Jean-Noël Barrot : « J’appelle tous nos ressortissants, tous nos compatriotes, à ne pas se rendre en Iran »
Ce 8 janvier, Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a répondu aux questions de Nicolas Demorand et Léa Salamé sur France Inter. Ils ont notamment abordé la situation en Syrie, les tensions avec l’Iran, et les enjeux géopolitiques avec les États-Unis.
Syrie : « Un espoir fragile mais réel »
Jean-Noël Barrot est revenu sur son récent déplacement en Syrie, soulignant la complexité d'une transition politique après des années de guerre sous le régime de Bachar Al-Assad.
Lorsque nous avons quitté cette ambassade en Syrie, en mars 2012, le régime criminel de Bachar Al-Assad réprimait la révolution syrienne dans le sang. Aujourd'hui, je lis dans les yeux des Syriens et des Syriennes un nouvel espoir, certes fragile mais réel.
Le ministre a rappelé deux priorités défendues lors de ce déplacement historique : une transition inclusive qui reflète toutes les composantes de la société syrienne, notamment les femmes, et l’exclusion totale du terrorisme islamiste. « La transition politique doit être représentative. Nous avons demandé que le dialogue national inclue des femmes, et cela a été acté, » a-t-il souligné.
Face à cet avenir incertain mais porteur d'espoir, notre vice-président a tenu tout de même à se montrer réaliste si la transition politique espérée n'avait pas lieu en citant par exemple le destin sombre de « la Libye après Kadhafi ou l'Irak après Saddam Hussein » qui sont tombés dans l'instabilité et l'islamisme.
Si la Syrie devait sombrer dans l'instabilité et l'islamisme, alors, ce sont tous les maux dont nous avons été les victimes qui ressurgiraient. C'est le terrorisme, c'est l'insécurité, ce sont les vagues migratoires qui ont eu tant de conséquences.
Il a également mis en avant la nécessité d’une mission internationale pour vérifier l’élimination des armes chimiques utilisée lors des décennies de règne Assad.
Nous avons formulé une demande claire : accueillir une mission de l'organisation internationale qui s'occupe de la destruction des armes chimiques. Cela a été annoncé, et nous veillerons à sa mise en œuvre.
Le ministre a insisté sur l'importance de rendre justice pour les crimes commis, citant notamment la prison de Saidnaya, décrite comme un « véritable camp d’extermination ».
Ces crimes sont une blessure profonde dans l’âme syrienne. [...] Nous accompagnerons les Syriens pour que justice soit rendue.
Iran : « Pas de négociations sans libération de nos otages »
Face à la menace que représente le programme nucléaire et balistique de l’Iran, Jean-Noël Barrot a adopté un ton ferme :
Les activités de déstabilisation de l’Iran, son programme nucléaire et balistique, ne sont pas seulement une menace pour la région, elles touchent directement nos intérêts en Europe.
Il a rappelé que ces programmes permettent à l’Iran de « porter atteinte à nos intérêts en France et en Europe » et a insisté sur la nécessité d’une « négociation par la force » pour obtenir des résultats concrets.
Évoquant la détention d'otages Français en Iran, notamment Cécile Kohler, le ministre a dénoncé des conditions « inadmissibles et indignes, qui peuvent être qualifiées en droit international de torture ». Il a ajouté :
Il n'y aura pas de négociations avec l'Iran tant que le sort de nos otages n'aura pas été traité.
Jean-Noël Barrot a également lancé un appel clair à ses concitoyens : « J’appelle tous nos ressortissants, tous nos compatriotes, les Françaises et Français, à ne pas se rendre en Iran tant que nous n’aurons pas avancé sur cette question des otages. »
États-Unis : « Affirmons nos principes et nos valeurs »
Interrogé sur le rôle des États-Unis dans un monde marqué par le retour de la « loi du plus fort », Jean-Noël Barrot a salué l’importance de l’Union européenne comme acteur géopolitique.
La nature profonde des États-Unis n’est pas impérialiste. Mais nous vivons une époque où la force prime souvent sur le droit. Face à cela, l’Europe doit se renforcer.
Le ministre a insisté sur le rôle de l’Europe dans la protection de ses frontières et de ses valeurs en affirmant un principe simple après les menace du futur président des États-Unis d'envahir le Groenland, territoire danois : « il n’est évidemment pas question que l’Union Européenne laisse d’autres nations, à commencer par la Russie, s’en prendre à ses frontières souveraines ».
Abordant les ingérences étrangères via les réseaux sociaux perpétrées notamment par le patron du réseau X et proche de Donald Trump, Elon Musk, Jean-Noël Barrot a appelé la Commission européenne à appliquer strictement les nouvelles régulations instaurées par la France lors de sa présidence de l'Union.
Si la Commission européenne ne sait pas nous protéger contre ces ingérences ou ces menaces d'ingérence, alors il faut qu'elle rende aux États membres, il faut qu'elle rende à la France la capacité de se protéger elle-même.
En conclusion, le ministre a exprimé son indignation face à la détention de l’écrivain Boualem Sansal en Algérie : « je suis consterné par sa détention et par le rejet par la Cour d'appel d'Alger de sa demande de remise en liberté, » a-t-il affirmé, rappelant que la France reste ouverte au dialogue malgré les messages d'hostilité des autorités algériennes.
En 2022, les deux présidents, Français et Algériens, ont signé une feuille de route qui projetait notre relation vers l'avenir. Mais pour tenir une feuille de route, il faut être deux. Je suis évidemment à disposition des autorités algériennes pour avoir un dialogue franc sur le sujet, mais encore faut-il qu'elles le veuillent.