François Bayrou : "Toute main tendue est bonne à prendre, toute main tendue doit être considérée."

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Thomas Sotto ce mercredi 29 mars à 7h40 sur France 2 dans Les 4V. Revoir son entretien.

Notre Président est revenu sur la réforme des retraites, appelant à la reprise du dialogue entre l'exécutif et les syndicats après la proposition de Laurent Berger.

Bonjour et bienvenue dans les 4V François Bayrou. Au lendemain d'une 10ᵉ journée de mobilisation contre la réforme des retraites. On connaît déjà la date de la prochaine. Ce sera dans huit jours, le jeudi 6 avril, et on se demande toujours comment on va en sortir. Hier matin, Laurent Berger a demandé la nomination d'un ou plusieurs médiateurs. Hier 12h, le président et le gouvernement ont répondu : Non, il n'en est pas question.

Est-ce qu'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne se trompent en rejetant cette idée de médiation ?

Ça dépend ce que médiation veut dire. Si l’idée était ou devait être de retirer le texte pour entrer dans une médiation, ça, ce n'est pas possible. Le texte est devant le Conseil constitutionnel et c'est dans les quinze jours qui viennent ou 20 jours qui viennent que le Conseil constitutionnel va dire si le texte est constitutionnel ou pas. Il me semble qu'il l'est.

Est-ce qu'il vous arrive de souhaiter qu'il ne le soit pas pour sortir de cette crise ?

Non, je pense que tous les exemples que nous avons connus dans l'histoire récente, dans les 20 dernières années de pouvoir exécutif, qui ont retiré le texte ou ne les ont pas appliquées. Ces exemples n’ont jamais été favorables par la suite.

Donc vous dites qu'ils ne vont pas reculer ? Il ne faut pas céder.

Je dis toutes main tendue est bonne à prendre, toute main tendue doit être considérée et on doit tous ensemble, c'est ce qu'ont fait d'ailleurs les députés de notre groupe hier matin, on doit tous ensemble dire on est prêt à discuter, à examiner le très grand nombre de points qui restent à examiner.

Vous savez que le sujet qui fâche, c'est est-ce qu'on parle oui ou non des 64 ans ? Elisabeth Borne a dit : Je vais voir l'intersyndicale la semaine prochaine, mais elle ne veut pas parler de ce sujet-là. Est-ce que c'est une erreur ?

Le 64 ans est dans le texte. Je vous rappelle en même temps ce que le gouvernement a dit : Personne ne travaillera plus, devra travailler plus de 43 ans pour avoir l'intégralité de ses droits à la retraite. Et donc vous voyez que les positions ne sont pas tellement éloignées en vérité. 

Est-ce qu’il y a un problème de méthode François Bayrou ?

Peut-être, mais il y a un point qui est absolument certain dont on n'a pas mesuré la gravité ou dont on n'a pas su, le gouvernement n'a pas su, aucun des intervenants n'a su mesurer la gravité, la situation dans laquelle nous sommes est insupportable, immorale, scandaleuse. C'est quoi cette situation ? On paie les pensions avec de la dette tous les ans, une partie très importante des pensions de retraites peut-être 20 % des pensions de retraites, 25 %. On peut, on peut regarder les chiffres de près. Ces pensions sont payées par l'État qui emprunte sur les marchés internationaux.

C’était un de vos axes de campagne de 2007.

Et bien vous voyez que j'avais raison. Alors ce n'est pas agréable d'avoir eu raison et de ne pas avoir pu faire entendre raison. Mais cette situation-là, il ne devrait pas y avoir un responsable, ni politique ni syndical qui s'en accommode, qui l'accepte. Et je sais que dans leur for intérieur et même dans les discussions intimes et privées qu'ils peuvent avoir, beaucoup de dirigeants syndicaux disent que, en effet, ce n'est pas acceptable.

Vous avez raison. Quand on regarde la situation à long terme et dans son ensemble. Dans la situation de crise du moment, comment on en sort ? Est-ce que vous êtes favorable à un référendum ?

Je pense que c'était une méthode le référendum. Vous savez que je l'ai défendu puisque vous avez rappelé mes campagnes présidentielles. J'ai défendu longtemps l'idée qu'on fasse le meilleur texte possible et qu'on le soumettre à référendum. Et je pense que c'était une méthode, mais aujourd'hui, tout cela a été engagé, acté et venu dans l'Assemblée nationale dans les conditions que vous savez, devant le Sénat, dans les conditions que vous savez, avec des manifestations très nombreuses. On ne peut pas changer de ligne à ce point. Je crois qu'on peut discuter et qu'il y a matière à discuter. Et si vous écoutez attentivement au fond, ce que ce que Laurent Berger a dit, ce qu'il a dit, c'est qu'il y avait matière à discuter. Peut-être une phrase sur les manifestations. Rarement on a eu des manifestations aussi nombreuses et responsables en même temps.

Je pense que tout le monde mesure que lorsqu'il y a un sentiment d'incompréhension, il faut qu'il puisse s'exprimer dans la rue. C'est ça une démocratie. Pour le reste, sur le fond, toute décision ou toute orientation qui reviendrait à remettre en cause la nécessité, je ne dis même pas politique, la nécessité morale, élémentaire de rééquilibrer notre système de retraite. Cette nécessité, elle doit être respectée par tous les responsables et c'est le travail de l'exécutif aussi.

Voici ce que vous vous disiez au Figaro en 2006 : nous sommes dans une République désordonnée, On ne sait plus qui fait quoi. Il faut enlever l’écharde, qui est dans l'abcès. Est-ce que ces mots ne sont pas parfaitement transposables à la réforme actuelle de 2023 ?

Je ne crois pas, moi je pense qu'aujourd'hui on sait qui fait quoi. Je pense qu'en 86, vous vous souvenez, il y avait du désordre qui était très considérable. Des manifestations violentes, qui paraissaient échapper au contrôle. Mais le CPE, ce n'était pas tout à fait la même chose. C'était une adaptation du droit du travail pour les jeunes qui entraient au travail. Ça n'était pas la tentative de remettre en équilibre un système de retraites qui plombe tous les ans les plus jeunes du pays, ceux qui vont devoir payer, dont personne ne parle. Il y a même des gens qui les embauche pour manifester.

Il paraît que le chef de l'État a trouvé stupide l'annonce d'Elisabeth Bonte selon laquelle elle ne se servirait plus du 49.3, précisant que ça n'engage qu'elle. Guillaume Daret nous disait que le climat délétère au gouvernement, un ministre lui a dit : Je ne suis pas sûr que ce gouvernement passe l'été. Est-ce qu'il y a un problème avec Elisabeth Borne ?

Non, Le. Le 49.3, je sais qu'on l'a laissé diabolisé, que même parfois, les déclarations multiples et variées ont paru le diaboliser. Le 49.3, qui a été établi par des gens très responsables autour du général de Gaulle et juste avant, avec des hommes comme Pierre Mendès France ou Pierre Pflimlin, ce 49.3, c'est une pierre, c'est une précaution de la Cinquième.

Est-ce qu'il faut que nos gouvernement ?

L'idée qu'on focaliserait sur une personne, les difficultés que nous rencontrons, serait une idée beaucoup trop facile. La politique de boucs émissaires, ce n'est pas du tout ce qu'il faut.

On a tous des responsabilités. Est-ce que le gouvernement en a ? Oui. Est-ce que la majorité en a ? Oui. Est-ce que l'opposition en a oui puisqu'elle refuse de regarder la situation comme elle est. Elle dissimule ou elle accepte que soient dissimulées les réalités que nous allons payer et singulièrement que les plus jeunes vont payer. Donc tout le monde a des responsabilités.

Est-ce qu’on aurait pu trouver une autre méthode ? Oui, il l'a dit lui-même à votre micro. Il a dit lui-même que bon, sans doute, on aurait pu faire mieux et autrement.

Il y a quelques jours, Le Gorafi, qui est pourtant un site satirique, a tweeté ceci s'agissant du chef de l'Etat, je vous ai compris, mais je fais ce que je veux. S'agissant d'Emmanuel Macron, est-ce que l'obstination peut être raison ? Est ce qu'il s'enferme ?

Je ne crois pas. J'ai souvent l'occasion de parler avec lui de la situation.

Il vous écoute ?

Il m’entend du moins. C'est une autre affaire. Quand vous êtes président de la République, il y a une part de solitude dans la responsabilité qui est la vôtre. Mais je sais à quel point il est attentif à tous ces signes dont nous parlons et notamment attentif aux mains qui pourraient se tendre.

Et on dit on dit qu'il vous agacerait parce qu'il ne serait pas suffisamment attentif, justement ?

Ce n’est pas vrai, ce n’est pas. Les gens adorent écrire des romans, s'ils pouvaient faire une intrigue à la West Wing. Et ils adorent ça. C'est absolument faux.

Qu'est-ce qu'il doit faire pour réconcilier? Sa promesse en 2017 ? Pour le coup, je veux réconcilier les Français.

Sa promesse en 2017 et en 2022 était la même. On va affronter les problèmes qui se posent dans notre pays et pas pousser la poussière sous le tapis. Comme très souvent, les événements ont conduit les dirigeants à le faire et en même temps, ça ne peut se faire que si on réconcilie et si on met autour de la table, et il faudra bien que se mette autour de la table une table officielle à la fin, une table discrète, avant que des échanges. Il faut bien qu'on sorte de l'affrontement dans lequel, vous croyez qu'on peut vivre dans un pays dans lequel le tissu est déchiré au point que… ?

Et justement, pourquoi ne pas accepter la proposition Laurent Berger de mettre tout ça sur pause, de se mettre autour d'une table et se dire on remet tout sur la table parce qu'on ne peut pas dire qu'on ne réforme plus les retraites.

Mais on ne peut pas partir du moment où un texte a été adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat dans le cadre des institutions que le Conseil constitutionnel va vérifier, il serait, vous voyez bien, une remise en cause profonde. Ça voudrait dire que l'avenir, aucun texte difficile ne pourrait être adopté sans que, même adopté, on le remette en cause. Vous voyez bien les signes que ça porterait.

Mais ce que vous dites ce matin, François Bayrou, c'est qu'il faut tracer. Il faut continuer. Il ne faut pas reculer sur la réforme, il ne faut pas reculer sur les 64 ans et il faudra se parler après. 

Après et pendant. Nous sommes dans une période un peu d'attente. Vous dites sur pause, la pause qui est produite par l'effet du Conseil Constitution peut être mise à profit. Je suis d'ailleurs absolument sûr qu'il y a des échanges et heureusement, ce n'est pas des échanges publics, ce sont des échanges personnels, privés et il est bon qu'il en soit ainsi.

J'ai une dernière question François Bayrou. Pendant ce temps, le conseil d'administration de Total Énergie a décidé d'augmenter de 23 % la rémunération de son patron, Patrick Pouyanné, à 7 300 000 € pour 2022. Ça lui fait 1,4 million de plus d'augmentation sur un an et la hausse prévue pour 2023 est déjà de 10 %. Ça vous inspire quoi ? C'est normal, c'est bien, c'est trop, c'est mérité, c'est indécent ? 

C'est une discussion que vous avez sur votre plateau chaque fois qu'on aborde la question du salaire des sportifs, qui sont beaucoup plus importants encore pour certains que ce qu'on voit là pour le responsable de cette grande entreprise qu'on aborde, le problème des salaires du showbiz.

Ce n'est pas le monde dont je rêverais, ce n'est pas le monde idéal dans mon esprit qui serait un monde beaucoup plus équilibré. Mais c'est comme ça que fonctionne le monde de l'économie. Donc, vos journalistes économiques qui sont là, et il se trouve qu'en plus cette entreprise-là, c'est une entreprise qui a une très grande partie de ses activités à Pau et que je sais ce qu'ils apportent au pays.

Et si ce n'était pas Total, ce serait qui ? Ça serait Exxon ? Ça serait des entreprises étrangères qui viendraient en France commercialisées. Et on se plaindrait que constamment, la valeur ajoutée du pays, elle, part à l'extérieur. Et donc encore une fois, ce n'est pas le monde idéal. Je suis persuadé qu'on peut aller vers un monde plus équilibré. Pour autant, je n’ai pas envie de pleurer. C'est difficile parce que vous voyez bien à quel point il serait simple de dire mesdames et messieurs, ceci est inacceptable. Mais je dis que ces entreprises-là, ces grandes entreprises, on en a quelques-unes. Heureusement, en France, elles font partie du patrimoine du pays. On aimerait que le monde qui se construit soit un peu plus équilibré que tout ça.

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