Entretien de François Bayrou dans La République des Pyrénées

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Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par François Bayrou à La République des Pyrénées publié ce samedi 10 février 2024.

Entretien à retrouver aussi sur le site de La République des Pyrénées https://www.larepubliquedespyrenees.fr/politique/de-retour-a-pau-francois-bayrou-se-confie-sur-sa-folle-semaine-pas-a-la-recherche-d-un-galon-de-plus-18502661.php

Propos recueillis par Eric Bély.

L’appel du parquet de Paris ternit-il votre joie d’avoir été relaxé lundi dans l’affaire des assistants de députés européens du MoDem ?

Non. Parce que je sais, pour l’avoir vécu jour après jour pendant 7 années, ce qu’a été l’enquête, ce qu’a été l’instruction, ce qu’ont été les perquisitions, les confrontations, les dizaines d’enquêteurs mobilisés, les magistrats… Je sais très bien que s’ils n’ont rien trouvé pendant ces 7 années, c’est qu’il n’y avait rien à trouver. De deux choses l’une avec autant de mobilisation qui coûte si cher en argent public : ou bien ils ne sont pas très professionnels, ou bien ils n’ont rien trouvé parce qu’il n’y avait rien à trouver. Je n’ai aucun doute ! Mais comment décider de repartir après sept années et dépenser autant d’argent dans une affaire qui s’est conclue par des relaxes ?

Vous parliez lundi de la fin d’un cauchemar de 7 années. Mais avec cet appel, ce cauchemar, épée de Damoclès sur votre vie politique, ne se prolonge-t-il pas d’une certaine manière ?

Pour moi, non. Le jugement a été rendu. Et je sais dans quelles conditions, et avec quelle sévérité, infondée à mon sens, tout cela a été conduit. Je ne crains rien d’un jugement honnête.

Tout le monde vous voyait revenir au gouvernement. Etiez-vous également certain d’en être ?

Ce n’est pas moi qui aie lancé cette rumeur, avant même le jugement. Ensuite, quand vos confrères de France 2 m’ont interrogé directement, j’ai dit que sur ce dossier de l’Education, une des grandes urgences du pays selon moi, si on me le demandait, je serais disponible. Puis cette rumeur a enflé sans cesse. J’ai rencontré le Premier ministre. Nous avons fait le bilan de nos idées, et nous avons conclu que nous n’étions pas suffisamment sur la même ligne.

Quelles sont vos divergences ?

Ce sont des approches différentes. Ce qui semble apparaître, c’est qu’on va donner depuis Paris des injonctions sur la pédagogie et l’organisation des établissements: l’organisation des remplacements, les groupes de niveau… Or, pour moi, c’est sur le terrain que la pédagogie doit se faire, et à l’arrivée, on contrôle et on évalue. Et tout cela dans une grande empathie avec les enseignants que je connais et dont je sais combien ils travaillent, au contraire de ce que certains propagent.

On a également évoqué un super ministère de l’Aménagement du territoire, de la Simplification et de la Réforme de l’État… Une nécessité selon vous ?

La deuxième grande crise que nous traversons en France est sur l’aménagement du territoire, sur la concentration des pouvoirs dans un petit périmètre des bords de Seine, sur le fait que 65 millions de Français qui n’appartiennent pas à ce périmètre s’en trouvent exclus, sur le fait que la complication perpétuelle des démarches administratives et des normes bureaucratiques coupe le plus en plus le pouvoir des citoyens, sur l’isolement croissant dû aux problèmes de transport… S’il m’avait été proposé de prendre en charge ces questions, je l’aurais accepté aussi. Mais je ne fais pas carrière. Je ne cherche pas à être ministre pour le titre.

Pourquoi selon vous votre idée n’a-t-elle pas été retenue ?

Parce que, probablement, le gouvernement a dû considérer que la question de l’aménagement du territoire était déjà traitée au ministère de l’Intérieur, au ministère de l’Économie, par les services habituels de l’État. Et tant mieux s’ils ont raison.

Vous a-t-on proposé et avez-vous vraiment refusé le ministère des Armées ?

Oui, mais cela n’avait pas de sens pour moi. La Défense est un des seuls secteurs du pays dont je considère qu’il a été géré, organisé, équipé et modernisé comme il le fallait quand il le fallait. Je n’allais pas prendre la place d’autres ministres.

Pensez-vous avoir payé finalement vos critiques et vos réserves sur l’inexpérience de Gabriel Attal ?

Non. Gabriel Attal et moi avons beaucoup discuté de ce sujet. C’est une conception du Premier ministre qu’a affirmée le Président de la République. J’en ai beaucoup parlé avec lui, et je vois le choc d’opinion qui a été cherché et qui, sur ce point, a été trouvé.

Emmanuel Macron et Gabriel Attal, compte tenu de votre grosse personnalité, voulaient-ils vraiment de vous au gouvernement ?

C’est vrai que parfois, je suis un peu indépendant, incommode. J’attache beaucoup de prix à ma liberté. Il ne s’agit pas seulement d’une question personnelle, mais de l’expression d’un courant politique de notre pays dont je suis le représentant, le porte-parole, dans des débats difficiles où peu de gens prennent sa défense. Je ne suis pas à la recherche d’un galon de plus, d’un privilège de plus. C’est un grand luxe de pouvoir dire non.

Avez-vous eu le sentiment de ne pas avoir été respecté ? Vous avez évoqué une « démarche d’humiliation »…

Non. Je ne suis jamais quémandeur. Il faut se faire respecter si cela ne vient pas spontanément. Depuis des siècles en France, la logique du pouvoir est la logique de la cour. Et moi, je n’appartiens pas à la cour. Ni géographiquement, ni culturellement, ni par mes habitudes de vie. Je suis plus près de Cyrano…

Pour la première fois publiquement au MoDem, certains vous ont reproché votre cavalier seul au moment de claquer la porte du nouveau gouvernement ?

Une seule personnalité s’est exprimée en ce sens (ndlr, le député et figure du MoDem Jean-Louis Bourlanges). Mais participer au gouvernement ou pas, c’était ma responsabilité personnelle. Cette décision m’appartenait. Et notre mouvement a été reconnu. Les responsabilités qui nous ont été confiées au sein du gouvernement, agriculture, affaires européennes, famille, enfance, numérique, sont en soi une reconnaissance.

Comment formuler de telles critiques tout en restant dans la majorité avec 4 ministres Modem au gouvernement ? Ce « en même temps » à la sauce Bayrou est-il tenable ?

Je ne conçois pas la participation à une majorité sans liberté. En 7 ans, j’ai toujours été, à temps et à contretemps, défenseur de ce lien de solidarité. Mais je n’abdique jamais ma liberté de jugement. Si la responsabilité supprime la liberté, cela ne tiendra jamais. Je ne conçois pas l’engagement comme une soumission.

Justement, cette séquence renforce-t-elle votre détermination de jouer les premiers rôles dans la présidentielle 2027 ?

Ma détermination n’a jamais eu besoin d’être renforcée.

Vous dénoncez une France divisée entre les milieux de pouvoir et la base des Français, un gouffre entre Paris et la province, entre les citoyens et l’action publique. Est-ce votre thème de campagne pour la prochaine présidentielle ?

C’est à coup sûr pour moi, une partie importante du mal français. Et je n’imagine pas de ne pas le traiter le moment venu.

Avant 2027, il y a 2024 et les européennes du 9 juin. Le Modem fera-t-il liste commune avec Renaissance ?

C’est évidemment la logique de la situation et de la gravité de la question européenne : guerre en Ukraine, inflation, crise économique mondiale, terrorisme international, Chine, guerre entre Israël et le Hamas, menaces de Poutine… Quel esprit débile voudrait que l’on affronte tout cela, dans un monde comme celui-là, sans Europe ? Cela n’a pas de sens !

Quel rôle selon vous doit jouer la députée béarnaise sortante Laurence Farreng ?

Un rôle important d’animatrice de la campagne à la mesure de ses capacités grandes et reconnues par tous grâce à son action européenne depuis 5 ans.

Êtes-vous heureux de retrouver Pau et le Béarn après cette folle semaine parisienne ?

Je ne les quitte jamais. Mais c’est vrai, que dans mon équilibre personnel, les Pyrénées, le Béarn, Pau, la ville et l’agglo, jouent un rôle essentiel.

Auriez-vous voulu rester maire de Pau, si vous étiez devenu ministre ?

J’aurais essayé oui. La loi le permet. C’est une folie de croire que l’on ne peut gouverner la France que depuis Paris. Je pense qu’on s’est trompé sur l’interdiction du cumul des mandats. Si la province est aussi absente des cercles de pouvoir, c’est en partie pour cela. L’élu local et l’élu national se renforcent l’un l’autre. On est meilleur élu local si on joue un rôle national. Et on joue un rôle national plus juste et plus pertinent si on est enraciné dans la vie locale.

Pensez-vous et voulez-vous dorénavant dégager davantage de temps pour la ville de Pau, vous concentrer sur la province plutôt que sur Paris ?

Je dégage déjà tout le temps qu’il faut pour la ville de Pau ! Croyez-vous que j’aurais trouvé 70 millions pour l’hôpital, si je ne m’étais pas occupé de la ville de Pau dans mes fonctions nationales ? Croyez-vous qu’on aurait obtenu 100 millions pour Saragosse, toutes les opérations en centre-ville, les moyens et l’influence qui ont permis le Foirail, le rayonnement culturel, les moyens de sécurité ? Croyez-vous que tout cela tombe du ciel. Je consacre à la fois tout le temps nécessaire à la ville de Pau et tout le temps qu’il faut aux enjeux nationaux. Un citoyen ne divise pas sa responsabilité. Le local et le national ne se divisent pas. En vérité, chaque citoyen, chacun d’entre nous, nous sommes tous un peu, pour notre part responsables de la République, autant que le président et les ministres. 

Robert Badinter : “Cet homme parlait de l’essentiel”
“Robert Badinter était un repère et un inspirateur non seulement pour nos combats en matière de justice (c’était un grand avocat et le garde des Sceaux qui a porté l’abolition de la peine de mort”, mais aussi un repère en matière de démocratie, a réagi François Bayrou, alors qu’on venait d’apprendre son décès. Il défendait ces principes qui nous permettent de vivre ensemble. Il défendait les piliers de la République. Et puis c’était un homme d’engagement qui avait le courage de se battre pour ses indignations. Enfin, c’était un homme de culture pour qui le combat politique était enraciné dans une philosophie. On avait l’impression, quand on était avec lui, que cet homme parlait de l’essentiel.”

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