François Bayrou : « Seul un mouvement unitaire et large pourra rassembler »

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(© François Bouchon/Le Figaro/2019)

Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par François Bayrou au journal Le Figaro.

Par Tristan Quinault-Maupoil et Loris Boichot

LE FIGARO. - À huit mois de l’élection présidentielle, les fractures françaises apparaissent plus que jamais au grand jour. La promesse de rassemblement du président n’est-elle pas mise en échec ?

François BAYROU. - «Gilets jaunes», antivax, anti-passe, c’est le surgissement de nouvelles fractures. Il y a cinq ans, vous m’auriez interrogé sur les banlieues, sur l’islam, sur les «nouveaux pauvres». Aujourd’hui, c’est plus profond encore: une partie de la société française, au cœur de notre pays, intégrée et assez homogène, s’installe soudainement en sécession culturelle. Ces manifestations se dressent contre tous les pouvoirs en mettant en cause toutes les légitimités, refusant les injonctions des politiques, des journalistes, des scientifiques: «Qui êtes-vous pour me dire ce qu’il faut que je fasse?» À ce titre, les disputes médiatiques des médecins ont été destructrices. La vraie question est: comment reconstruire en France un socle commun de légitimité démocratique, culturelle, scientifique?

Le président a fait jeudi de nouvelles annonces pour sortir Marseille de l’impasse. Tandis que Gérald Darmanin s’est lancé dans une guerre contre la drogue, Gérard Collomb estime qu’il aurait été préférable de se saisir du plan Borloo, en 2018…

Le problème de la drogue, ce n’est pas dû à l’état des banlieues. Les rénovations de bâtiments, les programmes de l’Anru, ce sont de très gros investissements… Et le dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire a été pour les quartiers un autre type de réponse. Le problème est dans la déstructuration de la société, dans l’augmentation de la demande de consommation. Et dans les flux économiques que crée le trafic et dont vivent certains milieux, eux aussi en rupture, pour qui la violence est quotidienne, qui n’entendent plus la loi et se rendent maîtres du terrain.

Jean-Michel Blanquer entame sa cinquième rentrée des classes, en mettant l’accent sur la laïcité. La campagne commencée est-elle bienvenue ?

C’est une rentrée marquée d’abord par l’épidémie de Covid-19 et les difficultés pédagogiques qu’elle entraîne. Il y a aussi le souci que l’état préoccupant de l’Éducation nationale provoque chez beaucoup de familles. Tous les résultats internationaux décrivent le même constat d’échec. Jean-Michel Blanquer à juste titre est entré dans ce ministère avec cette préoccupation. Quant à la laïcité, sur laquelle j’ai eu à prendre des décisions majeures - par exemple en interdisant le voile à l’école -, elle doit être un respect, une compréhension, une séparation de la loi et de la foi. Pas une obsession qui tournerait à l’affrontement.

Le Parlement débattra en octobre de l’extension du controversé passe sanitaire au-delà du 15 novembre. Y êtes-vous favorable, alors que l’épidémie décroît dans l’Hexagone ?

Pour abandonner le passe sanitaire, il faudrait que l’épidémie soit vaincue et la vaccination générale. Ce n’est pas le cas. Or ma hantise, c’est qu’apparaisse une nouvelle mutation du virus qui, par exemple, tuerait les enfants. Personne n’accepterait que les bébés meurent, nos sociétés exploseraient. Pour conjurer ce danger extrême, l’urgence, c’est de faire baisser le risque de mutations incontrôlables du virus en ralentissant sa transmission.

Pour permettre la réélection du chef de l’État, faut-il réorganiser la majorité ?

Aujourd’hui, toutes les forces politiques françaises explosent, à l’exception du courant central. On voit partout des compétitions délétères et on doute parfois du sérieux des candidatures… Face à cette explosion généralisée, il n’y a qu’une réponse: les forces de ce grand courant central doivent se souder. La maladie infantile de la politique, c’est la division.

Que proposez-vous ?

Il faut faire un pas décisif vers l’unité. C’est d’autant plus nécessaire qu’entre ces organisations qui soutiennent le président de la République, en particulier LREM et le MoDem, il n’y a pas de divergence idéologique. Il y a seulement une histoire différente. Je pense que nous devons inventer un modèle nouveau, coopératif: chacun vient avec ce qu’il est et avec ce qu’il a, les sensibilités sont préservées, mais personne ne craint d’afficher son appartenance au même ensemble. Car aucune des organisations, seule, ne pourra entraîner les Français. Seul un mouvement unitaire et large, à vocation populaire, pourra rassembler, accueillir, et nous permettre de nous enraciner. Nous en avons un besoin urgent, pas pour une élection mais pour une ou plusieurs générations.

Est-ce à dire que vous ralliez finalement l’idée d’un grand parti démocrate, imaginé par certains Marcheurs ?

Je crois bien que l’expression «grand parti démocrate à la française», est de moi… depuis au moins 2007! Je vous rappelle aussi que je préside le Parti démocrate européen. C’est dire combien j’y suis favorable. Mais je n’ai jamais été pour une unification qui efface les identités. Il faut donc bâtir ensemble ce grand mouvement politique central. Une structure simple, populaire, à laquelle les Français pourront adhérer sans avoir à se demander à quelle chapelle ils devront appartenir. Et les sensibilités s’organiseront après, en évitant soigneusement les ferments de division.

Cela se traduirait par la création d’un groupe parlementaire commun ?

Je n’en suis pas partisan. Par expérience, je sais qu’il est extrêmement difficile de faire vivre un groupe parlementaire trop nombreux. Plusieurs centaines de parlementaires dans le même groupe, en fait, c’est invivable. Les députés n’y trouvent pas leur place. L’idéal, c’est 80 ou 100 députés. Il n’y a donc pas d’inconvénients à avoir un pluralisme d’expression parlementaire au sein d’un large mouvement. Pourvu que ces groupes soient liés, qu’ils ne soient pas groupusculaires et ne se combattent pas entre eux.

L’aile droite de la majorité est-elle devenue la locomotive d’Emmanuel Macron en vue de la présidentielle ?

J’entends assez souvent agiter cet épouvantail d’une OPA de la droite sur la majorité. À d’autres moments, c’est de la gauche. Comme si on voulait à tout prix réinventer la bipolarisation par ailleurs effondrée. Pour moi ce risque n’existe pas. L’identité même du rassemblement qui s’est formé autour d’Emmanuel Macron, c’est de refuser la bipolarisation, c’est le dépassement de ces notions. Et la seule locomotive de la campagne sera notre candidat. C’est de son lien avec les Français que tout part. Je suis donc heureux de voir se multiplier les initiatives de soutien, mais à condition que ce soit pour soutenir le candidat et pas pour se promouvoir soi-même. Toute tentative forcenée d’autopromotion serait nulle et nuisible.

Quels seront les apports de vos travaux de haut-commissaire au Plan dans le projet du président sortant pour 2022 ?

Trente ans, c’est le bon horizon pour concevoir une politique. Nos travaux l’ont montré sur l’énergie, sur la démographie, sur la dette. Si on ne pense pas le monde à cet horizon de temps, avec ses chocs de civilisations et les mutations climatiques majeures, alors on ira vers un monde cauchemardesque. Les décisions pour dans trente ans, on doit les prendre aujourd’hui. Par exemple, si nous voulons respecter nos engagements de diminution des gaz à effet de serre, alors des décisions sur le nucléaire doivent être prises dans les deux ans.

Retrouvez également cet entretien sur le site du Figaro.

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