Accompagner la fin de vie

Nos sociétés modernes ont tendance à tenir la mort à distance, à occulter ce terme qui nous attend tous. Le corps même des défunts prend moins de place qu'auparavant, où les veillées mortuaires se pratiquaient davantage. Pourtant, tous, nous rencontrons à un moment ou à un autre, l'expérience de la fin de vie d'un proche, qui nous laisse impuissants. Pour ceux qui souffrent, perdent leurs facultés, cette traversée d'une période entre la vie et la mort représente une épreuve : chacun peut, a priori, avoir une idée de ce qu'il pourrait ou non supporter comme dégradation physique et intellectuelle mais l'on entend souvent, aussi, que tel qui pensait préférer la mort à la maladie change d'avis et s'accroche, malgré tout, aux derniers instants qui lui restent.
Sur une question aussi sensible, il est difficile de se prononcer, de savoir même comment l'on réagirait face à l'épreuve. Or, le vote des deux lois présentées à l'Assemblée ainsi qu'au Sénat ne porte pas seulement sur cette décision intime, pour soi : il s'agit de savoir ce que l'on veut pour la société, dans son ensemble. Il en va de la solidarité, au sens organique : ce qui nous tient ensemble.
Historiquement, sur les sujets bioéthiques, les centristes ont toujours voté en conscience, sans discipline de vote stricte. Sur la fin de vie, c'est, là aussi, à chacun de déterminer sa position. Au premier abord, une évolution libérale du cadre juridique sur la fin de vie semble prolonger la dynamique d’émancipation des tutelles religieuses, qui constitue l’un des fils rouges du projet républicain français, et qui doit permettre à chacun de gouverner sa vie selon ses propres valeurs : dans une société qui reconnaît aux individus leur souveraineté sur leur propre existence, au nom de quoi les empêcher d’accéder aux moyens qui leur permettraient d’y mettre un terme au moment et selon les conditions qu’ils souhaitent ?
Pourtant, à y regarder de plus près, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté peut aussi menacer le libre-choix. Ne faut-il pas redouter des demandes d’aide à mourir qui ne soient pas l’expression d’une liberté pleine et entière, mais la manifestation de l’intériorisation d’une nouvelle norme sociale en fonction de laquelle, quand on est âgé, malade, qu’on coûte cher au système de santé, et qu’on pèse sur ses proches, on ne joue pas les prolongations ? La controverse sur l’aide active à mourir suscite des interrogations vertigineuses sur la possibilité de faire coexister, au sein d’une même société, différentes options pour finir sa vie, qui fassent droit à la pluralité des conceptions de la dignité. Le Premier ministre, François Bayrou, a récemment indiqué que, sur le second texte sur l'aide active à mourir, ou euthanasie, en l'état, il s'abstiendrait s'il avait à voter.
La revue France Forum, partenaire du Mouvement Démocrate, avait consacré l'un de ses récents numéros au sujet de la fin de vie, en s'interrogeant particulièrement sur le lien de fraternité, qui doit être préservé. Plusieurs articles sont notamment rédigés par des médecins et des directeurs d'unités de soins palliatifs. D'autres articles proposent une comparaison avec des pays où l'euthanasie est déjà pratiquée, comme la Suisse, la Belgique, le Québec. Face à ces questions, ces inquiétudes, le numéro apporte des éclairages complémentaires, parfois dissonants, qui permettront à chacun, nous l’espérons, de se forger sa propre conviction.
Pour se procurer le numéro 415, "Face à l'incurable : quelle fraternité ?", rendez-vous sur www.franceforum.eu