François Bayrou : "Il y a une rupture constante, continuelle et progressive entre la base et les pouvoirs"

Notre Président François Bayrou était l'invité du 8h30 de franceinfo ce jeudi 8 février. Retrouvez son intervention.

Seul le prononcé fait foi.

Sahlia Brakhlia et Jérôme Chapuis : Bonjour François Bayrou.

François Bayrou : Bonjour.

Sahlia Brakhlia : En plein remaniement, vous avez annoncé hier soir à nos confrères de l'AFP : « faute d'accord profond sur la politique à suivre, je n’entrerai pas au gouvernement ». Qu'est-ce qui s'est passé ?

François Bayrou : Il s'est passé que depuis des jours et des jours, comme vous l'avez vu, depuis que, dans le procès injuste qui nous était fait, nous avons obtenu une relaxe - j'ai obtenu une relaxe et plusieurs des nôtres - le bruit, la rumeur avait couru que je pourrais entrer au gouvernement. Cette rumeur-là, elle s'accompagnait naturellement d'une orientation politique, c'est ça entrer au gouvernement. Et cette orientation politique, elle m'entraînait, ou en tout cas elle exigeait de moi, que je prenne un des secteurs que je considère le plus en crise du pays.

Sahlia Brakhlia : Lequel ?

François Bayrou : Il y a deux secteurs que je considère dans une crise - toute la France, enfin, tout le pays est dans une crise grave, on n'est pas les seuls. Tous les pays occidentaux, tous les pays européens sont dans une crise de cet ordre. Pour moi, il y a deux secteurs qui sont incroyablement significatifs de cette perte de confiance que nous traversons : le premier de ces secteurs, c'est l'Éducation nationale où vous voyez que, année après année, les enseignants, les parents d'élèves, les profs se désespèrent et les résultats chiffrés montrent qu'il y a une perte de confiance, qu'il y a un décrochage. Et les enseignants, pour eux, vivent ça d'une manière un peu désabusée, désespérée, il y a les deux.

Sahlia Brakhlia : Et une ministre, Amélie Oudéa-Castera, qui est fragile en ce moment.

François Bayrou : Et je suis persuadé qu'on peut redresser l'Éducation nationale en peu d'années, mais que ça demande un choix politique qui est de faire cela avec les enseignants, et les autres parties prenantes de l'école.

Jérôme Chapuis : Pardon, mais ce n’est pas le cas de la personne qui sera nommée ?

François Bayrou : Non mais vous voyez bien, on est sur une musique de fond qui est au fond : « les enseignants ne travaillent pas assez ».

Sahlia Brakhlia : C'est ce que vous a dit le président de la République ? C'est ce que vous a dit Gabriel Attal ?

François Bayrou : Mais Gabriel Attal a fixé des orientations et je pense que c'est cela qui méritait une clarification. Pour moi en tout cas, l'Éducation nationale, ça ne peut pas se redresser dans un climat uniquement gestionnaire, on va dire.

Sahlia Brakhlia : Pour qu'on comprenne bien, vous, vous avez en quelque sorte candidaté pour le ministère de l'Éducation…

François Bayrou : Je n’ai pas candidaté !

Sahlia Brakhlia : On vous a proposé ?

Jérôme Chapuis : On vous a entendu en tout cas lundi soir en parler explicitement…

François Bayrou : Je n'ai pas candidaté. Lundi soir, vos confrères m'ont posé la question et j'ai dit que pour un secteur du pays aussi important à mes yeux et dans une crise aussi grave, oui, j'étais disponible pour prendre ce risque.

Sahlia Brakhlia : Mais le président vous l'a proposé, ce ministère ?

François Bayrou : Je ne rapporte jamais mes conversations avec le président.

Jérôme Chapuis : Mais est-ce que c'est une question de fond, d'orientation politique ou de nature du poste qui vous était proposée et qui vous aurait été refusée ?

François Bayrou : Non, pas du tout. C'est une question sur les deux sujets que je vais évoquer, c'est une question d'engagement en face du pays. Donc ça, c'est le premier sujet. Il y a un deuxième sujet qui me préoccupe terriblement, c'est la rupture en France, constante, continuelle, progressive et de plus en plus grave entre la base et les pouvoirs. « Les pouvoirs », j'embrasse tous les pouvoirs, y compris le pouvoir médiatique. On a vu cette crise en fond des gilets jaunes. On vient de voir cette crise en fond des agriculteurs. On voit cette crise dans de nombreux secteurs, dans le domaine de la santé. Et puis, et on a un gouvernement, sans doute composé de personnalités tout à fait compétentes, ou on espère qu'elles le sont, on voit un gouvernement qui comporte sur 14, 11 ministres parisiens ou Franciliens. Et sur 15 membres du gouvernement, pas un seul du sud de la Loire. Et vous vous rendez compte que tout ça crée un déséquilibre où les gens, ceux qui vous écoutent, nous écoutent…

Jérôme Chapuis : Il y a un déséquilibre démographique qui pouvait être comblé par ce remaniement ?

François Bayrou : On est là dans les ministres de plein exercice, après on a des ministres délégués et des secrétaires d’État.

Sahlia Brakhlia : Donc ce qui, vous, vous intéressait, c'était l'Éducation nationale ou l'aménagement du territoire ?

François Bayrou : L'aménagement du territoire, la réforme de l'État, la simplification du pays, les gens assommés de questionnaires qui ne savent même pas remplir…

Jérôme Chapuis : Mais pardon, François Bayrou, on a du mal à faire le distinguo dans ce que vous nous dites, sur cette question. Est-ce que c'était une question de poste ou une question de désaccord de fond ?

François Bayrou : C'était une question d'identification dans le pays de ce qui va ou de ce qui mérite le plus de soins et le plus d'engagement. Quand vous avez une crise qui est, selon moi, aussi profonde et dont je connais le résultat et vous le connaissez aussi, le résultat de cette crise et de cette incompréhension croissante entre les milieux de pouvoir et la base des Français, et bien c'est la progression des extrêmes.

Sahlia Brakhlia : Alors ce constat que vous nous faites, en fait, il n’est pas partagé par Gabriel Attal et Emmanuel Macron ? C'est ce que vous nous dites là ce matin ?

François Bayrou : Je pense qu'ils le partagent ou qu'ils en partagent une partie, mais vous voyez bien que les actes devraient suivre les paroles. Et nous, MoDem, qui avons participé à l'édification de la majorité, qui en sommes un pôle reconnu…

Jérôme Chapuis : Et on vous présente d'ailleurs comme un allié historique d’Emmanuel Macron.

François Bayrou : Oui. Le MoDem, Mouvement Démocrate, c'est son inquiétude depuis le début. Nous disons : attention, on ne peut pas laisser progresser comme ça, ce qui est pour nous, une menace et un risque.

Sahlia Brakhlia : Mais là, quand même, François Bayrou, vous parlez de désaccord profond politique.

François Bayrou : Oui, j'ai parlé de la politique d'éducation, c'est la phrase sur la politique d'éducation.

Jérôme Chapuis : Ça ne vaut pas sur l'ensemble de la politique de Gabriel Attal et du gouvernement ?

François Bayrou : J'espère que non…

Jérôme Chapuis : Non, parce que c'est important. On va avoir l'occasion d'en reparler…

François Bayrou : Mais vous avez bien vu, ce que vous avez analysé comme un déséquilibre politique...

Sahlia Brakhlia : C'est-à-dire ?

François Bayrou : C'est-à-dire, avec le sentiment qu'il y a certaines sensibilités de la majorité qui occupent l'espace…

Jérôme Chapuis : Et à quel moment le déséquilibre politique devient une crise politique ? Vous avez 51 députés.

François Bayrou : J'essaie de faire que, quand il s'agit de dire stop, il y a une dérive, le moment est venu de remettre les choses à l'endroit, de rappeler pourquoi nous sommes là. Qu'est-ce qu'on a promis au pays en 2017 ? On a promis, vous souvenez-vous, qu'on allait disait-on, entre guillemets, gouverner autrement. Et hier soir, l’un de nos députés dans la réunion de groupe a dit : écoutez, moi je me suis engagé parce que je pensais qu'on pouvait gouverner autrement et j'ai l'impression de plus en plus qu'on gouverne comme avant. C'est-à-dire que les choix se font dans des milieux.

Jérôme Chapuis : Je vous repose la question : tout ça, il y a les ingrédients d'une crise politique, c'est-à-dire du fait que le MoDem pourrait ne plus soutenir à l'avenir le gouvernement ?

François Bayrou : Non ce n’est pas ce que je dis. Dans le redressement du pays, le MoDem et d'autres, sont engagés en première ligne. Mais ce que je vois, moi, c'est la multiplication des indices selon lesquels la crise, on ne va pas l'équilibrer, on ne va pas l'arrêter. Mais on fait comme si elle n'existait pas. Or, elle existe. Et nous avons, alors là, c'est spécifique à notre famille politique, nous avons une vision du monde, de la société, un projet qui en effet sont assez ambitieux pour s'adresser à ce sujet-là que vous décrivez tous les jours, c'est votre métier. Tous les jours vous en voyez, on l'a vu avec la crise agricole…

Sahlia Brakhlia : On va quand même essayer, François Bayrou, de comprendre ce que vous voulez vraiment.

Jérôme Chapuis : Il faut qu'on marque une très courte pause.

Sahlia Brakhlia : François Bayrou, vous avez dit hier soir, donc « je n'entrerai pas au gouvernement sur la base de désaccord profonds politiques ». Vous avez…

François Bayrou : Sur l'éducation.

Sahlia Brakhlia : …sur l'éducation. Au fond, quel est votre problème ? On essaie de comprendre ce matin pourquoi cette crise politique existe aujourd'hui au plus haut sommet de l'État. Quel est votre problème ? Est-ce que vous considérez que le gouvernement penche trop à droite et qu'Emmanuel Macron ne vous écoute plus aujourd'hui ?

François Bayrou : Je n'aime pas la perpétuelle étiquette droite-gauche. Si nous avons bâti ce grand socle central de la majorité, c'est pour échapper à l'étiquetage, à cet étiquetage-là.

Sahlia Brakhlia : Bon, alors, c'est quoi votre problème ?

François Bayrou : Plus on avance dans le temps et moins on a l'impression que la rupture avec la société, avec les gens qui travaillent, avec ceux qui sont à la retraite, avec ceux qui cherchent du travail ou ceux qui n'y sont pas encore, plus on a l'impression que cette rupture s'aggrave. Et cette rupture, pour la combattre, il faut avoir une vision qui embrasse tout le pays et pas seulement le monde des pouvoirs dans lequel nous sommes. Je suis persuadé qu'on ne peut pas résoudre les problèmes de l'Éducation nationale puisque c’est ce dont on parlait, sans le faire avec ceux qui sont les acteurs de terrain, et en annonçant des choses très difficiles à mettre en place et tous ceux qui ont des enfants à l'école…

Sahlia Brakhlia : Donc vous avez refusé le ministère de l'Éducation nationale et c'est donc Nicole Belloubet qui prendrait le poste à la place d'Amélie Oudéa-Castera ?

François Bayrou : C'est ce qu'on dit, mais ce n’est pas la seule question. Cette question que j'évoquais de « comment on échappe à la bureaucratisation complète, à la paperasse de tout instant ? Comment on fait pour que les gens se sentent plus libres et plus épanouis où qu'ils soient, qu'ils soient à Toulon, qu'ils soient à Toulouse ? »

Jérôme Chapuis : Le gouvernement, depuis quelques années, ne dit pas le contraire. Qu'est-ce qui fait qu’il y a 48 h vous étiez prêt à entrer, et que là vous avez refusé ?

François Bayrou : J'étais prêt à entrer parce que j'étais persuadé qu’on pouvait changer de méthode à l'Éducation nationale. Pas la méthode récente des cinq ou quatre derniers mois de Gabriel Attal. Mais la méthode qui pendant, depuis 20 ans ou 25 ans, fait que le monde de l'Éducation est désespéré et que les résultats sont désespérants. Que nous en arrivons à être le pays le plus en retard de tous les pays semblables dans le monde développé. J'étais ministre de l’Éducation, comme vous savez, il y a longtemps. Quand j'ai quitté le ministère de l'Éducation, le niveau des élèves de 6e était le niveau des élèves de 4e aujourd'hui.

Jérôme Chapuis : Mais ça, pardon, mais Gabriel Attal, qui était ministre de l’Éducation il y a cinq mois, dit exactement la même chose et avait présenté un plan avec lequel, manifestement, vous deviez vous sentir en consonance puisqu'il y a deux jours, vous étiez prêt à entrer ?

François Bayrou : Je n'étais pas là pour appliquer des plans…

Jérôme Chapuis : Mais d'un ministre de l’Éducation qui est devenu Premier ministre quand même ? Et qui aurait été votre Premier ministre ?

François Bayrou : Oui et j'ai les meilleures relations du monde avec les gens avec qui je travaille.

Jérôme Chapuis : Gabriel Attal, hier, vous l'avez eu au téléphone ?

François Bayrou : Oui, bien sûr.

Jérôme Chapuis : Ça s'est bien passé ?

François Bayrou : Tout à fait courtoisement et amicalement.

Jérôme Chapuis : Mais vous dites, quand même, qu'il vous a même proposé le ministère des Armées ?

François Bayrou : C'est la vérité. Je disais donc, cette grande crise-là avec les deux secteurs, au moins ces deux (il y en a beaucoup plus). Au moins deux secteurs qui sont pour moi les abcès de fixation de la crise que l’on vit. Il y en a d'autres : la santé est un abcès de fixation. Je ne sais pas qui va être ministre de la Santé. Tout ça, c'est étrange…

Sahlia Brakhlia : Attendez…

François Bayrou : Non, je réponds à la question précise de Jérôme Chapuis. Et on me dit : on vous propose de prendre le ministère des Armées. C’est le seul secteur, à mes yeux, qui va à peu près bien, en tout cas qui relève les défis auxquels nous sommes confrontés. C'est le résultat de la politique suivie depuis cinq ans. Et je n'allais pas me donner le ridicule d'aller marcher sur les plates-bandes d'autres ministres ou d'autres personnalités ministres des intentions dans le secteur.

Sahlia Brakhlia : Sébastien Lecornu, ministre des Armées.

François Bayrou : Ce secteur, que je considère être à peu près le seul exemple de remise à niveau et de remise en vocation de notre pays.

Jérôme Chapuis : C'est un détail, mais en faisant état de cette conversation entre le Premier ministre et vous, vous mettez par ailleurs un peu le bazar dans l'équipe gouvernementale actuelle ?

François Bayrou : Non, vous savez, les ministres, ils savent très bien que leurs portefeuilles sont volatiles, qu’il peut arriver qu'on vous demande d'en changer.

Sahlia Brakhlia : Mais vous avez utilisé un mot fort hier devant vos troupes, vous avez parlé d'une « démarche d'humiliation ». Vous vous êtes senti humilié hier ?

Jérôme Chapuis : Ça a été rapporté par un certain nombre d'entre eux.

François Bayrou : Ça a été rapporté, mais je ne suis pas sûr que ces mots étaient les miens. Une majorité, c'est la prise en compte de plusieurs sensibilités et de plusieurs courants. C'est comme ça qu'on a gagné en 2017 et qu'on a gagné en 2022. Ça n'est pas certains qui décident et d'autres qui sont marginalisés.

Jérôme Chapuis : Vous vous sentez marginalisé ?

François Bayrou : Non, comprenez-moi, ce n’est pas de moi qu'il s'agit. Je ne suis pas là… je ne fais pas carrière, je ne candidate pas, je ne suis candidat qu'à une seule chose, c'est un lien avec le pays dans ses profondeurs pour identifier ce qui va mal et le résoudre.

Sahlia Brakhlia : Mais quand même, François Bayrou, parmi ceux qui nous écoutent ce matin et même dans la sphère politique, certains peuvent se dire, il est en train de faire un caca nerveux, il n’a pas eu ce qu'il veut et du coup il déroule sur les médias ?

François Bayrou : Je ne suis pas sûr que cette expression soit…

Sahlia Brakhlia : « Vous faites un caprice », si vous si vous voulez ?

François Bayrou : Je sais bien qu'on peut toujours caricaturer les choses. Je pourrais caricaturer les médias, je ne le fais pas.

Jérôme Chapuis : Non, mais là on ne parle pas seulement de votre image, on parle aussi de, comment dire, de la question de l'image de la politique ?

François Bayrou : Excusez-moi, si vous trouvez que ça va bien depuis des années et que la situation d'aujourd'hui, elle est encourageante et on voit bien, si vous trouvez que les extrêmes reculent... Moi je trouve qu'ils progressent et que c'est le symptôme des difficultés que nous rencontrons.

Sahlia Brakhlia : Et pardon, mais ce que vous nous dites là ce matin, j'imagine que vous l'avez dit à Emmanuel Macron depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, depuis plusieurs années…

François Bayrou : Depuis plusieurs.

Sahlia Brakhlia : Et alors là, vous en êtes arrivé à un point de rupture ? Ça y est, c'est terminé ?

François Bayrou : Ce n’est pas un point de rupture. J'essaie de recentrer, de réorienter la politique suivie, pas la politique suivie dans les mesures, mais la politique suivie dans la manière dont on s'adresse au pays. Alors Gabriel Attal, de ce point de vue, il apporte quelque chose. Il a son jeune âge et c'est une figure nouvelle. Mais le profond de la composition, de ce que nous sommes en train de faire, ça signifie que les Français sont loin de tout ça. Et moi je voudrais qu'ils soient près de tout ça. Je pense que nous sommes, je sais bien que c'est difficile à entendre, je pense que nous sommes à un point de graves inquiétudes, pour ne pas dire de non-retour. Je pense que la situation se dégrade continuellement. Vous voyez la situation du commerce extérieur par exemple.

Sahlia Brakhlia : Non mais pardon, François Bayrou, on connaît l'état du pays, le président aussi, le Premier ministre aussi là, ce dont il est question ce matin, c'est votre situation politique à vous, celle du MoDem aussi. Est-ce que le MoDem est toujours allié d'Emmanuel Macron, de Renaissance, de la majorité ? Ce que vous faites ce matin, vous comprenez que ça a une portée politique ?

François Bayrou : Ça a une portée politique, heureusement. Je ne le ferais pas sinon.

Sahlia Brakhlia : Alors qu'est-ce que vous voulez, au fond ?

François Bayrou : Si je pensais que tout va bien et qu'il n'y a plus qu'à laisser filer. Moi, je suis tout à fait heureux dans ma vie. Le MoDem a une responsabilité, comme la majorité. Il est membre de la majorité pour reconstruire le pays.

Sahlia Brakhlia : Ça ne changera pas ?

François Bayrou : Il est membre de la majorité pour corriger ou pour soigner les extrêmes difficultés que nous rencontrons. Ces extrêmes difficultés-là, les orientations prises doivent les prendre en compte.

Sahlia Brakhlia : Mais voyez bien que ce n’est pas le cas, vous le dites vous-même, dans ces cas-là, il faut en tirer des conclusions ?

François Bayrou : L'équilibre géographique, l’équilibre politique, l'équilibre d'inspiration, tout cela doit être pris en compte.

Sahlia Brakhlia : Mais vous voyez bien que ce n’est pas le cas. Ils vous l'ont dit hier, par rapport à l'Éducation nationale, par rapport à l'aménagement du territoire. Quand vous savez ça, il faut en tirer des conclusions ?

François Bayrou : Je pense que vous écoutez la phrase que vous avez dite. La phrase que vous avez dite, c'est : ils vous ont dit hier que ça n'était pas le cas. C'est ça que vous dites.

Jérôme Chapuis : C'est ce qu'on a compris en tout cas de ce que vous nous dites depuis tout à l'heure. On interprète.

Sahlia Brakhlia : C’est de ce fait que vous n’entrez pas au gouvernement ?

François Bayrou : Pour moi, il faut corriger les choses de manière que ceux qui ont le souci de l'unité du pays, de l'homogénéité du pays et de la prise en compte de la base dans les réformes, ils soient entendus dans les équilibres à construire.

Jérôme Chapuis : François Bayrou, je vous coupe, on laisse passer le fil info on vous retrouve juste après.

Sahlia Brakhlia : Toujours avec François Bayrou, le président du MoDem. Vous disiez juste avant le fil info que ceux qui pensent comme vous doivent avoir une place importante au gouvernement. Concrètement, vous voulez combien de ministres dans le prochain gouvernement ?

François Bayrou : Je ne fais pas de marchandage et je ne suis pas là comme au marché aux bestiaux. Non, je pense qu'il faut une place reconnue. Mais ce qui compte le plus, c'est qu’ils se sentent... que ces courants politiques se sentent, nous ne sommes pas le seul... Dans la majorité, il y a bien d'autres sensibilités qui voudraient qu’on trouve un meilleur équilibre.

Sahlia Brakhlia : Mais parlez franchement, François Bayrou. Concrètement qu’est-ce vous avez dit ? Lors du dernier remaniement, il y a eu trop de débauchage à droite et donc là il faut rééquilibrer ?

François Bayrou : Je sais bien que…

Sahlia Brakhlia : Vous faites de la politique, parlons politique !

François Bayrou : …vous avez l'habitude de mettre des étiquettes de cet ordre-là, ça n'est pas ce que je ressens. Je ressens que le pays a besoin de plus de compréhension politique de ce qui se passe à la base et de moins de technocratie gestionnaire. Ça va, c'est clair ?

Jérôme Chapuis : Mais ça augure assez mal de votre soutien prochain au gouvernement qui va être complété dans les heures qui viennent ?

François Bayrou : Mon soutien ne se marchande pas, à condition que soit entendue l'inquiétude qu’un très grand nombre de Français ressentent, qui se traduit dans tous les sondages, et qui se traduit dans des intentions de vote qui ne sont pour moi pas normales.

Jérôme Chapuis : Alors soyons très concrets. Donc oui, vous êtes encore dans la majorité ?

François Bayrou : Oui, nous sommes membres à part entière de la majorité qui veut reconstruire le pays.

Jérôme Chapuis : Oui, vous voterez les textes du prochain gouvernement dirigé par Gabriel Attal ?

François Bayrou : J'ignore quels sont ces textes et je ne prends pas ce type de d'engagement général avant de les lire.

Jérôme Chapuis : Oui, vous soutiendrez la prochaine ministre ou le prochain ministre de l’Éducation, que ce soit Nicole Belloubet ou quelqu'un d'autre ?

François Bayrou : Oui, s'ils font des choses bien. Si l'on prend en compte l'incroyable capacité d'inventivité, de créativité, de pédagogie qu'il y a dans le pays. Si on prend en compte la base, ceux qui sont dans les classes. Le ministère de l'Éducation nationale, ça ne se joue pas dans des enceintes ministérielles seulement. Ça se joue dans les classes. Est-ce que les classes aujourd'hui sont prises en compte ? Est-ce que les enseignants ont le sentiment que ce qu'on leur demande va résoudre les problèmes qu'ils rencontrent ?

Sahlia Brakhlia : Vous avez dit, François Bayrou, hier : « je ne rentrerai pas dans le gouvernement ». Si Emmanuel Macron vous écoute ce matin, si Gabriel Attal vous écoute ce matin, d'ailleurs, on n'en doute pas : s'il change d'avis et quil vous dise « en fait, on est d'accord avec ce que tu dis François, rejoins-nous ». Vous y allez ? Ou alors c'est totalement la porte fermée ?

François Bayrou : Vous comprenez bien que ce n’est pas le chemin que ça prend.

Jérôme Chapuis : Cette fois, vous écartez, puisqu’il y a deux jours, vous disiez « je n'écarte jamais rien ». Là cette fois, vous l’écartez ?

François Bayrou : La décision que j'ai prise, elle veut dire évidemment que le rôle que j'ai en politique, je ne le jouerai pas à l'intérieur du gouvernement.

Jérôme Chapuis : Est-ce qu'elle veut dire autre chose, au-delà, pour 2027 aussi ?

François Bayrou : Oui. Je pense que l'enjeu de 2027, c'est précisément que l'on arrive à réconcilier la France qui se bat en bas, avec la France qui décide en haut. Je pense que c'est très important, que c'est une crise qui vient de loin, de décennies. Et cette crise-là, il faut que 2027, et les années qui précèdent, servent à montrer un chemin pour en sortir.

Sahlia Brakhlia : Et ces chemins, c'est vous qui allez le montrer en 2027 ?

François Bayrou : Je n'ai jamais renoncé à aucun des devoirs qui sont les miens, aucune des responsabilités qui sont les miennes. Je suis un élu de province, de la province la plus lointaine de France. Je sais ce que vivent tous ceux qui observent, venant d'en haut, des directives qui sont souvent en contradiction avec ce qui se passe sur le terrain, et les blocages qui viennent de là.

Sahlia Brakhlia : Vous êtes en train de dire qu’Emmanuel Macron est totalement déconnecté ?

François Bayrou : Non. J'ai assez d'estime pour le président de la République. Je dis que, le mouvement que nous sommes en train de vivre, ce sont assez largement des dérives. Corrigeons-les ! Corrigeons-les avec la majorité, corrigeons-les avec le futur gouvernement mais corrigeons-les et prenons-les en compte. Ne jouons pas la surdité. Ne jouons pas le bandeau sur les yeux en considérant qu’il suffit de continuer, comme on a fait jusqu'à maintenant.

Jérôme Chapuis : En tout cas, François Bayrou, on a entendu qu'en ce 8 février 2024, vous preniez date très clairement pour l'élection présidentielle de 2027.

François Bayrou : Ce n’est pas moi qui prends date pour l'élection présidentielle.

Jérôme Chapuis : Enfin ce matin c'est vous qui êtes là.

François Bayrou : C'est le pays. Je ne sais pas si vous voyez. Ouvrez les yeux sur ce que nous sommes en train de vivre, ça va finir où ce truc ?

Jérôme Chapuis : Pardon, ce « truc », vous parlez du quinquennat d'Emmanuel Macron ?

François Bayrou : Non, non, je parle de la politique française telle qu'elle est conduite depuis de longues années.

Jérôme Chapuis : Que vous soutenez depuis sept ans ?

François Bayrou : Oui, que je soutiens, que j'ai contribué à mettre en place parce qu’avant, il y avait, d'une certaine manière, un échec qui est constaté aujourd'hui partout dans le monde. Oui, mais je ne laisserai pas dériver les choses sans rien dire.

Sahlia Brakhlia : Juste d'un mot, mais ce sera « oui, non », François Bayrou, parce qu'on est contraints par le temps. Vous regrettez votre soutien à Emmanuel Macron en 2017 ?

François Bayrou : Jamais, jamais. Parce qu’imaginez ce que nous aurions rencontré si Emmanuel Macron n'avait pas été élu et s'il ne s'était pas créé ce nouveau paysage que nous vivons. Mais je dis, je ne laisserai pas faire un certain nombre de dérives qui sont fondées sur l'ignorance, par les responsables du sommet, de ce que vivent les Français à la base.

Jérôme Chapuis : Merci beaucoup François Bayrou, président du MoDem, d'avoir été l'invité de franceinfo ce matin.

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