François Bayrou : « C’est une légitimité nouvelle donnée à la décentralisation »
Retrouvez la conférence de presse du Premier ministre, François Bayrou, à Chartres le 8 juillet 2025 sur la refondation de l’action publique en renforçant les moyens et marges de manœuvre du préfet pour permettre à l’administration d’agir au plus proche des territoires et répondre aux attentes des citoyens.
Seul le prononcé fait foi.
François BAYROU
… très importante pour nous, qui était fixée il y a une semaine mais qui n'a pas pu avoir lieu en raison de la canicule et du fait qu'un grand nombre de départements étaient en vigilance rouge, ce qui a imposé au préfet d'être sur place. Et donc nous avons organisé cette réunion de préfets pour annoncer la réorganisation, la refondation de l'État dans sa dimension locale. Cette dimension locale va être très renforcée. Je pense que c'est une réforme essentielle. Cette réforme traînait depuis des décennies, plus d'une décennie en tout cas, et nous avons pu la réaliser en quelques mois, peut-être même en quelques semaines.
En quoi consiste cette réforme ? Vous savez qu'il y a depuis presque 20 ans, de très nombreux intervenants au nom de l'État : des agences, des opérateurs, des services qui dépendent de l'État. Mais tout cela était très divers, assez souvent disparate, illisible pour les citoyens et même pour les élus, et donc inefficace ou trop inefficace, et qu'il y avait une très grande insatisfaction en face de ces organisations.
Nous avons donc choisi un principe d'unité, les préfets de département ayant désormais la responsabilité de coordonner, de fédérer, de faire travailler ensemble tous ceux qui agissent au nom de l'État, et nous leur avons donné les moyens pour cela. Les moyens, ce sont d'abord les moyens de l'autorité : ils seront les représentants du Gouvernement et de chacun des membres du Gouvernement, et les responsables de chacune des actions publiques au nom de l'État, qui seront regroupés autour d'eux, et qui devront se coordonner autour du préfet de département.
Deuxièmement, les préfets de département auront le pouvoir d'intervenir dans tous les dossiers qui dépendent de l'action de l'État. Par exemple, on leur soumettra toutes les décisions, ils en seront informés, et s'il y a une décision qui ne leur paraît ne pas aller dans le sens de l'intérêt général, ils auront le pouvoir de demander qu'on la réexamine. Et qu'avec eux, on définisse les raisons, on précise les raisons qui font que cette décision a été prise. Ils auront un certain nombre de moyens de l'autorité, soit en participant à la désignation, soit en participant à l'évaluation des responsables de l'action de l'État, chacun dans son domaine de compétence, naturellement. L'Éducation nationale a son domaine de compétence, la Santé a son domaine de compétence, les Finances publiques ont leur domaine de compétence, le Travail a son domaine de compétence, mais tous seront coordonnés par le préfet qui est le représentant de l'État et que tout le monde connaît, et que les élus connaissent. C'est à nos yeux une dimension nouvelle ou une légitimité nouvelle donnée à la décentralisation, parce que les élus auront un interlocuteur. Au lieu d'être obligé de se débrouiller tout seul en allant voir des représentants d'agences, d'administrations, ils auront un interlocuteur qui leur permettra de se faire entendre.
C'est très important aussi parce que comme vous le savez, nous sommes dans un temps dans lequel les questions de finances publiques vont être très importantes. Nous sommes entrés sur ce sujet dans une semaine qui va être critique, qui est décisive et très exigeante. Et c'est un moyen de rendre la dépense publique plus efficace, plus cohérente. Parce que nous aurons moins d'argent public, quels que soient les gouvernements qui viendront. On ne peut pas faire semblant d'ignorer ce qui est en train de se passer et qui nous menace tous : État, collectivité locale, association, entreprise et famille. Les cinq responsables ou acteurs de notre vie nationale sont tous soumis à cette contrainte qui est pour beaucoup une menace, en tout cas qui est une menace pour notre pays tout entier. Ce qui est en train de se passer (vous êtes tous familiers de l'observation des marchés financiers), ce qui est en train de se passer est impressionnant.
Et donc, cette nouvelle organisation, cette réorganisation de l'action publique, de l'action de l'État en liaison avec les collectivités locales et les citoyens, cette nouvelle organisation, c'est aussi une manière de rendre plus efficace la dépense publique, plus efficace l'utilisation de l'argent. Il y en aura moins et on peut faire plus. On doit faire plus si on se coordonne moins, si on a des axes, si on sait quelles sont les priorités et si on peut coordonner tous ces acteurs qui d'habitude agissent indépendamment les uns des autres.
Et puis, on va augmenter un certain nombre de responsabilités des préfets : par exemple, le fait que quand il y a des normes stupides, ou qui ne correspondent pas à la vie du terrain, on peut déroger à ces normes. Pour ça aussi, il faudra que les préfets soient protégés dans l'exercice de cette liberté.
Ils auront le pouvoir de réorienter un certain nombre de dépenses : par exemple, de personnels qui appartiennent à telle ou telle agence et que pour nombre d'entre eux, ils pourront replacer dans d'autres actions de l'État. Et tout cela dans tous les domaines que nous avons évoqués, l'action publique, la santé, l'éducation, les finances publiques, la responsabilité locale, l'administration.
Tout cela va être de nouveau réuni sous la même volonté et avec les mêmes priorités. C'est une décision qui était attendue depuis très longtemps. Elle était depuis plus d'une décennie dans les tiroirs, les cartons et on n'arrivait pas à la faire sortir. Et comme je le disais, on est très heureux avec les ministres qui m'entourent d'avoir pu faire que cette décision soit désormais réalisée. Elle sera soumise au conseil des ministres la dernière semaine de juillet et elle donnera lieu à des dispositions réglementaires. Le précédent décret datait de 2004, il y a donc plus de 20 ans. Et il y aura aussi des dispositions législatives si besoin qui seront examinées par le Parlement à la rentrée.
Voilà rapidement les lignes directrices de la réunion que nous avons faite ce matin chez Jean MOULIN. Et comme je le disais tout à l'heure à la réunion, moi qui suis à l'affût des signes qui veulent dire quelque chose de mystérieux, ce n'était pas prévu qu'on vienne aujourd'hui et cependant la mort de Jean MOULIN, torturé, au bout de sa souffrance dans un train à proximité de Metz à destination de l'Allemagne, c'était le 8 juillet 1943, c'est-à-dire il y a exactement jour pour jour 82 ans.