François Bayrou, invité de « Questions politiques » sur France Inter et France Info TV

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Thomas Snégaroff sur France Inter et France Info TV ce dimanche 12 septembre à 12h00, dans l'émission « Questions politiques ».

 📻 Pour réécouter l'émission : https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques

Bonjour François Bayrou.

Ce dimanche est très politique, hyper politique.

Anne Hidalgo se lance. Marine Le Pen se relance. Éric Zemmour nous dit qu'il hésite à se lancer ; nous reviendrons sur tout cela, mais j'aimerais avec vous imaginer une scène : un jeune arrive - un jeune homme ou une jeune femme - un jeune et vous dit qu'il veut se lancer en politique. Que lui dites-vous ? « Attention tu risques un jour d'être mis en examen, comme Agnès Buzyn pour mise en danger de la vie d’autrui. C'est dangereux de faire de la politique » ? Ou encore, attention « c'est dangereux car comme pour la Mairie de Pau cette semaine, les anti-pass risquent peut-être de tenter d'entrer dans ton bureau et peut-être de te causer des torts physiques » ? Ou est-ce que vous lui dites « attention, comme Benoît Hamon cette semaine tu risques un jour de vouloir en sortir parce que tu te diras que tu ne peux plus rien faire » ?

Absolument rien de tout cela, je lui dis que c'est à peu ce près la chose la plus intéressante, on dirait « motivante », je n'aime pas beaucoup ce mot pas très français, la plus exaltante peut-être parfois que de décider que les choix ne se feront pas sans vous ; que vous allez prendre votre part du destin autant que l’on puisse le deviner ou le façonner. Et donc, je lui dis qu'il a bien raison et je l'encourage.

Sincèrement, est-ce toujours aussi exaltant ?

Pour moi oui, car si ce n'était pas exaltant je ne serais pas là, si ce n'était pas intéressant ni passionnant. Spécialement, dans le moment que nous vivons et qui est probablement l’un des plus fascinant que l'on puisse rencontrer, tant se mêlent les problèmes planétaires, les grandes révolutions des sociétés et les problèmes spécifiquement français.

Peut-on revenir sur le cas d’Agnès Buzyn. Comment est-ce que vous considérez qu'elle a été traitée : mal ? Esprit de vengeance ? La volonté d'avoir un bouc émissaire. Est-ce que vous trouvez que c'est le fonctionnement logique des institutions ?

À la deuxième question, la réponse est non. À la première question, je ne fais pas de cas personnalisé. Il y a deux questions dans cette affaire, la première étant : « est-ce que le Gouvernement et Agnès Buzyn sont responsables de décisions qui ont porté tort aux Français, aux victimes » ?

Ont-ils fait tout ce qu'ils pouvaient dans le moment où nous étions, celui où personne ne savait ce qu’il se passait, y compris vous : les journalistes, les médias, les spécialistes de la santé, les grands médecins, etc. : personne ne savait exactement ce qu'était la nature de cette épidémie. On peut retrouver 1 000 déclarations ; nous avons tous conservé en tête « la grippette », 1 000 déclarations sur ce sujet de grands spécialistes en disant que c'était probablement saisonnier et que c'était probablement un virus qui allait s'affaiblir. Il était dit aussi que l'on n'était pas sûr qu'il était contagieux, comme l’on croyait peut-être beaucoup moins que d'autres virus précédents et personne n'a fait le lien qui aurait dû être fait avec la très grande pandémie du XXe siècle qu'était la grippe espagnole qui a fait 40 millions de morts.

De ce fait, est-ce normal que la justice soit saisie ?

C'est la deuxième question, mais à la première question : « est-ce que le gouvernement français et la ministre de la santé Agnès Buzyn ont fait ce qu'ils pouvaient assez tôt », la réponse est oui, je crois. Il y a 1 000 éléments qui permettent de voir qu’assez tôt, avant l'OMS, avant ses prescriptions, le Gouvernement français s'est inquiété. J'ai particulièrement suivi cela, car j'ai été alerté non pas par l'OMS, mais par mes amis et collègues hommes politiques italiens, car c'est en Italie que s'est déclenchée l'épidémie.

En effet, c'est dans le nord de l'Italie, c'est-à-dire la partie - comme on dit, la plus développée en tout cas - la mieux médicalisée que, parce que des précautions n'ont pas été prises que l'épidémie a flambé et a fait des milliers et des milliers de victimes. C'est pour cela que j'ai pu à Pau commencer la conquête des masques si j'ose dire.

Est-ce que vous estimez que la mise en examen est injuste ?

Nous n’avons pas traité la question que vous posiez vous-même à l'instant.

Est-ce que le fonctionnement normal des institutions est que des décisions politiques qui ont été prises dans une ambiance de crise et de risques, qui n'ont pas été des malversations, des détournements, des faits précis à reprocher, est-ce que cela doit être tranché par des juges ? Je crois que ce mécanisme n'est pas le bon ; il est inquiétant pour la démocratie, car la séparation des pouvoirs est une donnée absolument essentielle, mais aussi parce que la justice n'est pas - c'est une phrase que l'on dit souvent, mais je vais expliquer ce qu'elle veut dire - n'est pas un pouvoir en France, c'est une autorité. Pourquoi ? Parce qu’il y a des pays où les juges sont élus, c'est-à-dire ils sont missionnés directement par les citoyens en fonction de leur personnalité, intuitu personae comme l'on dit, et là, ils ont une assise, ils sont un pouvoir. Ce n'est pas le cas en France.

En effet, les juges disposent d'une autorité et les mises en examen de cet ordre-là me paraissent une dérive, car cela signifie que l'on prive les citoyens eux-mêmes, les électeurs que nous sommes tous, d'un pouvoir qui est celui de juger de l'action des politiques.

Ce que vous reprochez, c'est la présence de parlementaires dans la Cour de Justice de la République.

J'ai toujours été contre la Cour de Justice de la République ; vous trouverez d’ailleurs d'innombrables déclarations de moi, j'en avais même fait un chapitre du projet de la loi de moralisation de la politique que je défendais dans l'époque très restreinte où j'ai été Garde des Sceaux. En effet, je pense qu’il n’est pas normal que ce soient des parlementaires transformés en juges qui jugent un Exécutif qui dépend des parlementaires. Il y a là quelque chose d'un chien qui se mord la queue.

Est-ce que vous craignez que la campagne présidentielle qui s'ouvre soit polluée par cette saisine et d'éventuelles autres mises en examen, puisque l'on parle aussi cas possibles d'Olivier Véran ou d'Édouard Philippe.

Si vous me demandez « est-ce que vous craignez que la campagne présidentielle qui va s'ouvrir soit faite d'innombrables pièges inattendus pour les uns, trop attendus pour les autres » : ma réponse est oui. Je pense qu'aucune campagne présidentielle n'est une campagne sobre, facile, transparente, fair-play, hélas tout cela n'existe pas et celles-ci particulièrement.

Pourquoi ?

Parce que l'élection d’Emmanuel Macron en 2017 a bouleversé un ordre que l'on croyait établi pour longtemps qui était le règne conjoint des deux tours jumelles du grand parti de droite et du grand parti de gauche, auquel je me suis opposé toute ma vie politique comme vous le savez.

Cela a fait naître en même temps des conduites, des concurrences, des affrontements qui ne sont presque plus idéologiques, mais qui sont personnels, des batailles d'ego comme vous écrivez. Je pense que tout cela ajoute à l'incertitude ambiante. Nous sommes dans un moment - j'imagine que nous allons en parler - qui est un moment de profond bouleversement dans les esprits.

J'aimerais vous faire écouter une archive qui date du 13 mai 2017. Cela raisonne avec ce que vous venez de dire sur les deux tours idéologiques qui ont structuré la France. Emmanuel Macron vient d'être élu Président de la République, vous l'avez soutenu, vous avez un accord en vue des législatives qui approchent et vous donnez votre point de vue sur le positionnement politique que doit avoir le pouvoir.

« Quel est le point d'équilibre politique de la Majorité ? Nous souhaitons, c'était le cadre de notre accord qu'il y ait une majorité dont le point d'équilibre qui soit au centre et non pas une majorité qui se décentrerait d'un côté ou de l'autre. Je trouve que l'on a pu faire entendre des arguments et une raison qui retrouvent les termes de l'alliance que nous avions passée et annoncé il y a déjà plusieurs mois. »

Alors François BAYROU, cinq ans plus tard ?

Ce n'était pas si mal, c'était juste. Ce n’est pas mal que je n'ai pas changé d'avis !

Sauf qu’aujourd'hui le Premier Ministre, si ne me trompe pas est de Droite, le Ministre de l’économie également, le Ministre de l'Intérieur aussi et le Ministre de l'Éducation Nationale également. N’avez-vous pas l'impression que le centre de gravité que vous évoquiez et que vous espériez au Centre s'est assez clairement déplacé vers la Droite ?

Il se trouve que je connais un peu le Président de la République qui est la clef de voûte, la pièce maîtresse de notre architecture politique, et je sais, pour le voir réfléchir et agir, que son point d'équilibre est là.

Il ne s'est pas déporté sur la Droite, Emmanuel Macron pendant ce quinquennat ?

Pas du tout. Vous ne me contesterez pas d'être un homme du Centre. Lorsqu’il faut de l'autorité, il en faut et quand il faut de la sécurité il en faut.

J'ai construit à Pau une police municipale sérieuse, j'ai mis en place tous les éléments de sécurité, de vidéosurveillance dans la ville et mon opposition qui n'avait pas beaucoup de succès a dit : « ce sont des mesures de droite ». Bon…

Je ne laisse pas se perdre de vue ce qu'est l'intérêt majeur de chacun des citoyens, ni l'ordre ni la sécurité ne sont de droite : ils sont le devoir que l'on doit à ceux dont nous avons la responsabilité. C'est ce que l'on doit et de ce point de vue, il suffit de lire ce qu'est la responsabilité d'un maire qui a la responsabilité de la sécurité et de la salubrité. Le Président de la République a la responsabilité de la préservation d'une société qui permet aux individus de vivre-ensemble.

On a tout de même l'impression, dans les études d'opinion, qu'il y a une droitisation de la société française. Je voulais vous demander à l'occasion de la campagne électorale, quels seront, selon vous, les thèmes prédominants sur lesquels la bascule risque de se faire.

Comment vous voyez les choses ? Est-ce le régalien, le social, l'écologique ? Il y a ce que vous voyez et ce que vous espérez.

Ce que j'espère, c'est que nous allons aborder en priorité la grande question de l'éducation. Je pense que les coups de grisou que reçoit la société française tiennent en partie à ce que nous avons depuis longtemps vu se dégrader : peu à peu l'Éducation Nationale et les efforts que le Gouvernement a faits.

À quoi vous le voyez ? Du fait des programmes ? Du fait d'une dégradation de la société tout entière ? Comment analysez-vous cette crise éducative ? Où est le problème ?

J'ai écrit il y a 30 un livre qui s'appelait « La décennie des mal-appris » dont j'étais très fier, car j'ai eu le prix des lectrices du magazine Elle, ce qui m'a rempli de joie autant qu'un prix Goncourt à cette époque. C'est un livre qui avait fait du bruit, c'était plusieurs années avant que je ne devienne ministre de l'Éducation Nationale.

Que s’est-il passé ? Il y a eu un certain nombre de ruptures qui ont été voulues comme progressistes. J'en cite quelques-unes, dont les mathématiques modernes par exemple qui étaient sans doute des exercices intellectuels de mathématiciens de premier plan…

Jean-Michel Blanquer a fait un virage à 180 degrés sur tout ce que vous dénoncez, il a suivi ce que vous disiez.

Je pense qu'en effet, l'entrée dans le ministère de l'Éducation Nationale de Jean-Michel Blanquer a été marquée par cette idée-là.

Sommes-nous arrivés au bout de cette idée ? Très loin de là.

Vous parlez du dédoublement des classes de CP ?

Très bien, mais pas seulement, le retour aux fondamentaux qui n'a peut-être pas été jusqu'au bout, mais qu'au bout de tout ce temps, dans tous les classements internationaux, l'école française se retrouve dernière ou à peu près de tous les classements internationaux. De plus, sur ce qui est d'ordre mathématique et scientifique ainsi que pour ce qui est de l'ordre de la maîtrise de la langue, pour moi, c'est un crève-cœur et pour la nation c'est une terrible crise.

Est-ce que pour vous c'est un problème uniquement de contenu ou est-ce quelque chose de beaucoup plus vaste qui dit quelque chose sur notre rapport aux savoirs dans cette société française ?

Je pense que votre deuxième analyse est juste. Il y a un problème de remise en cause de ce qui paraissait établi comme légitimité et comme autorité, de ce qu’à quoi on pouvait adhérer, de ce à quoi on pouvait croire et qui est assez largement remis en cause ; nous n’avons pas le temps d'étudier pourquoi, mais ceci est vrai. Cela a entraîné un certain nombre de ruptures qui font que la transmission de génération en génération s'est trouvée mise en cause.

Par exemple les écoles normales étaient une institution formidable qui assurait aux maîtres du premier degré, aux instituteurs comme disait Charles Péguy aux hussards noirs de la République, une surface, une solidité, y compris en termes de savoir, ce qui était remarquable. Aujourd'hui, de ce point de vue, nous avons été obligés de perdre une partie de ces repères.

Cela, c'est le grand chantier éducatif que vous voulez voir ?

Grand chantier éducatif pour l'éducation initiale, l'éducation des enfants et les grands chantiers éducatifs pour l'éducation tout au cours de la vie, car la formation et la reformation des jeunes et des adultes, c'est aussi un très très grand chantier.

J'espère donc que ceci sera une grande priorité.

Vous espérez…

Il existe une deuxième priorité que j'espère et crois nécessaire, c'est la reconquête de la production, la reconquête industrielle, la reconquête agricole, dans les conditions nouvelles de la production qui sont celles de la transition écologique ; mais avec la nécessité de refaire de la France un pays de production, simplement pour soutenir le contrat social qui est le nôtre.

Si nous n'avions que cet objectif, vous reconnaîtrez là les deux verbes sous lesquels j'ai fait plusieurs campagnes présidentielles qui étaient « instruire et produire ». Je pense que ces deux nécessités se sont aujourd'hui imposées comme incontournables.

On sent en tout cas que vous avez envie de peser, on verra comment. Dans le débat présidentiel, nous avons quasiment l'impression d'entendre un candidat et nous reviendrons sur cette question qui peut-être vous fait sourire ; je vous vois sourire déjà.

L'interrogation que l'on a aujourd'hui, c'est qu’au fond qu'est-ce que cette force centrale ou en tout cas, quelle est l'idéologie de cette force centrale que vous essayez d'installer maintenant dans la durée, puisque vous avez le projet de création d'un grand parti du Centre ? Nous avons cru un moment que c'était très centriste.

Lorsque l’on regarde « instruire-produire », ce n'est pas exactement cela. Aussi, comment définissez-vous le projet que vous voudriez porter et pourquoi tout d'un coup vous vous êtes ralliés à cette idée de grand parti alors que vous étiez très soucieux de préserver l'autonomie du Modem.

Vous êtes assez observatrice pour savoir que tout l'effort de ma vie politique a été de rassembler le Centre pour en faire une force majeure de gouvernement, car je pense que c'est le seul point d'équilibre qui permettra à la société française de trouver son élan pour l'avenir.

Les centristes ne sont plus cette brouette remplie de grenouilles comme vous aviez dit en 2011 ou 2012 ?

J'aime bien que vous citiez mes œuvres complètes !

(rires)

Je pense que c'est la tentation perpétuelle de ce grand courant-là et aujourd'hui de tous les courants français que tout le monde saute du bateau pour aller construire sa petite barque.

Cela s'est fait au centre comme un des beaux-arts et pour moi c'est l’une des explications du temps qu'il a fallu et de la chance qu'il a fallu pour corriger cela et reconstruire un parti de gouvernement ; nous y viendrons dans une minute.

Je réponds à l’autre question : « est-ce que l’on peut définir en un mot ce qu'est l'idéologie, la doctrine la philosophie la vision du monde de ce courant politique-là ? ». La réponse pour moi est évidente, oui, la doctrine et la philosophie de cette famille politique est l'humanisme au sens large du terme.

Nous avons tout de même l'impression d’entendre « maison commune » chez M. Lecornu, « grand parti », nous entendons beaucoup de mots en appelant des vœux, une espèce de coquille. On se demande si la coquille sera simplement une coquille de soutien, une coquille pour supporters ou fans d’Emmanuel Macron ou si c’est ce que l’on pensera dans cette coquille… On a l'impression qu’en huit mois pour définir un corpus, il va falloir vraiment se dépêcher pour savoir ce que l'on met dans la coquille.

Il y a quelque chose d’absolument juste dans ce que vous avez dit et quelque chose d’un peu faux. Ce qui est absolument juste pour moi, c'est que ce n'est pas un parti pour un homme, je ne crois pas aux partis pour un homme : je n'y ai jamais cru. Je crois aux tendances profondes de la société française de la démocratie dans le monde mais je ne crois pas aux partis faits pour une seule personne, car ils doivent se rattacher un jour ou l'autre à un courant fondamental ou retrouver le courant fondamental qui est le leur, ce qui je crois peu tout à fait se faire. Cela, c'est le premier point.

C'est donc la construction pour laquelle je plaide, c'est une organisation politique pour des générations.

Ce n'est donc pas simplement pour 2022.

Non pas du tout, le Parti socialiste a été créé en 1971.

Pour un homme !

(Rires)

Pas du tout. Un homme a réussi à en prendre le contrôle, c'est une autre histoire, mais pas du tout ! Il a réussi à en prendre le contrôle à partir d'une toute petite structure qui était la convention des institutions républicaines, mais il demeure que c’est…

Vous voulez une grande fédération d'un certain nombre de partis ?

Non, je n'emploie pas le mot fédération, car j'ai vécu tous les charmes qui sont très très peu et tous les inconvénients des fédérations. Quel est l'enjeu ? L'enjeu organisationnel d'abord, c'est que l'on ne réussisse à écarter les ferments de divisions perpétuelles des partis politiques. En effet, la grande question qui se pose est celle de l'énergie dont vous disposez : est-ce que vous l'utilisez pour conquérir à l'extérieur ou pour vous battre à l'intérieur ? Est-ce la guerre civile ou est-ce un mouvement pour conquérir, convaincre et entraîner à l'extérieur. Pour cela, je m'estime le plus grand expert mondial…

De la division !

(Rires)

… de la lutte contre la division dans les partis politiques ! J'ai été secrétaire général de l'UDF et Président de l'UDF, je vous assure je connais tout très bien. Je pense qu'on peut le faire et je pense que c'est le moment de le faire : on ne pouvait pas le faire avant et on ne pourra pas le faire après. Je plaide donc pour cela.

Aussi, cela veut dire que vous êtes en train d'essayer de bâtir un « mouvement majoritaire », cela veut dire que vous n’êtes plus dans l’optique de créer des coalitions, vous n’êtes plus sur l’idée de la proportionnelle alors ? Est-ce que la proportionnelle, c'est fini ?

Non, pas du tout.

Alors comment cela fonctionne ?

Essayons de nuancer ces affirmations. Je n'ai jamais été pour les coalitions. Je crois n'avoir jamais employé ce mot, car les coalitions c'est la quatrième République.

C'est aussi l'Allemagne où cela marche très bien.

Nous le verrons dans un mois.

Cependant, cela existe de fait lorsque l’on veut de la proportionnelle ?

Non pas du tout, je vais me référer aux grands auteurs, au seul qui compte sur le sujet, c'était le Général de Gaulle.

Lorsque de Gaulle défini dans le grand discours institutionnel de sa vie qu'il n'a jamais quitté d’ailleurs, le discours de Bayeux en 1946, lorsqu'il définit ce que doivent être les institutions françaises, je vais le citer je crois à peu près exactement. C'est d’ailleurs formidable car il y a un enregistrement extraordinaire de cet instant-là, car la grande voix du Général de Gaulle parle et il y a un petit oiseau qui fait le contrepoint par des trilles à la voix du Général de Gaulle sur l'enregistrement : c'est formidable !

Voilà donc ce qu'il y dit : « nous allons enlever l'Exécutif aux manœuvres parlementaires. Le gouvernement sera désigné par le Président de la République en tenant compte - je cite « des nuances de l'Assemblée Nationale. » ».

Qu’est-ce que les coalitions ? Cela signifie que ce sont des partis qui s'entendent et il faut qu'ils s'entendent avant que le Gouvernement n’existe. Le Gouvernement est donc soutenu comme la corde soutient le pendu - c’est une vieille formule de la quatrième République - et la défection d'un zozo ultime permet de faire tomber le Gouvernement.

Pour ce qui est de la cinquième République c’est exactement le contraire et c'est pourquoi nous avons bien eu raison de mettre le calendrier à l'endroit, ce que nous avons fait il y a quelques années.

C'est le Président de la République qui est élu, c'est à lui que les Français délèguent la magistrature de la vision et à qui ils font confiance pour les institutions. C’est un choix d'homme, de personne, avec tout ce qu'il porte en lui de projet, c'est un choix dédié à une femme ou à un homme.

Ensuite, ce Président de la République désigne un Gouvernement. Il a face à lui une Assemblée Nationale et il est bon que cette dernière, dans ma vision, soit la plus représentative possible du pays. Enfin, eh bien vous constituez un Gouvernement en tenant compte des orientations que le pays a transmis. Voilà, c'est aussi simple.

Un Président de la République au-dessus des partis, qui a une vision, était-ce le cas d’Emmanuel Macron ? Que pense-t-il de cette proposition que vous faites ici.

Vous êtes cruel, car vous me mettez face à l’un des problèmes les plus importants de ma vie : je suis victime d'une pathologie ! Pathologique mais presque : je suis amnésique dès qu’il s'agit de mes conversations avec le Président de la République.

Ce que vous pouvez peut-être nous dire, c'est à quelle date va émerger ce mouvement ? Quel sera son non ?

Plus tôt que plus tard !

C'est-à-dire avant la fin de l'année ?

Je pense qu'il faut aller vite, sinon cela ne se fera pas. Vous voyez bien que si l’on attend l'élection présidentielle…

Quel pourcentage de chance vous lui donnez ?

Un peu plus de 50/50.

Vous avez dit le mot humaniste qui m'a beaucoup intéressé. Vous l'amoureux de François 1er, je pense que cela raisonne aussi dans votre cas personnel. Éric Piolle nous a dit qu'il voulait faire un arc humanisme aussi : quelle est la différence ? Y a-t-il deux humanistes qui s'affrontent ?

Je connais la cause de cette phrase, mais je ne la commenterai pas.

Mais votre arc à vous, il va d’où à où en clair ? Est-ce qu’il va d’Édouard Philippe à des personnes de Gauche qui seraient un peu déçues par le parti socialiste ?

Lorsqu'une élection présidentielle est acquise, à ce moment-là, on constitue la majorité et le Gouvernement le plus large possible, sans perdre de vue le socle qui a permis la réalisation de cette majorité. Vous comprenez ?

Combien de courants politiques existent-ils en France ? Allez, cinq ou six : l'Extrême-droite, la Droite de gouvernement, le Centre, les Écologistes, la Gauche de gouvernement et l'extrême Gauche c'est cela à peu près.

Ces six courants politiques ont leur légitimité. Simplement, il est parfaitement possible de réunir des personnes différentes pour gouverner, mais l'organisation politique qui permet de s'adresser aux pays, de mûrir des projets comme vous le dites, de faire sortir des personnalités nouvelles, de former, de lancer dans la bataille, tout cela ne peut se faire que sur des pôles assez larges et clairement identifiés.

Vous savez, ce qui m'a mis en colère toute ma vie, c'est la formule : la Droite et le Centre, comme si c'était la même chose ! Et d’ailleurs, vous vous souvenez que je suis allé à Toulouse le jour de la formation ou de la pré-formation de l'UMP, c’est pour vous dire…

Cela ne s’est pas bien passé !

Non, cela ne s’est pas bien passé, mais c'était très juste pour dire : vous dites que nous pensons tous la même chose. Nous, c'est-à-dire la Droite et le Centre et que c'est la même chose : eh bien moi, je prétends que ce sont deux courants différents qui ont leur philosophie, leur vision de la société et de la démocratie en particulier. Ainsi, les uns sont plus nationalistes et les autres plus européens, tandis que d'autres sont plus sociaux et d'autres encore plus économistes libéraux.

On arrive quand même à dégager des idées communes pour avancer ?

Bien sûr ! Regardez, il n'y a pas eu un seul affrontement d'idée au sein de ce socle majoritaire pendant les cinq années.

Il y a eu des tensions.

Au sein du bloc majoritaire ?

Oui.

Je n'en ai pas vu.

Si vous permettez j'aimerais bien que l'on refasse une petite séquence sur le bilan d’Emmanuel Macron.

Il y a 5 ans exactement, c'était en 2016, vous étiez invité à cette même table sur France Inter Questions Politiques et vous disiez ne pas vous reconnaître dans le projet de société d’Emmanuel  Macron, infiniment proche, je vous cite, de celui de Nicolas Sarkozy en 2007 avec des inégalités croissantes.

Nous sommes en 2021. On peut faire le départage entre les mesures fiscales, sociales. Emmanuel Macron a-t-il été le président des riches ?

Vous oubliez de remettre cela dans le contexte de l'époque. C'était un moment d'agacement entre Emmanuel Macron qui surgissait et moi qui cultivais le champ sur lequel il allait plus tard pouvoir moissonner.

C'est cela la vérité.

Le président des riches.

Maintenant, je comprends sur le contexte, mais si on fait le bilan ?

Absolument pas. Je n'ai pas été tout à fait d'accord comme vous savez sur la manière dont la réforme de l'ISF s'est faite.

J'étais, moi, pour une réforme légèrement décalée, assez différente symboliquement, qui était de dire : on va sortir de l'ISF l'investissement productif puis, après, cela a été beaucoup plus large et, à mon sens, cela a entraîné une difficulté, une incompréhension sur ce point et donc je crois encore aujourd'hui que j'avais raison car cela aurait été un puissant incitatif à l'investissement productif, mais, bon, c'est derrière nous.

L'ISF, les APL, tout ce qui a été mesures fiscales sur le capital, la flat tax, est-ce que vous trouvez que cela a été équilibré ?

Je pense que cela a été équilibrée en supprimant la taxe d'habitation.

C'est fait aussi pour les plus riches.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela représente pour un budget...

18 milliards.

…Pour un salarié moyen de gain direct. Cela a été équilibré parce qu'on a augmenté les bas salaires comme cela n'avait jamais été fait de plus de 100 euros.

C'est la prime d'activité, mais c'est parce que les gilets jaunes sont arrivés dans la rue.

Vous pouvez le dire mais, ce sont des faits et, pour moi, cela a été un équilibre. Cet équilibre doit être amélioré, précisé. Tout cela, cela va être l'objet de la campagne présidentielle, si le Président de la République décide de se représenter, mais je n'ai aucun doute que c'est exactement cet équilibre qu'il faut rechercher.

Sur le modèle social, les retraites, la réforme, le président qui dit : « on fera cela finalement quand on tombera le masque », comment vous comprenez ? Est-ce que cela veut dire que c'est enterré d'ici avril.

Êtes-vous soulagé François Bayrou ?

Est-ce qu’on peut se passer d'une réforme des retraites ? Non parce que simplement si l’on décidait de ne pas aller au bout d'un projet de cet ordre, de ce projet ou d'un autre, cela voudrait dire que les pensions de retraite seront menacées pour ceux qui les touchent, c'est-à-dire qu'on se trouvera à un moment où on ne pourra plus garantir le paiement des retraites.

Est-ce qu’on peut accepter cela dans un pays comme le nôtre ? Non.

Ma question, c'est sur le calendrier. Vous êtes pour la réforme des retraites, mais êtes-vous satisfait qu'on ne la fasse pas avant avril ? Est-ce que c'est ce que vous avez compris ?

Je fais très attention aux déclarations. Ce qui a été dit, et à juste titre dit, c'est que l'on ne pouvait pas faire une réforme comme cela alors que l'on est en plein épisode de pandémie, et même le patronat est venu dire qu'il préférait que l'on rétablisse les choses plutôt que de se trouver ou de créer un nouveau trouble.

Mais la réforme des retraites est indispensable et elle devrait avoir lieu. Et toute personne qui prétend que non est à mon avis quelqu'un qui n'est pas fidèle à son devoir à sa mission.

Des questions pour le Haut-Commissaire au Plan que vous êtes depuis septembre 2020 ; le Plan qui, en quelque sorte, a ressuscité avec vous. Il faut rappeler à tous ceux qui ne l'ont pas compris que le Plan, c'est ce qui nous a fait passer de la misère de l'après-guerre aux Trente Glorieuses. C’était avant la mondialisation.

Une année d’existence. Le Haut-Commissariat au Plan a produit 6 notes. Est-ce que vous voyez votre influence dans des décisions ?

Oui.

Lesquelles ?

Je pense ce que la note que nous avons produite sur la production d'électricité a changé en partie, je ne m'en glorifie pas, le climat sur la question du nucléaire en France.

Cette note dit les choses de manière claires, je rappelle que l’on ne peut pas passer ou l’on ne peut pas tenir les engagements que la France a pris sur la décarbonation de notre énergie sans aller à la fois vers du durable et du nucléaire.

Pourquoi ? Parce que le solaire, l'éolien, en dehors de l'hydro-électricité qui sont les énergies renouvelables que nous avons, elles sont intermittentes. On produit avec des éoliennes de l'électricité quand il y a dû vent et, avec le photovoltaïque, on produit de l'électricité quand il y a du soleil. Donc il faut une production d'énergie qui, seule, permet la transition vers le renouvelable et je pense que, de ce point de vue, tout le monde admet aujourd'hui que l'on va devoir prendre dans un délai rapide des décisions solides sur de nouvelles unités de production nucléaire.

Vous avez aussi produit une note sur la dette. En 2007, vous étiez le héros de la lutte contre la dette. En 2007, elle était deux fois moins lourde que celle d'aujourd'hui. Aujourd'hui, elle est à 116 %. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est encore l'angle mort de cette campagne ? On ne parle pas de ce qui va se passer avec cette dette. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Que doit-on faire dans le prochain quinquennat ? Est-ce que l’on doit faire baisser cette dette, la laisser prospérer ou ne rien faire du tout ?

Il y a 2 deux dettes, la dette perdue et la dette constructive, la dette qui permet de construire.

Pour acheter à perpétuité des téléphones portables ou des jeux vidéo ou je ne sais pas, si c'est en empruntant que vous le faites, c'est une dette qui ne portera pas ses fruits. Si vous empruntez pour construire une maison, c'est une bonne dette.

Je vais préciser ma question.

Vous avez compris ce que je veux dire ?

Absolument.

Est-ce qu’il va falloir la faire baisser ? Vous savez bien, on a une dette, faut-il essayer de la diminuer et par quel levier ? C'est ma question.

On doit traiter la question de la dette par l'augmentation de la production en France.

La dette, comme vous savez, c'est un rapport entre ce que l'on emprunte et le produit intérieur du pays et on fait baisser la dette en augmentant la production.

C'est par la croissance que l'on y arrivera.

Pas avec des hausses d'impôt, pas avec des baisses de dépenses publiques. C'est ce que vous êtes en train de dire ?

Oui. Je pense que l'essentiel doit être fait par la croissance.

Excusez-moi vous êtes économiste, c'est ce que les Allemands ont fait. La part de la dette a baissé en Allemagne parce qu'ils ont augmenté, ils ont fait grandir l'activité du pays.

Pour engager la fin de l'émission, j'ai une question que j'ai commencé à évoquer tout à l'heure et que j’ai envie de vous poser : avez-vous abandonné personnellement toute ambition personnelle ? Je vous ai souvent entendu parler de Joe Biden comme d’un possible modèle pour vous.

Non, non, ne mélangeons pas tout.

C'est vous qui en avez parlé !

Je vais vous dire ce que je pense, c'est très simple.

Est-ce que j'ai jamais, une seule seconde, renoncé à la perspective ou au devoir, à l'obligation quand on est un homme un citoyen engagé d'exercer des responsabilités ?

Jamais, pas une seule seconde, pas plus aujourd'hui qu’hier.

Les gens qui passent leur temps à dire : « Ah, non, c'est fini, moi je suis, etc. ». Je n'appartiens pas à cette catégorie-là.

Je regarde l'avenir avec gourmandise.

Quel rôle aimeriez-vous remplir pendant cette présidentielle ?

J’aime les défis, j’aime les relever et il m’arrive assez souvent de penser qu'au fond j'ai vu juste plus tôt que bien d'autres sur beaucoup de sujets.

On parlait de la dette à l'instant. Donc, est-ce que j'ai renoncé à quoi que ce soit ? Jamais.

Simplement, quand j'ai quelqu'un que j'estime dans la responsabilité majeure du pays dont je crois qu'il a des qualités que l'on ne rencontre pas souvent dans la vie, de solidité, de liberté, d'audace, qui n'a pas peur et qu'il pense le plus souvent juste, alors je dis que je suis content de l'aider.

Est-ce que j'ai renoncé à quoi que ce soit ? Jamais.

Vous comprenez ? C'est assez simple !

Quand vous le décrivez, on voit que vous pensez à Emmanuel Macron, vous lui tressez des lauriers.

Je ne tresse pas de lauriers, je dis juste ce que je pense.

Il a une cote de popularité importante le Président de la République notamment parce qu'on lui sait gré d'avoir géré plutôt bien, en tout cas l'actuel rebondissement des crises sanitaires.

En intentions de votes, cela ne se traduit pas totalement en pourcentage de la popularité.

Tout le monde dit : « il y aura un duel au bout du compte Macron / Le Pen. Est-ce qu’il y a un grain de sable dans ce scénario qui pourrait faire déraper les choses ?

Pas un grain de sable, mille grains de sable, mille parpaings !

C'est cela, une campagne présidentielle, c'est le moment le plus dramatique au sens dramaturgie du terme.

Beaucoup de choses soldent à ce moment-là.

Oui, tout se décide à ce moment et cela ne se décide pas arithmétiquement, cela se décide dynamiquement, cela se décide par quelque chose qui est d'un regard plus profond que le reste.

Vous savez bien, vous vous faites un métier et vous savez, une des grandes lois de ce métier, elle est parfois dure, c'est que le non verbal, l'apparence, le visage, les sentiments qu'on lit dans vos traits, la couleur de votre cravate, le non verbal pèse trois fois plus au moins que le verbal.

Alors, certains disent : ils passent leur temps à peaufiner des formules ; vous, vous passez votre temps à écrire, mais ce que l'on lit ce n'est pas ce que vous dites, c'est ce que vous êtes.

Justement, nous, nous avons un peu l'impression qu’il y a une certaine forme de conscience assez relative du côté de l’Élysée. On voit la gauche avec 74 candidats, chacun est à 10, personne ne submerge, deuxième plaisir dans ce qui se passe chez les républicains, Eric Zemmour vient d’arriver, on en parlera peut-être donc, dans votre non verbal, qu’est-ce que vous redoutez le plus puisque le verbal cela a l’air d’être la division, est-ce que c’est Emmanuel Macron lui-même qui est son pire ennemi dans son comportement, avec un certain nombre de phrases qu’il a pu prononcer ?

Certains ont parlé de haine ou de défiance, est-ce que vous faites le même diagnostic ? Est-ce qu’il est son pire ennemi d'un point de vue non verbal et comportemental ? 

Qu'il y ait chez un nombre certain de Français un sentiment d'hostilité personnelle au Président de la République, c'est vrai.

Cela vient de quoi ?

C'est très difficile à expliquer, il le sait bien.

Je n'ai aucune mémoire, mais je sais qu'il lui arrive d'en parler avec des amis, il sait très bien cela.

Quand on risque des explications, il y a des gens qui disent : C'est parce qu'il a réussi trop, trop tôt.

Vous pensez que cela peut être l'explication ?

Je n'en sais rien. J'ai du mal, car l'homme que je vois, spécialement quand il parle de plain-pied avec ceux qui n'ont pas le pouvoir, avec ceux qui ne sont pas les puissants, avec ceux qui sont des concitoyens et des concitoyens avec des problèmes, tout le grand débat…

Les obscurs, les sans grande.

Les obscurs et les sans grade, tout le grand débat, ce que l'on voit c'est que c'est une relation vraie, il écoute, il entend. Ce qu'il dit, il le sait, il le pense, pas seulement les dossiers, mais la réalité humaine qu'il y a derrière tout cela et je pense que c'est vrai.

Ce n'est pas perçu. Est-ce que cela peut l'être ? Je crois que oui.

Mais, vous-mêmes depuis le début de l'émission, vous avez utilisé ces mots par exemple des coups de grisou, des remises en cause, des ruptures, c'est tout le champ lexical d'une société fracturée et on perçoit aujourd'hui cette société française fracturée.

Ma question : cette colère des Français, qui va réussir à la capter ? Est-ce qu’Emmanuel Macron va être le candidat des gens qui vont bien ou est-ce qu’il réussira aussi à être le candidat des Français qui vont mal ?

Est-ce qu’Emmanuel Macron est un peu responsable de la situation actuelle de fracturation ?

D'abord, ce sont toutes les sociétés de la planète qui sont fracturées aujourd'hui comme cela. Si vous regardez les États-Unis, vous avez devant les yeux une société explosée et explosée sur des thèmes qui viennent de plusieurs siècles.

Donc, ce n'est pas la faute d’Emmanuel  Macron pour répondre à la question ?

Non. Ce sont toutes les sociétés. Cela prend un tour particulier en France parce qu'il y a eu la rencontre des deux éléments explosifs : les gilets jaunes et l'épidémie.

Moi, je fais extrêmement attention, je regarde cela, j'essaie de comprendre vraiment ce qui se passe.

On a des manifestations à Pau comme vous savez qui est un des hauts lieux et je connais beaucoup de ceux qui manifestent, naturellement je ne les méprise pas. 

Il se trouve que j'essaie de comprendre. Je ne suis pas d'accord avec eux. Je n'aime pas quand on a des affrontements brutaux, durs, enflammés, je n'aime pas cela, mais j'écoute ce qu'ils disent.

Que s'est-il passé ? Au fond, il y a 100 ans, on avait une société qui était assez ordonnée, autour d'un certain nombre de légitimités, il y avait la religion, c'est la première qui a été balayée ou en tout cas qui a dû se trouver mise en cause, il y avait la politique, les politiques ont été eux aussi flingués assez gravement.

Le dégagisme.

Oui, il y avait les médias. Vous étiez écoutés, populaires…

On n’y est pas resté longtemps, c'est fini !

Et c'est fini. Mais c'est très important. Et il y avait un domaine qui était préservé pour tout le monde, c'était la médecine. 

Moi, quand je voulais trouver un candidat qui inspire confiance dans une circonscription où je n’en avais pas, je disais toujours : « regardez les médecins » et, aujourd'hui, c'est fini parce que sur vos écrans les Français ont vu les médecins s'étriper entre eux sur des questions scientifiques.

Cela a été, je crois, un profond élément de doute et d'instabilité. Et donc la remise en cause de toutes ces légitimités-là, l'une après l'autre, indique un monde à reconstruire, à reconstruire sur cette question-là : qu'est-ce qui est légitime ? 

Cela va être intéressant, car une élection présidentielle, la dernière fois ils ont dit : « il a été élu par surprise ». Il ne sera plus élu par surprise s'il se présente.

Vous dites, là, on est en déconstruction, il faut reconstruire. Ce n’est pas le slogan, mais quel est le bon positionnement pour répondre à une France dans l'état dans lequel vous la décrivez ? Est-ce l'efficacité ? Est-ce la reconnaissance que vous comptez, c'est-à-dire le besoin de reconnaissance qu'expriment aussi beaucoup de Français qu'est-ce qui va compter ?

Premièrement, le Président de la République c'est par nature un rassembleur, c'est quelqu'un qui a pour devoir de faire vivre-ensemble des gens qui, si vous leur lâchez la bride sur le cou, se haïssent et s'entre-déchire.

C'est un rassembleur.

Deuxièmement, c'est quelqu'un qui croit à quelque chose.

Ce n'est pas un opportuniste. Je pense que les choses ont assez largement basculé pour le Président de la République dans le discours du 12 juillet parce que, dans le discours du 12 juillet, il a pris à bras le corps la réalité, il a pris des décisions difficiles à prendre, contestées et on a senti qu'il s'y tiendrait et donc cela compte énormément.

Troisièmement, c'est quelqu'un qui se fait une idée précise du cap que l'on doit suivre et, ce cap-là est aussi un cap rassembleur.

Les présidents sortants, quelquefois, il y en a qui sortent avant la fin comme François Hollande, d'autres qui sortent tard pour se représenter, comme Nicolas Sarkozy, qui le regrette après.

Est-ce que vous considérez qu'il a le temps ou est-ce qu’il ne faut pas trop traîner ?

D'abord, c'est sa décision à lui et il y a un certain nombre d'événements. Le 1er janvier, il devient Président au nom de la France de l'Union Européenne. Évidemment, ce n'est pas si simple, c'est à lui de voir le calendrier.

Votre conseil ?

M'intéresse plus encore le fait que je ne le sens pas dans la définition d'une campagne électorale, je le sens dans l'attention à ce qui se passe de profond.

Voyez, Marseille, je suis absolument persuadé que la visite à Marseille n'aurait pas été la même en 3 heures ou en 3 jours.

Pas pareille. 

Je ne dis pas que l'on comprend tout en 3 jours, mais il a dit un certain nombre de choses parfois dures aux élus, aux syndicats qui, à mon sens, sont fondatrices de quelque chose.

Après, sa décision, le calendrier, tout cela, je ne sais pas.

On a commencé l'émission je vous ai posé la question : Est-ce que vous croyez encore un peu en la politique ? N’avez-vous pas un peu peur que, dans ce climat de radicalité, une voix qui se veut modérée, qui refuse peut-être d'aller vers ces chants-là soit moins audible que celle d'un Éric Zemmour par exemple où d'autres formes de radicalité que l'on peut lire ou entendre par ci par là ?

Je ne suis pas sûr que le mot modéré corresponde exactement à ce que je suis.

Je suis engagé, enthousiaste et j'aime bien les ponts d’Arcole quand il faut aller les prendre, mais je pense que les gens méritent d'être respectés, y compris ceux qui ne sont pas d'accord avec moi.

Vous rappeliez tout à l'heure des déclarations méchantes que j'avais faites sur Emmanuel Macron surgissant. J’ai commencé à l'écouter et à me dire que, peut-être, il y avait quelque chose à faire avec lui quand il a commencé à parler de bienveillance.

Cela paraît bizarre, car ce n'est pas un mot que l'on utilisait beaucoup avant dans la politique, en dehors de moi.

Il a commencé a parlé de bienveillance et je me suis dit : tiens, il y a peut-être là quelque chose d'intéressant.

Vous avez prononcé le nom de Zemmour. On est nombreux ici à connaître Zemmour depuis longtemps.

Je vais vous dire ce que je n'aime pas.

Passer sa vie à regarder ses voisins, les gens qui sont à l'école, sur la seule question de l'origine, de la religion, du prénom ; « t’as pas le bon prénom et, si je réussis, je prendrai une loi pour t'empêcher d'avoir ton prénom ».

Pour moi, c'est absolument le contraire du devoir qui est le nôtre comme Français.

C'est exactement le contraire de la France.

La France, ce n'est pas une race, ce n'est pas une origine, ce n'est pas une religion, c'est une adhésion.

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par