« La crise de la filière Cognac » par Jérôme Sourisseau

Dans notre billet d'humeur du jour, nous donnons la parole à Jérôme Sourisseau, maire de Bourg-Charente et président de l’Agglomération de Grand-Cognac, qui évoque la crise de la filière cognac, véritable poumon de son territoire.
L’aire d’appellation Cognac (AOC) s’étend sur plus de 85 000 hectares, répartis en six crus sur les départements de la Charente, Charente-Maritime, ainsi que quelques communes limitrophes. Le Cognac doit obligatoirement être élaboré sur ce territoire (en dehors c’est alors considéré comme du brandy) et vieilli au minimum deux ans en fûts de chêne.
La filière repose sur 4 500 exploitations viticoles (20 ha en moyenne), 250 maisons de négoce, et un tissu industriel unique autour de Cognac (tonnellerie, verrerie, embouteillage, packaging…). Elle représente 70 000 emplois. Plus de la moitié des entreprises industrielles dépendent du Cognac pour plus de 50 % de leur chiffre d’affaires, et 17 % pour plus de 80 %.
La production de Cognac est non seulement un pilier de l’économie local, mais également un élément intrinsèque du patrimoine culturel national.
LE COGNAC, UN MARCHE INTERNATIONAL
Le Cognac s’exporte à 98% dans 160 pays à travers dans le monde. Les deux marchés principaux sont la Chine (25%) et les Etats Unis (45%).
L’engouement pour le Cognac à travers le monde a permis à la filière d’atteindre des exportations à 200 millions de bouteilles (2019).
CRISE DE LA FILIERE
Le ralentissement des marchés du Cognac observé depuis 2022, produit un effet dès 2023 pour le secteur industriel qui s’accélère et se massifie en 2024. En 2024, seules 165 millions de bouteilles ont été commercialisées, déclin dû à un contexte économique inflationniste et à des tensions commerciales internationales.
La situation des entreprises industrielles du territoire est aujourd’hui très mauvaise. Nombre d’entre eux assistent à un ralentissement des commandes, voire de l’absence totale de commandes. À date, mise en place d’activité partielle, non-remplacement des départs, licenciements économiques, ouvertures de procédures collectives.
Quelques chiffres et données sur le territoire de Grand Cognac (avril 2025) :
- La filière perd plus de 50 millions d’euros par mois
- Forte augmentation des demandeurs d’emploi toutes catégories
- Une baisse de 70% des mission d’intérim à date (année glissante)
- Les dettes sociales ont fortement augmenté en 2024
- Chute des réservations dans l’hôtellerie (tourisme d’affaires en très forte baisse)
- Risque majeur de dévalorisation des stocks de Cognac qui sont passés en quelques mois de 7 à 11 ans.
CAUSES MAJEURES DE LA CRISE
Outre la crise en Ukraine et l’augmentation des coûts de l’énergie, les relations internationales avec les deux marchés principaux se sont dégradées.
Chine (25% des exportations) :
- 4 octobre 2024 : l’UE décide une surtaxe jusqu’à 35 % sur les véhicules électriques chinois.
- En représailles, la Chine augmente immédiatement ses droits de douane sur le Cognac (de 5 % à 10 %) et lance une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin européennes.
- Malgré plusieurs reports obtenus par la diplomatie française, la décision finale est attendue pour le 5 juillet 2025. Surtaxe jusqu’à 36 % est redoutée.
-
Chiffres :
1/ Baisse des exportations vers la Chine de 50 % sur un an (février 2025)
2/ Chute de 72 % des volumes en février 2025 comparé à février 2024
- La région est en attente d’une solution amiable entre la France et la Chine, voulue par les deux Présidents. La date limite pour aboutir est le 5 juillet.
États-Unis (35% des exportations). :
- La politique protectionniste du Président Trump et ses revirements permanents inquiète fortement la filière et ne contribue pas à la stabilité des relations économiques.
- Menace initiale de 200 % de droits de douane sur les eaux-de-vie françaises
- Finalement, application d’une hausse de 10 %, à ce jour seulement
-
Chiffres :
1/ Baisse de 10 % des volumes exportés au 1er trimestre 2025 par rapport au 1er trimestre 2024
2/ Perte de compétitivité face aux brandys américains et sud-américains
- La région espère l’issue la moins défavorable au terme des 90 jours posés par D Trump
Jérôme Sourisseau