« La proportionnelle est une obligation démocratique et morale »

François Bayrou

Retrouvez ci-dessous l'entretien que François Bayrou a accordé au journal Le Parisien.

Propos recueillis par Pauline Théveniaud et Marcelo Wesfreid 

Retrouvez également cet entretien sur le site du Parisien.

Vous avez écrit à Emmanuel Macron pour lui demander l'instauration de la proportionnelle aux législatives de 2022. Comment est-il possible de l'adopter avant juin 2021 ?

FRANÇOIS BAYROU. Avant de se demander comment cela est possible, rappelons qu' il s'agit d'une obligation démocratique et morale. Notre démocratie est bloquée, les Français y adhèrent de moins en moins. Des millions d'électeurs ne sont pas représentés au Parlement parce que leur vote va à des partis minoritaires. C'est une injustice inacceptable. Elle fait que les citoyens se détournent des élections. Et après, quand ils ne sont pas d'accord, ils n'ont plus qu'une issue : le blocage, la manif, la paralysie et souvent la violence. Si on avait des décisions prises et respectées, une adhésion des citoyens, une participation convenable, on pourrait dire : Ce n'est pas juste, mais au moins c'est efficace. Or, c'est le contraire. On ne peut pas continuer comme ça. Nous avons donc écrit au Président, avec tous les leaders de tous les courants favorables, d'un bout à l'autre de l'échiquier politique. C'est une démarche sans précédent.

Connaissez-vous sa réponse ?

Il y a une chose dont je suis sûr, c'est que le président de la République prend ce débat au sérieux, depuis longtemps. Par sa fonction, il est le garant des institutions. Il sait que la défense du « pluralisme » et de « l'équité » est garantie par la Constitution.

Certains vous opposent que cela ferait entrer une centaine de députés RN à l'Assemblée…

S'il y a suffisamment de voix pour que ces parlementaires soient élus, c'est qu'il y a des électeurs. Or pour moi, leur voix vaut celle d'un électeur LREM, MoDem, LR, PS, écologiste ou Insoumis. Il n'y a aucune raison qu'on ne les représente pas. Après, il y a la confrontation politique et c'est là qu'il faut porter le combat. Pour moi, je n'y manque pas.

Si elle n'était pas instaurée pour 2022, y verriez-vous une remise en cause de votre pacte avec Emmanuel Macron ?

Je ne me lance pas dans cette bataille pour la perdre. L'expression conjointe de la majorité des courants politiques français, sur un engagement du président de la République, et auquel il réfléchit depuis longtemps, c'est un événement suffisamment rare pour qu'il change la donne. Cette démarche représente, et de loin, une majorité de Français.

Le MoDem propose d'instaurer le vote par correspondance. Regrettez-vous que l'exécutif ne s'empare pas de cette proposition ?

Il y a cent millions d'électeurs américains qui viennent de voter par correspondance! Idem en Allemagne ou en Suisse. Mais en France, il y a une espèce d'inertie générale, au gouvernement et dans l'opposition ! On promet, et puis on dit : « C'est compliqué, ce n'est pas le moment, l'opinion ne s'intéresse pas à ça, on fera ça la prochaine fois »… Et puis, on ne fait rien. C'est désespérant, exaspérant et pour moi inacceptable.

Après quasiment un an de crise sanitaire, le pays est-il à bout ?

Je ne ressens pas les choses comme cela, pas du tout. Le sérieux des Français ne se dément pas, et leur espoir est dans le vaccin. Le président de la République, en essayant d'éviter le confinement, a pris une décision très courageuse. Les gens en ont été heureux. Ils disent : « Il fait ce qu'il peut ». C'est un sentiment très précieux.

Comment expliquez-vous que la France ne soit pas dans la course au développement des vaccins ?

Les laboratoires français, pour l'instant, n'ont pas gagné la course. Mais deux sur les trois laboratoires vainqueurs sont dirigés par des Français expatriés. C'est frappant. Cela fait vingt ans que l'on voit des chercheurs partir, aux Etats-Unis notamment. Cette question de la place de la recherche en France exigera des réponses courageuses.

Quel bilan tirez-vous de vos cinq premiers mois comme Haut-commissaire au Plan ?

La France a absolument besoin de se lancer à la reconquête. Reconquête de son appareil productif, reconquête de la recherche, reconquête de sa vitalité, de sa formation. Quel que soit le domaine que l'on aborde, on retrouve l'idée que la France n'est pas armée comme elle devrait l'être. Plus gravement encore, il y a ce sentiment que la France est déclassée et qu'on n'y peut rien. C'est le résultat de vingt ans de dérives, de fatalisme général. Ce fatalisme, voilà l'ennemi ! Les prochaines échéances électorales doivent permettre de présenter aux Français des décisions courageuses pour que nous retrouvions notre place dans le concert des nations.

Avez-vous déjà identifié des propositions ?

La dette doit aider à reconstruire. Il faut soutenir toutes les forces du pays, des entreprises aux familles, dans la guerre sur le front de l'épidémie. Et il faut un plan de reconquête, un plan Marshall, comme après-guerre. Pour ce plan, il faudra une capacité d'investissement nouvelle de l'Etat. L'accès à l'emprunt sans intérêt est une chance sans précédent. Mais prétendre par facilité qu'on ne la remboursera jamais serait une extrême imprudence. Le Commissariat au plan proposera une approche dès la semaine prochaine.

Mais ce plan Marshall n'existe-t-il pas déjà avec le plan de relance ?

Le plan de relance est précieux. Il soutient les secteurs fragiles de notre pays, il sélectionne des secteurs d'avenir à soutenir. Mais il n'épuise pas le sujet. Il faut maintenant identifier et traiter les causes de nos faiblesses nationales, et s'ingénier à reconquérir des secteurs entiers dont nous avons disparu sans raison ou dans lesquels nous sommes affaiblis.

Souhaitez-vous des accords, aux élections régionales, avec les présidents sortants quand le MoDem gouverne avec eux ?

Quand vous êtes l'un des deux piliers fondateurs de la majorité présidentielle, vous respectez cette alliance et vous faites en sorte que l'on vous respecte dans l'alliance. Je ne briserai pas les solidarités essentielles simplement pour des marchandages.

En Ile-de-France, qui doit être tête de liste ? Jean-Noël Barrot ou Laurent Saint-Martin ?

Ce sont deux jeunes hommes politiques de qualité. Je propose que cette génération écarte les rivalités de personnes.

Le MoDem plaide pour un grand plan intégration, pendant au projet de loi séparatisme. Etes-vous inquiet du retard pris sur ce point par le gouvernement ?

Un plan intégration, aujourd'hui, c'est de l'investissement dans l'humain plutôt que dans le béton. Il faut que chacun où qu'il soit et d'où qu'il vienne trouve l'espoir d'une vraie reconnaissance et d'un avenir : l'entrée dans l'emploi, l'école exigeante, du soutien et de la présence.

La loi 4D, décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification, est menacée. Faut-il l'inscrire au calendrier parlementaire ?

Ce texte qui crée enfin des souplesses dans les relations entre l'État et les collectivités locales, entre l'État et le terrain, on gagnerait à l'examiner sans retard.

Retrouvez également cet entretien sur le site du Parisien.

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