement aux représentants que vous vous êtes choisis. Et je trouve que l'enjeu est suffisamment important pour qu'on essaie de se hisser à cette hauteur. À cette hauteur par la pensée, la prise en compte de l'événement, et même à cette hauteur par le risque. Au lieu de passer son temps à s'échapper, à prétendre qu'il n'y a pas de problème, à faire en sorte qu'on dissimule aux gens la gravité des choses, ils passent leur temps à dire, « de toute façon, vous les politiques, vous êtes déplanqués. Vous avez des privilèges », je vous ai dit ce que je pensais de ces privilèges, « vous avez des privilèges et vous voulez les garder. Jamais vous ne vous les remettez en cause. » J'essaie de montrer qu'il y a des responsables politiques qui ont une assez haute idée du rapport entre les responsables et les Français, qu'ils vont jusqu'à se mettre en risque pour partager avec les Français la prise de conscience.
RÉMY BUISINE : Il y a eu des gouvernements successifs et finalement toujours pas de majorité claire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a quand même un pays qui est très facturé sur ces questions. Ingouvernable, je ne sais pas si c'est un terme que vous en...
FRANÇOIS BAYROU : J'espère que non. Vous avez été là pendant neuf mois. On verra. C'est déjà pas mal, neuf mois avec un gouvernement qui s'est bien entendu, où il n'y a pas eu de crise à l'intérieur, même entre des personnalités très différentes, où j'ai fait en sorte que règne une unité et même une cordialité ou même une certaine amitié entre ses membres. Et c'est déjà très bien. Mais il y a un moment où l'épreuve de vérité exige...
RÉMY BUISINE : En parallèle, vous parlez du gouvernement on a quand même aussi certains ministres qui préparent déjà la campagne de 2027. Il y a parfois eu des dissonances entre, parfois, je ne sais pas, le Garde des Sceaux, Gérard Darmanin, qui va proposer des mesures qui ne sont pas du tout portées par le gouvernement, Bruno Retailleau, qui va déjà préparer la campagne présidentielle de 2027. Vous avez des fois ressenti ce...
FRANÇOIS BAYROU : Non, non.
RÉMY BUISINE : …Pas un manque de loyauté, mais...
FRANÇOIS BAYROU : Non, non. J'ai voulu des poids lourds.
RÉMY BUISINE : Donc avec la liberté de parole que ça impose.
FRANÇOIS BAYROU : D'habitude on ne fait pas des gouvernements de poids lourd. On fait des gouvernements de poids moyen pour éviter que des têtes dépassent. J'ai voulu exactement le contraire. Par exemple, je suis très content que Manuel Valls ait pu être chargé de cette mission terriblement difficile des Outre-mer. J'avais deux anciens premiers ministres dans le gouvernement, Manuel Valls et Elisabeth Borne. Et puis Bruno Retailleau, Gérald Darmanin, bien sûr ce sont des personnalités. Éric Lombard, ce sont des personnalités. Catherine Vautrin, c'est des personnalités.
RÉMY BUISINE : Parfois on a d'autres projets à long terme et peuvent aussi...
FRANÇOIS BAYROU : Non, ce n'est pas vrai.
RÉMY BUISINE : Vous n’avez jamais ressenti ça ?
FRANÇOIS BAYROU : J'ai jamais ressenti ça. Et en tout état de cause, s'ils ont des projets, ils ont bien le droit d'en avoir.
RÉMY BUISINE : Bien sûr, c'est pas la question, c'est par rapport à leur présent. C'est pas interdit.
FRANÇOIS BAYROU : Mais ils n'ont jamais laissé leur projet amoindrir ou changer la responsabilité qu'ils exerçaient au sein du gouvernement. J'y ai veillé constamment.
RÉMY BUISINE : J'ai une question à vous poser. On est peut-être probablement à un temps de bilan. Moi j'ai envie de vous poser cette question. Ça fait des décennies que vous êtes dans la politique. Vous vous êtes présenté plusieurs fois à l'élection présidentielle. Et on se dit, bah voilà, vous avez été Premier ministre. L'une des plus hautes fonctions de l'État. À un moment où finalement vous n'avez peut-être pas pu faire les réformes que vous auriez voulu ? C'est quoi les regrets que vous portez aujourd'hui ?
FRANÇOIS BAYROU : Aucun regret. Un, je ne suis pas porté au regret. Il y a des gens qui passent leur temps à regarder dans le rétroviseur plutôt que de regarder la route qui est devant eux. Je ne suis pas fait comme ça.
RÉMY BUISINE : Peut-être pas le terme regret, mais peut-être de frustration, c'est de se dire finalement, vous avez encore pour l'instant ces fonctions-là pendant 9 mois. Et finalement, de par la composition de l'Assemblée nationale, vous n'avez pas pu porter les projets qui sont les vôtres.
FRANÇOIS BAYROU : Non, mais au moins, vous m'accorderez que j'ai marqué un certain nombre de sujets. Qu'on n'effacera pas.
RÉMY BUISINE : Marqué mais pas légiféré. Pas légiféré aussi.
FRANÇOIS BAYROU : Pas légiféré aussi. On a présenté deux fois des budgets. On a fait adopter le budget de la nation et le budget de l'action sociale. On a fait adopter la loi sur le narcotrafic. On a fait adopter la loi d'orientation agricole. On a fait adopter un certain nombre de lois de simplification.
RÉMY BUISINE : Et qu'est-ce qui manque pour vous ? Qu'est-ce que vous auriez aimé faire passer qui n'est pas là aujourd'hui ?
FRANÇOIS BAYROU : Alors, c'est pas des manques et c'est pas des regrets, mais ce qui me manque, c'est la grande réforme que je crois indispensable pour l'éducation nationale. La chose la plus importante à mes yeux. Par exemple, on a tout à bâtir ou à rebâtir. Ça fait des décennies, j'ai été ministre de l'Éducation, et entre le moment où j'ai quitté le ministère de l'Éducation et aujourd'hui, le niveau des élèves français a reculé de plus d'une année. Vous vous rendez compte ? Ce qu'était le niveau en sixième quand j'étais ministre de l'Éducation, aujourd'hui c'est à peine le niveau de la fin de cinquième. Et vous le voyez bien dans ce qu'est la maîtrise de l'écrit. dans ce qu'est la lecture, dans ce qu'est le plaisir de la lecture, dans ce qu'est des notions de mathématiques, même élémentaires, la place de la science dans la vie de tous les jours. J'avais créé, avec le prix Nobel Georges Charpak, j'avais créé la main à la pâte. La main à la pâte, c'était des travaux pratiques dans les cours de science à l'école primaire et au collège. Pour que chacun comprenne que la physique, par exemple, ce n'est pas des choses abstraites, que la vie de tous les jours, que ce verre-là, ça doit faire, il doit y avoir là à peu près, je ne sais pas, 12 centimètres cubes, peut-être un peu plus, peut-être 15 centimètres cubes. C'est ça le réel, c'est la vie. Donc l'éducation. Et je suis, allez je vais vous faire une confidence, je ne suis pas du tout partisan de Parcoursup. Je trouve qu'il y a là une démarche. Alors Parcoursup, c'est un outil. Je laisse l'outil de côté, l'informatique.
RÉMY BUISINE : Pourquoi ne pas l'avoir retiré pendant que vous étiez là ?
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, on a commencé à travailler le sujet, mais je n'ai été nommé, que je vous rappelle, que le 13 décembre. Et puis la rentrée est prête le 13 décembre. Mais j'ai ce projet-là en tête. Parcoursup, c'est traumatisant. Parce qu'on laisse trop d'enfants. À 15 ans vous aviez une idée de ce que vous vouliez faire vous ? Peut-être vous, moi pas, et je ne connais personne qui avait une idée précise à 15 ans de ce qu'il voulait faire.
RÉMY BUISINE : Je voulais déjà faire journaliste mais j'ai un parcours assez atypique, on pourra en prendre un exemple. En effet, il y a beaucoup de jeunes qui ont une orientation très tardive.
FRANÇOIS BAYROU : Et puis ça angoisse les familles, et après ça vous interdit de changer de choix en cours de route, et puis le fait qu'il y ait des…que tout soit en option, ça rend pour les chefs d'établissement impossible l'établissement des emplois du temps. Le groupe classe qui existait autrefois n'existe plus.
RÉMY BUISINE : En neuf mois, vous n'avez pas eu le temps de proposer une autre solution ?
FRANÇOIS BAYROU : Et bien, on a fait des choses essentielles parce qu'on a proposé...
RÉMY BUISINE : Est-ce qu'il y aura encore Parcoursup l'année prochaine, malgré ce que vous dites ?
FRANÇOIS BAYROU : On a proposé un... J'espère qu'on pourra regarder. On a proposé un recrutement précoce des enseignants, qu'on puisse les former parce qu'on a un problème. de formation des enseignants. Et donc nous avons pour la première fois créé ou recréé depuis très longtemps un système de recrutement précoce des enseignants qui puisse recevoir des formations.
RÉMY BUISINE : On parlait de vos sentiments, vous évoquiez Parcoursup cette petite confidence. Il y a le sentiment chez certains qu'Emmanuel Macron vous a un peu abandonné, vous a laissé un peu traiter ses dossiers tout seul et qu'on n'entend pas beaucoup. Est-ce que vous êtes senti soutenu par le Président de la République ?
FRANÇOIS BAYROU : Cette vision est totalement fausse. Je ne dissimule jamais la vérité. J'ai eu, depuis longtemps, depuis des années, une relation avec le président de la République qui est une relation de confiance, de confidentialité. Ce que nous disons ensemble, ça ne sort jamais, vous n'en avez jamais aucun écho, ce qui vous donne l'impression qu'il disparaît. Ce n'est pas vrai du tout.
RÉMY BUISINE : Vous avez juste eu des échos au début quand les gens disaient que vous avez forcé pour être samedi.
FRANÇOIS BAYROU : Oui, bon, vous savez bien, il y a parfois des explications dans la vie.
RÉMY BUISINE : C'était vrai ou pas ?
FRANÇOIS BAYROU : Non, je pense qu'on avait une confrontation sur la vision qu'on pouvait avoir de Matignon, ça c'est vrai. Et que j'en avais une vision et que je crois que j'ai réussi à le convaincre.
RÉMY BUISINE : Donc, quand vous êtes reçu, il y a un avis divergent sur la nomination du nom du Premier ministre et vous, vous arrivez avec des arguments, vous dites, pour le convaincre. Si on parle franchement.
FRANÇOIS BAYROU : On a eu une discussion sur ce sujet. J'imagine qu'aucun président de la République ne recrute un Premier ministre sans avoir une discussion.
RÉMY BUISINE : Non mais il a envisagé d'autres personnes.
FRANÇOIS BAYROU : C'est son devoir. Penser à plusieurs premiers ministres possibles, c'est la première mission d'un président de la République.
RÉMY BUISINE : C'était le poste d'une vie là ?
FRANÇOIS BAYROU : Pardon ?
RÉMY BUISINE : C'était le poste d'une vie, Premier ministre ? Pour vous c'était l'aboutissement ?
FRANÇOIS BAYROU : Non. Alors je vais vous dire quelque chose, peut-être que vous ne le croirez pas, et puis qui n'est pas très simple à comprendre. Je n'ai jamais fait de différence dans ma vie, entre le citoyen, le père de famille, l'élu local, le responsable de partis politiques ou membre de l'exécutif ou chef de l'exécutif. C'est la même chose, c'est une vie d'engagement. Lorsqu'on est un homme, alors peut-être j'ai appris ça dans la ferme de mon enfance. Quand vous êtes paysan, vous êtes responsable de tout. Des animaux, des récoltes, de la maison, de votre famille, qui est très souvent engagée sur l'exploitation agricole, de la santé des animaux, et de la collectivité à laquelle vous appartenez, de la communauté à laquelle vous appartenez. Et je ne fais jamais différence dans tout ça. Quand je suis maire, je regarde la sécurité, je regarde la propreté, très important.
RÉMY BUISINE : Alors vous dites tout ça, mais justement, ça va être quoi votre engagement demain ? Alors j'ai compris deux choses, que vous n'allez pas nous dire si vous êtes à nouveau maire de Pau parce que vous ne les réservez pas ça à un média national, j'ai compris ça, et que vous n'allez pas parler de la présidentielle de 2027. Moi j'ai envie de vous dire, si demain ça acte ce qui est prévu, vous faites quoi mardi ?
FRANÇOIS BAYROU : D'abord, mardi je serai probablement encore à Matignon.
RÉMY BUISINE : À la sortie de Matignon, disons.
FRANÇOIS BAYROU : Quand la sortie de Matignon, la nomination d'un successeur, viendrait, si ce que vous annoncez, ce que tout le monde annonce à son de trompe se réalisait, eh bien je serai engagé à la fois…
RÉMY BUISINE : De quelle façon ?
FRANÇOIS BAYROU : …À la fois, je serai maire de la ville et président de cette agglomération et même de cette petite région, et je serai président de mon parti politique, un des partis qui joue un rôle dans la vie nationale, et qui est engagé avec, autour de moi, une génération de responsables qui ont été ministres, qui sont ministres. qui occupent des responsabilités nationales, des femmes et des hommes qui valent la peine. Et des femmes et des hommes, ce qui est très rare en politique, qui s'aiment bien. Parce qu’ils n’appartiennent pas à un parti politique, mais à une fraternité. Quelque chose qui les réunit au-delà de leurs différences. et qui leur donne envie de vivre et de vivre de grandes aventures ensemble. Et nous sommes comme un ferment dans la réalité française. Nous portons une certaine vision. Vous voyez bien qu'on fait des choses que les autres ne font pas. On prend des risques, on dit la vérité, qui n'avait jamais été dite depuis des années. Les yeux dans les yeux avec les Français, on dit voilà ce qu'on va devoir affronter. Et personne ne pourra nous prendre en situation de mensonge.
RÉMY BUISINE : On me dit dans l'oreillette que c'est la toute fin de l'interview. Je suis obligé de porter les commentaires parce qu'il y en a énormément, c'est un copier-coller. Ça va nous faire venir un peu loin, mais qui nous parle du 8h-13h sur les rites scolaires, ça revient énormément. Je suis obligé, sinon je vais me faire assassiner juste après par les gens dans les commentaires qui me disent, qui disent justement, les rites scolaires, les journées de classe sont trop longues.
FRANÇOIS BAYROU : Vous en pensez quoi, vous ? Je pense que c'est assez vrai, mais c'est des questions d'organisation. Je pense qu'il faudrait tous les jours faire du sport et tous les jours faire quelque chose d'artistique. de musique ou de théâtre, ou de lecture à haute voix, de lecture interprétée, ou toute autre activité culturelle. Je pense que c'est trois. Les connaissances.
RÉMY BUISINE : Donc des après-midis plus ludiques ?
FRANÇOIS BAYROU : Oui, on pourrait même imaginer que ce soit le matin. C'est mieux si c'est l'après-midi, c'est plus facile, parce que les rythmes biologiques font que le matin on est plus calme pour étudier, et l'après-midi on a plus de faculté pour développer son énergie. Mais oui, je suis d'accord avec ça. Et je l'avais fait quand j'étais ministre de l'Éducation, il y a longtemps, avec quelqu'un que j'aimais beaucoup qui s'appelait Philippe Séguin, qui était maire d'Épinal à l'époque. A Épinal, nous avions organisé ça. Ça avait un problème, c'est que ça coûte très très cher. Et donc l'expérience n'a pas été prolongée.
RÉMY BUISINE : Alors pour conclure, on en a parlé juste avant l'interview, évidemment, c'est ce que vous disiez, sans dramatiser le moment, je sais que demain vous allez vous adresser aux Français, aux députés, mais si avant ce discours, il y avait un dernier mot à dire aux Français. Je dis cette semaine justement, vous avez été régulièrement sur les plateaux pour porter votre parole. Qu'est-ce que vous aimeriez leur dire avant ce vote aux Français ?
FRANÇOIS BAYROU : Une chose très simple. L'avenir, l'avenir, l'avenir est ouvert. On peut, c'est pas si difficile, ce n’est pas aussi difficile qu'une guerre, ce n’est pas aussi difficile qu'un effondrement généralisé, ce n’est pas aussi difficile que des affrontements. On peut, c'est accessible, c'est à portée de la main de s'en sortir. À ce moment-là, l'avenir s'ouvre et il y a une deuxième condition. Il faut tourner le dos aux divisions pour accepter qu'on est ensemble. On n'a pas toujours les mêmes opinions, mais il y a des nuances. que des nuances.
RÉMY BUISINE : Ce sera la tonalité de votre discours, demain ?
FRANÇOIS BAYROU : C'est l'essentiel dans tout ça.
RÉMY BUISINE : Je sais que vous allez commencer un petit peu à...
FRANÇOIS BAYROU : Ah bah si vous croyez que je vais vous spoiler comme vous dites le discours de demain...
RÉMY BUISINE : Pas nous spoiler, mais les thèmes, au moins un peu ce que vous voulez faire passer comme message.
FRANÇOIS BAYROU : On a là énuméré un certain nombre de thèmes qui seront nécessairement présents.
RÉMY BUISINE : Le premier message que vous aimeriez faire passer demain, c'est lequel ? Dans ce discours.
FRANÇOIS BAYROU : Si on ouvre les yeux, alors on va prendre le bon chemin. Encore faut-il accepter de les ouvrir.
RÉMY BUISINE : Ce sera donc le mot de la fin de cette interview et on suivra donc demain en direct sur Brut à partir de 15h ce discours qui sera suivi non pas d'un vote de confiance parce que je sais que vous avez remis en terme ce terme mais de dire justement qu'il y a de la responsabilité du gouvernement qui sera mis demain devant les députés à l'issue de ce discours. On sera évidemment en direct sur Brut pour vous faire vivre tout au long de cette journée politique importante. Je voulais vous remercier François Bayrou d'avoir accepté notre invitation et d'avoir pris cette... On a fait un petit peu plus d'une heure un quart, on a fait une 1h25, mais c'était intéressant de pouvoir justement aborder, je l'espère, en toute franchise tous ces sujets-là. Très nombreux, je pense que si on voulait même tous les aborder, on aurait pu faire toute l'après-midi.
FRANÇOIS BAYROU : On aurait pu faire un 24-24.
RÉMY BUISINE : On aurait pu faire le record de la plus longue interview politique, mais j'espère en tout cas que ça a permis durant ce temps-là de pouvoir dialoguer sur cette situation en cours, cette crise politique et aussi répondre aux questions des personnes dans les commentaires. Dire évidemment que cette interview, dans les prochaines minutes, vous pourrez la retrouver en intégralité sur notre chaîne YouTube et que différents extraits seront disponibles, notamment sur nos comptes TikTok, Instagram, Facebook, etc. L'occasion également de saluer toute la communauté brute. Vous remerciez encore une fois d'être toujours aussi nombreux à nous suivre, à commenter nos vidéos, à partager et à nous faire confiance pour suivre les grands événements de l'actualité et de ce monde. Et donc, quant à moi, je vous donne rendez-vous comme vous, Monsieur le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU : Et nous avons dit la vérité brute.
RÉMY BUISINE : Exactement. Merci à vous, merci à tous et on se retrouve demain à l'Assemblée nationale comme vous Monsieur le Premier ministre. Bonne journée à vous et bon dimanche.