Bruno Fuchs : "Les algorithmes peuvent être tellement efficaces que tous les acteurs économiques du numérique fondent leur stratégie sur ces outils d’analyse."

Bruno Fuchs
(© Assemblée nationale)

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a présenté mercredi 27 avril, en conseil des ministres, un projet de loi qui entérine et renforce des mesures déjà expérimentées en matière de renseignement et d’anti-terrorisme. Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin et membre de la commission des affaires étrangères, répond pour nous aux moyens pour lutter contre le terrorisme. 

Sur le volet renseignement, le texte pérennise la technique controversée de l'algorithme, qui permet le traitement automatisé des données de connexion, par la DGSI. Pensez-vous que les algorithmes constituent un outil de détection fiable et efficace ? Notamment pour repérer les individus isolés, inconnus des services de renseignement, qui passent sous les radars ?

Nous devons faire face à une nouvelle forme de terrorisme, celle des loups solitaires qui construisent leur entreprise terroriste dans l’isolement et loin des filières traditionnelles, comme l’a été l’auteur de l’attaque de Rambouillet du 23 avril. Dès lors, le recours aux algorithmes représente une solution efficace et il serait irresponsable de mon point de vue de ne pas tout faire pour la mettre en œuvre. Il est même incompréhensible qu’aujourd’hui, quand un individu visite des sites djihadistes des centaines de fois, il n’y ait aucun moyen de faire automatiquement et légalement remonter cette information à nos services et de la recouper avec d’autres comportements pour définir un profil.

Les algorithmes peuvent être tellement efficaces que tous les acteurs économiques du numérique fondent leur stratégie sur ces outils d’analyse.

Au-delà de la puissance et de l’efficacité de ces techniques, l’enjeu principal de la pérennisation des algorithmes qui nous est proposé dans le projet de loi renseignement, c’est de fixer un cadre juridique fort, clair et indiscutable ; un cadre qui limite leur recours par l’État aux cas d’antiterrorisme, qui les rende pleinement effectifs sans pour autant qu’ils soient généralisés dans le droit commun, qu’ils restent cantonnés au domaine de l’exception.

Comme tous les outils de surveillance, les algorithmes deviendraient dangereux s’ils servaient une surveillance de masse liberticide. C’est là la très grande responsabilité du législateur : garantir l’intégralité des libertés individuelles et collectives, tout en donnant à nos services tous les moyens d’empêcher les terroristes de passer à l’action.

Dans les débats sur la lutte anti-terrorisme, comment dépasser l'opposition entre recherche de sécurité et protection des libertés ?

La doctrine française qui prévaut en la matière depuis quelques années me paraît équilibrée. À l’image de ce qui a été fait avec les algorithmes en l’espèce, dans un premier temps, on expérimente dans la loi des dispositifs de contrôle et de surveillance qui pourraient potentiellement attenter à nos libertés, avec un délai d’expiration légal de la démarche.
À l’expiration de ce délai, on repasse devant le parlement pour ajuster le dispositif au regard de nos libertés publiques et à la lumière de l’expérimentation, quitte à totalement y renoncer si la pratique montre qu’il y a une disproportion dans l’atteinte.

À droite en particulier, le lien entre immigration et terrorisme est explicitement posé. Or, un parcours migratoire similaire n'entraîne pas automatiquement un basculement vers la radicalisation.  Au Mouvement Démocrate, n'avons-nous pas le devoir d'éviter les amalgames et les raccourcis, dangereux pour la cohésion de notre société ?

J’appartiens au Mouvement Démocrate car je perçois notre formation comme réaliste et humaniste. Sur cette question, la lucidité nous impose de regarder les chiffres, toutes les statistiques auxquelles j’ai pu avoir accès corroborent les propos de Laurent Nunez, le coordinateur national du renseignement et de la lutte antiterroriste lorsqu’il dit que les 4/5 des auteurs d’attentats récents sur le sol français étaient le fait des ressortissants français. Sur le plan de l’humanisme, l’immigration est un sujet qui touche à la vie et la dignité d’hommes et de femmes, c’est tout simplement écœurant de l’exploiter à des fins de basses instrumentalisations politiques.

Vous avez beaucoup réfléchi et travaillé sur la question des échanges transfrontaliers. Pouvez-vous nous parler de votre proposition pour faire reculer les achats transfrontaliers ? 

La poursuite de l’intégration européenne ne se fera que si l’on s’accorde sur une harmonisation fiscale. Pour démontrer l’importance de cette harmonisation, j’ai choisi de le faire à partir des prix du tabac. Les écarts de prix sur le tabac avec les autres pays européens encouragent les achats transfrontaliers et alimentent tout type d’importations en dehors du réseau légal. Cela met à mal une grande partie de notre politique de santé publique qui vise à éradiquer le tabac chez les jeunes à travers un prix fort du paquet. Accessoirement c’est une perte fiscale pour les finances publiques de 5 à 7 milliards d’euros par an. En clair, cette non-harmonisation annule l’efficacité de notre politique de santé publique contre le tabac, fait disparaître une partie du commerce local et nous fait perdre des recettes fiscales. C’est perdant sur tous les tableaux.

Je souhaite prochainement déposer et faire voter une proposition de résolution européenne par laquelle le Parlement français mettrait la pression à la fois sur le gouvernement et sur la commission européenne pour que des progrès soient constatés dans les futures négociations relatives à la fiscalité minimale commune sur le tabac. Cette harmonisation est la façon que nous avons pour que la stratégie de santé publique fonctionne et pour que les bureaux de tabacs ne disparaissent pas du paysage français.

Dans la lutte contre le terrorisme et les trafics, croyez-vous dans la création d'une sorte de FBI européen ?

Avoir un organe commun type FBI est aujourd’hui proscrit par les traités car cela heurte les règles dont se sont dotés les États membres en termes de souveraineté.

Toutefois, je pense que pour affronter un terrorisme qui se diversifie par ces modes opératoires, c’est une idée nécessaire. Nous avons besoin de donner plus de moyens au renseignement, notamment pour pouvoir repérer les terroristes isolés et pour adapter les services aux nouvelles technologies. Nous devons aussi améliorer la coopération avec nos partenaires et mieux automatiser le partage de données pour contrer les filières qui s’internationalisent toujours plus et qui profitent du manque de suivi entre les services de renseignement. Je crois comprendre qu’un FBI européen poursuivrait ces deux objectifs.

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